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LES MODALITES DE LA CROISSANCE DES SERVICES AU JAPON

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LES MODALITES DE LA CROISSANCE DES SERVICES AU JAPON

P. PETIT

N° 9417

Communication au séminaire franco-japonais

"Mode de régulation au Japon et relations internationales:

de l'histoire longue aux transformations récentes".

CEPREMAP-Paris Octobre 1993

1 CNRS\CEPREMAP - 142 rue du Chevaleret - Paris 75013.

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P. PETIT

RESUME

Le Japon est devenu une économie tertiaire où les activités de services représentent près des deux tiers de l'emploi et de la valeur ajoutée comme dans les autres pays développés. Cette tertiarisation n'est pas synonyme d'uniformisation. Le Japon possède dans ce domaine comme dans celui des activités industrielles certaines spécificités. Cet article cherche à identifier ce que l'on pourrait appeler un modèle de tertiarisation japonais, distinct de celui que l'on peut observer aux Etats-Unis ou en Europe. Dans une première étape on rappelle l'ampleur et les grands temps du mouvement de tertiarisation au Japon. Dans une seconde étape on apprécie au niveau de la branche la façon dont ont évolué dans chaque branche lors des deux dernières décennies les produits par tête. La troisième partie essaye de lier ces mutations aux évolutions correspondantes des rémunérations de facteurs pour caractériser le modèle japonais. On avance enfin pour conclure quelques schémas de croissance tertiaire pour rendre compte de certaines modalités de l'expansion des activités de services au Japon dans les années 70-80.

Mots clés : Japon - croissance - services

ABSTRACT

THE TYPE OF GROWTH OF SERVICE ACTIVITIES ECONOMY

..

Japan has become a tertiary economy where services account for two thirds of employment and value added as in every developed economy. This does not mean uniformization. Japan has in this field as in industrial activities its own characteristics. This paper tries to identify what could be called a Japanese way of service expansion, which differs from what can be observed in the US or in Europe.

In a first section we recall the magnitude and time phases of the expansion of services in Japan. In a second section we appreciate at the level of the branch how sectoral adjustments have taken place as measured by shifts in current value added per head. The third part tries to tie these changes with those observed in profit and wage rates.

W e end with some conclusions identifying the case of Japan among various patterns of tertiary growth.

KEY-WORD : Japan - growth - services JEL : L80, 041

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Introduction.

Le Japon est devenu une économie tertiaire où les activités de services représentent prés des deux tiers de l'emploi et de la valeur ajoutée comme dans les autres pays développés. Cette tertiarisation n'est pas synonyme d'uniformisation. Le Japon possède dans ce domaine comme dans celui des activités industrielles certaines spécificités. Cet article cherche à identifier ce que l'on pourrait appeler un modèle de tertiarisation japonais, distinct de celui que l'on peut observer aux Etats-Unis ou en Europe.

Le schéma auquel nous aboutirons s'articule finalement autour de deux caractéristiques bien connues de l'économie japonaise: la grande disparité des évolutions industrielles d'une part, la relative homogénéité de la société japonaise d'autre part.

La disparité des évolutions sectorielles est clairement illustrée par le contraste entre l'avance de certaines industries japonaises (comme les industries mécaniques, électroniques) et les retards d'autres branches(textile, industries agro-alimentaires, .. ) que soulignent nettement les comparaisons internationales de niveaux de productivité par branche les plus récentes (Dollar, Wolff (1988); Van Ark, Pilat (1993)). On peut s'attendre à trouver une même disparité entre activités de services. Certains secteurs de services aux ménages et du commerce conservent de fait dans la dernière décennie des archaïsmes patents.

Quant à l'unité de la société japonaise elle est souvent perçue à travers la structure relativement égalitaire de la répartition de ses revenus (Sawyer 1987, Bauer Mason 1992).

Il ne semble pas que la tertiarisation ait eu pour effet de renverser cette caractéristique.

Cette combinaison d'un dualisme sectoriel et d'une certaine unité sociale est assez particulière ; cela étant, l'analyse que l'on peut faire de la stabilité et des avantages de cette combinaison n'est pas pour autant évidente. L'archaïsme de certains secteurs peut être le pendant de la réussite d'autres activités et la permanence de distributions de revenu plus égalitaires n'exclut pas l'existence de fortes tensions sociales.

Peu déterministe le schéma de croissance tertiaire que nous esquisserons permettra surtout de poser toute une série de questions sur l'avenir de l'économie japonaise. Dans une première étape on rappellera l'ampleur et les grands temps du mouvement de tertiarisation au Japon. Dans une seconde étape on appréciera au niveau de la branche les modalités des ajustements sectoriels lors des deux dernières décennies à travers les mouvements des produits par tête. La troisième partie essayera de lier ces mutations aux évolutions

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correspondantes des rémunérations de facteurs. On avancera enfin pour conclure quelques schémas de croissance tertiaire pour rendre compte de certaines modalités de l'expansion des activités de services au Japon dans les années 70-80.

1- Un mouvement de tertiarisation général et de long terme qui n'exclut pas certaines différenciations nationales

Si l'on regarde l'évolution de la structure de l'emploi et de la valeur ajoutée par grands secteurs sur plus d'un siècle les pays actuellement développés présentent des caractéristiques de tertiarisation communes. La croissance de l'emploi tertiaire en est la plus manifeste. Le déclin de la part des activités agricoles s'est accompagné jusqu'au milieu des années 70 de la croissance des parts d'emploi des secteurs industriels et tertiaires (cf Maddison 1991). La montée de l'emploi tertiaire s'est poursuivie durant ces deux dernières décennies tandis que l'emploi industriel a plutôt eu tendance à décliner. Ce mouvement continue de tertiarisation des économies développées a conduit à la fin des années 80 les services à représenter prés des deux tiers de l'emploi. En regard l'évolution de la part de la valeur ajoutée dégagée dans ces activités a suivi une évolution beaucoup moins monotone.

Kuznets (1966) dans son étude comparative des schémas de croissance de la fin du 19ème siècle à la seconde guerre mondiale considère la stabilité ou le déclin de la part de la valeur ajoutée dans les services comme une loi commune. Cette tendance s'inversa dans la période de croissance forte des années 50-70, ramenant les produits par tête (en prix courants) à une valeur plus proche du PIB par tête. La montée de la part du produit tertiaire (en prix courants) s'accompagne donc d'amples fluctuations, sans doute liées à la façon dont les économies adaptent leurs structures dans des périodes de croissance lente ou rapide.

Le Japon n'a suivi ce mouvement de tertiarisation qu'assez tardivement au regard de ce que l'on observe aux Etats-Unis et en Europe, retard surtout manifeste pour ce qui est de la part de la valeur ajoutée dans le secteur tertiaire (cf tableau I)2. Les succès de l'industrie japonaise et le rythme de croissance encore soutenu de l'ensemble de l'économie dans les

2 Selon Maddison (1987) la part de l'emploi dans les services était au Japon en 1950 encore beaucoup plus faible qu'en Europe (29% de l'emploi versus 36,7% en France, 34,8% en Allemagne et 48,4% au Royaume- Uni. C'est donc au cours des années 50 , lors de la mise en place des structures de production du Japon moderne (rapport salarial, formes de concurrence) que la part de l'emploi dans les services a rejoint les niveaux européens.

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années 80 n'ont pas empêché une évolution "tertiaire" rapide des structures de production (accompagnée ici aussi par un déclin de la part de l'emploi industriel dès le milieu des années 703).

Le mouvement de tertiarisation observé au Japon n'est pas pour autant une réplique des évolutions constatées en Europe et aux Etats-Unis. Certains traits le différencient nettement, traits que l'on saisira mieux dans une perspective longue.

L'expansion des activités tertiaires dans les pays développés s'est déroulée dans des contextes de croissance de la production et de la productivité assez différents; l'intensité de la croissance dans la période 1950-1973 contrastant avec la relative stagnation observée sur la première moitié du siècle et la croissance lente des deux dernières décennies (tableau Il).

Dans la première moitié du siècle la croissance du Japon est encore plus faible que celle observée en Europe ou aux Etats-Unis. Une particularité du Japon dans cette première période: les activités de services y apparaissent plus productives et dynamiques que les autres activités en particulier manufacturières aux Etats-Unis. Pilat (1993) note qu'en 1939 la productivité du travail dans les services atteignait 55 % du niveau de celle des services américains, alors que le même ratio pour l'industrie manufacturière n'était que de 25% et que la productivité dans les deux secteurs n'étaient que le dixième de celle des Etats-Unis en 1885. Il peut y avoir des problèmes de mesure4. Mais surtout le Japon d'avant guerre est un pays où les activités agricoles sont encore prédominantes (48% de l'emploi en 1950) et le décollage de la productivité industrielle est très récent (milieu des années 20). Aussi bien dans cette phase de première industrialisation le tissu disparate des activités de services de l'économie japonaise reste t-il peu comparable à celui des autres pays considérés.

Dans la seconde moitié du siècle l'économie japonaise à l'inverse se distingue par l'intensité de son rythme de croissance en particulier sur la période 1950-1973 avec des gains de productivité deux fois plus importants que la moyenne: 9.5% l'an dans l'industrie (versus 5.2%), 4.0% l'an dans les services (versus 2,5%). Le ralentissement de la croissance et des gains de productivité dans les années 70-80 conserve ce rapport de 1 à 2 entre taux japonais

3 Même si, différence notable, le niveau de l'emploi industriel ne décline pas jusqu'au début des années 90.

4 Le résultat de Pilat(1993) contredit quelque peu les taux de croissance de la productivité du travail par secteur au Japon sur la période 1913-1950 (cf tableau II, source Maddison 1991). Mais il est vrai que Maddison(1987) donnait pour cette même période des taux beaucoup plus faibles et dans un ordre inverse:

services :0,9%, industries: 0,7% .

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et taux moyens et l'on retrouve la figure commune de gains de productivité plus élevés dans l'industrie que dans les services.

Tableau I

Parts des services dans l'emploi et la valeur ajoutée (en %)

1960 1974 1989

E V E V E V

Etats-Unis 56,2 63,4 70,5

57,9 62,9 68,8

Japon 41,3 50,1 58,2

42,7 49,7 56,2

Europe 39,1 47,7 60,7

47,9 55,0 63,6

source: OCDE Statistiques Rétrospectives. Paris Juin 1991

Tableau II

Evolution de la productivité du travail par secteur sur longue période (valeur ajoutée par personne employée)-en % .

industries services

1913-50 1950-73 1973-87 1913-50 1950-73 1973-87

Japon 2,4 9,5 3,9 0,3 4,0 2,2

E.U. 1,5 2,2 1,1 1,0 1,4 0,2

France 1,5 5,2 3,9 0,4 3,0 0,8

source: Maddison 1991

Mais la spécificité du modèle japonais ne réside pas dans ce contretemps historique.

La forte croissance de l'économie japonaise dans les décennies d'après guerre manifeste le dynamisme d'une industrialisation rapide ayant su tirer pleinement profit du potentiel de rattrapage qui s'offrait à elle à l'issue de la seconde guerre mondiale.

On pourrait chercher les marques de ce modèle dans les modalités relatives du ralentissement des gains de productivité dans l'industrie et les services.

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On a ainsi pu opposer les schémas sectoriels de croissance observés aux Etats-Unis et en Europe. Le schéma américain s'est caractérisé par des gains de productivité faibles dans les deux secteurs. Une croissance tout-à-fait moyenne de l'économie a ainsi pu s'accompagner d'une augmentation continue et notable de l'emploi tertiaire.

En regard un certain schéma européen (malgré la diversité des pays qui composent cette communauté) s'est signalé par un maintien de gains de productivité soutenus dans l'industrie, maintien plus faible dans les services. La lente croissance de l'activité n'a, dans ces conditions, ni empêché des baisses d'emploi dans l'industrie, ni impulsé une croissance suffisante des emplois tertiaires. Le taux moyen de chômage s'est ainsi nettement élevé depuis deux décennies en Europe.

Les modèles américain et européen sont ainsi apparus comme directement opposés, l'un s'appuyant sur des gains de productivité faibles, l'autre sur des gains plus soutenus, avec dans les deux cas des résultats mitigés: des créations d'emploi significatives mais une compétitivité et une croissance faiblissantes d'un côté, de l'autre une croissance plus soutenue mais un chômage chronique sapant les bases d'économies européennes encore largement fondées sur un objectif de plein emploi.

Au regard des modèles américain et européen, le cheminement de l'économie Japonaise peut apparaître comme suivant une troisième voie. Ses taux de croissance encore élevés lui confèrent une certaine spécificité ; ils permettent de maintenir un rythme de création d'emploi suffisant malgré le net ralentissement des années 80. Mais ce "miracle" de la croissance japonaise apparait tout d'abord industriel. Il tient à la capacité de ce pays à construire progressivement en l'espace de trois décennies des avantages compétitifs sur un nombre suffisant de marchés industriels porteurs. Cette spécificité n'a pas d'implication sur la composante proprement tertiaire du modèle, dans une économie où ces activités ont néanmoins acquis comme ailleurs une importance considérable en termes d'emploi et de valeur ajoutée.

Si l'on s'en tient aux seuls taux de croissance globaux (tableau III), la dynamique sectorielle du Japon emprunte aux deux "modèles" précités. Comme en Europe et aux Etats- Unis les gains de productivité dans les services se trouvent nettement plus ralentis (ils sont divisés par trois), que dans l'industrie où ces gains sont réduits de moitié (cf tableau 1).

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V.A.i PR.i E.i V.A.s PR.s E.s

Tableau III

Valeur ajoutée et productivité par secteur.

(taux de croissance annuels moyens en %)

1960-1973 1973-1989

E.U. Japon Europe E.U. Japon

3,5 12,7 5,2 2,0 4,7

2 9 4,7 1,1 4,4

1,5 3,7 0,5 0,9 0,3

4,3 9,1 4,8 3,3 4,1

1,5 6,3 3,1 0,5 1,9

2,8 2,8 1,7 2,8 2,2

Source: OCDE Statistiques Rétrospectives juin 1991

Notes: V.A. : valeur ajoutée; PR. : productivité; E : emploi i : industrie s : services

Europe 1,4 2,5 -0,9

2,9 0,9 2,0

Comme en Europe la productivité continue à croître au Japon à des rythmes assez soutenus mais dans un cas la croissance de la production permet encore d'assurer le plein emploi, dans l'autre cas, celui de l'Europe, elle ne le permet pas et s'accompagne d'un déclin de l'emploi industriel et d'une croissance trop faible des emplois dans les services pour maintenir le plein emploi.

L'expérience japonaise possède aussi quelques traits du modèle américain: une croissance de l'emploi, relativement forte depuis trois décennies, accompagne une augmentation de la population active assez soutenue comme aux Etats-Unis5

Mais ces éléments sur la dynamique de la productivité et de l'emploi par grand secteur ne constituent pas une caractérisation suffisante des dimensions proprement tertiaires de la croissance. On connaît les bases du moteur industriel de la croissance japonaise par les avantages compétitifs qu'elle a su dégager dans quelques branches, mais comment expliquer que la croissance du secteur tertiaire se maintienne elle aussi à un rythme élevé dans les

5 Sur la période 1973-1989 la croissance de la population active s'est toutefois notablement ralentie, passant de 2% l'an entre 1960-1973 à 1 % l'an entre 1973-1989.

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années 80 ? est-ce par un effet général d'entraînement ? Est-ce plus particulièrement lié au dynamisme de certains secteurs de services ? Une meilleure compréhension de cette dynamique du secteur tertiaire est centrale pour saisir la capacité de l'économie japonaise à assurer le plein emploi jusqu'à une période récente. On sait que la question n'est pas de pure forme. Nombre d'observateurs de l'économie japonaise ont souligné la faible productivité apparente de services aux ménages ou de commerces aux effectifs pléthoriques. Mais ces mêmes observateurs soulignent souvent la qualité des prestations rendues6, allant parfois jusqu'à parler d'une "efficacité par la non-productivité" (cf Turcq, Usinier 1985), caractérisation qui requiert pour le moins plus ample explication. On en cherchera les premiers éléments en considérant séparément les principales composantes de cet ensemble disparate que constituent les activités tertiaires.

II- Une tertiarisation à plusieurs composantes

Pour caractériser plus avant le modèle japonais de croissance sectorielle il apparait nécessaire de distinguer entre divers types de services.

La catégorie services utilisée jusqu'ici rassemble une nébuleuse d'activités répondant à des logiques économiques très diverses. On distingue de fait couramment les services non marchands des services marchands et au sein de ces derniers les services fournis principalement aux entreprises, ceux fournis principalement aux ménages et enfin les services dits d'intermédiation (comme le transport, les communications, les services financiers ou le commerce) qui s'adressent par essence à la fois aux producteurs et aux consommateurs.

Toutefois les frontières entre ces diverses catégories de services ne sont pas aussi immédiates à tracer. La frontière entre activités marchandes et non marchandes diffère à l'évidence d'un pays à l'autre. De façon plus inattendue peut-être l'histoire du développement de ces activités marque fortement les découpages pratiqués dans chaque pays; l'exemple le plus classique en est donné par la difficulté qu'il y a à distinguer au Royaume-Uni un secteur des services aux entreprises séparé du secteur bancaire. Les comparaisons internationales sont donc malaisées et les harmonisations de nomenclature pleines d'arbitraire7La nomenclature des Comptes

6 Cf l'article de P.Pons "Des services en quête d'excellence" dans Le Monde du 9 décembre 1988

7 Un autre impératif peut tenir à la nécessité de disposer de nomenclatures utilisables pour différentes catégories de variables. Des données sectorielles d'emploi de qualité comme celles rassemblées par Elfring(1992) peuvent ainsi ne pas avoir de correspondant en termes de valeur ajoutée.

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Nationaux OCDE, que nous utilisons ci-après, témoigne de ces difficultés, en particulier à dissocier services aux ménages et services aux entreprises, les services financiers restant eux- mêmes souvent associés aux services aux entreprises8 Cela étant, cette nomenclature présente l'avantage d'être connue (avec ses notules) et de renvoyer à des données largement accessible et régulièrement collectées, facilitant un minimum de comparaisons internationales.

Elle décompose les services en cinq rubriques pour toute une série de variables économiques, en général à partir de 1970, ce qui permet d'esquisser quelques uns des traits majeurs de l'économie des services dans le Japon contemporain.

On commencera par comparer les poids relatifs dans l'emploi et la valeur ajoutée des cinq secteurs des services: le commerce, les transports/communications, le secteur de la finance&assurances et des services aux entreprises, celui des services aux personnes et celui des services non marchands (tableau IV et V).

Japon 70

90 E.U. 70

89 FR 70

90 RFA 70

90

Tableau IV

Poids dans l'emploi de divers services années 1970 et 1990 (en %)

Commerce Transports Finance/ Services

(a) Communi. Ser.Entr. Personnes

16,0 5,5 3,1 12,7(e)

17,9 5,6 4,8 21,0(e)

19(d) 4,9 8,4 12,2

21,5(d) 4,2 14,6 15,3

13,3 5,1 5,l(b) 4,3(b)

14,3 5,9 9,8(b) 6,8(b)

12,6 5,3 2,2(c) 6,3(c)

13,1 5,6 3,l(c) 12,2(c)

Services Non March 7,2

8,3 16,9

14,4 18,9

25,1 13,6

19,5

8 Les services (fictifs) de logement, évalués à partir des loyers réels ou estimés, figurent eux aussi dans cette rubrique qui reste très hétéroclite.

(11)

Source:

Notes:

Japon 70 90 E.U.

70

89 FR.

70

90 RFA 70

90 Source :

Notes :

base de données sectorielles ISDB, (Comptes Nationaux Détaillés) OCDE Paris.

(a): commerce hormis hôtels et restaurants

(b): estimation ISDB du partage entre services aux entreprises &

finance et services aux personnes à partir de l'enquête sur la population active.

( c) les services aux entreprises figurent dans la rubrique des services sociaux ( d) y compris restaurants

( e) y compris restaurants et hôtels

Tableau V

Poids dans le PIB de divers services années 1970 et 1990 (en %)

Commerce Transports Finance/ Services

(a) Communi. Ser.Entr. Personnes

13,9 6,7 11,9 9,3(e)

12,1 6,1 15,6 15,l(e)

16,3(d) 6,3 18,2 7,6

15,8(d) 5,7 25,0 10,0

13,3 6,4 14,7 3,6

13 6,0 22,5 6

10,1 5,9 8,6 7,8(c)

9,1 5,7 12,8 16,5(c)

Services Non March 7,1

9,1 13,0

11,7 13,2

16,3 11,2

13,3 base de données sectorielles ISDB, (Comptes Nationaux Détaillés) OCDE Paris,

(a): commerce hormis hôtels et restaurants

(b): estimation ISDB du partage entre services aux entreprises & finance et services aux personnes à partir de l'enquête sur la population active.

( c) les services aux entreprises figurent dans la rubrique des services sociaux ( d) y compris restaurants

( e) y compris restaurants et hôtels.

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La lecture des écarts et des évolutions temporelles des structures d'emploi et de valeur ajoutée présentées aux tableaux IV et V fait ressortir les caractéristiques suivantes.

Deux secteurs le commerce et les transports/communications, font preuve à la fois d'une certaine stabilité structurelle (leurs poids en termes d'emploi ou de valeur ajoutée varient peu entre 1970 et 1990) et d'une relative similitude (leurs poids sont assez comparables d'un pays à l'autre), moins nettement il est vrai dans le cas des activités commerciales qui occupent aux Etats-Unis et au Japon une place plus importante qu'en Europe9 En termes de structure d'emploi et de valeur ajoutée les économies de services considérées se différencient donc surtout par les poids relatifs et les évolutions observées dans les trois autres secteurs tertiaires, à savoir les services aux entreprises, les services aux personnes et les services non marchands.

Dans cet espace le Japon se singularise par :

- le faible poids des services non marchands et des services aux entreprises dans l'emploi et le PIB, en 1970 comme en 199010,

- la part importante et qui a presque doublé entre 1970 et 1990 des services aux personnes 11.

Ces résultats renvoient pour partie à des caractéristiques bien établies de l'économie japonaise comme le faible développement du secteur non marchand et l'importance en contrepartie des services marchands ou encore comme le moindre recours des entreprises japonaises à des services externes aux entreprises.

Pour approfondir la caractérisation des dimensions tertiaires de l'économie japonaise on peut s'interroger sur la nature des déplacements structurels soulignés ci-dessus mais aussi sur l'importance des repositionnements entre secteurs que traduisent les variations des produits par tête (valeur ajoutée en prix courant par personne employée rapportée à la valeur moyenne). De fait une divergence ou une convergence de ces produits par tête peut-être le signe d'inflexions notables en matière de répartition (partage salaire/prix/profit). Ceci

9 Même en tenant compte de l'inclusion des activités de restauration aux E. U ..

10 Notons que les données apparemment très voisinent concernant la finance & assurance et les services aux entreprises pour l'Allemagne (4ème colonne des tableaux IV et V) ne sont pas directement comparables avec celles du Japon (cf notule (d) des tableaux).

11 Quand bien même on retient que les activités de restauration et d'hôtellerie figurent pour le Japon dans cet ensemble des services aux personnes.

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correspondrait à des mutations dans les conditions de rémunération ou d'organisation de la production permettant de caractériser de façon systématique des schémas sectoriels de croissance.

C'est le type de questions soulevées par Kuznets (1965) lorsqu'il présente comme une loi générale sur la période d'avant guerre la croissance de la part de l'emploi tertiaire et la stagnation ou décroissance de la part de la valeur ajoutée tertiaire. Resterait à savoir pourquoi (s'agit-il d'une baisse des rémunérations dans les services, d'une montée de l'intensité capitalistique dans l'industrie, .. ?) et avec quelle diversité selon les pays.

On conçoit aussi que ces ratios de produits par tête se prètent plus à la comparaison des évolutions que des niveaux, compte tenu des limites que présente l'utilisation d'une même nomenclature de services. On s'intéressera donc à l'évolution de ces ratios.

On a reporté en annexe les graphiques représentants l'évolution entre 1970 et 1990 pour les quatre pays considérés dans notre analyse comparative (Japon,Etats-Unis, France, Allemagne) des produits par tête (ratios des parts de valeur ajoutée aux parts d'emploi, identiques aux ratios des produits par tête par secteur au produit moyen12).

On note tout d'abord que dans l'ensemble des pays considérés le produit par tête réalisé dans l'ensemble des services décroît assez régulièrement par rapport à la moyenne comme l'anticipait Kuznets. Cette tendance n'est pas toutefois inhérente à l'ensemble des services. Si l'on considère les seuls services marchands, la tendance serait plutôt inverse (amélioration du ratio) en Allemagne et de façon plus incertaine en France.

On vérifie qu'en fait la tendance globale à la Kuznets résulte non pas d'un effet service général mais de la composition entre des évolutions assez contrastées au niveau de sous secteurs des services. Les différences entre pays sont à cet égard limitées et portent surtout sur l'ampleur plus ou moins prononcée de la tendance. Le tableau VI essaye de synthétiser ces observations (faites sur les graphes présentés en annexe 1).

12 Ce produit moyen est presque un PIB par tête à ceci prés que l'on n'a pas corrigé la somme des valeurs ajoutées par secteur des taxes et services bancaires imputés.

(14)

Japon E.U.

FR RFA

Source : Légende:

Notes :

Tableau VI

Synthèse des évolutions relatives du produit par personne employée

Commerce Transports Finance/ Services

(a) Communi. Ser.Entr. Personnes

-- + (a)

-- =

-

++

--

--

- -- --

--

-- -

+(b) +(c)

Serv.

Non March -(a)

=

=

base de données sectorielles ISDB, (Comptes Nationaux Détaillés) OCDE Paris

- (resp. +) baisse (resp. hausse) d'environ 10% du ratio sur 1970-1990;

-- (resp. + + ): baisse (resp. hausse) d'environ 20% et plus sur 1970-1990;

=

stabilité

- (a): à partir du milieu des années 70.

- (b): avec d'amples fluctuations et pour un champ d'activités excluant les services aux entreprises.

- ( c): à partir du milieu des années 70 et pour un champ incluant les services aux entreprises.

Les évolutions des produits par tête font finalement ressortir des caractéristiques de branche plus que des différences nationales (à l'exception des services de transports &

télécommunications où les pays se séparent en deux groupes13). On remarquera aussi que les cas (secteur ou pays) où l'on constate de fortes évolutions des structures d'emploi ou de valeur ajoutée ne coïncident pas avec des évolutions sensibles des produits par tête. Am l'expansion importante des services aux personnes ( en particulier au Japon) ne s'est pas accompagnée d'un repositionnement sensible des produits par tête dans ce secteur (produits qui restent au demeurant assez faibles). Par contre les variations importantes des structures d'emploi et de valeur ajoutée du secteur banque&assurance et services aux entreprises s'est lui accompagné d'un repositionnement à la baisse assez net des produits par tête dans tous les pays (même en Europe où les structures semblaient assez stables).

Enfin des secteurs aux structures d'emploi et de valeur ajoutée apparemment stables comme le commerce ont connu des baisses relatives des produits par tête assez sensibles.

13 Et des services aux entreprises et aux personnes en Allemagne, mais des différences de nomenclature limitent en l'espèce les comparaisons.

(15)

Le secteur des transports et télécommunications est finalement le seul où les évolutions différencient les pays sur ce point: baisse en Europe, hausses au Japon et aux Etats-Unis.

En résumé on constate d'importantes différences nationales dans les structures d'emploi et de valeur ajoutée et leurs évolutions (cf tableaux IV et V), mais surtout des effets de branche dans les mouvements des produits par tête. Reste à savoir pour compléter notre appréciation des schémas de tertiarisation si les évolutions communes des produits par tête ont les mêmes origines.

III - L'impact de quelques évolutions contrastées des rémunérations de facteurs On perçoit bien comment des choix d'organisation, des traditions ou des accidents historiques peuvent conduire les pays à développer plutôt telle forme ou telle autre d'activité de services, "arbitrant" entre marchand ou non marchand, entre recours aux activités de services ou à des prestations internes.

La section précédente suggère que ces différentes configurations nationales n'ont pas ou peu d'incidence immédiatement lisible sur la position relative des secteurs telle que l'expriment les produits par personne employée. Il ne s'ensuit pas que ces différences d'organisation soient sans effet sur les économies concernées mais que pour l'essentiel cet impact passe par la dimension secteur. Ainsi un développement important des services aux personnes (où le produit par tête est faible) reste un élément majeur d'appréciation de la croissance de plein emploi au Japon, même si la position en termes de produits par tête de ce secteur est resté inchangé.

Les éléments de différenciation mis à jour permettent déjà de typer les schémas de croissance tertiaire nationaux par effet de composition (l'importance des divers secteurs varient dans un univers où les positions des divers secteurs évoluent).

Mais d'autres types d'effet peuvent encore profondément différencier ces trajectoires nationales selon l'origine des évolutions des produits par tête. Ces produits se décomposent en rémunérations de divers facteurs de production et l'évolution de ces composantes peut selon les cas traduire soit une détérioration des conditions de rémunération ou un changement dans les conditions d'intervention des dits facteurs. Il est difficile de faire un bilan complet de ces diverses évolutions mais de premières indications peuvent conduire à s'interroger sur les orientations de tel ou tel autre schéma de tertiarisation.

(16)

De fait si les conditions de rémunération des facteurs dans un secteur donné se trouvent différemment affectées selon les pays dans le cours du processus de tertiarisation, on a là des éléments forts de caractérisation des trajectoires nationales.

Pour identifier les évolutions des rémunérations de facteurs qui ont pu accompagner les repositionnements sectoriels précités on partira d'une décomposition simple des produits par personne employée en termes de salaires, de profits bruts et de taxes.

Soit Vi, Li, Si, Ri Ti respectivement la valeur ajoutée à prix courants, l'emploi, le niveau de salaire moyen, l'excédent brut d'exploitation et les taxes à la production du secteur i.

On a par définition la relation suivante:

(El) Vi

=

Li.Si

+

Ri

+

Ti14

Le produit relatif par tête analysé à la section II peut par ailleurs s'exprimer comme le ratio des parts de valeur ajoutée et d'emploi: (Vi:V)/(Li:L), soit en combinant avec la relation (El) l'expression du produit par tête se décompose en faisant apparaître des indicateurs de rémunération:

(E2) (Vi:V)/(Li:L)

=

(Si:S).(1-Z)/(1-Zi)

où Zi

=

(Ri

+

Ti)/Vi mesure l'excédent brut d'exploitation (taxes comprises) rapporté à la valeur ajoutée.

Les données de comptabilité nationale que nous utilisons permettent en principe de mesurer les termes de droite de la relation, donnant une première estimation des changements intervenus dans la rémunération du travail ou du capital par sous secteur des services étudié.

L'absence de données ne nous permettra en fait que d'obtenir des indications assez grossières sur les évolutions de la rémunération des facteurs. On commencera par observer l'évolution sur les deux dernières décennies de l'excédent brut d'exploitation rapporté à la valeur ajoutée15Au delà des fluctuations liées à la conjoncture du début des années 70, ces ratios apparaissent relativement stables, avec quelques exceptions intéressantes au Japon et aux

14 Cette expression néglige pour simplifier de spécifier la correction pour les non salariés. Si Li est un volume d'emploi global, alors Si doit être conçu comme un équivalent du revenu individuel d'activité moyen du secteur et l'on doit déduire les revenus individuels des non salariés ainsi imputés de l'excédent brut d'exploitation.

15 Soit une proxy du Zi de l'équation (E2) puisque les taxes ne sont pas incluses.

(17)

Etats-Unis16 (cf tableau VII et les graphes donnés dans l'annexe Il). Ainsi le résultat brut d'exploitation chute fortement sur toute la période considérée dans le secteur du commerce et celui des services aux personnes au Japon, alors qu'au niveau de l'ensemble de l'économie ce ratio des résultats d'exploitation au PIB s'était stabilisé après une forte baisse au début des années 70. Aux Etats-Unis par contre ce sont les résultats du secteur de la finance et des services aux entreprises qui se sont relativement détériorés.

Tableau VII

Evolutions sectorielles du résultat brut d'exploitation et du salaire moyen

Commerce Transp. Finance/ Services Serv.

1

Japon

- -

E.U.a

=

FR b --

RFA

-

-

Source : Légende:

Notes :

Comm. Ser.Entr. Pers. N.March

2 1 2 1 2 1 2 1 2

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- -

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-

+ =c +c =d =d

=

= +

- - -

base de données sectorielles ISDB, (Comptes Nationaux Détaillés) OCDE Paris

-colonne 1 : évolution sur la période 1970-1990 des excédents bruts d'exploitation rapportés à la valeur ajoutée du secteur:

- (resp. +):baisse tendancielle (resp. hausse) d'environ 10% du ratio;

- - (resp. + + ): baisse tendancielle (resp. hausse) d'environ 20% et plus;

=

stabilité

-colonne 2 : évolution du salaire du secteur par rapport à la moyenne nationale.

- (a): de 1970 à 1987 - (b): à partir de 1976

- (c): avec d'amples fluctuations et pour un champ excluant les services aux entreprises

- (d): pour un champ d'activités incluant les services aux entreprises.

16 Au regard de l'ensemble une des caractéristiques des deux pays européens retenus dans notre comparaison semble précisément être d'avoir expérimenté des fluctuations de ces ratios d'excédents bruts nettement plus marquées qu'ailleurs.

(18)

Dans les secteurs concernés tant au Japon et qu'aux Etats-Unis plusieurs facteurs peuvent être avancés pour expliquer d'éventuels mouvements à la baisse comme à la hausse des résultats bruts d'exploitation: mouvements de déréglementation, augmentation de charges d'exploitation non reportables (poids de prélèvements fiscaux spécifiques ou de la rente immobilière), évolutions des marchés financiers (désintermédiation, concurrence extérieure) ou augmentation de l'intensité capitalistique ( en particulier dans les transports et télécommunications et dans le secteur bancaire). Les ratios observés suggèrent qu' in fine les facteurs agissant à la baisse ont joué dans les années 80 un rôle prépondérant dans le cas du commerce et des services aux personnes au Japon ou dans celui de la banque et des services aux entreprises aux Etats-Unis. Le seul secteur tertiaire où l'on observe une évolution positive de ces ratios (en particulier aux Etats-Unis et en Allemagne) est celui des Transports et Communications, ce qui est sans doute lié aux efforts d'investissements de modernisation que le développement des nouvelles technologies et l'accroissement de la concurrence ont suscité dans ces activités. Des pressions de même nature, visant à renouveler les technologies et à intensifier la concurrence, ont conduit au résultat inverse dans le secteur très peu concentré des banques et services aux entreprises aux Etats-Unis. L'importance des faillites, dans le secteur bancaire en particulier, explique une bonne partie de cette baisse relative des excédents bruts d'exploitation dans les années 70-80. L'importance de la baisse des excédents d'exploitation dans le commerce (et dans une moindre mesure dans les services aux personnes au Japon) se place dans un contexte tout à fait différent. La diffusion des nouvelles technologies y est encore relativement faible et surtout le mouvement de déréglementation dans le secteur très compartimenté du commerce au Japon est à peine amorcé 17La nette diminution relative de l'excédent brut d'exploitation risque donc fort dans le cas du Japon de correspondre à une baisse de la rentabilité des entreprises du secteur. J_.,'éventualité d'une telle baisse des profits dans le secteur peu concentré du commerce et des services aux personnes est cohérente avec l'observation faite par ailleurs d'une diminution marquée des

17 On pourra sur ce point se référer au bilan récent sur l'avancement des réformes structurelles menées dans les pays OCDE (OCDE 1994). Il y est souligné que la libéralisation du droit d'établissement pour les grandes surfaces commerciales progresse sous la pression des partenaires commerciaux du Japon (c'est un moyen reconnu d'ouvrir le marché intérieur à la concurrence des produits étrangers) ... mais que la nouvelle législation sur le droit d'établissement ne date que de 1992 et que le démantèlement des barrières non tarifaires aux échanges inhérentes à la structure d'intermédiation commerciale complexe du Japon reste à l'ordre du jour des négociations sur les échanges internationaux.

(19)

profits des petites entreprises au cours des années 8018 Ceci laisse augurer de réelles difficultés d'ajustement dans ce secteur, qui risquent de faire perdre au commerce japonais traditionnel une partie de sa spécificité ( où la qualité des prestations semblait justifier leur prix élevé). A l'opposé de ce que l'on a pu observer aux Etats-Unis où de nombreuses faillites bancaires ont forcé l'intervention d'instances de dernier recours prévues à cet effet, les conditions dans lesquelles pourront s'effectuer les mutations du secteur commercial au Japon, que laissent prévoir chute des profits et mesures de déréglementation, sont encore assez incertaines.

Reste pour apprécier l'évolution des conditions de rémunération des facteurs à regarder rapidement les transformations intervenues dans la structure des salaires.

L'indicateur de niveau de salaire dont les évolutions sont transcrites au tableau VII rapporte la rémunération brute moyenne par salarié à la moyenne nationale. Ce ratio mélange donc des effets de qualification, de travail à temps partiel avec ceux des différences sectorielles de salaires horaires. Au regard de cet indicateur la structure sectorielle des salaires apparait relativement stable, en particulier au Japon, ce qui est conforme avec un mode de formation des salaires privilégiant l'ancienneté et conservant les hiérarchies internes19A l'opposé les indicateurs concernant les Etats-Unis font ressortir une certaine modification des positions des rémunérations moyennes par secteur; mais le déclin de la position relative de la rémunération moyenne dans le commerce apparait comme la seule évolution tendancielle marquée. Ces "faibles" indices s'accordent assez bien avec l'hypothèse courante d'une flexibilité "dualiste" des salaires aux Etats-Unis, c'est à dire d'une élasticité des salaires à la conjoncture plus marquée dans les secteurs où l'institutionnalisation des rapports salariaux est la plus faible. Ces indicateurs restent fragiles20 et l'on retiendra cette caractérisation des

18 Cette baisse de rentabilité des petites entreprises (cf Sako 1994) risque d'accroître le dualisme entre un secteur traditionnel et un secteur moderne de distribution. La montée de la rente immobilière à la fin des années 80 a certainement augmenté les difficultés du secteur.

19 Les effets de ce modèle hiérarchique de formation des salaires (cf Nohara 1994) semblent ainsi l'emporter sur les effets éventuels de différences de conjoncture entre secteurs d'activités.

2

°

Certaines évolutions comme la croissance (même modérée) du salaire moyen par tête dans les services aux ménages aux Etats-Unis semblent ainsi aller à l'encontre des caractérisations précédentes. De même l'évolution des salaires moyens en hausse relative dans les services aux ménages en France ou en baisse relative dans les transports télécommunications en Allemagne requièrent-ils des explications spécifiques.

(20)

évolutions salariales comme une première hypothèse aidant à rassembler les éléments d'une nette différenciation des schémas de croissance tertiaire.

IV - Vers une première caractérisation des schémas de croissance tertiaire

Pour faciliter l'exposition de ces schémas récapitulatifs on prendra comme point de repère le schéma esquissé par Baumol qui suppose une nette différence entre les gains de productivité d'une économie à deux secteurs (cf Baumol 1967, Baumol, Blackman, Wolff 1985), l'un produisant des biens avec une efficacité croissante, l'autre des services avec une productivité stagnante. Cette schématisation est très restrictive car elle suppose une indépendance entre les processus d'obtention des gains de productivité dans les deux secteurs et fait abstraction du secteur "intermédiaire" des services aux entreprises 21

Nous n'avons pas analysé la dynamique sectorielle des gains de productivité mais simplement constaté (tableaux II et Ill) à la fois le différentiel de productivité entre activités industrielles et tertiaires et la dynamique particulièrement soutenue de la productivité dans l'économie japonaise. Nous ne nous sommes pas intéressés aux fondements de ces écarts de productivité en termes d'organisation du travail et de diffusion du changement technique à l'intérieur comme entre les firmes, toutes choses qui jouent un rôle majeur dans l'efficacité du modèle japonais22

De fait notre analyse des schémas tertiaires a surtout cherché à caractériser les déplacements de la valeur ajoutée liés aux mouvements de tertiarisation et leurs incidences sur la rémunération des facteurs, laissant de côté l'analyse du régime de productivité (cf Uemura, Ebizuka 1994) et des dualismes, en particulier entre petites entreprises et grandes entreprises, dont il est porteur. Le modèle de Baumol suppose de façon simplificatrice que la formation des salaires, des prix et des profits est identique dans les deux secteurs. De telles hypothèses présupposent que la position des produits par tête est invariable. Nous avons en fait cherché à voir quels réajustements pouvaient s'opérer entre secteurs dans une assez longue période de croissance faible.

21 L'introduction d'un secteur des services aux entreprises suffit à modifier sensiblement les résultats du modèle ( cf Petit 1988).

22 Cette dynamique du secteur industriel japonais conserve ses mystères, fordisme réinventé ou "innovation radicale"? (cf Boyer (1991), Coriat (1991) mais elle implique aussi bien l'organisation interne de la firme que les rapports entre firmes dans le cadre en particulier de keiretsus, ensembles de firmes "alliées" d'origine tant industrielle que tertiaire ..

(21)

Les traits marquants de ces ajustements peuvent être synthétisés dans un schéma d'économie à trois secteurs: industrie, services aux entreprises (y compris institutions financières) et services aux ménages (y compris commerce )23On se contentera de plus de comparer le Japon aux Etats-Unis (et au pays-type qui correspondrait au schéma de Baumol et alii), les données utilisées pour la France et l'Allemagne rendant difficilement comparables, à cette phase de synthèses, les caractérisations obtenues (séries plus courtes pour la France, divergence de champ pour l'Allemagne).

On va de plus forcer le trait pour bien distinguer nos schémas alors que les données présentées ne fournissent le plus souvent que des indications grossières. On simplifiera ainsi le tableau VI en retenant qu'au Japon et aux Etats-Unis, sur la période étudiée, les produits par tête dans les services ( aux entreprises comme aux ménages) ont eu tendance à diminuer par rapport au produit par tête dégagé dans le secteur industriel. Sans autre investigation, on supposera que les ralentissements des gains de productivité ont été plus marqués dans les services qu'ailleurs 24 et que les différences d'inflation de prix n'ont pas compensé cet écart accru 25Toutes choses égales par ailleurs, ces évolutions de produits par tête se traduiraient dans les services au Japon par une baisse relative des profits et aux Etats-Unis par une baisse relative des salaires (et dans une moindre mesure des profits). On se reportera au tableau VII pour voir à quel point cette synthèse étend à l'ensemble des services des caractéristiques qui selon les cas touchent plus manifestement les services aux entreprises ou ceux aux "ménages"

( et à l'intérieur de ce dernier regroupement le commerce ou les services aux personnes). Ces caractérisations en termes relatifs font aussi abstraction de différences notables dans les déterminations des variables macroéconomiques de salaire et de profit dans les deux pays26

23 En laissant à l'écart le secteur transport/télécommunication où les évolutions des produits par tête et des résultats d'exploitation sont à la fois marquées et contrastées d'un pays à l'autre et demanderaient des analyses spécifiques des composantes hétérogènes que sont les transports d'une part, les télécommunications de l'autre.

24 Un résultat "établi" au niveau de l'ensemble des services et sans remettre en cause les très discutables hypothèse qui fondent ces mesures.

25 Les prix dans le commerce et les institutions financières n'auraient pas évolué plus vite que ceux des produits industriels (selon Uemura, Ebizuka, 1994)

26 La formation des salaires au Japon présente ainsi la particularité, non prise en compte dans la perspective retenue, de combiner un effet productivité (élasticité du salaire réel aux gains de productivité de l'ordre de 0,3 sur la période 1974-1989 selon Boyer(1991)) et un effet partage des profits (essentiellement lié aux bonus semestriels cf Freeman Weitzman (1987)).

(22)

Le schéma ainsi obtenu, présenté au tableau VIII, a, en contrepartie des simplifications mentionnées ci-dessus, le mérite de faire ressortir les principaux points de tension qui peuvent accompagner les mouvements de tertiarisation dans chaque pays. A l'instar du risque que présente le développement d'un certain dualisme "salarial" aux Etats- Unis, lié à l'importance relativement plus grande d'emplois à faibles salaires dans le tertiaire (ou à salaires plus sensibles à la conjoncture), la faiblesse ou la plus grande sensibilité des profits dans le tertiaire au Japon peut être cause de tensions et de réajustements structurels importants. Dans la mesure où le tertiaire concerné est principalement celui des services aux ménages, qui s'est largement développé dans les deux dernières décennies (cf tableaux IV et V), ce sont, au delà des risques de faillites de beaucoup de petites entreprises, les conditions d'emploi de nombreux non-salariés qui se trouvent aussi directement mises en question27 On voit bien comment de telles évolutions peuvent s'opposer à certains fondements égalitaires de la société japonaise et provoquer des réajustements structurels importants et dans des conditions encore imprécises. Le schéma esquissé reste grossier; les évolutions statistiques, grevées d'incertitude, peuvent recouvrir des mutations très diverses tant du côté des salaires (diffusion du travail à temps partiel, transformation des qualifications) que des profits (importance des rentes immobilières, changement des conditions de propriété, évolution de l'intensité capitalistique, .. ) . En l'état, ce schéma fournit surtout un cadre utile pour dégager un ensemble cohérent de questions prospectives sur l'économie japonaise.

27 On perçoit ici la façon dont le dualisme sectoriel mis en évidence recoupe largement et explique en partie un dualisme plus classiquement évoqué entre petites et grandes entreprises.

(23)

Japon

Baumoland

E.U.

Notes :

Tableau VIII Produit, salaire et profit:

évolutions relatives

dans une économie à trois secteurs:

(période d'ajustement sectoriel 1970-1990)

Industrie Services Services Entreprises ménages, et Inst. Fin. commerce PRODUCTIVITE supérieure inférieure inférieure

PRIX inférieure supérieure supérieure

PRODUIT supérieure inférieure inférieure

SALAIRE évolution intersect. homogène

(et liée PRODUCTIVITE et PROFIT) PROFIT

supérieure - inférieure

PRODUCTIVITE supérieure inférieure inférieure

PRIX inférieure supérieure supérieure

PRODUIT égale égale égale

SALAIRE évolution intersect. homogène

(et liée à la PRODUCTIVITE) PROFIT

évolution intersect. homogène

PRODUCTIVITE supérieure inférieure inférieure

PRIX inférieure supérieure supérieure

PRODUIT supérieure inférieure inférieure

SALAIRE supérieure inférieure inférieure

PROFIT

supérieure inférieure inférieure

- supérieur : évolution nettement plus rapide que la moyenne nationale - inférieure : évolution nettement moins rapide que la moyenne nationale

(24)

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(26)

Graphes des produits par tête

(valeurs ajoutées par personne employée en % de la moyenne)

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(28)

1) Graphes des salaires moyens par secteur rapportés à la moyenne nationale

2) Excédents bruts rapportés à la valeur ajoutée

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