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LE CHATEAU CROISÉ DE BEYROUTH ÉTUDE PRÉLIMINAIRE

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LE CHATEAU CROISÉ DE BEYROUTH ÉTUDE PRÉLIMINAIRE

PATRICIA ANTAKI

Alors que les fouilles archéologiques du centre-ville de Beyrouth touchent à leur fin, nous constatons aujourd’hui que l’époque des Croisades n’aura finale- ment livré qu’un matériel peu abondant. En effet, les vestiges de Beyrouth re- montant à cette époque sont assez pauvres comparés à ceux d’autres périodes.

Ils se résument à quelques édifices tels que la cathédrale St. Jean, actuellement mosquée al-Omari et une chapelle à fresques dégagée en 1941 à l’ouest de la cathédrale.1 Des structures remontant à cette époque ont aussi été dégagées,2 notamment des ruelles dallées dotées de canalisations3 et un fossé daté de l’époque médiévale situé à la limite ouest de l’ancienne ville.4 Quant au maté- riel archéologique, non seulement il est pauvre, mais aussi, dans la plupart des cas, hors contexte. Il se compose, pour l’essentiel, de monnaies trouvées sur plusieurs sites.5

Toutefois, s’il est certain que ces quelques vestiges sont importants, ils ne pourraient à eux seuls compléter le tableau historique de la ville à l’époque des Croisades, car s’il est bien un monument qui s’associe directement à l’esprit des Croisades et qui en reflète l’aspect premier qui est l’aspect militaire, c'est bien la forteresse.

Ainsi, comme toute ville croisée, Beyrouth se devait d’avoir son Château et il était assez surprenant qu’alors que presque toutes les autres villes et places fortes ayant appartenu aux Croisés avaient conservé la mémoire physique de leur Château, Beyrouth n’en ait gardé aucun vestige, aussi rudimentaire fût-il, ou du moins tel était le cas jusqu’en 1995.

Cette année-là, les fouilles entreprises sur l’ancien tell de la ville et plus pré- cisément sur le chantier Bey 003 par l’équipe du Musée de l’Université Améri- caine de Beyrouth sous la direction de Dr. Leila Badre, mettent au jour des vestiges monumentaux: ceux de la forteresse franque que nous nous proposons d’étudier.

1 J. Lauffray, «Forum et Monuments de Béryte. Le Niveau Médiéval», BMB, 8 (1948), pp. 7- 16.

2 Nous ne citons que le matériel déjà publié.

3 H. Sayegh, «Les Souks, Secteur nord/est», BAAL, 1 (1996), p. 266.

4 P. Mongne, «Bey 008 bis Zone des Souks. Dégagement du Fossé Médiéval», BAAL, 1 (1996), pp. 270-293.

5 A titre d’exemple: Bey 002: C. Aubert, «Bey 002. Rapport Préliminaire», BAAL, 1 (1996), p. 82. Bey 027: P. Arnaud, E. Llopis, M. Bonifay, «Bey 027. Rapport Préliminaire», BAAL, 1 (1996), p. 115. Bey 006: K. Butcher, «Bey 006. The Coins», BAAL, 1 (1996), pp. 210-211.

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Cependant, avant d’aborder la partie archéologique et d’exposer les résultats des fouilles, nous nous proposons, dans un premier temps, de parcourir chro- nologiquement les grandes lignes de l’histoire du Château. Et ceci, à la lumière des récits des chroniqueurs croisés et arabes, des historiens, des pèlerins et des voyageurs, ainsi qu’à travers des éléments iconographiques: les monnaies et les sceaux de l’époque croisée, et les gravures, les cartes et les photos du siècle passé.

PÉRIODE CROISÉE

1110: BEYROUTHDOTÉEDEREMPARTS

En 1110, année où Beyrouth est prise par les Croisés, on sait que la ville est déjà fortifiée: elle est entourée de murailles qui la protègent et qui lui permet- tent d’ailleurs de résister à l’attaque des Croisés durant deux mois.6

1125: CONSTRUCTIONDUN CHATEAUEXTRA-MUROS

Quinze ans plus tard, le roi Baudouin II décide de construire un Château.

Toutefois il ne s’agit pas du Château situé à l’intérieur des remparts de la ville mais d’un Château construit sur les hauteurs de celle-ci, à une dizaine de kilo- mètres de distance, et qui porte le nom de Mont-Glavien.7 Le Château se trou- vant extra-muros ne nous intéresse que dans la mesure où nous assistons au début de la mise en place par les Croisés d'un système défensif de la ville. Il est clair que ce Château ne pouvait contribuer de façon active à sauver la ville en cas d’attaque; preuve en est qu’il ne sera plus cité lors des batailles. Son rôle, de par son emplacement sur les hauteurs de la ville, consistait plutôt a surveiller la côte et à prévenir les Croisés d’une éventuelle attaque. En outre, le fait, assez surprenant, que ce Château ne soit plus mentionné par la suite nous porte à croire qu’il ne s’agissait pas d’un grand Château mais plutôt d’un fortin dont la localisation reste à établir.8

1157: DESTRUCTIONDEPLUSIEURSFORTERESSESPARUNTREMBLEMENTDETERRE

En août 1157, un tremblement de terre se produit dans toute la région et l’on apprend que:

6 Guillaume de Tyr, Le Royaume de Jérusalem, (l’Histoire écrite par les Témoins, II, Bey- routh, 1992), (éd. L’Orient), pp. 144-147.

7 Guillaume de Tyr, L’Estoire de Eracles Empereur et la Conqueste de la Terre d’Outremer, (Hist. Occ., I,2, Paris, 1859), p. 284. Foucher de Chartres, Historia Iherosolymitana, (Hist. Occ., III, Paris, 1866), p. 473.

8 Deschamps propose de situer ce Château à Helalyé: P. Deschamps, La Défense du Royaume de Jérusalem, (Les Châteaux des Croisés en Terre-Sainte, II, Paris, 1939), pp. 9-10 et Rey à Deir El Kalaa: E.G. Rey, Colonies Franques de Syrie, (Paris, 1883), p. 524. Voir aussi à ce propos:

M.E. Nickerson, «The Seigneury of Beirut», Byzantion, XIX (1949), p.148.

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«Sidon, Bérout, Tripoli, Acre, Tyr et toutes les places fortes des Francs fu- rent ruinées.»9

Alors qu’entre autres forts, celui de Giblet, par exemple, est mentionné,10 aucune mention du Château de Beyrouth n’est faite. La ville est donc considé- rée comme une place forte, probablement uniquement en raison des puissantes murailles qui la protégeaient.

1183: ATTAQUEDE SALADIN: PREMIEREMENTIONDUN CHATEAU

En 1183, Saladin attaque la ville de Beyrouth et essuie un échec. Le récit, par ailleurs captivant, qui retrace le siège de la ville, nous révèle entre autres détails la présence d’une barbacane que les mineurs de Saladin s’efforcent d’atteindre.11 Cependant, ce qui retient surtout l’attention est la mention d’un Château. De fait, le texte nous apprend qu’une flèche ayant blessé un soldat ayyoubide,

«grant duel en firent cil dehors et cil del chastel en furent mout lié.»12 La conclusion semble évidente: le Château, qui apparaît pour la première fois, existe réellement. Toutefois une étude plus poussée des textes nous mène à réviser cette constatation. En effet, le chroniqueur qui mentionne le Château est en fait un des traducteurs de Guillaume de Tyr, or dans le texte en latin de ce dernier il n'est fait aucune allusion à un quelconque château.13 Serait-ce donc un excès de zèle que ce rajout de détails déroutants de la part du traduc- teur? Il semble en effet surprenant que dans le texte original, alors qu’on décrit dans les moindres détails la bataille au niveau des murailles de la ville, on ait omis de mentionner le Château qui, s’il avait existé, aurait du jouer un rôle dans le déroulement des événements. Nous supposerons donc que le copiste a apporté des modifications au texte latin, comme c'était des fois le cas. Par con- séquent, nous pouvons affirmer, une fois de plus, que le Château n’existe pas encore.

1183-1185?: CONSTRUCTIONDU CHATEAU

En 1185, Beyrouth est donnée en gage au comte de Tripoli Raymond III, mais un an plus tard, le comte d’Edesse, Jocelyn, s’empare de la ville par traî- trise. Cette fois-ci, pour la première fois et sans aucune équivoque, le Château est mentionné clairement à deux reprises:

«Quant il vindrent au conte (de Tripoli) et il li parlerent de pais faire, li cuenz dist que nule pais il ne feroit, tant que il seroit saisiz dou chastel de

9 Abou’l Mahacen Youssouf, Extrait de Nodjoum ez-Zahireh, (Hist. Or., III, Paris, 1859), p. 509.

10 P. Deschamps, La Défense du Comté de Tripoli et de la Principauté d’Antioche, (Les Châ- teaux des Croisés en Terre-Sainte, III, Paris, 1977), p. 205.

11 Guillaume de Tyr, L’Estoire de Eracles, (Hist. Occ., I,2), pp. 1098-1101.

12 Guillaume de Tyr, L’Estoire de Eracles, (Hist. Occ., I,2), p. 1099.

13 Guillaume de Tyr, L’Estoire de Eracles, (Hist. Occ., I,2), p. 1099.

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Baruth, dont l’en avoit dessaisi; mais se il estoit saisi dou chastel, il en feroit tant que tuit li en sauroient bon gré…»14

Nous pouvons certifier qu’il s’agit bien dans ce texte du Château intra- muros puisqu’il est appelé Château de Baruth alors que celui de la montagne se nomme Mont-Glavien.

De plus, ce dernier ne semble pas avoir été si important alors que dans ce texte le Château est la cible première du comte Raymond III; s’en emparer si- gnifie reprendre possession de la ville. Ainsi non seulement le Château existe- t-il, mais nous pouvons aussi certifier qu’à cettte date-là il devait déjà être puissant. Par conséquent, nous pouvons affirmer que le Château a été édifié entre l’année 1183, date de l’attaque de Saladin et l’année 1185. Le choix de cette date s'expliquerait probablement par la crainte de voir Saladin renouveler ses attaques.

La construction du Château dans son premier, mais néanmoins imposant état, aurait donc duré au plus trois ans; une durée qui correspond aux normes de l’époque. En effet, à titre d’exemple, la forteresse de Saphed en Palestine, considérée comme une des forteresses les plus puissantes, avait été achevée en deux ans et demi.15

La question qui suit à trait à l’identité du constructeur du Château qui doit être le gouverneur de la ville à cette époque. Or, l'on ne sait au juste qui gouvernait Beyrouth entre 1183 et 1185,16 mais l'on sait qu'à partir de 1185, c'est Raymond III qui est en charge de la ville. Ainsi, faute d'autres informa- tions et vu l'importance que revêt le Château à ses yeux, tout nous porte à croire que c’est le comte de Tripoli, qui aurait ordonné la construction de la forteresse.

1187: PRISEDELAVILLEETDESON CHATEAUPAR SALADIN

En 1187, Saladin, fort de sa victoire à Tibériade, renouvelle son attaque et parvient cette fois-ci à s'emparer de la ville. Comme il fallait s’y attendre, les multiples récits relatant la bataille ne manquent pas de citer le Château, dont l’existence est dorénavant indiscutablement établie.17 Ainsi l’on peut lire:

«Les Francs évacuèrent la ville et le Château, et remplirent la route qui mène à Sour.»18

Et:

14 Guillaume de Tyr, L’Estoire de Eracles Empereur et la Conqueste de la Terre d’Outremer, (Hist. Occ., II, Paris, 1859), pp. 35-36.

15 P. Deschamps, La Défense du Royaume de Jérusalem, p. 12.

16 Tout ce que l'on peut certifier c'est qu'à cette époque Beyrouth faisait partie du domaine royal. Voir: M.E. Nickerson, «The Seigneury of Beirut», pp. 141-185.

17 R. Grousset, Histoire des Croisades et du Royaume Franc de Jérusalem II, (Paris, 1935), p. 806.

18 Abou Chamah, le Livre des Deux Jardins, (Hist. Or., IV, Paris, 1898), p. 308.

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« Il (le Sultan) s’empara de Beyrouth et l’étendard sultanien fut dressé sur sa citadelle…»19

Sur le plan de la gérance de la ville, le Château représentait une entité à part, ayant besoin d’être géré indépendamment de la ville:

«Charge of the castle of Beirut was entrusted to Sanjaq el Sultan while the city was given to Saifeddin Ali ibn Ahmed of Mashtoob, an important emir.»20 Le Château contribuait aussi à faire la renommée de la ville si l’on en croit une description de Beyrouth:

«Quant à Beyrouth, elle était au nombre des plus fortes places de la Syrie maritime.»21

DÉMANTELEMENTDESFORTIFICATIONS

Après cette victoire, Saladin fait démanteler les fortifications afin que les Croisés ne puissent plus se réimplanter dans la ville:22

Toutefois, le Château semble avoir été épargné, comme nous l’indique le texte suivant:

«Mais Oussama (gouverneur de la ville) les en empêcha, prenant à sa charge le soin de défendre la place.»23

Par ailleurs, le sort de la citadelle est débattu lors de la rencontre entre Sala- din et Richard Coeur de Lion qui eut lieu en 1192 où l’on considéra, entre autres, le cas de Beyrouth.

«The Christians wanted the city returned, the Moslems seemed for a time to consider this possibility if the citadel would be demolished and never rebuilt.»24

1197: REPRISEDU CHATEAUPARLES CROISÉS

En 1197, le roi de Jérusalem, Amaury II de Lusignan et les Croisés alle- mands décident d’assiéger Beyrouth et de la reprendre des mains des Ayyoubides. Ils finissent par remporter la victoire grâce au stratagème d’un charpentier (Voir Annexe 1).

Les différents récits de la prise de la ville,25 en particulier ceux des histo- riens occidentaux, sont riches en détails concernant le Château, puisque c’est à l’intérieur de celui-ci que se joue la libération de la ville.

19 Saleh ben Yehia, «Histoire de Beyrouth», Annales d’Histoire et d’Archéologie, 6 (1995) (éd. F. Hours), p. 8.

20 M.E. Nickerson, «The Seigneury of Beirut», p. 178.

21 Abu-l-Fida, Kamel el Tawarikh, (Hist. Or., I, Paris, 1872), p. 692.

22 Guillaume de Tyr, l’Estoire de Eracles, (Hist. Occ., II), p. 140.

23 R. Grousset, Histoire des Croisades et du Royaume Franc de Jérusalem III, (Paris, 1936), p. 156.

24 M.E. Nickerson, «The Seigneury of Beirut», p. 181.

25 M.L. de Mas-Latrie, Chronique d’Ernoul et de Bernard le Trésorier, (Paris, 1871), pp. 311- 314.

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Ainsi l’on apprend, entre autres détails, l’existence d’une prison à l’intérieur du Château. Un pèlerin de passage à Beyrouth, Wilbrand d'Oldenbourg, re- marquera plus tard, en 1212, cette prison qui s'ouvrait sur le fossé.26

«…ambitur quadam fossa murata et adeo profunda, ut in ea plures captivos tanquam in alto carcere videremus detrusos.»

Cependant, ce sont surtout les informations relatives à l’emplacement du Château et à ses ouvrages défensifs qui sont les plus intéressantes:

«il monteroit sus la maistre tour, qui pres estoit de la porte, et li aideroit la porte a deffendre, … a l’autre tour, qui est sor la mer.»27

Ainsi nous apprenons que la porte d’entrée principale pouvait être dêtre dé- fendue à partir de la tour maîtresse qui est, selon toute vraisemblance, le don- jon. A l’autre extrémité s’élevait une autre tour dotée d’une poterne qui per- mettait la communication par voie de mer. Cette situation se retrouve d’ailleurs dans tous les villes maritimes où les Châteaux communiquaient d'une part avec la mer et de l'autre avec la ville.28

1198: PRISEENCHARGEDU CHATEAUPARLES IBELIN

Le roi, ayant remporté la victoire, confie Beyrouth, en 1198, à Jean I d'Ibelin, connu sous le surnom de «vieux sire de Baruth». Celui-ci s’empresse de relever les remparts, et aussi, très probablement, le Château.29 Jean I sera succédé par son petit-fils Jean II d’Ibelin qui, à son tour, assumera la prise en charge de la forteresse, fait assez remarquable à une époque où cette tâche re- levait normalement des ordres religieux.

D’ailleurs, sur plusieurs monnaies30 datant des règnes de Jean I et Jean II,se trouve représentée une entrée monumentale, mais l’on ne peut dire avec certi- tude s’il s’agit de l’entrée de la ville ou de celle du Château.31

1212: DESCRIPTIONDU CHATEAUPARUNPELERIN

En 1212, Wilbrand d'Oldenbourg, brosse le tableau d’une pièce du Château, nous fournissant de la sorte l’unique récit ayant trait à l’aspect intérieur de la forteresse32 (Voir Annexe 2). De plus, il confirme la position de celle-ci en

R. Grousset, Histoire des Croisades III, pp. 156-157, 331-332, 336-338.

26 P. Deschamps, La Défense du Comté de Tripoli, p. 234

27 Guillaume de Tyr, l’Estoire de Eracles Empereur, (Hist. Occ., II), p. 227.

28 Ainsi en est-il par exemple pour la forteresse d’Athlit en Palestine.

29 Les Gestes des Chyprois, (Recueil des Historiens des Croisades. Documents Arméniens, II, Paris, 1905), pp. 678-679.

R. Grousset, Histoire des Croisades III, p. 292.

30 L’étude des monnaies trouvées lors des fouilles récentes du centre-ville de Beyrouth de- vrait permettre d’enrichir la documentation iconographique du Château.

31 G. Schlumberger, Numismatique de l’Orient Latin, (Paris, 1878), pp. 118-119. Pl. V, 10, 11, 12.

32 P. Deschamps, le Crac des Chevaliers, (Les Châteaux des Croisés en Terre-Sainte, I, Paris, 1934), p. 69.

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surplomb sur la mer, et la situe à l’angle de la ville.33 Il mentionne aussi l’exis- tence de fossés et d’une double enceinte du côté de la ville:34

«Ex ima enim parte munitur mari et alte rupis precipicio, ex alia autem ambitur quadam fossa murata… Hanc fossam prospiciunt duo muri fortes…»

1221: REPRÉSENTATIONDU CHATEAUSURUNEBULLE

En 1221, l’image du Château apparaît sur une bulle de plomb.35 Bien qu’aujourd'hui perdue, cette bulle était autrefois appendue à un acte par lequel Jean d'Ibelin le Vieux accordait aux Gênois divers privilèges.36 Le Château de Beyrouth y est représenté avec l’annotation suivante: CASTELLUM BERITY. Jean d’Ibelin y est aussi représenté sous les traits d’un cavalier armé et brandissant l’épée.

1231: TENTATIVEDEPRISEDU CHATEAUPARLES ALLEMANDS

En 1231, suite à un différend avec les barons de Terre-Sainte, l'empereur germanique Frédéric II occupe la ville. Le Château apparait dans la plupart des récits comme étant une vraie place imprenable.37

Un chroniqueur décrit l’attaque:

«Les Longuebars…murent de nuit et alerent droit a Barut de nuit et prisrent la ville sur saut. Ils assegewrent le chasteau et le tindrent mout près, et le troverent desgarny de gent … Le chasteau estoit bien garni de viands et de vins et d’armeures, mais poy I avoit de gens. Les Longuebars avoyent planté de gens de marine et d’engineors, et de marein, et fer et plomb et de ce que mestier leur estoit as engins faire. Si en firent de grans et de petis, et com- battirent forement le chasteau des engins…

Le siège approcha mout le chasteau, car il avoit poy de defendeors…

dedens…»38

L’éloge du Château et la description du fossé l’entourant nous sont données par un autre chroniqueur:

«…le face dou chasteau fu pris qui est un des plus beaux dou monde et au fons dou fossé firent une rue toute couverte de gros marain, et minerent le chasteau en plusieurs lieus.»39

33 Comme c’est le cas du Château de Tartous, par exemple.

34 E. G. Rey, Colonies Franques, pp. 522-523.

P. Deschamps, Le Crac des Chevaliers, p.69

35 G. Schlumberger, Sigillographie de l’Orient Latin, (Paris, 1943), p. 40.

36 Elle nous est connue par le vidimus du notaire Atton, aujourd’hui conservé à la Bibliothè- que de l’Université de Gênes.

Nous regrettons de n’avoir pas encore eu accès à ce précieux document.

37 Les Gestes des Chyprois, pp. 701-705.

38 Les Gestes des Chyprois, p. 701.

39 Les Gestes des Chyprois, p. 701.

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Jean d’Ibelin qui se trouvait à Chypre, voyant sa ville en péril, décide alors de demander l’aide au roi de Chypre et à ses alliés:

«or est ensi avenu que les Longuebars ont prise ma ville et assegé mon chasteau si près que il est en peril de perdre…dont je vous pri…que vous venés en persone a tout vostre pooir, o moy, secorre mon chasteau.»40

Durant son voyage de Chypre à Beyrouth, Ibelin confie à ses compagnons:

«Si je ne meuve adès, je sais bien que le chasteau sera perdu et tout le pais après.»41

Ainsi, le sort de la ville n'est pas simplement lié à celui du Château, mais il en dépend.

Finalement, le roi de Chypre accourt au secours d'Ibelin, renforce la garni- son du Château et fait lever le siège aux troupes impériales.

«Ceaus dou chasteau de Baruth firent merveilleuse joie et gran luminaire, quand ils les virent. Gran mestier avaient de secors, car le chasteau estoit si miné que il cheoit par pieces, et les engins et le chasteau dou Chaufor les guerreoyent mout.»42

Les soldats doivent aller à la nage sous les vaisseaux de l’ennemi pour at- teindre le promontoire sur lequel est perché le Château:

«…et arriverent a la roche dessous le chasteau.»43

«Les Lombards, faisaient garder très étroitment par terre et par mer que l’on entrat au Château et avaient préparé leurs bateaux et lié à une grande chaine de fer et bien rang dans le port tout en touer le Château en la mer, et n’avaient laissé qu’une petite voie par ou ils entraient et sortaient. Le seigneur de Baruth mandait chaque nuit a la nage ce qu’il pouvait mander de gens d’armes au Château.»44

1280: MENTIONDUN «ÉCRIVAINDU CHATEAU»

Quant à une des dernières mentions concernant le Château et datant de l’époque des Croisés nous la trouvons dans un document de 1280 concernant la concession d’un terrain de Beyrouth.45 Celui-ci porte la signature de «l’écri- vain du Château» du nom de Georges, fils de Yakoub.

40 Les Gestes des Chyprois, p. 702.

41 Les Gestes des Chyprois, p. 702.

42 Les Gestes des Chyprois, p. 704.

43 Les Gestes des Chyprois, p. 705.

44 Les Gestes des Chyprois, p. 84. Voir aussi: Amadi, la Chronique de Chypre, (Paris, 1891) (éd. René de Mas-Latrie), pp. 153-160.

45 Hist. Or., I, p. XLVI. Saleh b. Yehia, Histoire de Beyrouth, p. 40.

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PÉRIODE MAMLUKE

1291: DESTRUCTIONDU CHATEAU

Malgré une trêve faite en 1255 avec les Mamluks, Beyrouth tombe entre leurs mains en 1291. Ainsi se déroula ce dernier épisode des Croisés à Bey- routh, où l’on apprend aussi, par la même occasion, ce qu’il advint du Château.

«quand le dit Segay se party de Sayete, il passa par Barut, et nissirent dou chastiau de Barut, et ly vindrent a l’encontre pour luy honorer et pour ce qui lor avait enfin mandé, et il, comme dehleau, les fit tous prendre, et prist la ville et le chastiau, et fit abatre les murs de la ville et puis abatre tout le chastiau a terre.»46

De même chez l'historien Saleh Ibn Yehia, nous lisons que le sultan détrui- sit l’enceinte et le Château.47

«Puis Sanjar el Chaja’i entreprit la démolition du rempart de Beyrouth et de sa citadelle qui était solidement bâtie.»

Le fossé du Château est mentionné encore une fois:

«…Mais quand ils arrivèrent à la citadelle, il se saisit des hommes, les en- chaîna et les précipita dans le fossé…»48

LE CHATEAUENRUINES

Ainsi le Château est rasé, mais pas complètement, comme en témoignent les ruines, toujours visibles, qui seront décrites dans les textes de la période mamluke.

Sous le règne de Tankis, nous apprenons par un pèlerin que:

«Barut a un chastel fort destrict.»49

De même, Ibn Yehia rapporte que, lors d’une des tentatives des Croisés de s’emparer de nouveau de Beyrouth:

«Les Gênois pénètrent dans le port … et se saisissent même du drapeau du sultan qui flottait sur le château en ruine et qu'on appelait le bourdj.«50

Le Château, bien qu’en ruines, est donc toujours imposant, et l’on peut faci- lement imaginer sa silhouette se dessinant à l’horizon, avec, à son sommet, le drapeau du sultan. Le même auteur relate:

«Le grand fort à cette époque n’était pas encore construit et à son emplace- ment se trouvaient des ruines anciennes.»51

Il s’agit de la grande tour qui sera construite au XIVe siècle par Barqouq.

46 Les Gestes des Chyprois, p. 817.

47 Saleh b.Yehia, Histoire de Beyrouth, p. 10.

48 Saleh b.Yehia, «Histoire de Beyrouth», p. 10. Voir aussi: H. Porter, The History of Beirut, (Beyrouth, 1912), p. 70.

49 B. de la Brocquière, Le Voyage d’Outre-Mer, (Paris, 1892), pp. 29-30.

50 R. Buisson, du Mesnil du, « Les Anciennes Défenses de Beyrouth», Syria, II (1921), p. 245.

51 Saleh b. Yehia, «Histoire de Beyrouth», p. 14.

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CONSTRUCTIONDUNETOURSURLESRUINESDU CHATEAU

En effet, nous apprenons que:

«Au temps du sultan el Malik al Zahir Barqouq le grand fort de Beyrouth fut construit sur l’emplacement d’une des tours de la citadelle et ces guerriers s’y établirent.»52

C’est cette même tour qui est décrite en 1422 par un voyageur qui, au pas- sage, cite aussi deux autres tours, l’une se trouvant elle aussi sur la mer, à l'en- trée du port,53 et l’autre plus au sud de la ville:54

«Et est ascavoir que au lieu dit de Baruth, y a deux Châteaux bons assis en la mer, l'un à ung lez du port et l'autre à l'autre lez du port… Et l'autre, à l'autre lez du port, vers la Turquie et vers Tripoly, est ung petit chastelet assis sur unr roche fondée en la mer du lez de la marine, et du lez vers les champs et assis en terre ferme bonne à miner. Et là entour y a doubles fossez…Vers la mer n'y a fors le mur et la roche dessoubz, qui est haute et roiste assez. Et est à savoir, en conclusion dudit chastel, que ce ne sont que deux tours quarrées encloses de murs, l'une sur la roche ditte, et l'autre sur les champs plus arrière…Item, au dessoulz dudit chastel, plus près de la ville de Baruth, bas sur la mer, en lieu plat, y a une autre petite tour quarrée, assez bonne, la- quelle est emparée et gardée.«

Ainsi il apparaît que le «nouveau» Château, qui se trouve à l’emplacement de l'originel, est à présent formé de deux tours.

De même, nous apprenons que deux fossés entourant le Château sont encore visibles.55

Le Château est mentionné à nouveau en 1498:

«…and northwards, at the end of the town on the sea, there was formerly a strong castle surrounded by walls and towers, but it is now inhabitable.»56

PÉRIODE DE FAKHR EL DINE II LE CHATEAUTOUJOURSENRUINES

L’on sait que Fakhr-El-Dine II a relevé les défenses de la ville mais l'on ne saurait dire avec certitude si la forteresse aussi l'a été. Durant son règne et du-

52 Saleh b. Yehia, «Histoire de Beyrouth», p. 18.

53 Il s’agit de la tour des Gênois qui défendait le port et qui avait été construite par les Croi- sés. Voir à ce propos: E.G. Rey, Etude sur les Monuments de l'Architecture Militaire des Croisés en Syrie et dans l'Ile de Chypre, (Paris, 1871), pp. 173-174 et p. 171, fig. 43. Et R. Buisson, du Mesnil du, « Les Anciennes Défenses de Beyrouth», p. 247.

54 Il s'agit peut-être du futur «burj» qui donnera son nom à la place des Canons.

G. de Lannoy, Oeuvres, (Louvain, 1878), p. 247.

55 Rappelons que Wilbrand d’Oldenbourg avait déjà mentionné les fossés. Ainsi sommes- nous dans une situation analogue à celle, par exemple, du Château de Enfeh, lui aussi défendu par deux fossés.

56 A. Von Harff, The Pilgrimage of Arnold Von Harff, (Londres, 1946), p 46.

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rant la période qui suivra, les pèlerins de passage à Beyrouth mentionnent à nouveau le Château:

«Cette ville et son Château sont assez forts.»57

«On voit sur le bord de la mer un vieux Château ruiné …»58

Un pèlerin décrira une tour située sur un écueil, qui, selon toute probabilité, est celle qui nous intéresse:

«On voit du côté droit du port une ancienne tour que les Turcs ont réparé.

Elle est située sur un écueil au bord de la mer. Elle est quarrée, elle a quatre toises de largeur, et chaque côté en a environ six à sept de hauteur. Sa garnison qui est de douze Janissaires du pays, …est commandée par un Agha.. Il y a dans cette espèce de forteresse deux pièces de canon de fer, trois ou quatre fau- conneaux, une douzaine de mousquets, deux hautbois et deux tambours…»59

En 1737, la côte, dotée de trois tours, déjà mentionnées plus haut,60 présente l’aspect suivant:

«to the east of the port is a castle built on the rocks in the sea, with a bridge to it. East of this, over the sea cliffs, is another castle, and east of that, are remains of a very large one, defended by a fosse, where I saw some broken pillars. 61

Le troisième Château, qui conserve toujours un fossé, est probablement ce- lui qui nous intéresse.

PÉRIODE DE JEZZAR

1773: CONSTRUCTIONDUNENOUVELLETOUR

En 1773, Jezzar prend possession de la ville et la fait rebâtir; il détruit le Château et reconstruit à sa place une tour, d’aspect plus chétif:

«La haute tour qu'on voit au nord-est de la ville…; celle-ci a été détruite d'abord par Jezzar qui craignait en cas d'attaque, qu'il ne fût trop facile à l'en- nemi de s'y loger et par là d'incommoder beaucoup la ville, et qu'ensuite en a rebâti une autre au même endroit, pour servir de place d'armes. La dernière est composée de pierres beaucoup plus petites, elle est beaucoup moins solide- ment construite que l'autre.»62

Un autre voyageur confirme l’aspect chétif de cette nouvelle tour:

«…ces murs fortifiés à la vérité de quelques tours, sont très minces et peu solides.«63

57 Seigneur de Villamont, Le Voyage du Seigneur de Villamont, (Paris, 1598), p. 224.

58 H. Maundrell, A Journey from Aleppo to Jerusalem in 1697, (éd. Beirut Khayats), (Bey- routh, 1963), p. 40.

59 D’Arvieux, Mémoires du chevalier d’Arvieux II, (Paris, 1735), p. 339.

60 Voir notes 53 et 54

61 R. Pococke, A Description of the East and some Other Countries II, (Londres, 1745), p. 45.

62 W. G. Browne, Nouveau Voyage dans la Haute et Basse Egypte, (Paris, 1800), p. 198.

63 W. G. Browne, Nouveau Voyage, p. 197.

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XIXe SIÈCLE

DESCRIPTIONETREPRÉSENTATIONGRAPHIQUEDELATOURDE JEZZAR

Au début du siècle passé, et plus précisément en 1816, le «nouveau» Châ- teau sert toujours de poste militaire; il contient les soldats et les munitions de la ville:

«There is an old castle near the sea, in which are six pieces of cannon, which form all the ordonance of the town … and in this castle the military reside.»64

Tout au long de ce siècle, Beyrouth verra affluer les visiteurs qui ne man- queront pas de décrire, entre autres, ses fortifications, édifices marquants du paysage.

«A gauche sont les vieux Châteaux moresques qui servent à rehausser, par leur aspect féodal et antique, la pauvre ville qui autrement ressemble assez à une prison.»65

Décrivant l’aspect chétif des fortifications, un autre voyageur notera:

«toutes ces constructions manquent de fermeté et d'ampleur, l'appareil et l'ornementation n'ont rien des beaux siècles, c'est du Moyen Age de petite condition.»66

Parmi ces fortifications, les ruines du Château de Jezzar occupent une place prépondérante:

«…un immense golfe clos d'un coté par le Château moresque de Bey- routh.»67

Parmi ces voyageurs, figurent des peintres dont les gravures illustrant la ville, nous permettent d’apercevoir le Château, entre deux autres tours, celle du port, et celle, plus à l’est du «burj».68 (Fig. 1).

L’on remarque sur d'autres gravures que le Château était réellement situé sur un promontoire. (Fig. 2) Cette situation est d’ailleurs confirmée par les pre- mières cartes scientifiques de la ville, celles de la marine anglaise,69 qui, par la même occasion, nous fournissent aussi l’ancien tracé de la côte.70 (Fig. 3).

Ainsi nous pouvons aisément constater que les Croisés ont mis à profit le promontoire à l’angle nord-est de la ville, pour y installer leur forteresse. Rey

64 J. S. Buckingham, Travels among the Arab Tribes, (Londres, 1825), p. 441.

65 J. Carne, La Syrie Illustrée II, (Londres, Paris, 1836), p. 9.

66 L. de Laborde, Voyage de la Syrie, (Paris, 1837), p. 39.

67 A. de Lamartine, Voyage en Orient, (éd. Hachette), (Paris, 1881), p. 140.

68 Pour une étude des fortifications de la ville, voir aussi: R. Buisson, du Mesnil du, «Les Anciennes Défenses de Beyrouth», pp. 235-257.

69 M. Davie, «Trois Cartes Inédites de Beyrouth», Annales de Géographie, 5 (1984), pp. 37- 81. Fig. 2.

70 Ce dernier détail n'étant pas à négliger puisqu'il nous permettra à la fin de cet ouvrage de situer les vestiges croisés dans la topographie originelle.

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a d’ailleurs précisé que c'était sur ce promontoire que se trouvait la tour du Château dotée d’une poterne. 71

1840: DESTRUCTIONPARTIELLEDELATOUR

En 1840, les anglais bombardent la côte et la tour du Jezzar est endomma- gée. Toutefois, les récits, les cartes ainsi que les nombreuses gravures repré- sentant la ville nous donnent toujours l’image d’un Château, de dimensions plus réduites mais toujours importantes.

Les voyageurs relatent:

«Je n’ai rien dit du Château ou citadelle de Beyrouth, bâtie sur un rocher qui avance dans la mer et domine au nord le port actuel. J’allais le visiter. Ce n’est plus qu’une ruine depuis qu’il fut bombardé en 1840 par les Anglais.»72

Certains attribuent les tours à l’époque médiévale:

«Il est également permis d’attribuer au Moyen Age une sorte de fort ou de tour carrée qui servait de défense à la ville du coté du port, et qui a été criblée de boulets…»73

«Les tours qui y existent encore, en assez bon état, avant l’attaque des Anglos-Autrichiens étaient sans doute un souvenir des Croisades.»74

«L’époque des croisades nous a laissé quelques monuments. C’est d’abord une sorte de fort ou tour carrée, sans ornement caractéristique à l’extérieur, destiné sans doute à servir de défense à la ville du côté de la mer, et qui eut particulièrement à soufffrir du feu des Anglais en 1840».75

«Barut avait été fortifiée par les Francs et quelques restes de ses murailles se voient encore, surtout dans la partie occidentale. Elles étaient flanquées de tours, les unes barrelongues, les autres arrondies et en avant de ces murs ré- gnait un fossé profond taillé dans le roc.»76

«A Crusader fortress, Burj El Hashesh, which was located in the North East extension of the remparts, protected the entrance to the port.»77

Parmi la multitude de gravures datant de cette époque, nous en avons choisi une qui illustre clairement le Château où l'on peut même voir une sorte de po- terne.78 (Fig. 4) Le comte du Mesnil du Buisson nous en fait la description:

«Ce Château se composait encore d’un donjon carré entouré de construc- tions plus basses, d’où émergent quelques tours également carrées…»79

71 E. G. Rey, Colonies Franques, p. 521. Voir aussi: R. Buisson, du Mesnil du, «Les Ancien- nes Défenses de Beyrouth», p. 251.

72 C. Auberive, Voyage au Mont-Liban, (Paris, 1861), p. 163.

73 V. Guérin, La Terre Sainte, (Paris, 1884), p. 198.

74 H. Guys, Relation d’un Séjour de Plusieurs Années à Beyrouth et dans le Liban I, (Paris, 1847), p. 66.

75 A. Joanne, Adolphe et E. Isambert, Itinéraire de l’Orient, (Collection des Guides Joanne, Paris, 1861), p. 630.

76 E.G. Rey, Colonies Franques, pp. 521-524.

77 F. Debbas, Beirut our Memory, (Beyrouth, 1986), p. 43.

78 Celle-là même peut-être qui existait à l'époque des Croisades.

79 R. Buisson, du Mesnil du, «Les Anciennes Défenses de Beyrouth», pp. 249-250.

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De même, une photo, parmi les plus anciennes de Beyrouth, nous montre à nouveau l’état délabré du Château (Fig. 5)

1889-1895: DESTRUCTIONTOTALEDELATOUR

Nous terminons notre étude historique par les récits de la fin du siècle passé qui nous rapportent que le Château de Jezzar disparaît complètement au mo- ment de l’aménagement du nouveau port, de 1889 à 1895:

«Non seulement l'ouvrage fut rasé, mais le rocher lui-même disparut.»80

«The new port of 1890 changed the whole layout of the port area of Beirut… The old port had to be buried, the ruins of the old burj had to be flattened.»81

Ainsi les quelques vestiges Croisés qui avaient dû subsister, sinon en hau- teur du moins en fondation, semblent, durant cette période, avoir été totale- ment détruits.

SYNTHÈSE DE LA PARTIE HISTORIQUE

Pour conclure cette première partie, nous reprendrons les grandes lignes de l’histoire du Château: construit entre 1183 et 1185 probablement par le comte de Tripoli Raymond III, le Château figure au coeur de deux événements ma- jeurs: celui de la reprise de la ville par les Croisés en 1197 et celui du siège de l’empereur Frédéric II en 1231. Détruit en grande partie par les Mamelouks en 1291, il se transforme en un champ de ruines. A la fin du XIVe siècle, le sultan Barqouq y fait construire une tour qui sera à nouverau détruite par Jezzar qua- tre siècles plus tard. Celui-ci en reconstruira une autre, au même endroit, qui subira le feu des alliés en 1840 et sera définitivement rasée à la fin du XIXe siècle.

Quant aux informations concernant l'aspect architectural du Château à l'époque des Croisades, nous pouvons les résumer comme suit:

1) Le Château est considéré comme étant un des châteaux croisés les plus importants.

2) Il se situe à l'angle nord-est de la ville, sur un promontoire, et permet de la sorte la communication d'un côté avec la mer et de l'autre avec la campa- gne.

3) Il est protégé, du côté de la ville, par deux enceintes ainsi que par des fossés.

4) L'entrée principale est défendue par une tour maîtresse et sur le promon- toire se trouve une autre tour donnant accès à la mer à travers une poterne.

80 R. Du Mesnil du Buisson, «Les Anciennes Défenses de Beyrouth», p. 250.

81 F. Debbas, Beirut our Memory, p. 31.

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5) Il contient une prison s'ouvrant sur le fossé ainsi qu'une salle très luxueu- sement décorée.

RÉSULTATS DES FOUILLES

Avant d'entreprendre la description des vestiges croisés dégagés sur le site Bey 003, il est intéressant de mentionner deux structures qui pourraient aussi appartenir à la même époque. Il s’agit d’un pan de mur à grands blocs à bossa- ges situé le long de la rue de la Marseillaise et qui se dresse toujours entre des constructions relativement modernes,82 (Figs. 6 et 7) ainsi que d’un angle de mur, lui aussi formé de grands blocs, à quelques mètres au sud de la première structure, que nous avions repéré lors des travaux d’infrastructure de SOLIDERE et qui pourrait constituer vu son emplacement, l’angle sud-ouest du Château originel. 83 (Fig.7)

Quant aux vestiges exhumés sur notre site, ils comprennent une tour dotée d’une poterne menant à une grande salle, un fossé, ainsi qu'un tronçon de la courtine sud.84 (Fig. 7)

LATOUR

La tour est orientée NO-SE. De plan rectangulaire, elle mesure 20 m de lon- gueur sur 13 m de largeur. (Fig. 8). Pour asseoir la tour sur des fondations so- lides, les Croisés ont dû déblayer les couches archéologiques et tailler la roche jusqu'à arriver à environ 1 m d'élévation.

L’appareil des murs, à l'instar de la plupart des châteaux francs, se compose d'un parement extérieur à gros blocs ainsi que d'un parement intérieur de blocs moyens bien taillés. Quant à la masse interne des murs, elle est consti- tuée par un blocage de moellons et de mortier. L'épaisseur totale des murs at- teint ainsi 4,50 m. La hauteur du blocage qui atteint une moyenne de 8 m, dé- passe les parements extérieurs d'environ 2 m, ce qui est toujours le cas lors- qu'un remploi de pierres a lieu par les occupants suivants, ceux-ci n'arrachant que les gros blocs, le blocage ne représentant aucun intérêt à leurs yeux.85 Les parements extérieurs des murs, conservés au même niveau sur les trois côtés, ont conservé sept assises, du moins cela est-il visible sur le côté ouest où le

82 Au début de ce siècle, le Comte du Mesnil du Buisson distinguait encore «au-dessus de la falaise qui longe la rue de la Marseillaise, quelques pans de mur, quelques blocages de maçonne- rie qu'on dit être les restes du château ou de ses dépendances.» R. Buisson, Du Mesnil du, «Les Anciennes Défenses», p. 250.

83 Nous avions demandé à l’époque la permission d’effectuer des fouilles à cet endroit et bien que la DGA ait donné son accord, nous nous étions heurtés au refus de SOLIDÈRE.

84 Voir aussi le plan général du site Bey 003 dans: L. Badre, «Bey 003. Preliminary Report», BAAL, 2 (1997), fig. 1.

85 Peut-être qu'en l'occurrence il s'agissait des hommes de Barqouq en charge de la construc- tion de la nouvelle tour.Voir p. 8.

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sol, en l'occurrence le rocher, a pu être atteint.86 Ces parements sont faits de gros blocs de grès à bossages bien ravalés dont la longueur varie entre 70 et 170 cm. Quant à la hauteur de ces blocs, elle varie entre 45 et 60 cm, et corres- pond par conséquent à celle observable dans les forteresses croisées.87 L’appa- reil semble être à joints vifs mais l’on peut déceler une très mince épaisseur de mortier. D’après d’Oldenbourg, lors de sa visite au Château, à l’époque des Croisés, le scellement des pierres était réalisé à l’aide de crampons de fer.88 Toutefois, nous n’avons trouvé aucune trace d’un tel procédé.

Afin de renforcer les murs, des tambours de colonnes en granit rose et gris provenant d’édifices romains ont été placés en boutisse dans l’épaisseur des murs sud et est. (Fig. 9) Leur localisation dans le mur sud dans la troisième assise apparente au-dessus des assises de fondation, est, encore une fois, un trait généralement commun aux forteresses croisées.89 Il est à noter aussi que plus d’une centaine de fragments de fûts de colonne ont été retrouvés dans les couches de destruction à l’intérieur et à l’extérieur de la tour.

Notons aussi que les murs sont dépourvus d’archères, vraisemblablement en raison de leur emplacement à la base du monument.

Toutefois, en dépit de tous ces renseignements, il est difficile de savoir si cette tour faisait partie du noyau principal du Château ou si elle faisait partie d'une des deux enceintes de celui-ci. Cependant, nous pouvons supposer qu'elle appartenait plutôt à une enceinte, et ceci pour deux raisons:

1) son emplacement au sud du promontoire et pas sur lui, celui-ci suppor- tant le

noyau dur du Château

2) la description que fait Wilbrand d'Oldenbourg des tours de l'enceinte:

«…hanc fossam prospiciunt duo muri fortes in quibus contra machinarum insultus eriguntur turres validissime…»90

Ces tours n'étaient donc pas de dimensions modestes comme c'était parfois le cas mais il s'agissait, bien au contraire, de tours puissantes, pareilles à la nôtre.

LEFOSSÉ

L’absence de toute stratigraphie antérieure ou contemporaine à l'époque croisée tout autour des trois côtés extérieurs de la tour, et contrairement au reste du site, nous permet de conclure à l’existence d’un fossé. En outre, un

86 Sur les deux autres côtés, la présence d'une tranchée de fondation d'une largeur maximale d'un demi- mètre a rendu impossible le dégagement entier des murs jusqu'à la base. Ainsi a-t-on dégagé 5 assises du mur est et 3 assises du mur sud.

87 P. Leriche, «Les Défenses Orientales de Tell Arqa au Moyen Age», Syria, LX (1983), p.131.

88 P. Deschamps, La Défense du Comté de Tripoli, p. 146.

89 P. Leriche, «Les Défenses Orientales», p.116.

90 R. Buisson, Du Mesnil du, «Les Anciennes Défenses», p. 241.

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mur partiellement dégagé qui se trouve plus à l'est, parallèlement au côté est de la tour, pourrait en constituer la contre-escarpe. (Fig. 7) Sa distance à une quinzaine de mètres de la tour correspondrait par conséquent à la largeur du fossé. Rappelons au passage que le fossé est mentionné dans les chroniques de l’époque des Croisés ainsi que dans les récits de certains voyageurs.91

LACOURTINE

A la tour est relié un mur formant un angle droit avec le mur ouest de celle- ci. (Fig.7) Dégagé uniquement sur quelques mètres, ce mur n'a été conservé que sur 2,20 m de hauteur. Il se compose de blocs moyens bien taillés s'ap- puyant contre le rocher avec, pour parement extérieur, là aussi, des blocs à bossage. Toutefois, contrairement à ceux de la tour, ces blocs sont à refends et leur hauteur, de 40 cm, est moindre.

Ce mur constitue vraisemblablement, de par sa location et sa connection avec la tour, la courtine sud de la forteresse qui devait relier la tour à une autre située plus à l’ouest. L'absence d'une autre courtine à l'est de la tour, place par conséquent cette dernière à l'angle sud-est du Château, ou bien, si nous tenons en compte l'hypothèse émise précédemment, à l'angle sud-est de son enceinte.

LASALLE

L’accès à l’intérieur de la tour se fait par une poterne. (Figs. 7 et 10) Celle- ci est percée dans le mur ouest de la tour, à l’angle constitué par celui-ci et la courtine, ce qui devait contribuer à lui assurer une bonne protection. Elle est en outre renforcée par un mur qui lui est parallèle et dont la fonction était de la masquer. Un arc en plein cintre surmonte la poterne. Toutefois, si l'on consi- dère le mur à bossage plus bas, l'on réalise que celui-ci forme deux départs de courbe, indiquant de la sorte l'ancienne présence de deux autres arcs. Si l'on trace l'arc du dessous, nous obtenons une hauteur d'environ 2 m. A l’entrée du couloir, contre le mur sud, un bloc muni d’une feuillure ainsi qu’une marche dans laquelle a été pratiqué une crapaudine constituent le système de fermeture de la porte. La marche ainsi qu'un seuil conduisent à l’intérieur d’un couloir de 4.5 m de longueur.

Celui-ci, à son tour, donne accès à une grande salle située sur son prolon- gement. Le plan de celle-ci affecte celui d’un semi-rectangle puisqu’à la base de l’angle nord-ouest, les murs laissent la place à la roche-mère qui forme à cet endroit une légère courbe. (Fig.11) La salle est très vaste: elle mesure environ 11 m de longueur sur 6 m de largeur et 7 m de hauteur. Bien que le plafond ne soit plus conservé, l’on distingue nettement son profil en arc brisé

91 Voir notes 34, 39, 54 et 61.

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sur la façade du mur est. Contre la paroi nord, une sorte de banquette taillée dans le rocher a été aménagée. (Fig. 12) Quant au niveau du sol de la salle, il n’a pu, pour des raisons de sécurité, être atteint par la pelle mécanique. Ainsi nous n’avons pu qu’effectuer un sondage de 2m2, ce qui a permis de situer le sol, en l’occurrence le rocher, à une élévation d’1 m au-dessus du niveau de la mer. (Fig.12)

Un escalier conduisait à l’étage supérieur. (Fig.12) Il n’en reste que les cinq dernières marches. Celles-ci sont ménagées dans l’épaisseur du mur nord de la salle et s’appuient contre le mur est. Il est à noter aussi la présence d'un puits traversant toute la hauteur de la salle qui a dû être creusé à une époque ulté- rieure.92 (Fig. 12)

LESMARQUESLAPIDAIRES

Une trentaine de marques lapidaires ont été trouvées sur quasiment tous les murs dégagés, à l'extérieur comme à l'intérieur. Elles sont très variées et re- présentent notamment des lettres latines et des objets comme l’étendard, le marteau, le marteau taillant, l'écu, la flèche et la croix. (Fig. 13)

Mis à part leur intérêt sur le plan de l'organisation du chantier de construc- tion, l’importance de ces marques provient du fait qu’étant caractéristiques de tous les châteaux francs, elles constituent la preuve irréfutable de la construc- tion du Château par les Croisés.

LEMATÉRIELARCHÉOLOGIQUE

Quant au matériel associé à ces constructions, il se compose essentiellement de tessons de potterie, toujours en cours d’étude.

DATATIONDESVESTIGES

Le dégagement de ces structures et des sols s'y associant ainsi que l'étude du matériel n'étant pas encore achevés, il est difficile de dater plus exactement ces vestiges. Datent-ils de la première phase de construction du Château, à sa- voir de 1183-1185, à supposer que cette conjecture soit correcte, ou du XIIIe siècle, du règne des Ibelins? Les éléments architecturaux peuvent difficile- ment, à eux seuls, fournir une réponse; seule la suite des fouilles et l'étude du matériel pourraient éventuellement nous éclairer à ce propos.

ESTIMATIONDESDIMENSIONSDU CHATEAU

En superposant l’ancienne carte du tracé de la ligne de côte sur le plan ac- tuel du site, nous constatons que le plan général du Château affecte la forme

92 Plusieurs autre puits ont aussi été trouvés sur divers chantiers archéologiques de Beyrouth.

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d'un L. Quant à l'enceinte, si nous supposons qu'il s'agit bien d'elle, on voit bien qu'elle s'adosse à la mer.93 (Fig.14) De la même manière, nous pouvons calculer les dimensions du Château. Ainsi, si nous calculons la distance sépa- rant le mur sud de la tour avec l’extrémité nord de l’ancien promontoire, nous obtenons une longueur approximative de 140 m. En ce qui concerne la largeur du Château, celui-ci en a en fait deux: la largeur au niveau du promontoire qui est d'environ 15 m et la largeur à sa base ou au niveau des enceintes,94 qui est de 100 m. La superficie du Château qui en résulterait, à supposer que les vesti- ges trouvés constituent la limite sud du terrain occupé par le château, serait donc d'environ 7120 m2 soit 0,7 ha. Sachant que la superficie des plus grands châteaux croisés variait entre 2 et 5 ha,95 et qu'un château comme celui de Beaufort couvrait une superficie d'environ 0,7 ha, nous pouvons conclure que notre Château se plaçait, du moins au niveau des dimensions, parmi les châ- teaux de taille moyenne de l'époque.

CONCLUSION

En résumé, la découverte du Château de Beyrouth aura fourni bon nombre d'informations dont les plus importantes sont la confirmation de son emplace- ment sur l'ancien tell de la ville, à l'angle nord-est de celle-ci ainsi que le tracé de sa configuration et l'estimation de sa superficie.

Sur un plan plus général, il est certain que cette découverte est capitale puisqu’elle apporte la preuve tangible de l'existence du Château de Beyrouth et permet par conséquent de combler un vide sur la carte des sites archéo- logiques de la Terre-Sainte à la limite septentrionale du royaume de Jérusa- lem.

Bien que le plus gros des fouilles concernant le Château ait été achevé, il est à souhaiter que celles-ci puissent être complétées et que toutes les structures soient complètement dégagées. S'il est vrai que la conservation de ces vestiges est aujourd'hui garantie, il devient impératif d'accélérer la mise en place d'un système qui les protège contre les intempéries.96

93 Dans son étude sur les Châteaux, Deschamps note: «ces villes maritimes étaient défendues du côté de la terre par une enceinte qui avait le plus ouvent la forme d'un trapèze appuyé à la mer.» P. Deschamps, le Crac des Chevaliers, p. 59.

94 Ceci à condition de supposer que l’angle des murs (mentionnés ci-dessus) trouvés à l’ouest du chantier ou du moins, la limite du promontoire moderne, constitue l’angle sud-ouest du Châ- teau.

95 Le Crac des Chevaliers, par exemple, couvrait une superficie de 2,5 ha. Voir à ce propos:

P. Deschamps, le Crac des Chevaliers, p. 80.

96 Ainsi par exemple, malgré leur calibre, les gros blocs en grès commencent à se fissurer.

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ANNEXES ANNEXE 197

1197: REPRISEDE BEYROUTHPARLES CROISÉS

«Quant li rois Heymeris ot esposée la dame et receue la terre, et les homages pris, il manda en Chypre et fist venir chevaliers et sergens, et aver et viandes et tout ce que il pot. Lors orent conseil, et fu acordé que il alassent asseger Baruth que li Sarrasin tenoient, dont il faisoient moult de damages as Crestienz par la mer et par terre. Li oz mut par mer et par terre, et passerent Sur et Saete, et ensi come il aprocherent Baruth, si lor vint un message a l’en- contre qui lor fist assaver que un pan de mur dou chastel estoit cheu, par coi li Sarrasin l’avoient guerpi, et conterent au roi que ensi come la novele vint a Barut que li oz des Crestiens estoit hebergé sur le flum do Damor, li Sarrazin furent moult esbahi, et firent grant semblant de atirer la cité et le chastel et de eauz deffendre. En ce que il entendoient plus fermement a lor fait, un pan dou mur dou chastel versa en hors et cheit dedens le fossé. Il en furent si espaventé, que se il orent paour devant la venue des Crestienz, il la doterent ores plus assez. Aprez si lor fu avis que il ne porroient mie deffendre le chastel que li Crestien ne se meissent dedenz tout de plain, et puis que li chastel seroit pris, la cité ne se porroit pas deffendre. Si enprisrent par acort d’aler s’en, et de mener toutes lor maisnees et porter lor meillors choses; si se mistrent ausi come gent desconfite.

Quant li esclaf, qui estoient au labor, apercurent le fait et virent que nus n’en entendi a eauz, car chascunz des Sarrasinz n’entendeit que a aler s’en;

un esclaf, qui estoit maistre charpentier, assembla les autres tot priveement et firent semblant de repairer en la prison, qui estoit ou chastel. Quant il furent ou chastel, li charpentiers les mena en une tor et se mistrent tuit dedens et fermerent l’uis; et li charpentiers, qui avoit les ostilz o lui, fist barres et closures et puis monterent en haut. Quant li rois entendi ceste novele, il en fut moult liez et tuit cil, qui estoient en l’ost, aussi; si se hasterent come cil a cui il ne sembloit pas que il i peussent venir a tens. Quant il vindrent en la cite, il troverent les portes overtes et la vile vuidée de gent, mais il la troverent pleine de viandes et de toz biens. Quant li esclaf virent les Crestienz en la vile, si ovrirent la porte dou chastel que ils orent close, apres ce que li Turc s’en furent issus. Li roi entra ou chastel a grant joie et si y heberja come on suen…»

97 Guillaume de Tyr, L’Estoire de Eracles, pp. 224-225.

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ANNEXE 298

1212: DESCRIPTIOND'UNESALLEDU CHATEAUPAR WILBRANDD'OLDENBOURG

«Cette salle ouvre d’un côté sur la mer et l’on voit voguer les navires, de l’autre côté sur des prairies et des vergers. Son pavage de mosaïque représente une eau ridée par la brise, et on est étonné, en marchant, de ne pas voir ses pieds empreints sur le sable représenté au fond. Les murs sont revêtus de pla- cages de marbre qui simulent des tentures. La voûte est peinte à l’image du ciel et l’on y voit les nuages courir, le vent souffler et le soleil distribuer l’an- née, les mois, les jours et les semaines, les heures et les minutes, suivant leur mouvement dans le Zodiaque. En ces arts décoratifs, ls Syriens, les Sarrasins et les Grecs rivalisent. Au milieu de cette salle se trouve un bassin en marbre de couleurs diverses formant un ensemble admirable où l’on voit une variété infinie de fleurs qui éblouissent le regard. Au centre de cette vasque,on voit un dragon qui semble être prêt à dévorer des animaux figurés en mosaïque et lancant en l’air une gerbe d’eau cristalline et abondante qui, grâce à l’air ciculant librement par de larges et nombreuses fenêtres, répand en cette salle une fraîcheur délicieuse. Cette eau jaillissante retombant en goutelettes fait un doux murmure berçant le sommeil de ceux qui viennent là se reposer.»

ANNEXE 399

1231: TENTATIVEDEPRISEDU CHATEAUPARLES ALLEMANDS

«… cil des chalandres..s’en alerent tant que ils vindrent a une isle, qui est devant Baruth. La descendirent a terre et deschargerent lor chevaux et puis s’armerent et se mirent en escheles, et chevaucherent vers la cité de Baruth, les escheles rengees. Quant cil de Baruth les virent venir, si y ot de tels, qui se misrent ou chastel, et li autre ovrirent les portes et les receurent. Dont cil se mistrent par mi la vile et se hebergerent par les ostels, ou il troverent grant plenté de viandes et d’autres biens et mirent leurs mains a aseeger le chastel et a faire engins, et firent un grant trebuchet, qui getoit le pois d’un quintat et treis petis trabuches, et tunbereaus y avoit VI; et tindrent le chastel moult destroit, si que riens n’en poeit issir ne entrer.

Apres ce, ne tarja guaires que li mareschaus Richart Filanger arriva a Lyme- con a tout les XV galees. Quant il vint la, et il sot que li chalandre estoient alé a Baruth, il mut d’ilec et s’en ala apres, et vint a Baruth et trova le siege, et le maintint ensi come il l’avoient comencé et l’efforsa tant come il pot…

Et quant il vint la, si destraint et grejale chastel plus que il n’avoit fait de- vant…«

98 P. Deschamps, le Crac des Chevaliers, p. 69.

99 Guillaume de Tyr, L’Estoire de Eracles, pp. 387, 390-397.

(22)

ABREVIATIONS BIBLIOGRAPHIQUES

BAAL: Bulletin d’Archéologie et d’Architecture Libanaises, (Beyrouth).

BMB: Bulletin du Musée de Beyrouth, (Beyrouth).

Hist. Or.: Historiens Orientaux des Croisades (Recueil des), (Paris).

Hist. Occ.: Historiens Occidentaux des Croisades (Recueil des), (Paris).

BIBLIOGRAPHIE SOURCESMÉDIÉVALES

Abou Chamah, le Livre des Deux Jardins, (Hist. Or., IV, Paris, 1898).

Abu-l-Fida, Kamel el Tawarikh, (Hist. Or., I, Paris, 1872).

Amadi, la Chronique de Chypre, (éd. René de Mas-Latrie), (Paris, 1891).

Foucher de Chartres, Historia Iherosolymitana, (Hist. Occ., III, Paris, 1866).

Les Gestes des Chyprois, (Recueil des Historiens des Croisades. Documents Arméniens, II, Paris, 1905).

Guillaume de Tyr, l’Estoire de Eracles Empereur et la Conqueste de la Terre d’Outre- mer, (Hist. Occ., I, 2, Paris, 1859).

Guillaume de Tyr, l’Estoire de Eracles Empereur et la Conqueste de la Terre d’Outre- mer, (Hist. Occ., II, Paris, 1859).

Guillaume de Tyr, Le Royaume de Jérusalem, (l’Histoire écrite par les Témoins, II, Beyrouth, 1992), (éd. L’Orient).

Hist. Or., I., (Paris, 1872).

Ibn El Atir, (Hist. Or., II, Paris, 1887).

M.L. de Mas-Latrie, Chronique d’Ernoul et de Bernard le Trésorier, (Paris, 1871).

Saleh ben Yehia, «Histoire de Beyrouth», Annales d’Histoire et d’Archéologie, 6 (1995), (éd. F. Hours).

VOYAGEURS (XIVe-XIXeSIECLES)

Arvieux, Chevalier d', Mémoires du Chevalier d’Arvieux II, (Paris, 1735).

C. Auberive, Voyage au Mont-Liban, (Paris, 1861).

B. de la Brocquière, Le Voyage d’Outre-Mer, (Paris, 1892).

W.G. Browne, Nouveau Voyage dans la Haute et Basse Egypte, (Paris, 1800).

J.S. Buckingham, Travels among the Arab Tribes, (Londres, 1825).

J. Carne, La Syrie Illustrée II, (Londres, Paris, 1836).

V. Guérin, La Terre Sainte, (Paris, 1884).

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A. Joanne, Adolphe et E. Isambert, Itinéraire de l’Orient, (Collection des Guides Joanne, Paris, 1861).

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A. de Lamartine, Voyage en Orient, (éd. Hachette), (Paris, 1881).

G. de Lannoy, Oeuvres, (Louvain, 1878)

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L. Badre, «Bey 003. Preliminary Report», BAAL, 2 (1997), pp.6-94.

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Fig. 1. «Le panorama de Beyrouth vers 1835 (d’après la gravure de Bartlett)».

Du Mesnil du Buisson, «Les anciennes défenses de Beyrouth», Syria, 2 (1921), p. 236.

Fig. 2. «Châteaux de la mer à Beyrouth. 1836.» R. Chahine, Souvenirs de Beyrouth, (Araya, Liban), couverture. Gravure représentant les 2 tours: au premier plan,

celle qui défendait le port et au second plan, la tour de Jezzar.

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Fig. 3. Carte de la marine anglaise. M. Davie, «Trois Cartes Inédites de Beyrouth», Annales de Géographie, (1984), pp. 37-81, fig. 4.

Fig. 4. Gravure représentant le bombardement anglais. (Anonyme) La tour du Jezzar se trouve à gauche. N, Jidejian. Beyrouth à travers les Ages,

(Beyrouth, 1993), pp. 200-201.

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Fig. 5. Photographie prise par Bonfils en 1970. N, Jidejian.

Beyrouth à travers les Ages, p. 210.

Fig. 6. Mur à bossages le long de la rue de la Marseillaise.

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Fig. 7. Plan général de l'emplacement des vestiges croisés.

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Fig. 8. La tour vue du sud. Parement extérieur et blocage. A gauche, l'on distingue le mur parallèle à la poterne. Au-dessus le parement interne de la courtine.

Fig. 9. Colonnes engagées dans les murs.

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Fig. 10. Coupe de la poterne.

Fig. 11. Façade interne du couloir ou l'on peut voir aussi à gauche le parement intérieur de la salle et à droite le rocher.

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Fig. 12. Vue du côté nord de la salle avec les marches, la banquette, le sondage et le puits.

Fig. 13. Les marques lapidaires.

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Fig. 14. Carte de l'emplacement probable du Château croisé

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