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Femmes et tabagisme: spécificités épidémiologiques et cliniques

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Academic year: 2022

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G. de Torrenté de la Jara C. Willi

J. Cornuz

A. Closuit

INTRODUCTION

Même si dans la grande majorité des pays le tabagisme mas- culin prédomine sur le tabagisme féminin, ce dernier consti- tuera, lors des prochaines décennies, un enjeu majeur de santé publique. De plus en plus d’organismes internationaux (OMS)1 et nationaux (Centers for Disease Control and Prevention par le biais du Surgeon General)2se soucient déjà de cette épidémie.

Actuellement, au niveau mondial, plus de 200 millions de fem- mes fument la cigarette, soit 22% des femmes dans les pays économiquement développés, et 9% dans les pays en déve- loppement où elles sont plus nombreuses en nombre absolu que dans les pays du Nord.3En outre, en Asie, plusieurs mil- lions de femmes chiquent régulièrement du tabac.

ÉPIDÉMIOLOGIE

L’évolution de la consommation des produits du tabac suit la courbe d’une épidémie se déclinant en quatre stades(figure 1).

Le stade 1 est caractérisé par une faible initiation au tabagisme et de faibles taux d’arrêt. Les pays du Nord se trouvaient au début du 20esiècle dans cette étape

«prétabagique». Plusieurs pays africains actuellement à ce stade représentent une cible privilégiée de l’industrie du tabac.

Le stade 2 est marqué par une augmentation du tabagisme chez les femmes et un taux supérieur à 50% chez les hommes. La mortalité masculine est élevée, alors qu’elle est encore basse chez les femmes. Certains pays d’Asie (Chine) et d’Amérique latine (Mexique) sont à ce stade et les fumeurs y ont en général un statut social élevé.

Au stade 3, la prévalence du tabagisme chute chez les hommes, alors que chez les femmes on assiste à un plateau puis à une lente diminution. Toutefois, la mortalité continue d’augmenter reflétant la consommation durant le stade 2. La Suisse, comme d’autres pays d’Europe, se trouve actuellement à cette étape de l’épidémie.

Women and tobacco : epidemiological and clinical specificities

Cigarette smoking amongst women is a major issue in daily clinical practice and in public health. Tobacco is the cause of gender speci- fic diseases. From a psychosocial point of view, female smokers tend to be emotionally vulnerable and relationship sensitive. The risk of weight gain and depression must be anticipated and assessed throughout the smoking cessation process.

Professionals involved in smoking cessation must be aware of these somatic and psycho- social specificities in order to be able to offer efficient smoking cessation treatments. Public health strategies must also be developed worldwide to control the expected dramatic impact of the female tobacco epidemic.

Rev Med Suisse 2006 ; 2 : 1689-95

Le tabagisme féminin est un enjeu majeur en pratique clini- que quotidienne et en santé publique. Il est à l’origine de ma- ladies spécifiques du genre féminin. Sur le plan psychosocial, les femmes fument plus souvent en relation avec un contexte émotionnel et relationnel. Lors de désaccoutumance au tabac, la prise de poids et la survenue éventuelle d’un état dépressif doivent être anticipées et prises en compte tout au long de la démarche.

Ces spécificités somatiques et psychosociales doivent être connues des intervenants dans la cessation tabagique pour proposer des mesures efficaces d’aide à l’arrêt. A ces inter- ventions ciblées doivent s’ajouter des mesures de santé pu- blique à large échelle pour contrecarrer les effets sanitaires prévisibles et dramatiques du tabagisme féminin.

Femmes et tabagisme : spécificités épidémiologiques et cliniques

mise au point

Drs Gabrielle de Torrenté de la Jara, Carole Willi et Pr J. Cornuz PMU, 1011 Lausanne

Gabrielle.De-Torrente@hospvd.ch Carole.Willi@hospvd.ch Jacques.Cornuz@chuv.ch Dr Arlette Closuit

Spécialiste FMH Médecine interne Tabacologie

Rue du Nord 2, 1920 Martigny aclosuit@freesurf.ch

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Au stade 4, la prévalence du tabagisme chute chez les hommes et les femmes avec une mortalité masculine à la baisse, mais féminine encore à la hausse. Les pays anglo- saxons (Etats-Unis, Australie, Canada, Grande-Bretagne) et certains pays européens (Scandinavie) sont à ce stade de l’épidémie. Toutefois, cette diminution de la prévalence touche moins les couches défavorisées de la population.4 Les pays du Sud constituent donc un enjeu majeur dans les stratégies de prévention. Il est prévisible que le nombre absolu de fumeuses y augmente ces prochaines années en raison de l’amélioration de leur pouvoir d’achat, de la dimi- nution des contraintes socioculturelles, du marketing ciblant les femmes et de l’absence de programmes de santé des- tinés à ces dernières.3

En Suisse (données de 2005), 26% des femmes et 35%

des hommes fument. Chez les jeunes de 14 à 19 ans, il n’y a pas de grande différence entre genres (23% de femmes et 27% d’hommes). Chez les adultes de 25 à 54 ans, la pro- portion de fumeuses est relativement stable (25 à 28%). La prévalence du tabagisme est plus élevée parmi les per- sonnes ayant une formation moins élevée,5 un gradient socio-économique qui se retrouve dans les pays du nord de l’Europe.6

MALADIES LIÉES AU TABAC

Les données épidémiologiques permettent d’observer l’émergence de maladies liées au tabagisme chez les fem- mes. Un exemple frappant est le cancer du poumon : la mortalité associée a augmenté de cinq à six fois chez les

femmes en Amérique du Nord depuis 1950 et a dépassé, entre la fin des années 1980 et le début des années 1990, celle du cancer du sein(figure 2). Ce croisement pourrait avoir lieu d’ici peu dans nos pays.2

Les données montrent que certaines pathologies, spé- cifiques au tabagisme féminin en raison de différences de susceptibilité liée au genre ou de leur impact strictement féminin, pourraient permettre de mieux valoriser les bé- néfices liés à un arrêt du tabac auprès des intervenants dans la cessation tabagique.

Cancers

Les différences de susceptibilité entre hommes et fem- mes quant aux effets carcinogènes de la cigarette sur le tissu pulmonaire pourraient être expliquées en partie par une vulnérabilité moléculaire supérieure où le rôle des œstrogènes est discuté.7Chez les femmes, on dénombre une plus forte proportion d’adénocarcinomes, cancers plus périphériques et associés aux cigarettes avec filtre et faible teneur en goudron (cigaretteslight). Ce type de cancer et sa localisation sont en partie dus à l’inhalation plus pro- fonde, au filtre et à l’augmentation des nitrosamines dans le tabac.8Toutefois, l’adénocarcinome constituant égale- ment le cancer le plus fréquent chez les jeunes et chez les non-fumeurs, d’autres facteurs étiologiques peuvent être suspectés. Certaines données suggèrent que la femme bé- néficie d’une meilleure survie après diagnostic du cancer pulmonaire. Des facteurs génétiques, métaboliques et hor- monaux sont évoqués.7

Le tabac mais également d’autres facteurs liés au style de vie (obésité, diète non équilibrée, consommation d’al- cool abusive, type d’activité sexuelle) augmentent l’inci- dence des cancers gynécologiques.9

Pour le cancer du sein, un lien causal avec le tabac est possible.10Des études récentes suggèrent que le risque Figure 1.Evolution de l’épidémie du tabagisme

Prévalence de tabagisme quotidien chez l’adulte(%)

Prévalence chez l’homme

Prévalence chez la femme

Décès chez l’homme

Décès chez la femme

Stade 1 Stade 2 Stade 3 Stade 4

Décès en relation avec le tabagisme (%)

Temps depuis le début de la consommation du tabac chez l’homme (années)

Figure 2.Evolution de la mortalité du cancer du sein et du poumon chez les femmes au Canada Source : Institut national du cancer du Canada. 1996. Statistiques canadien- nes sur le cancer 1996, Institut national du cancer du Canada, Toronto, ON, Canada. Tiré de : «La Guerre du tabac. L’expérience canadienne».

Rob Cunningham. Centre de recherches pour le développement interna- tional 1997. Ottawa (Ontario) sur www.crdi.ca

Le livre est disponible a l’URL suivant : crdi.ca/fr/ev-9356-201-1-DO_TOPIC.

html Evolution du tabagisme et de la mortalité, selon le genre

Pays en fonction du stade

AfriqueSub-saharienne Chine Europe EuropeduNord-Ouest

Japon del’Est Grande-Bretagne AsieduSud-Est Etats-Unis Amériquelatine Europe Canada AfriqueduNord duSud Australie A

B

A.Source : Ramström LM. Prevalence and other dimensions of smoking in the world. In : Bolliger CT, Fagerström KO (eds).The Tobacco Epidemic.

Prog Respir Res Basel : Karger S, 1997;28:64-77. Avec la permission de S.

Karger SA, Bâle.

B.Tiré et adapté de Wilson CM,Tobin S,Young RC.The exploding world- wide cancer burden :The impact of cancer on women. Int J Gynecol Cancer 2004;14:1-11.

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est augmenté chez les fumeuses préménopausées, en par- ticulier lorsque le début du tabagisme a lieu à l’adoles- cence.11,12Par rapport aux non-fumeuses, les fumeuses ont une mortalité plus élevée, due non seulement au cancer du sein per se mais aussi aux maladies liées au tabac.13Elles ont un risque deux fois plus élevé de développer des mé- tastases pulmonaires14et présentent plus de complications après une reconstruction mammaire.15Elles devraient donc être encouragées et soutenues dans une démarche d’arrêt tabagique avant une telle intervention.

Concernant le carcinome épidermoïde du col, une revue de vingt-trois études montre un risque plus élevé chez les fumeuses (risque relatif : RR 1,6). Ce risque augmente avec le nombre de cigarettes quotidiennes et un début préco- ce du tabagisme.16

Pour les cancers de l’ovaire, le tabac semble incriminé uni- quement dans le carcinome mucineux (OR 2,4, IC: 1,5-3,8).17

Par son effet anti-œstrogénique, le tabagisme pourrait avoir par contre un effet protecteur sur le cancer de l’en- domètre.2

Dans la sphère gynécologique, soulignons encore l’asso- ciation du tabagisme avec l’incontinence urinaire de stress et sa sévérité, probablement consécutive à la toux plus fréquente chez les fumeuses.18

Bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO)

Les femmes paraissent avoir une expression clinique de la BPCO différente de celle des hommes. Pour des valeurs de VEMS similaires et une meilleure oxygénation (PaO2), elles présentent une moins bonne qualité de vie, une dys- pnée plus importante et des résultats moindres en dis- tance de marche.19Par ailleurs, les fumeuses perdent plus rapidement leur fonction respiratoire lorsqu’elles ont une obstruction sévère.20

Maladies cardiovasculaires et cérébro- vasculaires

Peu d’études se sont penchées spécifiquement sur le tabagisme et le genre dans le contexte des maladies car- diovasculaires. Pour les maladies cardiaques, les fumeuses ont un risque deux à quatre fois supérieur comparé aux non-fumeuses, avec un effet dose-réponse. Bien que cela soit controversé,21il se pourrait même que le tabagisme confère un risque plus élevé chez les femmes (RR 2,02) que chez les hommes (RR 1,41).22

Par rapport aux non-fumeuses, les fumeuses ont (selon l’âge) un risque relatif de 1,5 à 4,8 d’accident vasculaire cérébral ischémique. Elles présentent probablement éga- lement un risque plus élevé d’hémorragie sous-arachnoï- dienne (RR 2,5).2

Affections cutanées

Le tabagisme influence défavorablement la cicatrisation des plaies et favorise les complications postopératoires.23 Plusieurs études montrent que les fumeuses présentent un vieillissement cutané plus marqué par rapport aux non- fumeuses et aux fumeurs (RR 3).24,25

Le tabagisme augmente l’incidence et la sévérité clini- que du psoriasis. Chez les femmes, chaque augmentation

de 20 UPA conduit à une élévation du risque de dévelop- per une forme sévère de psoriasis (OR 1,8), phénomène non observé chez les hommes.26

Soulignons de plus que le tabagisme contribue à une évolution défavorable dans la plupart des maladies auto- immunes (lupus discoïde, maladie de Crohn, polyarthrite rhumatoïde), par ailleurs plus fréquentes chez les femmes.2

Ostéoporose

De part son effet anti-œstrogénique et son association avec un IMC plus petit, le tabagisme féminin est un facteur de risque bien connu de l’ostéoporose.27Le tabagisme a toutefois d’autres effets, dont probablement une accéléra- tion de la perte osseuse et une diminution de l’absorption intestinale du calcium, qui contribuent au risque de frac- ture, en particulier celle de la hanche.28,29

ASPECTS PSYCHOSOCIAUX DU TABAGISME FÉMININ

Beaucoup de facteurs impliqués dans l’initiation au ta- bagisme sont communs aux deux sexes.1,2Il semble tou- tefois qu’une vulnérabilité émotionnelle, une mauvaise estime de soi et une humeur dépressive soient des fac- teurs prédictifs plus spécifiques d’un tabagisme féminin précoce.30

Les adolescentes, sensibles au comportement des pairs (étudiants plus âgés, parents et enseignants), le sont par- ticulièrement à celui de leur(s) meilleur(es) ami(es).31La composante affective s’inscrit tôt chez les jeunes fumeuses pour qui fumer est le plus souvent une activité partagée.

La cigarette est, par la suite, perçue comme une stratégie pour gérer le poids, le stress et les émotions.1,2Malgré des études controversées, il ne semble pas y avoir de diffé- rence majeure spécifique liée au sexe quant aux scores de dépendance nicotinique.1Au niveau comportemental, par contre, les femmes paraissent plus sensibles à certains con- ditionnements : réponse aux contraintes et expériences né- gatives de la vie, gestion de l’humeur et de l’anxiété, plai- sirs sociaux avec recherche de la communication31,32 ou renforcements sensoriels (visuels ou olfactifs).33

Le cumul des activités familiales et socioprofessionnelles expose les femmes à de nombreux facteurs de stress qu’elles espèrent, plus fréquemment que les hommes, pouvoir gérer au moyen du tabac, et ce d’autant plus que leur niveau socio-économique et éducatif est bas. Dans nos pays, ce dernier paramètre est un facteur prédictif de plus en plus important de l’initiation et de la poursuite du tabagisme féminin.34

IMPLICATION DE L

INDUSTRIE DU TABAC Au début du 20esiècle, nul n’aurait pu prédire qu’un comportement aussi stigmatisé que le tabagisme féminin deviendrait, avec les changements socio-économiques, l’in- dustrialisation des produits du tabac et un marketing in- tensif et judicieux, une pratique aussi répandue et socia- lement acceptée.35Dès les années 30, l’industrie du tabac s’est servie des préoccupations et des valeurs féminines pour cibler ses messages et subventionner associations

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sportives, artistiques et politiques, dont des programmes de prévention de la violence conjugale !2

Les documents de l’industrie du tabac ont permis d’ana- lyser l’évolution d’une des premières grandes marques féminines de cigarettes aux Etats-Unis : la «Virginia Slims».36 De petit diamètre, promouvant l’image de la minceur, elle fut rapidement associée au féminisme des années 70 avec le messageYou’ve come a long way, Baby !Pour la première fois, une vraie personnalité était conférée à la cigarette. Dès 1980, la marque, en crise, devra changer de stratégie et multipliera les marques dites «légères» destinées à répon- dre aux préoccupations sanitaires des femmes. Le dévelop- pement de la «Virginia Slims Kings», une nouvelle cigarette au goût féminin mais d’apparence masculine, coïncidera avec l’ascension sociale des femmes et leur nouvelle con- fiance en soi. Les documents internes de Philip Morris met- tront alors clairement en évidence l’importance, en termes de croissance à long terme, de rester à tout prix attractifs à l’égard des jeunes fumeuses. Un parallèle avec la marque «Mary Long» peut aisément être fait.

MOTIVATION ET BÉNÉFICES À L

ARRÊT

Chez la femme, comme chez l’homme, la première mo- tivation à l’arrêt du tabac concerne la santé, mais la percep- tion du risque propre est souvent atténuée et les connais- sances parcellaires.37

En effet, les risques spécifiquement féminins38 de la BPCO ou ceux liés aux produits à faible teneur en goudron sont très nettement sous-estimés par les femmes.39

Des études et des campagnes de prévention spécifiques au genre et aux classes d’âge devraient donc être plus lar- gement développées.

Un dépliant expliquant les bénéfices d’un arrêt taba- gique sur le cancer du col chez des femmes présentant un frottis pathologique a permis d’augmenter la motivation à l’arrêt.40En plus des importants bénéfices cardio-pulmo- naires ou oncologiques liés à l’arrêt du tabagisme, l’accent pourrait être mis sur des points «sensibles» tels que l’in- cidence des dysménorrhées, de l’infertilité, du vieillisse- ment cutané, de la répartition des graisses (augmentation du rapport taille/hanches)41ou même de la cellulite !42

Chez les adolescentes, des programmes de motivation basés sur l’apparence physique ou l’hygiène bucco-den- taire semblent bien acceptés.43Des spots de prévention placés avant la diffusion de films comportant des scènes tabagiques ont permis d’augmenter la motivation d’ado- lescentes à arrêter de fumer ; 48% se voyaient ex-fumeuses au cours des douze mois suivants contre 32% dans le groupe contrôle.44Des messages de soutien délivrés sous forme de SMS à de jeunes fumeurs ont significativement aug- menté dans les deux sexes l’abstinence tabagique à six se- maines, par rapport au groupe contrôle (28% versus 13%).45

OBSTACLES À L

ARRÊT AVEC PROPOSITIONS DE PRISE EN CHARGE

L’aide au sevrage tabagique par des techniques cogni- tivo-comportementales, une aide pharmacologique adap- tée au degré de dépendance nicotinique (substituts nico-

tiniques et/ou bupropion) et un suivi psychologique sont efficaces chez les fumeuses.2 Ces aides reconnues de- vraient être plus largement utilisées puisqu’il a été montré que les femmes sont moins soutenues que les hommes dans l’arrêt tabagique.46Plusieurs études ont documenté des proportions plus élevées de rechute chez les femmes par rapport aux hommes, ceci surtout après six mois d’abs- tinence.47,48Des facteurs psycho-sociaux et une plus grande crainte des obstacles liés à l’arrêt, tels que la prise pon- dérale ou la survenue d’une humeur dépressive sont sou- vent incriminés et doivent être pris en compte(tableau 1).49 Reconnaître le risque de prise pondérale tout en le

nuançant, le gain de poids étant en moyenne de 2 à 5 kg et conseiller une alimentation équilibrée riche en fruits et en légumes associée à une activité physique régulière sont les mesures recommandées.50La prescription de substituts nicotiniques et/ou de bupropion permet de réduire la prise de poids initiale et, par là, d’augmenter les chances d’arrêt à long terme.50Un régime alimentaire strict est contre-in- diqué car il favorise la reprise tabagique, alors qu’un travail cognitivo-comportemental (TCC) visant à aider les femmes à accepter une prise pondérale modérée renforce le succès du sevrage (abstinence à un an : 21% versus 9% dans le grou- pe témoin).51

Un état dépressif constitue un facteur prédictif d’une reprise tabagique.52,53Or, chez les femmes, la prévalence sur la vie d’une dépression est près du double de celle des hommes.52Si des liens de causalité réciproque sont évo- qués pour expliquer la fréquence de l’association dépres- sion-tabagisme, des étiologies communes sont aussi rete- nues, notamment environnementales ou, chez la femme du moins, génétiques.54Des différences de genre dans les mo- des de réponse au stress et aux émotions sont aussi évo- quées.55Une vulnérabilité féminine lors de certains stress (d’ordre financier par exemple)56ou liée à des phases du cycle de reproduction (dysphorie prémenstruelle, ménopau- sique, etc.)52 peuvent ainsi contribuer aux difficultés du sevrage tabagique. Une anticipation des situations à haute charge émotionnelle par des techniques cognitivo-com- portementales est proposée, tandis que les troubles anxio- dépressifs, y compris les formes subcliniques, doivent sys- tématiquement et régulièrement être dépistés et traités.57 Il est judicieux qu’une variété de thérapeutes puisse s’impliquer dans les conseils et aide à la désaccoutumance

• Grande crainte des obstacles tels que : – prise pondérale

– troubles de l’humeur – difficultés à gérer le stress

• Antécédents et prévalence d’un état dépressif plus élevés

• Styles de coping différents :

– plus ciblés autour de la régulation émotionnelle – plus restreints lors de niveau socio-économique faible

• Plus grande vulnérabilité émotionnelle lors de certaines phases du cycle de reproduction

• Cumul des activités familiales et socioprofessionnelles

• Niveau socio-économique inférieur

Tableau 1.Spécificités féminines dans le sevrage tabagique par rapport aux hommes

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au tabac ; non seulement les médecins de famille, mais aussi les pédiatres, gynécologues, psychiatres, dentistes, travail- leurs sociaux, infirmières scolaires, conseillères du planning familial, etc.

CONCLUSIONS

Seul un programme de prévention global est à même de réduire la prévalence du tabagisme aussi bien chez les hommes que chez les femmes. L’approche doit comporter de multiples stratégies : interdiction de la publicité directe et indirecte, contrôle des prix et forte taxation du produit, réduction de son accessibilité aux plus jeunes, programmes d’aide à la désaccoutumance au tabac, interdiction de la fumée dans les espaces publics, campagnes de préven- tion.1,2De tels programmes ont permis, en Californie, de réduire, en moins de dix ans, de 4,8% l’incidence du cancer pulmonaire chez les femmes alors qu’une augmentation de 13,2% était observée dans des états voisins !2Même si les programmes d’éducation à la santé qui ont fait preuve de leur efficacité sont rares, de nouvelles approches per- mettant le développement des compétences personnelles et sociales et une meilleure perception normative devraient être poursuivies parallèlement aux études cliniques s’inté- ressant au sexe, aux classes d’âge et aux différents niveaux psychosociaux.

Plus de 200 millions de femmes fument dans le monde.

Dans les pays en voie de développement, où la consom- mation tabagique augmente de 3,4% chaque année, les

jeunes femmes sont de plus en plus ciblées par l’industrie.

La mise en place de programmes tels que la Convention- cadre de l’OMS est donc particulièrement cruciale.1

1 **Women and the tobacco epidemic : Challenges for the 21st century.The World Health Organization in collaboration with the Institute for Global Tobacco Control. John Hopkins School of Public Health 2001.

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22Schnohr P, Jensen JS, Scharling H, et al. Coronary heart disease risk factors ranked by importance for the individual and community, a 21 year follow-up of 12 000 men and women from the Copenhagen City Heart Study. Eur Heart J 2002;23:620-6.

23Warner DO. Perioperative abstinence from ciga- rettes. Anesthesiology 2006;104:356-67.

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Bibliographie

Implications pratiques

Plus de 200 millions de femmes fument dans le monde. Dans les pays du Nord, le tabagisme féminin a peut-être atteint son apogée, et parfois régressé. Dans les pays du Sud, par contre, il est en pleine expansion

Les femmes présentent des pathologies liées au tabac spéci- fiques au genre, mais également une vulnérabilité particulière à certaines affections (ostéoporose, carcinome pulmonaire, BPCO, vieillissement cutané prématuré, etc.)

Les femmes fument plus fréquemment en lien avec un con- texte émotionnel et pour contrôler leur poids, éléments à prendre en compte de manière spécifique dans la désaccou- tumance, tout en insistant sur des bénéfices «féminins» (con- cernant la dysménorrhée, le vieillissement cutané, l’infertilité, etc.)

Les programmes de désaccoutumance et de lutte contre le tabagisme doivent inclure les femmes dans leurs stratégies locales et mondiales

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Remerciements

A Madame Christine Fehr pour son excellent travail de synthèse informatique.

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32Berlin I, Singleton EG, Pedarriosse AM, et al. The modified reasons for smoking scale : Factorial structure, gender effects and relationship with nicotine depen- dence and smoking cessation in French smokers. Ad- diction 2003;98:1575-83.

33Perkins KA, Jacobs L, Sanders M, et al. Sex differen- ces in the subjective and reinforcing effects of cigarette nicotine dose. Psychopharmacology 2002;163:194-201.

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40Bishop AJ, Marteau TM, Hall S, et al. Increasing women’s intentions to stop smoking following an abnormal cervical smear test result. Prev Med 2005;

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* à lire

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