2042 Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 27 octobre 2010
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Alzheimer : un nouveau lexique pour le diagnostic
Il y a 104 ans le psychiatre et neurologue alle
mand Aloïs Alzheimer (18641915) établissait pour la première fois un lien entre un tableau de démence précoce et l’existence de lésions spécifiques cérébrales. Il décrivait un deuxiè
me cas identique en 1911 avant que Emil Kraepelin, alors responsable de la chaire de psychiatrie de Munich, propose que l’on donne le nom de son confrère à ce type de démence.1
L’association Alzheimer’s Disease Interna
tional estime aujourd’hui que le nombre de personnes souffrant de la maladie d’Alzhei
mer (et des démences apparentées) devrait doubler dans les vingt prochaines années passant de 35,6 millions aujourd’hui à 65,7 millions en 2030. Cette affection est bien évi
demment étroitement associée à l’augmen
tation de la durée de l’espérance de vie : le risque double tous les cinq ans à partir de 65
ans ; à partir de 85 ans une personne sur deux est touchée.
2010. L’heure estelle venue de donner une nouvelle définition de cette maladie ? C’est ce que pense un groupe d’experts interna
tionaux : ils estiment qu’une nouvelle défini
tion pourrait notamment aider à sélectionner de manière précoce certains patients pour différents essais thérapeutiques. En prati que, ce groupe animé par le Pr Bruno Dubois (Unité Inserm «Neuroanatomie fonctionnel le
du comportement et de ses trou bles», grou
pe hospitalier PitiéSalpêtrière, Paris) vient de proposer un nouveau lexique qui révise et uniformise la définition de la maladie d’Al zheimer ; une initiative prise au vu des
avancées récentes dans ce domaine et en intégrant notamment les biomarqueurs qui sont, selon eux, la clé de son diagnostic. Se
lon eux, une telle approche montre qu’une large gamme diagnostique permet d’identi
fier l’affection à un stade très précoce. Cela pourrait permettre de sélectionner des pa
tients pour des essais thérapeutiques adap
tés à la phase spécifique de la maladie. Cette publication est disponible sur le site de The Lancet Neurology.2
Schématiquement, ce groupe d’experts re définit la maladie comme un syndrome clinicobiologique, ce qui permet de poser un diagnostic beaucoup plus précoce. Pour Bruno Dubois et ses collègues, «il n’est plus nécessaire d’attendre l’examen postmortem pour confirmer le diagnostic qui peut désor
mais être porté grâce à des marqueurs biolo
giques identifiables facilement chez les pa
tients vivants, et ce même à un stade très précoce de la maladie».
D’après les auteurs et contrairement à l’ap
proche traditionnelle de diagnostic de cette maladie, la présence d’une démence avérée n’est plus nécessaire. Pour satisfaire les cri
tères les patients doivent présenter des trou
avancée thérapeutique
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la présence d’une démence avérée n’est plus nécessaire
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Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 27 octobre 2010 2043 bles épisodiques de la mémoire (syndrome
amnésique de type hippocampique) ainsi que des signes biologiques (au moins un bio
marqueur positif) ; critères objectifs établis par différentes techniques d’imagerie cérébrale et par analyse du liquide céphalorachidien.
Les auteurs soulignent que la simplicité des critères proposés présente l’avantage princi
pal «de ne plus attendre que le patient ait développé une démence avérée et de ne plus exclure du diagnostic et des traitements de nombreux patients qui ont des signes de la maladie en dépit de l’absence d’incapacité fonctionnelle.»
On sait que les récents progrès dans l’uti
lisation de certains marqueurs biologiques permettent de fournir des preuves in vivo de la maladie (Revue médicale suisse du 15 septembre). Ceci a naturellement conduit au développement d’une «reconceptualisation»
du diagnostic intégrant à la fois un modèle spécifique de l’évolution cognitive et des preuves biologiques de la pathologie. La re
cherche de ce nouveau cadre de diagnostic a stimulé le débat sur la définition même de la maladie d’Alzheimer et les affections appa
rentées. «Le potentiel offert par des médica
ments susceptibles d’intervenir dans la cas
cade pathogénique de la maladie ajoute une certaine urgence à ce débat», souligne le Pr Dubois. La proposition du «Groupe de tra
vail international pour la recherche sur les nouveaux critères pour le diagnostic de la maladie d’Alzheimer» a pour but de faire avancer le débat scientifique dans ce do
maine. La pierre angulaire de ce nouveau lexique est de réunir en une même entité la phase prédémentielle et la démence.
Toujours selon ces experts, des personnes identifiées comme «asymptomatiques à ris
que» (du fait de la présence de biomarqueurs) ou «présymptomatiques» (car porteuses de mutations génétiques) pourront bientôt être accueillies dans des essais visant à retarder l’apparition des signes cliniques. «Les pa
tients en phase prodromale (prédémentiel
le) de la maladie d’Alzheimer pourront de même être intégrés aux essais thérapeuti ques ciblant la progression à des stades plus avan
cés, ajoutentils. L’uniformité des définitions aidera à développer des panels d’essais et à comparer les différents résultats.»
La rédaction de ce nouveau lexique est le fruit d’un travail initié il y a plus de trois ans (Revue médicale suisse du 18 juillet 2007). «Il existe aujourd’hui un faisceau de preuves laissant penser que l’apparition des premiers signes cliniques indique que le processus d’altération du cerveau est en marche, via, notamment, le dépôt de plaques d’une pro
téine appelée bêta amyloïde, expliquait alors déjà le Pr Dubois. Ainsi, lorsqu’on détecte chez le patient des troubles fonctionnels dans le domaine de la mémoire, le processus de dégénérescence du tissu cérébral est déjà si
gnificativement avancé. Nous pensons être parvenus à repérer le plus tôt possible les premiers éléments spécifiques – de nature
biologique, clinique, et neuroanatomique – de la maladie, et ce avant même que les élé
ments caractéristiques d’un syndrome dé
mentiel ne soient présents.» Il ajoutait : «les critères redéfinis visent à la spécificité abso
lue. Les outils et critères de diagnostic à la disposition de la recherche sur la maladie d’Alzheimer devraient ainsi désormais per
mettre non plus seulement d’écarter une hypothèse de maladie à symptômes simi
laires pour finalement, par déduction, poser le diagnostic d’Alzheimer, mais bien d’affir
mer (ou d’infirmer) spécifiquement la pré
sence de cette maladie.»
Enfin, en décembre 2008, une équipe fran
çaise, dirigée par Hélène Amieva et le Dr JeanFrançois Dartigues (Inserm, Département de neurologie, CHU de Bordeaux) publiait, dans Annals of Neurology, des arguments laissant penser que les premiers stigmates psychologiques et intellectuels de la maladie d’Alzheimer pourraient être repérés, à par
tir de tests cognitifs, entre dix et douze ans avant que le diagnostic de maladie d’Alzhei
mer soit officiellement porté ; et ce sans avoir recours aux techniques de l’imagerie céré
brale et à la recherche de marqueurs biolo
giques. Affaires à suivre.
Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com
1 Maurer K, Volk S, Gerbaldo H. Auguste D and Alzhei- mer’s disease. The Lancet 1997; 349:1546-9.
2 Revising the definition of Alzheimer’s disease : A new lexicon. The Lancet Neurology. Published Online Octo- ber 11, 2010 doi.10.1016/S1474- 4422(10)70223-4.
D.R.
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