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Devenir propriétaire loin des métropoles : entre contraintes de mobilité et choix de vie

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Academic year: 2022

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Devenir propriétaire loin des métropoles : entre contraintes de mobilité et choix de vie.

Sonia Chardonnel,*

Sylvie Duvillard,*

Anne Sgard **

Laure Charleux * Gilles Debizet *

*Laboratoire PACTE-Territoires, UMR 5194, Universités de Grenoble 1 et 2.

** Université de Genève, Département de Géographie et Environnement

Mots-clefs : appropriation foncière, habitat, choix résidentiel, mobilité quotidienne, identité, territorialité, Ardèche

Introduction :

Ce texte a pour objectif de présenter une démarche méthodologique exploratoire destinée à analyser l’installation de nouveaux habitants dans un espace non métropolitain.

Plus précisément l’étude est centrée sur les arbitrages et les motivations des acquéreurs d’un bien-fonds (maison, appartement, terrain) en mettant l’accent sur les interactions entre l’offre de biens disponibles, les valeurs et aspirations guidant les individus et les facteurs économiques et organisationnels contraignant les choix au moment de la décision d’achat. Le terrain qui alimente notre proposition est le sud du département de l’Ardèche (France), département essentiellement rural, faiblement polarisé par des villes petites et moyennes, où l’activité touristique prend une place croissante tant en termes de fréquentation saisonnière qu’à travers l’importance de résidences secondaires. Ce département à l’écart des grands axes de circulation se singularise par ailleurs par l’absence totale de réseau tant ferroviaire qu’autoroutier.

Le choix de ce terrain est lié d’une part à la sollicitation de services de l’Etat (la Direction Départementale à l’Équipement de l’Ardèche), d’autre part à l’intérêt des chercheurs pour un secteur original parce que soumis à la fois à l’influence de la toute proche Vallée du Rhône, et à des processus locaux liés à un contexte rural et touristique. Soucieux de la préservation des paysages attractifs et des espaces dédiés à l’activité agricole, les acteurs de terrain s’inquiètent de l’étalement de l’urbanisation sur ces territoires et des coûts que cela induit pour la collectivité. Jusqu’à présent, les processus de consommation de l’espace sont essentiellement approchés et mesurés par les services départementaux à travers des outils statistiques et cartographiques. Pour répondre à leur mission de conseil auprès des communes, ceux-ci sont en attente d’approches plus fines, s’appuyant davantage sur des démarches qualitatives.

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L’enjeu formulé par la commande initiale est de mieux comprendre les projets, de saisir les motivations et les arbitrages individuels et familiaux lors de l’acquisition d’un bien dans le département.

En réponse à cette interpellation, l’équipe de recherche de PACTE s’est constituée autour de cette problématique en rassemblant des chercheurs aux thématiques différentes mais complémentaires : la question foncière, l’habitat, les mobilités, le paysage et l’identité. Cette équipe propose d’expérimenter une méthode fondée avant tout sur des entretiens semi directifs pour comprendre, à l’échelle individuelle, l’articulation entre appropriation foncière (devenir propriétaire) et contraintes de mobilité dans cet espace original.

Cette démarche exploratoire a abouti à des résultats qui nous semblent confirmer l’intérêt tant du terrain que de la méthode. Avant de présenter le montage méthodologique et les principaux enseignements, précisons les questionnements préalables qui ont présidé à la conception de la recherche et les choix qui en ont guidé la mise en œuvre.

I. De la réalité au plaisir : les ressorts des arbitrages

I.1.Dynamiques des territoires et pratiques de mobilité dans des territoires non métropolitains.

Nous nous inscrivons dans le champ des recherches qui plaident pour une approche globale des mobilités (Lévy, Dureau, 2002) dont l’enjeu est d’obtenir une vision d’ensemble des espaces et des territoires, de leurs dynamiques et des pratiques de leurs habitants. A l’origine de notre étude se trouve un enjeu d’analyse pour l’action (notamment celle de la DDE 07) qui cherche à avoir une « approche compréhensive » des dynamiques de peuplement sur le territoire ardéchois. Partant d’un constat sur les mutations foncières et sur la consommation de l’espace, nous cherchons à l’éclairer par les pratiques des habitants en termes de choix résidentiel et d’organisation qui en découle dans leur vie. Notre objectif est bien d’amener des éléments d’explication aux transformations d’un territoire non métropolitain par les pratiques spatiales des individus qualifiées par des formes de mobilités résidentielle, sociale et quotidienne. Cette posture nous impose alors de travailler à l’articulation des différents facteurs qui déterminent les conditions de réalisation des mobilités spatiales. Jean-Pierre Lévy (Lévy, Dureau, 2002 ; Lévy 2009) propose une formalisation de ces facteurs qui nous servira de fil directeur par la suite pour construire et analyser le corpus d’entretiens :

o L’offre, (ou accessibilité) constitue le premier facteur regroupant toutes les composantes qui rendent effectives la mobilité (offre foncière, offre de transport, offre de services)

o Le second facteur qualifie le comportement des individus ; il s’agit de montrer comment les valeurs, les habitus ou encore les références identitaires expliquent la manière dont les personnes s’engagent dans différents types de mobilité.

o Enfin, les facteurs économiques (emploi, revenus…) et les conditions de vie quotidienne (contraintes familiales…) constituent le dernier point qui définit l’ensemble des contraintes et des possibilités dont disposent (inégalement) les individus et avec lesquels ils doivent composer pour réaliser leurs choix

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La littérature couvrant ce champ montre comment, dans les zones métropolitaines, les fonctions urbaines se sont progressivement dispersées dans l’espace, rendant indispensable une structure de réseaux développée afin de donner aux individus la possibilité d’accéder aux lieux de travail, de loisirs, de consommation. La structuration de l’offre urbaine joue donc de ce double mouvement d’homogénéisation sociale et fonctionnelle de certaines zones et d’intensification des liens (et in fine de la mobilité) entre les différentes zones de la ville (centre-périphérie, périphérie-périphérie…).

Vis à vis de ce champ, notre proposition cherche à se situer dans des territoires considérés comme spécifiques, les territoires non métropolitains : nous faisons l’hypothèse que ces territoires donnent lieu à l’élaboration de stratégies et d’arbitrages différents de ce qui est observé dans les grandes agglomérations et leurs périphéries. Cela tient à deux caractères : d’une part l’absence de polarisation par de grandes agglomérations en fait des territoires d’habitat diffus, où la diversité des territorialités familiales entre lieu(x) de travail, lieu de résidence et accès aux services prime. D’autre part, la faiblesse ou l’absence de réseau de transports en commun laissent la place à l’usage quasi exclusif de la voiture individuelle : toute analyse reliant les mobilités quotidiennes à des politiques publiques de transport se trouve donc ici invalidée. La diversité des territorialités familiales associée à l’usage quasi- exclusif de la voiture individuelle caractérise la mobilité quotidienne des ardéchois. Relevons que l’absence de transports en commun, de chemins de fer, de grands axes autoroutiers participe dans une large mesure de l’image du département ardéchois, image ambivalente qui associe le charme de la ruralité et les contraintes de l’enclavement.

I.2. Comprendre le choix d’une maison : aborder l’acquisition comme un événement…

Le point de départ de notre étude repose sur l’idée que l’arrivée de nouveaux propriétaires influe sur le devenir et l’identité des territoires et que de ce fait aborder un territoire par la connaissance fine des transactions foncières, permet une approche originale des dynamiques à l’œuvre.

S’il s’agit d’acquisitions dans l’ancien : qui achète ? qui vend ? donc qui arrive ? qui part ? S’il s’agit de terrains à bâtir : qui construit ? où ? quoi ? Nous avons choisi d’entrer par la thématique foncière, en estimant que cet angle d’analyse apporte des éléments de compréhension des évolutions de la population d’un point de vue économique et socioculturel, mais aussi d’un point de vue spatial, en renseignant sur la consommation de l’espace (changement d’affectation des sols, étalement urbain).

L’objectif premier de cette étude est donc de valider la pertinence de cette entrée et d’en tester l’intérêt dans une approche transversale du territoire selon les déclinaisons attendues : lien avec la mobilité quotidienne, compréhension des modes d’habiter, ouverture sur les thématiques du paysage et de l’identité territoriale.

La source principale pour une étude des dynamiques foncières est habituellement constituée par les données notariales : fichiers constitués par la profession répertoriant toutes les transactions foncières1 et les données des services des hypothèques. L’analyse de ces données permet une approche quantitative de l’importance de ces transactions et fournit donc un

1 Il s’agit de la base Perval, constituée par le dépôt par les notaires d’un descriptif assez précis de chaque transaction ; cette base est payante et partielle puisque non obligatoire pour les notaires. Cette base n’est pas renseignée pour l’Ardèche. Nous disposons ici uniquement de l’autre source d’informations sur le marché foncier: le Service départemental des hypothèques qui enregistre chaque transaction (identification de l’acheteur et du vendeur, nature du bien, prix). Voir le II.3.

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panorama du marché foncier sur un périmètre. Notre objectif est ici différent ; il ne s’agit pas d’analyser le marché dans son ensemble, mais de chercher à comprendre chaque transaction comme un moment dans une trajectoire résidentielle, et de la réinscrire dans un choix plus global. Le choix d’une résidence signifie aussi un projet, des envies confrontées à des contraintes, une projection dans l’avenir et dans le territoire pour l’individu ou la famille qui s’installe. Il implique une double appropriation du territoire, économique et symbolique. En lien avec la commande qui nous a été faite par les services départementaux de l’Ardèche 2 nous cherchons donc à construire une méthode d’analyse de l’arbitrage qui préside au choix d’une résidence.

Ce positionnement initial entraîne un ensemble de choix méthodologiques.

On l’aura compris, la méthode met en avant l’individu ou le ménage, considère chaque transaction dans sa singularité, cherche à comprendre la rationalité de chaque choix : la démarche est délibérément empirique.

Cette problématique nous a également amenés à ne travailler que sur des acquisitions de bien et à laisser de côté le marché des locations : celui-ci est beaucoup plus labile, démultiplie les configurations singulières entre location provisoire de quelques mois pour contraintes professionnelles, installation durable, location en attente d’un achat, etc… L’investissement financier et les implications pratiques et affectives font de l’acquisition un événement -au sens plein du terme- important à l’échelle d’une vie. Cette posture ne priorise pas entre le statut de propriétaire et celui de locataire, mais insiste sur la place des propriétaires dans les dynamiques de peuplement et les changements socio-spatiaux.

Nous nous sommes donc centrés sur la situation du choix, bien identifiée dans le temps : quels sont les éléments mis en confrontation par l’individu ou la famille au moment de la décision, comment se fait l’arbitrage ? Cette situation de choix confronte à un moment donné des éléments relevant de domaines très divers qui puisent dans le champs de l’imaginaire et de la projection dans un futur souhaité (le rêve de maison, le projet de vie, la recherche de racines, l’avenir des enfants..), autant que dans des champs très pratiques abordés en termes de contingences : moyens financiers, contraintes professionnelles, accès aux services… Le tout s’inscrit dans un marché plus ou moins accessible. Cet événement s’inscrit dans une temporalité qui relève à la fois du temps long de l’histoire familiale, mais aussi de pas de temps réduits : l’entrée à l’école d’un enfant, une décision professionnelle, un accident… Il mêle le programmé et l’inattendu, les convictions et l’incertitude du lendemain, la contrainte et son refus. Cette situation s’ancre dans une assise spatiale bien identifiée : le lieu d’origine et le lieu d’installation mais aussi l’ensemble de l’espace couvert par les territorialités mises en oeuvre par les membres du ménage une fois l’installation faite ; il englobe aussi un territoire imaginaire : lieux idéalisés de l’enfance, territoire rêvé antérieurement à l’acquisition que celle-ci viendra confirmer ou non, projection dans des extensions potentielles du territoire en lien avec l’acquisition…

Cet événement se concrétise donc à un moment donné et en un lieu donné par une décision, celle de l’acquisition, toujours lourde de conséquences ; elles aussi sont pour les unes attendues, assumées, pour les autres imprévisibles ou occultées. Cela fait du moment de l’acquisition un événement inscrit dans une trame temporelle et spatiale complexe, qui s’insère ainsi dans une trajectoire résidentielle individuelle et/ou familiale. L’événement n’implique pas forcément une stabilisation spatiale durable : le choix peut être remis en

2 La DDE de l’Ardèche a mis en place depuis plusieurs années un outil statistique et cartographique précis et performant de suivi des modes d’affectation des sols. Leur souhait portait donc sur la « face cachée » de ces évolutions à travers une approche qualitative: comprendre les motivations individuelles, les projets de vie des acquéreurs d’un bien en Ardèche, faire en quelques sortes une « galerie de portraits » des nouveaux

propriétaires.

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question si le bien acquis se révèle inadapté, ou si l’installation est contrariée par un événement extérieur.

Dans cet arbitrage, un élément a retenu plus particulièrement notre attention : c’est la place et le rôle de mobilités quotidiennes. Cela englobe à la fois les mobilités précédant l’installation dans le bien : en quoi pèsent-elles sur la décision de quitter le bien précédent ? Cela englobe également l’anticipation des mobilités entraînées par l’installation : sont-elles vues comme un élément positif, un inconvénient ou un élément neutre voire absent de la décision ? Enfin sont englobées les mobilités vécues une fois l’installation faite dans le nouveau bien : correspondent-elles à ce qui était anticipé, ou leur rôle se manifeste-t-il de manière inattendue une fois le bien acquis et comment sont-elles alors (ré)évaluées ? La mobilité quotidienne est ici conçue comme un bien intermédiaire qui permet de rendre viable ou non l’organisation quotidienne à partir du bien immobilier choisi.

Du fait de ce choix d’aborder l’acquisition en tant qu’événement, nous ne cherchons pas à reconstituer des trajectoires résidentielles, à les mettre en relation avec les cycles de vie, même si bien sûr ceux-ci apparaissent au fil des entretiens, de nombreux interlocuteur ayant été amenés à reconstituer leur histoire personnelle ou familial. Cette posture, qui a présidé à la conception de la méthode, cherche à jouer des emboîtements d’échelles temporelles plus qu’à reconstituer un itinéraire linéaire.

I.3. … et se centrer sur l’individu qui arbitre

Ce choix méthodologique de l’ « échelle habitant » est déterminant pour la suite de l’étude, puisqu’il amène à une analyse qui privilégie l’entretien individuel, où chaque interlocuteur reconstitue son itinéraire, ses motivations, ses choix, reconstruit donc a posteriori la rationalité qu’il estime avoir mise en œuvre et déploie un discours justificatif sur le bien et sur son mode d’habiter. L’échelle habitant pose le cadre de notre démarche, elle interroge ainsi le statut de l’individu et de son libre arbitre dans un champ particulier qui est celui des transactions foncières souvent abordées avant tout selon une lecture économique en termes de ressources et de marché.

Pour aborder cet individu une grille de lecture tout autre nous est apparue particulièrement pertinente : celle qui est proposée par F. Dubet grâce à l’ « individu dialogique ». François Dubet propose en effet une typologie en trois figures de l’individu issue de la modernité et de sa critique (Dubet, 2005). Il identifie trois figures dans la pensée sociologique récente : l’individu social, héritier de la conception classique bourdieusienne, est l’individu socialement déterminé ; l’individu rationnel « agit comme un stratège dans un contexte social défini en termes de concurrence et de ressources », c’est l’homo oeconomicus; enfin l’individu éthique, défini par G. Simmel, « se construit en arrachant son autonomie aux contraintes sociales ». Face à cette tripartition, Dubet propose « l’individu dialogique »: « il n’y a pas à choisir [entre ces trois figures] si l’on considère que chaque individu réel vit dans ces trois registres de l’action, dans ces trois sphères, et que c’est à l’articulation des trois que se pose le problème de son « travail », de son action en tant qu’individu devant composer avec les logiques qui le portent et le traversent : parce que la société est un système d’intégration, l’individu participe de l’individu social ; parce que la société est un ensemble de marchés et de quasi-marchés, l’individu est un individu rationnel ; parce que la société moderne est aussi tendue vers un individualisme moral, l’individu est aussi un sujet éthique».

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Devenir propriétaire n’est-ce pas composer avec ces trois facettes de l’individu dialogique qui nous constitue ? Entre détermination sociale, évaluation des concurrences et ressources, et aspiration au libre arbitre. Le choix d’une maison en appelle à cette confrontation entre des logiques d’arbitrage qui rentrent parfois en contradiction sans que l’on puisse déterminer une hiérarchie nécessaire. La résidence pèse lourdement sur la position sociale et éventuellement sur l’aspiration à une modification de celle-ci : que signifie pour chacun de nos interlocuteurs le fait de pouvoir dire : « j’habite en Ardèche », ou « j’habite à Villeneuve de Berg » ? Cette projection mobilise des représentations de soi et des lieux, mises en miroir avec des normes sociales, des représentations collectives. De quel poids va peser, de son côté, l’investissement financier immédiat et à venir, que représente une acquisition et comment cet investissement financier répond-il à l’investissement symbolique dans une résidence ? Enfin, le choix est aussi motivé par des valeurs, à une certaine conception de la vie, de la vie en famille, qui devra trouver à s’enraciner dans un lieu ; autrement dit que signifie pour nos interlocuteurs un choix de vie, de « vie bonne » là ?

Pour reprendre une expression de F. Dubet, l’individu se manifeste à travers « le travail par lequel un acteur essaie de se constituer comme un sujet en empruntant aux divers registres de l’action dans lequel il est enserré » (Dubet, 2005). C’est ce travail qu’il nous faudra tenter de percevoir à travers les entretiens collectés. La notion de hiérarchie des motivations, proposée par John Elster dans Le désintéressement, traité critique de l’homme économique (2009)3, nous fournit un outil pour analyser comment chaque individu (ou famille) construit sa propre hiérarchie, comment elle se stabilise au moment du choix et comment elle est aussi susceptible d’être ajustée, révisée, par la suite. Cela nous permettra aussi d’identifier et d’évaluer le rôle de la mobilité quotidienne dans cette hiérarchie et dans son actualisation.

I.4. Devenir propriétaire en Ardèche : plaisir et réalité

Actuellement l’analyse des choix résidentiels repose fréquemment sur l’idée, influencée par une approche économique de la rationalité individuelle, qui veut que le travail (et plus spécialement le travail du chef de famille), par sa nature, sa rémunération et sa localisation, soit le motif premier qui influence le reste des choix. Cette influence ne se traduit pas nécessairement en termes de localisation et de proximité mais en termes de capacité de maîtrise de son choix. De cette capacité, liée avant tout au capital économique, dépend le choix de la résidence et les pratiques induites de mobilité.

Notre proposition, on l’aura compris, est que les arbitrages sont plus complexes quand il s’agit de choisir sa résidence. Si l’on en reste aux aspects pratiques, outre le bien lui-même, ils se font en fonction de la situation du ménage mais aussi du contexte englobant évalué en termes d’opportunités ou de contraintes (services, études des enfants, proximité de la famille ou d’un réseau de convivialité,…) et dans ce cadre la priorité ne revient pas systématiquement au travail. L’acquisition de la capacité de mobilité accompagne-t-elle alors l’acquisition du bien ?

Au-delà, les hiérarchies des motivations sont diverses, singulières, et elles sont soumises à une temporalité. Les entretiens visaient donc prioritairement à engager les enquêtés à reconstituer le cheminement qui les a amenés à l’arbitrage final. De la première idée découle l’interrogation sur les moteurs qui président à l’élaboration et à la stabilisation de cette

3 J. Elster s’intéresse tout particulièrement à la confrontation entre motivations pragmatiques, guidées par les contraintes économiques et l’intérêt individuel, et l’intérêt général, autour de la notion de désintéressement.

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hiérarchie. Si l’on se réfère de nouveau aux réflexions de J. Elster, on constate que celui-ci reprend la traditionnelle opposition d’inspiration freudienne entre deux principes contraires : le principe de réalité et le principe de plaisir. Cette évocation peut surprendre dans la thématique qui nous intéresse, marquée par les figures du notaire et du banquier, pourtant cette idée parait fructueuse pour l’appliquer à l’événement très particulier qu’est l’acquisition.

Pragmatiques, les discours des professionnels de l’immobilier l’ont intégré depuis toujours.

Nous faisons l’hypothèse que dans le choix de la résidence le principe de plaisir est non seulement très présent mais peut résister au principe de réalité. Le rêve, le projet de vie, les racines, l’attachement à des lieux, à des ambiances, à un paysage, peuvent amener à reconsidérer le principe de réalité, le minimiser voire le renier.

Le principe de réalité, outre le budget, se manifeste nous semble-t-il tout particulièrement par le biais des mobilités quotidiennes et de leurs coûts (énergie, temps, contraintes familiales…).

Dans le cadre des entretiens un des objectifs est de repérer quand et comment se manifeste ce principe et en quoi il peut peser sur une révision de la hiérarchie des motivations.

La problématique qui a guidé notre étude et les entretiens qui fournissent l’essentiel du matériau, vise à approcher de plus près l’élaboration de ce système d’arbitrage où l’individu négocie la hiérarchie des motivations. Le rapport à la mobilité, et plus spécifiquement au transport individuel, dans un espace attractif tant pour les résidences secondaires et les touristes que pour les habitants en quête de calme et de ruralité est plus particulièrement exploré. Ce territoire vit sur le mythe tenace et partagé de la campagne tranquille.

La confrontation de plus en plus délicate entre un projet de vie rurale et les contraintes financières, temporelles et environnementales de la mobilité quotidienne forme la toile de fond de cette recherche.

II. L’objectif méthodologique : interroger des familles qui achètent en Ardèche

II.1. Contexte de terrain : des espaces faiblement polarisés

Quelques précisions de contexte seront utiles à la présentation des résultats de cette étude.

Du point de vue démographique, à l’échelle du département, l’accroissement est relativement faible sur la période 1982-2005 par rapport à la moyenne régionale (13,4 % contre 18,8 %).

Cependant, cette tendance n’est pas linéaire et le rythme d’accroissement de la population s’accélère depuis 1999 pour dépasser celui de la région (6,2 % contre 5,5 % sur la période 1999-2005). Cette faible croissance, pour la période 1982-2005, s’explique par un déficit naturel structurel. On insistera toutefois sur l’importance du mouvement migratoire positif dans cette tendance générale, qui s’accentue dans les dernières années.

Les principales aires urbaines de l’Ardèche (Annonay au Nord, Privas et Aubenas au Sud) sont de petits centres (environ 40 000 habitants en 2000), situés dans des zones où la croissance de la population n’est pas appelée à s’accélérer dans les prochaines décennies (projection en 2004 pour Aubenas de 12, 6% en 30 ans) selon une projection récente réalisée par les services de la DDE.

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Figure 1 : Population des aires urbaines en Ardèche (effectifs en 2005 et projection à l’horizon 2030)

Les résultats présentés dans ce texte ne concernent pas l’ensemble de l’Ardèche mais se concentrent sur un périmètre situé entre la Vallée du Rhône (Le Teil, à proximité de Montélimar) et la principale ville moyenne du sud-Ardèche, Aubenas. Ce secteur, desservi par la route nationale qui constitue le principal axe de communication, combine des espaces agricoles ou en friches, des villages et gros bourgs souvent cernés de lotissements et de petites zones d’activités, et quelques zones, relativement restreintes, marquées par un mitage de maisons individuelles.

Figure 2 : Evolution de l’occupation du sol sur l’axe Aubenas-Le Teil de 1979 à 2002

Plus d’un tiers de la superficie formant l’axe Aubenas - le Teil est voué à l’agriculture.

Concernant la dynamique urbaine, l’extension des zones urbaines apparaît comme le phénomène le plus important en termes de mutation de surfaces (+220 ha), bien que l’augmentation relative de cette classe soit sensiblement inférieure à la moyenne départementale. Le second élément marquant de l’évolution de cet espace est l’augmentation importante des zones d’activités qui, (avec près de 150 ha) surpasse celle de l’habitat diffus, qui n’a progressé que d’une centaine d’hectares sur la même période. La déprise agricole apparaît faible pendant cette période ; ce phénomène, important au fil du XX° siècle, s’est récemment ralenti.

II.2. Contexte de connaissance : des transactions immobilières significatives

Un marché foncier est caractérisé par plusieurs éléments : le volume des transactions (combien de bien-fonds ont été échangés durant cette période ?), le type de biens échangés (maison, terrain à bâtir, etc.), le niveau des prix pratiqués, les profils socio-spatiaux des acteurs (résidence, âge, etc.). Si l’argumentaire des propriétaires exposés dans les résultats suivant donne du sens à l’évaluation quantitative des mouvements de propriété, en retour, cette évaluation étaie la parole singulière de l’individu. C’est la raison pour laquelle la méthodologie a intégré la collecte d’informations quantitatives sur l’évolution du marché foncier, mais en l’appliquant uniquement aux communes où un nouveau propriétaire a été interviewé. Nous avons pour cela effectué un relevé des renseignements figurant sur chacune des mutations intervenues au cours de l’année 20074.

4 Au total, le nombre d’actes effectivement dépouillés : 309 références pour l’année 2007, pour 5 études notariales. Les actes consultés pour notre travail représentent 3,84 % du total des actes notariés en 2007 (309 actes sur 8042 transactions répartis entre 5 études notariales... Les variables relevées sont : 1- pour chaque intervenant (vendeur et acheteur) : la date de naissance, le lieu de naissance, la profession (lorsqu’elle est renseignée), le lieu de résidence ; 2- la nature du bien (maison, immeuble, terrain, etc.) et la surface ; 3- le montant de la transaction.

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Prenons à titre d’exemple, les transactions de bien-fonds dans la bourgade de Villeneuve de Berg (mi-distance du pôle urbain d’Aubenas et de la vallée du Rhône ; 2877 habitants en 2006).

Villeneuve-de-Berg est une commune où les locaux (résident dans la commune) vendent nettement plus qu’ils n’achètent. Les premiers à acheter sont les Ardéchois en provenance de trois zones : Aubenas/Vals-les-Bains ; vallée du Rhône (Le Teil/Bourg-Saint-Andéol) ; communes voisines (Mirabel/Alba-la-Romaine). Viennent ensuite les résidents hors du département où près du quart des acheteurs non ardéchois résident dans les villes du sud de la France (Nice et Montpellier), un autre quart dans la Drôme (département limitrophe), un troisième quart en Rhône-Alpes et enfin un dernier quart ailleurs. La tension sur le marché des biens oppose deux types d’acheteurs : les Ardéchois5 et les extérieurs au département. Les habitants de la commune sont peu actifs : ils achètent plutôt des terres ou d’autres types de biens (commerces). Les locaux alimentent l’ensemble du marché pour tous les types de biens.

Figure 3 : Domicile des vendeurs et des acheteurs à Villeneuve de Berg (en % - 2007) Deux processus de résidentialisation caractérisent ce marché. Le premier est celui de la relocalisation de jeunes actifs ardéchois dans un petit bourg situé à mi-chemin entre Aubenas et la vallée du Rhône : les acheteurs de maisons domiciliés en Ardèche sont plus jeunes – appartenant majoritairement à la classe d’âge des 20/39 ans – que les acheteurs de maisons domiciliés hors du département – appartenant majoritairement à la classe d’âge des 40/59 ans.

Le second est celui, vraisemblablement, des résidences secondaires. Espace de transition, entre vallée et montagne ardéchoise, mais aussi espace de confrontation de deux logiques d’installation concurrentes excluant de fait les personnes résidant déjà dans la commune.

II.3. Echantillonnage et entretiens semi-directifs pour une démarche exploratoire

La méthode proposée vise donc à collecter des entretiens auprès des personnes qui sont en train d’acquérir un bien ou qui viennent de terminer leur installation. L’élaboration d’un

«échantillon» de nouveaux accédants à la propriété ou d’anciens propriétaires faisant l’acquisition d’un nouveau bien en Ardèche a nécessité la collaboration avec une agence immobilière pour disposer des coordonnées de personnes venant d’emménager ou ayant signé un compromis de vente. Parmi ces personnes rencontrées figurent pour moitié des personnes résidant déjà en Ardèche et des personnes venant d’autres départements français.

Le choix de ces acquéreurs (et non de personnes en location) est justifié, on l’a dit, par le fait que l’on s’intéresse aux stratégies résidentielles liées au choix d’un territoire et à un projet de mode de vie et/ou de mode d’habiter. Il s’avère que cet échantillon englobe une grande diversité de situations familiales et de catégories socio-professionnelles aux revenus contrastés, du jeune couple modeste aux retraités aisés6. En outre cet échantillon ne comporte que des acquéreurs de maison individuelle ou de terrains constructibles (alors que l’agence

5 Domiciliés en Ardèche, hors commune où l’achat est réalisé.

6 Nous avons rencontré quatre types de profil :

- Hommes seuls, entre 30 et 40 ans, actifs, ou jeunes retraités, ne vivant pas au quotidien avec leur partenaire, dont ils font pourtant systématiquement allusion au cours des entretiens.

- Couples sans enfants, entre 30 et 40 ans, actifs.

- Couples avec enfants en bas âge (de quelques mois à une dizaine d’années) et enfants adultes.

- Couples de jeunes retraités.

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travaille sur Aubenas, qui dispose d’un parc important de logements collectifs) et aucun acheteur de résidence secondaire (ce point s’explique en partie par le fait que l’agence est peu présente dans les secteurs les plus touristiques du sud Ardèche : le long de la rivière Ardèche).

Insistons donc sur la caractéristique de la méthode proposée : aucun critère a priori en termes de revenus, de situation professionnelle ou familiale n’a été établi. L’unique paramètre était l’acquisition d’un bien, sur une période donnée et dans un périmètre imposé par le secteur d’activité de l’agence immobilière partenaire.

Treize entretiens semi-directifs ont été menés au cours de l’année 2008, en binômes, et se sont déroulés dans la quasi-totalité des cas dans la nouvelle résidence. Le guide d’entretien amenait l’interlocuteur, en guise de démarrage, à reconstituer le récit de la recherche et du choix; puis un ensemble de relances visait à explorer les modes d’habiter en comparant l’ancien bien et le nouveau, et en mettant l’accent sur les mobilités ; la fin de l’entretien cherchait à amener l’interlocuteur à se projeter dans le territoire et son devenir7.

Les entretiens ont été transcrits intégralement, et analysés au moyen d’un logiciel d’analyse de discours, le logiciel N’Vivo8 de type CAQDAS (« Computer Assisted Qualitative Data Analysis Software »). Les logiciels CAQDAS reposent sur la lecture et le codage (par le chercheur) de passages du corpus textuel. Les codes (appelés nœuds dans N’Vivo) désignent un sujet, une figure ou une caractéristique linguistique. Ces codes servent à repérer des associations régulières ou originales. Cette démarche méthodologique, parfois appelée

« codage à visée théorique » (Point, Voynnet, 2006) nous a paru particulièrement adaptée à notre étude, dans la mesure où :

- Les données du terrain, ici les entretiens, constituent le point de départ à partir duquel le chercheur fait émerger des idées, des questionnements, et/ou des interprétations ; - Le processus d’analyse des textes est réalisé par le chercheur qui procède d’une part

au « découpage » des données en unités d’analyses élémentaires (le codage), puis à l’organisation de ces unités en catégories interprétatives (la catégorisation). Ce processus n’est, en outre, pas unidirectionnel puisque les logiciels permettent au chercheur des allers-retours entre données recueillies et interprétations, donnant à l’opération de codage un véritable statut d’analyse.

Cette construction itérative et collective de l’analyse, à partir des données qualitatives du terrain, a été particulièrement fructueuse pour notre groupe dans la mesure où nous amenions des modes d’interprétation différents éclairés par nos thématiques respectives. Concrètement, cela nous a permis d’aborder le corpus a priori avec nos thématiques initiales (le marché foncier, l’habitat, les mobilités et le paysage) et d’extraire pas à pas les idées issues du corpus en définissant a posteriori de nouveaux thèmes. Ainsi, nous avons défini conjointement 23 nœuds (dont les principaux sont exposés dans la figure 1) se référant à trois catégories : le choix du bien-fonds, l’accessibilité comme enjeu de la mobilité quotidienne et enfin l’attachement aux lieux.

- Leur origine géographique se répartit entre : 6 domiciliés en Ardèche, 2 en région parisienne, 4 dans le Sud- Est (Isère, Bouches –du-Rhône, Vaucluse).

7Notre projet de recherche se prolonge par une seconde étape d’enquête actuellement en cours : les personnes rencontrées au moment de leur acquisition ou de leur installation sont re-contactées, environ un an après, pour un second entretien. L’objectif est d’explorer la temporalité de la construction du projet : revenir sur les critères et les arguments avancés au moment de l’acquisition, réinterroger les personnes sur leur mode d’habiter, éventuellement les amener à formuler un bilan de leur choix.

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Figure 4 : Nœuds et catégories appliqués au corpus d’entretiens des nouveaux acquéreurs.

III. Choisir sa maison : un choix de vie que l’on décline au quotidien

Les thématiques saillantes, qui ressortent de l’exploitation des entretiens réalisés, nous permettent d’identifier certains ressorts guidant les choix des personnes interrogées. Une première thématique regroupe les parties des récits qui évoquent la recherche du bien et son acquisition ; un second thème met en perspective l’événement de l’acquisition par rapport au choix de vie exprimé tant sur le mode de l’expérience vécue que sur celui des projections futures ; enfin, l’organisation de la vie quotidienne intervient dans les récits pour exprimer la

« mise en pratique » de la décision d’installation : une fois le « camp de base » établi, on compose -par le déplacement individuel- entre tous les lieux du territoire sur lequel s’étendent les activités.

L’annexe 1 présente comment les diverses catégories sont réparties dans les entretiens.

3.1. Choisir sa maison…

Le choix d’une maison relève d’une rencontre, chaque fois singulière, entre un projet de vie, des critères explicitement listés, et l’offre disponible à ce moment. C’est donc un compromis, qui amène la cristallisation sur un bien de tout un processus, qui décèle parfois des racines lointaines.

Pour les uns le bien acquis correspond grosso modo à ce qu’ils souhaitaient. Une certaine unanimité se dessine là autour de deux critères fondamentaux : un intérieur spacieux et des extérieurs « naturels ». Une grande maison sur un petit terrain verdoyant, éloigné de la route si possible, ainsi pourraient être résumées les aspirations des nouveaux acquéreurs. La dialectique du dedans et du dehors signifie combien l’espace intérieur prime sur les espaces extérieurs.

-« Une maison plus petite non mais avec moins de terrain oui. Il est tout de même important pour nous d’avoir cet espace vert. »

- « Mais la superficie de la maison avait quand même son importance. Il nous fallait trois chambres pour les enfants et une pièce où on peut respirer. »

Il y a aussi ce que l’on acquiert mais que l’on n’a pas forcément souhaité, quitte à s’en féliciter après coup. La piscine, le grand terrain (et l’entretien de celui-ci), relèvent de l’offre mais rarement d’une demande. Par défaut, l’emprise foncière (superficie ou terrains multiples) ne joue pas, dans l’ordre du discours, de rôle déterminant. A contrario, l’entretien d’un grand terrain est une contrainte forte à laquelle on n’était pas forcément préparé.

- « On a une piscine, du terrain, mais ce n’était pas vraiment ce que nous recherchions car on n’en profite pas. »

- « Non, en fait les problèmes de pelouse je n’ai jamais trouvé ça très marrant. Chaque fois que j’utilise ma tondeuse qui s’intitule « Vert loisir » je pense que la personne qui a trouvé ce nom, elle n’a jamais dû tondre de pelouse. Mais bon on en a 700 mètres, il faut 4 heures car il faut aussi faire les bordures».

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Le choix résidentiel commence, dans les discours, avant tout par celui de la maison. Viennent ensuite les justifications géographiques. La zone ciblée par les acquéreurs se circonscrit difficilement à grande échelle. Par contre, tous privilégient, à petite échelle, l’Ardèche (mais l’Ardèche méridionale) ce qui les emmène parfois jusqu’en Drôme Provençale (Nyons, trop chère) et plus généralement le sud de la France.

- « Cela a d’abord commencé par le fait de quitter la région parisienne, se rapprocher un petit peu du midi. Je suis de Lozère donc c’est vrai qu’on cherchait un peu dans ce coin là. (…). Ça a été d’abord l’Ardèche puis la Drôme ».

- « Dans la Drôme on est allés jusqu’à côté de Nyons et sur l’Ardèche on a fait St-Martin- d’Ardèche, St-Marcel-d’Ardèche, Villeneuve-de-Berg, Joyeuse, et le nord Ardèche mais seulement sur papier car ce n’est pas un coin qui nous intéressait ».

Il n’est pas possible de délimiter des périmètres de recherche à grande échelle, simplement parce que les logiques des acheteurs se lisent en termes de polarité urbaine et de proximité (services/transports).

Lorsque l’on s’attache aux discours justificatifs, deux stratégies s’opposent. La première, que l’on qualifiera d’hédoniste, vise la recherche du bien-être, du calme, le rejet de l’urbain : les acheteurs se fixent d’abord sur un lieu, l’accès à l’emploi est secondaire dans l’ordre des priorités. Le principe de plaisir prévaut ici. Par opposition, la seconde, rationnelle, privilégie le principe de réalité. L’activité professionnelle apparaît prioritaire dans la hiérarchie des motivations, l’achat du bien est guidé par la proximité du lieu de travail. La solvabilité de l’acheteur n’intervient pas à l’identique selon que l’on appartient à l’une ou l’autre : en effet, la première est à la recherche de biens moins onéreux que dans les grands centres urbains.

L’accession à la propriété conjuguée aux aménités environnementales passe-t-elle pour eux par le sacrifice de l’activité professionnelle ? Certains le laissent entendre. Pour les seconds, l’accession à la propriété est totalement intégrée dans un projet autant professionnel que résidentiel. Ces deux dimensions du projet de vie sont difficiles à départager et la solvabilité va de soi.

Toutefois, dans les deux cas de figure, la constitution d’un patrimoine n’est pas une préoccupation mise en avant par les interviewés ; peu l’évoquent.

3.2. …Le choix d’une vie

Tous les enquêtés adoptent à un moment ou un autre de l’entretien l’angle du récit de vie : le choix du bien n’est pas traité comme un épisode isolé mais comme le résultat d’un enchaînement, plus ou moins voulu, qui se déroule sur un temps assez long, renvoie à des racines familiales, des souvenirs d’enfance, révélant un choix profondément ancré. La référence à un attachement au lieu antérieur à l’installation, intervient souvent dès le début de l’entretien pour expliquer la démarche de recherche :

-« Ma mère est ardéchoise et native d’un petit village pas très loin. Donc c’est un coin que je connais très bien. Et S., parallèlement à cela, quand elle était enfant elle venait très souvent à M… donc nous sommes très attachés à cette partie là de l’Ardèche ».

Cet attachement, outre qu’il est présent dans tous les entretiens, est très explicite, affirmé voire revendiqué :

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- « Pendant 40 ans je suis venu tous les mois, parfois deux fois pas mois et à Noël, Pâques également. Donc des allers - retours entre ici et Marseille on en a fait des centaines, nous sommes donc chez nous ici ».

- « Parce que je suis bien ici. Je suis né ici. »

- « Je suis parti travailler à Lyon pendant 3 ans, je suis revenu et je me suis rendu compte que c’était là que j’étais bien ».

On voit aussi que cet attachement est très souvent lié aux origines familiales, à l’enfance ; les souvenirs d’enfance sont très présents dans les récits des ardéchois d’origine :

-« Mes parents ont beaucoup déménagé professionnellement parlant donc je n’ai pas de copains d’enfance. On a habité dans le Pas-de-Calais mais pour autant on venait toujours là où la famille se trouve, c'est-à-dire là où sont les cousins éloignés, donc c’est un coin qui est vraiment très cher à mon cœur. »

Dans l’ensemble de nos entretiens, seuls deux enquêtés n’ont pas d’origine familiale en Ardèche (mais insistons sur l’absence de caractère représentatif de notre corpus). De la part de ces deux « étrangers », le thème de l’attachement est tout aussi présent. Une fois le bien acquis, le lieu, le « coin », est présenté comme le résultat d’un choix, d’une rencontre voire d’un coup de foudre.

-« Je suis de Lozère donc c’est vrai qu’on cherchait un peu dans ce coin là. On est tombés amoureux de l’Ardèche en y venant quelque temps auparavant donc il est vrai que ça a été notre premier point de départ dans les recherches ».

La mobilité résidentielle est donc justifiée prioritairement par un sentiment d’attachement qui participe du récit autobiographique et de la construction identitaire des personnes.

Les éléments de discours participant plutôt de la qualification du lieu viennent au second rang après le thème des origines, et des racines. Il est difficile ici de dégager des éléments communs entre les divers entretiens. Certains restent très centrés sur la maison et sur l’environnement très proche.

Le thème du calme revient de manière récurrente, tantôt en opposition à la ville, tantôt pour rompre avec une vie antérieure trop stressante.

- « Le sud (Marseille) c’est formidable mais les gens sont super nerveux, c’est très urbanisé et nous voulions nous évader de ça et chercher un milieu de vie un peu plus calme pour notre fille notamment ».

On repère également un ensemble de traits qui contribuent à qualifier un contexte local, depuis l’environnement du village jusqu’au département de l’Ardèche dans son ensemble, et qui combinent le paysage, le climat et une certaine forme de ruralité. Insistons cependant sur un aspect marquant de ces entretiens : ces arguments ne sont jamais avancés comme critères de choix du bien, comme élément d’arbitrage. Ils interviennent davantage comme des arguments justifiant a posteriori leur satisfaction.

- « Changer de paysage, changer de cap, changer de tout et avoir quelque chose de plus chaud, c’est déjà le côté soleil… bon moi l’Ardèche je connaissais, il connaissait, on aimait déjà beaucoup l’Ardèche… »

- « Parce que l’Ardèche est enclavée et c’est en ça qu’elle est belle. Si ça devient une cité dortoir ça ne m’intéresse pas. Le manque d’autoroute, de train ce n’est pas un handicap par rapport à ça, au contraire. »

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C’est à l’occasion de remarques générales sur les lieux que les enquêtés se projettent dans un futur qui associe l’évolution de la région et leurs propres opportunités professionnelles. Les diagnostics sont très variables selon les trajectoires résidentielles et professionnelles des divers interlocuteurs. Certains enquêtés s’interrogent explicitement sur la pérennité de leur choix.

Le discours sur les racines, sur les valeurs esthétiques ou symboliques attribuées aux lieux est donc présent mais n’est pas mobilisé pour expliquer le choix du bien. Il vient « à côté », parfois en introduction, parfois en fin d’entretien, pour parler de la vie en Ardèche, de la volonté d’y revenir ou de ne pas en partir. Pour autant, choisir sa maison est assurément l’histoire d’une vie et s’avère être un évènement que l’on inscrit sur le long terme. Les systèmes de représentations et leurs valeurs associées participent donc bien des processus de choix, même s’ils ne sont pas directement déterminants. Ils expliquent ainsi que l’ordre des priorités, pour un même individu, peut jouer d’une alternance subtile entre éléments de plaisir attachés à ce que l’on pense faire de sa vie (à plus ou moins long terme) et éléments de réalité ancrés dans les contraintes et les opportunités du temps présent.

3.3. …décliné au quotidien

L’achat d’un nouveau bien impose aux personnes de repenser l’organisation de leurs activités quotidiennes. A travers les discours, nous cherchons à comprendre dans quelle mesure cette organisation est pensée, voire anticipée, au moment de l’achat d’un bien.

Il s’agit donc d’appréhender les questions concernant les lieux et les temps des activités quotidiennes entourant les sphères professionnelle et familiale, telles que le travail, les achats, les services, les loisirs etc. Ainsi sont abordés, en creux, les problèmes de déplacements entre les lieux et d’accessibilité aux services.

Trois thématiques structurent notre analyse : l’accès à la ville, la relation au travail, la gestion de la vie quotidienne et des loisirs, et débouchent sur un constat : l’ « évidence automobile ».

L’accès à la ville

Les villes d’Aubenas et de Vals-les-Bains (voisine immédiate) font figure de pôles urbains pour la plupart des personnes interrogées. Elles occupent des fonctions de centralité vers lesquelles on se tourne notamment pour les activités professionnelles, mais aussi pour certains services inexistants dans l’environnement proche. En conséquent, dans plusieurs cas, le choix du bien est justifié par une localisation jugée suffisamment proche de ces pôles.

-« Notre souhait était de ne pas trop s’éloigner d’Aubenas car c’est un peu le centre vivant de la région et il y a des commodités de base et nous voulions pas être trop loin et une autre raison est que notre famille est dans le secteur ».

Deux entretiens font référence à la situation géographique de leur bien dans un cadre beaucoup plus large que celui des activités quotidiennes. Il s’agit dans ce cas de justifier un changement de région à l’échelle nationale et de positionner l’Ardèche et/ou une sous-région de l’Ardèche relativement aux régions d’origine (région parisienne, région marseillaise). Les polarités de l’Ardèche sont alors décrites dans un contexte géographique national.

L’accès aux pôles urbains depuis le bien acheté se définit donc à la fois à l’échelle des besoins quotidiens (Aubenas, Vals-les-bains), mais aussi par rapport à une insertion dans un réseau national permettant d’accéder facilement à de grandes métropoles françaises. Cet accès est jugé positivement dans les entretiens recueillis jusqu’ici, c’est-à-dire que les personnes

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considèrent qu’elles peuvent effectivement atteindre sans difficulté les pôles évoqués.

L’explication tient entre autre à la fluidité du trafic impliquant des temps d’accès estimés réduits.

-« J’ai habité Paris et quand il fallait traverser tout Paris en métro en 45 minutes c’était bien différent. Ici c’est 20 minutes en voiture, il n’y a même pas de feux rouges pour aller d’Aubenas donc c’est de la rigolade. »

Se déplacer pour aller travailler

Parmi toutes les activités quotidiennes, le travail est évoqué en premier et semble structurer fortement les déplacements. Pour beaucoup, l’achat du bien a correspondu à un éloignement significatif des lieux de travail qui restent concentrés autour des pôles cités précédemment.

-« Je pense que je vais avoir beaucoup plus de route à faire pour aller travailler. J’étais à 6 km de mon travail et là il y a des chances que je trouve sur Aubenas au plus près. Donc ça sera le plus gros changement.

Chercheur : Vous allez tous les jours à Aubenas pour votre travail ? Interviewé : Oui en ce moment c’est pour de l’intérim

Chercheur : Et on ne vous envoie pas trop loin d’Aubenas ? Interviewé: Non à 50 km aux alentours ».

Le corollaire au besoin accru de déplacements est la nécessité d’être équipé de deux voitures.

Des modes d’organisations différents pour gérer la vie quotidienne

La gestion des activités quotidiennes est abordée dans les entretiens à travers la question des niveaux d’accessibilité des offres de services depuis le domicile et le lieu de travail. Les personnes interrogées montrent comment elles intègrent ces éléments dans leur choix de localisation du bien. Nous remarquons ainsi quatre types de discours référant à des organisations qui intègrent différemment l’accessibilité aux services.

Une première forme d’organisation correspond à la recherche d’une optimisation du temps quotidien et des espaces fréquentés en fonction des contraintes liées au travail, aux enfants et aux services. Ces personnes expliquent comment elles ont opté pour une localisation optimum du bien pour rendre compatible les emplois du temps des parents avec ceux des enfants : la solution trouvée passant par une proximité spatiale entre le lieu de travail et les lieux d’activités des enfants (écoles, activités extra-scolaires), ces deux lieux imposant celui du domicile.

- « On avait déjà vu sur Internet cette affaire [achat d’un restaurant] et elle nous plaisait beaucoup et la proximité de l’école a joué. On a un métier prenant et on voulait que la distance avec nos enfants soit réduite. On est pas tout le temps avec eux le soir mais le matin on les emmène à l’école, le midi on mange avec eux et le soir elles sont un peu avec nous le temps de manger »

Si cette solution optimum de proximité entre tous les lieux d’activité n’a pas été trouvée, l’offre de transport en commun, et notamment de transport scolaire, est évoquée comme une alternative satisfaisante :

-« Nous sommes à 2 km 400 de l’école, on peut trouver une boulangerie en allant à pied, un petit commerce qui dépanne bien. De plus l’intercommunalité vient de mettre en place des navettes, les enfants peuvent donc prendre l’autocar qui les déposera devant l’école. »

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Dans les deux premiers cas de figure, le choix du bien se base sur les besoins immédiats des familles concernées (souvent en charge d’enfants). Dans d’autres cas, le discours revêt un caractère d’anticipation par rapport à un futur où les conditions et capacités de déplacement pourraient être réduites. Du coup, une localisation proche de services s’inscrit dans un discours sur le vieillissement.

-« Les commerces sont proches, nous pouvons donc rester ici pour y vieillir. »

Enfin, une dernière forme d’organisation renvoie plutôt au choix de « gérer la distance » plutôt que de l’éviter grâce à la proximité. En effet, certaines personnes préfèrent assumer l’éloignement en optant pour des « astuces matérielles » : ainsi le congélateur joue un rôle central, le lieu et le temps de travail (situé dans un pôle urbain) sont aussi exploités pour les fonctions connexes (achats, services, etc.). Une personne a réorganisé partiellement son emploi en intégrant le télétravail.

- « mais c’est vrai qu’à partir du moment où dans ma boîte ils avaient déjà proposé à certains de travailler à télé-distance…c’était une possibilité, et forcément ça nous a facilité les choses… mais la condition c’était que j’ai l’ADSL rapide à la maison, pas que je perde du temps non plus, que je puisse travailler comme si j’étais au bureau… »

-« De toute façon j’ai une cave, un congélateur donc tout ce qu’il faut. Les courses je les fais dans un petit magasin « Viva Coop » à Aubenas, magasin avec tous les produits locaux donc je fais mes courses là-bas. Sinon j’ai mon boucher à Aubenas. Comme de toute façon 3 fois par semaine je travaille à Aubenas il n’y a pas de problème. »

-« Au niveau des courses, on fait peut être un peu plus de grosses courses, histoire de descendre moins souvent. On achète 20 baguettes et on les met au congélateur. Sinon il y a T. un village pas loin, qui est tout de même vivant : il y a médecin, kiné, l’école. […]

On a investi dans un congélateur ».

Lorsque les loisirs sont évoqués, c’est toujours pour expliquer que l’offre est éloignée.

Cependant, cette absence est intégrée dès l’achat du bien, puisque beaucoup décrivent comment ils planifient des sorties culturelles en consentant des efforts (longs déplacements) pour éviter l’isolement culturel et social.

L’évidence automobile

Les modes de transport s’avèrent très peu cités dans les entretiens : l’automobile n’est pas plus citée que le transport scolaire ou public, la marche à pieds n’est mentionnée que deux fois dans l’ensemble de nos entretiens et le vélo une seule fois.

L’accès aux aménités urbaines spécifiques et au lieu de travail est souvent quantifié par des fourchettes de durée ou de kilométrage. Les durées indiquées ou la chaîne d’activités mentionnée nous laissent penser que ces déplacements sont effectués en voiture particulière.

Ce mode de transport semble tellement évident qu’il est rarement explicité. Les allusions à la voiture concernent la question du stationnement à proximité du logement ou bien établissent des comparaisons avec la métropole parisienne ou marseillaise pour souligner la fluidité du réseau routier ardéchois.

La référence à l’automobile apparaît aussi lorsque sont abordés les transports collectifs (et la marche à pieds) à titre comparatif. Les ménages avec enfants se sont généralement préoccupés de l’accès à l’école, au collège et parfois au lycée ou à l’enseignement supérieur même si l’accompagnement des enfants en voiture particulière reste privilégié.

-« Sinon l’école est à Thueyts donc après ça ira, il y a les ramassages scolaires donc ça c’est bien. Alors qu’à Marseille il faut emmener les enfants à l’école donc ici c’est bien fait. […] On est allés se renseigner à la Mairie pour savoir où était l’école ».

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Finalement, la question du mode de transport ne semble se poser que pour des tranches de vie où l’automobilité individuelle n’est pas possible ou réduite (collégiens, lycéens, personnes très âgées). La possibilité d’accéder à pieds aux commerces de proximité est peu prise en compte ; le déménagement peut être envisagé lorsque le vieillissement empêchera l’usage de l’automobile.

- « Et il y a également les transports en commun qui sont près […] Vous avez la route nationale qui passe au ras du village et il y a des services d’autocars. Ici nous sommes obligés de prendre la voiture car le réseau de transport en commun est trop faible. Dans les campagnes, les personnes âgées qui veulent aller à un endroit n’ont aucun moyen de transport. Il y a la ligne de car régulière mais il faut être proche de l’arrêt du car sinon ce n’est pas possible ».

Si nous reprenons les deux principes de choix pour les appliquer à la mobilité, le principe de plaisir se traduit par cette liberté individuelle de déplacement ; le principe de réalité, lui, intervient par le coût de mobilité (coût liés à l’énergie, au budget temps, au coût environnemental, à la sécurité…) qui échappe en grande partie à la maîtrise individuelle.

Éléments de conclusion

Il nous semble que les éléments récoltés lors des entretiens valident la pertinence de cette entrée par l’acquisition d’une résidence. Malgré les difficultés inhérentes à cette procédure (travail avec une agence immobilière, risque de biais introduits par ce choix contraint des enquêtés, difficulté à joindre les personnes…) le corpus réuni est riche, divers, et apte à alimenter une analyse approfondie des discours.

Il nous a en particulier permis de souligner la complexité des arbitrages et des hiérarchies individuelles. Nos interlocuteurs ont notamment présenté une grande diversité d’interactions entre projet résidentiel et projet professionnel : les formes de compromis sont multiples. Nous avons notamment rencontré des personnes affirmant que le travail, la mobilité, doivent s’adapter au choix de la maison, même si cela entraîne des coûts supplémentaires, ou des difficultés économiques qui sont dès lors assumées. L’affirmation de la maîtrise du choix peut passer précisément par le refus de la prééminence du travail.

Le constat suivant était moins attendu : le principe de plaisir, capable de résister au principe de réalité. Tous les enquêtés ont revendiqué leur choix de vie au nom, on l’a dit, du rêve, du désir de campagne, du retour aux sources, ou alors de l’attachement au lieu. Les uns ont renoncé à un travail, un logement en région parisienne ou marseillaise pour redémarrer une autre vie en Ardèche ; les autres vivent en Ardèche et n’envisagent pas un seul instant d’aller vivre ailleurs, quelles que soient les difficultés que cela peut impliquer. Même si ces arguments relèvent en partie du discours de justification d’un choix lourd de conséquences et qui ne peut se présenter comme un « coup de tête » ou au mieux un « coup de foudre », la récurrence des thèmes de l’attachement, la gamme des qualificatifs pour décrire les lieux, le récit des pratiques contribuent à consolider ce discours. Ce qui apparaît clairement c’est le travail de ces acteurs qui explicitent, argumentent, justifient leur choix, leur projet de vie, confirmant l’intérêt de l’approche dialogique.

Le contexte actuel est caractérisé par la remise en question du mode de croissance urbaine fondé sur l’étalement de vastes zones périurbaines et sur l’installation au-delà de néo-ruraux ou rurbains en zone rurale. Cette critique ne va pas sans un questionnement éthique sur

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l’impact de la décision individuelle sur le devenir du territoire, notamment dans ses dimensions environnementales. Toutefois, aucune référence à l’intérêt général ou à des valeurs collectivement partagées n’intervient dans les entretiens, par exemple à propos des enjeux environnementaux.

La spécificité de ces espaces non métropolitains reste, quant à elle, à explorer plus en profondeur. Nous avons observé dans ce territoire non métropolitain du Sud-Ardèche, cette dispersion des territorialités habitantes, indépendante des réseaux contraignant les pratiques et les modes de vie dans d’autres types d’espace, nous avons constaté l’omniprésence de la voiture. Des études comparatives dans d’autres espaces non métropolitains, ainsi que dans des espaces intermédiaires ou en marge des grandes agglomérations restent à mener pour mesurer plus précisément le poids de la configuration du territoire.

Enfin le suivi de cette population permettra de maintenir ouverte cette fenêtre sur le territoire face aux évolutions du contexte plus global : comment évolue le marché foncier et, plus précisément, comment se transforme -ou non- l’offre de biens ? Celle-ci se maintient-elle dans ses formes actuelles : la maison individuelle avec terrain, induisant un usage intensif de la voiture individuelle ? Et au-delà peut-on imaginer une offre différente, adaptée à cet espace non métropolitain et aux objectifs de développement durable? Comment l’offre d’emploi évolue-t-elle et comment les choix des habitants répondent-ils à cette évolution ? Une des interrogations des services de l’Etat concerne les populations de revenu modeste qui s’installent en zone rurale en raison à la fois du faible coût et du rêve de vie rurale. Enfin les enjeux environnementaux sont appelés à prendre une importance majeure. Le coût financier et environnemental de la mobilité quotidienne a été très rarement évoqué par nos interlocuteurs.

Cette position restera-t-elle longtemps possible ? Trois éléments de transformation qui interrogent en retour les politiques publiques.

Remerciement : nous tenons à remercier tout particulièrement Stéphanie Abrial, ingénieure de recherche à PACTE, pour son aide précieuse dans la manipulation et les subtilités d’utilisation du logiciel N’Vivo et Isabelle André-Poyaud, ingénieure d’études à PACTE pour la réalisation cartographique.

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