• Aucun résultat trouvé

50 Contes et Fableaux de la Savane

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "50 Contes et Fableaux de la Savane"

Copied!
27
0
0

Texte intégral

(1)
(2)

Contes et Fableaux 50 de la Savane

N° 391 E

(3)

LIGEL, 77, RUE DE VAUGIRARD — PARIS (VI

Précis d'Histoire de l'Ouest Africain, par Marcel Guilhem.

Précis d'Histoire de la Haute-Volta, par M. Guilhem et J. Hébert.

Tropiques enchantés, par Marc Ghislain.

50 Contes et Fableaux de la Savane I, par Marcel Guilhem.

50 Contes et Fableaux de la Savane II, par Marcel Guilhem.

Carte des Groupes ethniques de Haute-Volta, Carte murale laquée, 110 x 136 cm.

Tirage en 6 couleurs.

(4)

CONTES ET PABLEAUX 50

DE LA SAVANE

— par Marcel GUILHEM C. M. 2

Illustrations de RUDDY

LIGE L

77, RUE DE VAUGIRARD - PARIS VIe

(5)
(6)

...Un roman plein de charme

Nous avons voulu, dans les pages qui suivent, exploiter cette mine merveilleuse que sont les contes du riche folklore africain.

Ces contes, si intéressants et si variés, tissent un roman plein de charme qui n'a peut-être son équivalent dans aucune littérature ancienne ou occidentale.

Dans ce roman, toutes les bêtes défilent, chacune dans son rôle propre, pour instruire les hommes ou le,s corriger en les fustigeant. Toute la nature s'y reflète comme dans un documentaire animé, pittoresque, sous son éclairage spéci- fiquement tropical. Toute la brousse y palpite. Elle s'y appré- hende en pleine action, dans la fidélité à ses coutumes et la poésie de ses mythes. Toute la sagesse de l'Afrique y passe aussi, avec sa bonhommie et sa malice, avec sa morale pra- tique et son bon sens, avec son humour et son art extraordi- naire de l'agencement, avec son goût du merveilleux et les ressources d'une imagination étonnante.

Par souci d'authenticité, chaque homme, chaque animal, porte le nom qu'on lui donne au lieu où se dit toujours le conte, le soir à la veillée, où peut-être il a pris naissance.

Et c'est pourquoi notre lièvre s'appelle ici Soamba, ail- leurs Moro ou Massakokari ou Zomé ou Sansan etc...

Et ainsi des autres personnages.

(7)

Si nous en croyons des expériences déjà tentées, rien ne saurait intéresser davantage les élèves des Écoles africaines ni mieux les ouvrir aux formes propres d'un art et d'une civilisation issus de leur sol.

Nous nous plaisons à penser, en outre, que bien de petits Français les liront et y puiseront joie et même émerveillement.

Peut-être aussi, dans ce contact vivant avec les bêtes de la savane, entendront-ils, comme en écho, se répercuter les harmonies de cette âme noire, toujours si secrète, et saisiront- ils, mieux que les grandes personnes, quelque chose de cette âme, à travers une de ses plus authentiques expressions.

M. G.

(8)

Comment...

I

le Lièvre Môrô

"gagna"

la fille du Roi

C'était au temps où les animaux se mariaient avec les enfants des hommes chez les Bobo-Fing.

Notre roi, Kanza, possédait une fille très belle et en âge de se donner un époux. Elle s'appelait Mona. Depuis quelque temps déjà, hommes et ani- maux de toute espèce lui faisaient la cour. Mais le roi, fort embarrassé, ne savait qui choisir dans la foule des pré- tendants.

Il réunit les notables du pays et leur demanda conseil. Le plus vénérable de tous, un vieillard tout cassé, se leva péniblement en s'appuyant sur son bâton noueux, et dit : « Sire, je la propo- serais à qui dansera jusqu'à inonder de sa sueur la roche du village sur laquelle

(9)

s'assirent nos ancêtres. » D'un commun accord, on se rangea à l'avis du vieillard. Dans la nuit claire, le plin- kindin (tam-tam) du Roi publia la grande nouvelle. Et chacun de se préparer pour le grand jour.

A la Cour et dans tous les quartiers du village règne une animation fébrile. On sacrifie des poulets à Montikya, le dieu du beau temps ; les Sazré, colporteurs d'étoffes, font des affaires d'or ; flatteurs et prétendants, tous tiennent à s'attirer les regards de la Princesse.

Le grand jour est arrivé. Sur la place du village, luit la roche plate, car on l'a frottée nouvellement avec du beurre de karité. Les groupes se forment. Massés derrière une liane tendue, les curieux jasent ou échangent des paris.

Soudain, les griots du Roi surgissent au tournant d'une concession ; les amoureux de Mona les suivent en file indienne ; les tam-tams battent ; le Roi paraît. Sur un signe de Sa Majesté Kanza, le silence gagne la foule.

Le Roi rappelle sa promesse, prend place sur un trône élevé au milieu de ses courtisans et la compétition com- mence, par les plus nobles, selon la coutume.

Pendant des heures et des heures, tous les préten- dants à la main de Mona, hommes et animaux, se dispu- tent l'enjeu tant convoité. Les uns après les autres, ils défient leurs concurrents, sautent sur la piste, bondissent, tournoient avec un entrain endiablé jusqu'à ce qu'enfin, éreintés, ils s'écroulent sur la Pierre toujours sèche, puis s'en retournent, honteux de confusion et de dépit.

Le Roi s'apprête à déclarer tous les galants indignes de sa fille lorsqu'un nouvel acteur s'avance au milieu de l'assemblée et, résolument, se présente : c'est Môrô, le lièvre, tout empêtré dans un grand forokya (boubou).

(10)

Un rire ironique secoue la foule ; mais lui, nullement intimidé, emboîte pesamment le pas au rythme des tam- tams. Les gens lassés ne portent bientôt plus le moindre intérêt aux évolutions sans grâce de ce champion inattendu.

Môrô profite de l'inattention générale pour ouvrir avec une épine de petits trous dans des outres en peau gonflées d'eau et soigneusement camouflées sous ses vêtements.

Bientôt l'eau goutte doucement, dégouline le long des cuisses du danseur, humecte la pierre. D'un signe, Môrô ordonne alors aux musiciens de précipiter le mouvement ; le rythme s'accélère. Le fourbe tout en virevoltant avec

(11)

frénésie presse sur ses outres. En peu de temps, il ruis- selle d'eau. Aux cris des griots, les regards de tous se fixent à nouveau sur le spectacle. On se ravise, on s'étonne à la vue du rocher maintenant tout mouillé ; les gens battent des mains au rythme des dernières mesures, acclament le vainqueur. Ému, le Roi se lève et présente à la foule le fiancé de sa fille.

Quelques jours plus tard, on célébra le mariage.

Môrô vécut heureux avec sa princesse Mona. Leurs descendants sont les « Sinkié » (qui ne mangent pas du lièvre). Mais tout le monde sait que les Sinkié sont des coquins qui, comme leur ancêtre Môrô, imaginent des astuces malhonnêtes pour tromper les gens et parvenir à leurs fins. De là le proverbe : « Où passent les Sinkié, là sévit le vol ».

Conte bobo-fing, Bobo-Dioulasso.

(12)

2

La jeune fille et le boa

Il y avait une fois une fille qui ne voulait se marier qu'avec un jeune homme exempt de toute cicatrice : aussi ne pouvait-elle, en ce temps-là, trouver personne à son goût. Un boa apprit la chose, se transforma en un fringant jeune homme, se présenta aux parents de la jeune fille. Celle-ci fit appel à sa cadette, qui, étant sor- cière, se transforma en mouche et visita le corps du can- didat. « Je l'ai trouvé sans la moindre cicatrice, dit-elle,

(13)

mais ce n'est point une personne » — « Personne ou non, cela m'est égal, dit l'autre : il est tel que je le veux » ; et elle lui offrit à manger en signe d'agrément. De peur de se trahir, le jeune homme-boa accepta la nourriture qui ne lui convenait pas, mais lorsqu'il fut seul, il creusa un trou et l'y enfouit.

Entre-temps, la folle se mit à piler du mil. Le mortier se fendit en deux et dit : « Ton fiancé n'est pas une per- sonne ». La fille se moqua de l'avis et continua de piler à tour de rôle dans chacune des deux moitiés. Puis elle prit la calebasse de farine pour préparer le bon dégué des réjouissances nuptiales. La calebasse se fendit en deux, elle aussi, et dit : « Ton fiancé n'est pas une personne ».

La fille haussa les épaules. Lorsque tout fut prêt, le cor- tège se mit en route. La cadette voulut s'y joindre, mais sa sœur le lui interdit.

Après quelques kilomètres, le prétendant demanda à sa fiancée si elle reconnaissait les lieux : « Oui, dit-elle, ce sont ici les anciens champs de mon père ». Plus loin :

« c'est là que nous venions en groupe chercher du bois »...

Après une longue marche, on se trouva enfin devant une vieille tanière : « Connais-tu cet endroit » ? dit encore le jeune homme » — « Non », dit la fille, et l'homme lui présenta son logis. Stupéfaction ! la cadette était déjà là ! De transformation en transformation, elle avait échappé à la surveillance de sa sœur et suivi le cortège. On s'ins- talla et tout alla bien quelque temps.

Or, l'horrible mari avait projeté de dévorer sa femme un vendredi bien précis. En attendant, il trompait sa faim en allant, seul, à la pêche où, reprenant sa forme naturelle, il pouvait se procurer une nourriture à sa convenance. Tous les jours cependant, la sorcière lui

(14)

portait à manger. Elle le hélait de loin pour lui donner le temps de reprendre un extérieur humain, mais ne manquait pas d'assister à toutes ses métamorphoses.

Si celui-ci lui demandait : « M'as-tu vu ? » — « Non ! )), * répondait-elle ; mais elle ajoutait chaque fois cette parole mystérieuse : « tu n'es pas un

mauvais serpent ». Jamais, heureusement, l'homme-boa ne devina que la sorcière avait percé son terrible secret.

Et la sorcière, au retour, rapportait fidèlement à sa sœur ce qu'elle avait vu sans

(15)

pouvoir jamais la convaincre que son époux n'était qu'un boa.

Un jour enfin, la femme accepta de se cacher dans un fourré proche du marigot et elle vit avec horreur son mari se transformer plusieurs fois sous ses propres yeux.

Il ne restait plus qu'à s'enfuir au plus vite. La sorcière se chargea d'arranger toutes choses. Elle façonna un tronc de bois, l'installa à la place habituelle de la mariée et l'habilla d'une toile blanche. Puis, elle transforma sa sœur en une fine aiguille. « Maintenant, annonça-t-elle au mari, je vais retourner chez moi, selon la coutume, et vous laisser à votre bonheur. » Ce disant, elle piqua l'aiguille à son foulard de tête le plus naturellement du monde. L'homme le vit et s'y opposa : « laisse l'aiguille, dit-il, nous en aurons besoin ». La sorcière essaya plusieurs autres subterfuges ; l'homme, chaque fois, les déjouait comme inspiré par un diabolique instinct. Enfin, profitant d'une absence de celui-ci, la sorcière transforma son aînée en une aiguille plus grosse et un tourbillon les enleva toutes deux. Quand il rentra, l'époux se jeta sur le manne- quin et, se voyant joué, il s'élança à la poursuite des deux fuyardes.

Il arriva sur la rive d'un large fleuve et vit un échassier qui servait de pirogue aux deux femmes : « Hé, l'oiseau, passez-moi aussi ! cria-t-il. — « Volontiers », dit l'échassier.

— « Non ! non ! supplièrent tout bas les filles, c'est un mauvais serpent ! »

L'oiseau prit donc l'homme-boa, mais au milieu du fleuve, il le noya.

C'est depuis ce jour qu'il y a des serpents dans les rivières.

Conte bambara, région de Koulikoro.

(16)

Le crocodile 3 et le chasseur

Un chasseur rencontra en pleine brousse un croco- dile, sa femme et ses petits.

Il s'étonna : « Mais que fai- tes-vous là, si loin de la rivière ?» — « Pendant que nous dormions, l'eau est descendue dans le marigot ; ne voudrais-tu pas nous y transporter de nou- veau? »

L'homme les lia tous ensemble avec une forte liane, les chargea sur sa tête et prit la direction du marigot le plus proche. Il marcha longtemps, mais arriva enfin au bord de l'eau. Il se disposait à les déposer là lorsque le crocodile et ses petits le conjurèrent de s'avancer un peu dans le lit du fleuve. Le chasseur rele- va son boubou, entra dans l'eau puis s'arrêta. « Allez donc jusqu'en plein cou- rant », insista la mère croco- dile. Sans mot dire, l'hom- me avança encore. Le cou-

(17)

rant était fort et le fleuve profond ; l'homme perdit pied un instant et but la tasse ; mais enfin il se ressaisit, détacha son fardeau et s'apprêta à regagner la rive.

«Parbleu! s'écrièrent-ils tous ensemble! Voilà des jours que nous jeûnons et nous serions assez fous pour te laisser partir ainsi quand tu es encore à notre portée ! »

— « Comment ! s'exclama celui-ci, je vous ai sauvé la vie et vous parlez de me dévorer ! » Et la palabre com- mença.

Un vieux cheval arriva sur les lieux. On lui conta l'histoire. — « L'homme est méchant, dit-il. Quand j'étais jeune, il grimpait sur moi, me chargeait de lourds far- deaux, me fouettait cruellement. Et maintenant, il m'abandonne à mes infirmités ; je serais bien sot de m'oc- cuper de cette affaire ; qu'il plaide pour l'homme celui qui croit lui devoir de la reconnaissance ! ». Ayant dit, le cheval s'en alla.

Un âne vint. « Tiens ! tiens ! il ne s'agit que d'un homme ! Bon courage, l'ami ! Mon dos me cuit encore des coups de bâton que j'ai reçus de tes pairs » ! Et, dans une ruade joyeuse, le baudet s'esquiva.

Un long mugissement annonça le bœuf. Sagement, il s'informa. « L'homme est impardonnable, conclut le ruminant. Dévorez-le si vous avez faim. Pour moi, j'ai trop souffert sous son joug ; que le Ciel, s'il le veut, lui soit propice ! »

Enfin passa le lièvre et, d'un commun accord, on lui proposa d'arbitrer le conflit. « Comment, dit-il au chasseur, vous y êtes-vous pris pour transporter à la fois, et sur une aussi longue distance, un crocodile, sa femme et ses enfants? ». Le malheureux répondit que, les ayant attachés tous ensemble avec une corde, il

(18)

avait pu venir à bout de la besogne. Mais pas sans mal, bien sûr !

« Je m'en doute, dit le lièvre en riant ! Mais comment imaginer pareil exploit ! » Le père crocodile assura que c'était là l'exacte vérité. « Non, non ! dit le rusé. Pour croire ces choses, il faut les voir. Attache-les à nouveau, mets-les sur ta tête et marche un peu, que je voie ! ».

Et, quand le chasseur eut obéi : « Ami, lui souffla-t-il, prends-moi ces gens et va régaler ta famille avec ».

L'homme poussa un soupir de soulagement et suivit son ami le lièvre. Comme on arrivait au village, des voi- sins vinrent dire au chasseur qu'une de ses femmes se mou- rait. Le charlatan avait parlé : le poil d'un lièvre pouvait,

(19)

seul, conjurer le mal. Le malheureux soupira de nouveau : allait-il sacrifier son bienfaiteur ? — « Préférez-vous voir mourir votre femme ou tuer un lièvre ? » lui criait- on de tous côtés. Il regarda l'animal et, bien qu'à regret, il ordonna qu'on lui arrachât les poils nécessaires au salut de sa femme. Le lièvre l'entendant, mit les jambes à son cou et détala ; les chiens se lancèrent à ses trousses et, juste comme il se coulait dans son terrier, un chien lui planta ses crocs dans la queue et la lui emporta.

Depuis lors, le lièvre ne va plus chez l'homme ; et depuis lors aussi, les lièvres naissent la queue courte.

Conte minianka, de Kolongo.

(20)

4

Massa Kokari, le lièvre, et Koï, la panthère

En ce temps-là, sévissait au pays toma la plus grande famine qui eût jamais décimé la gent animale : les plus forts se jetaient férocement sur les plus faibles puis péris- saient à leur tour d'inanition.

Assis sur son petit derrière blanc, Massa Kokari, le lièvre, torture ses méninges et combine un plan astu- cieux. — « Allons voir Koï, la panthère ». — « Toc ! toc ! toc !» — « Bégha ga dé ? Qui es-tu ? » demande Koï. —

« Ton vieil ami Massa Kokari ». — « Entre! M'apportes-tu à manger ?» — « Hélas, chère compagne, depuis le lever du soleil, je ne me suis encore rien mis sous la dent ; mais je viens justement près de toi chercher les moyens de faire subsister nos deux familles pendant cette affreuse période. Au reste, j'ai mon idée. Tu sais que la rivière Mélou fourmille de carpes, d'anguilles, de tanches de toute espèce et de toutes grosseurs. Si nous tressions une vaste nasse que nous poserions tous les soirs en

(21)

quelque point de la rivière ?» — « Je loue, dit Koï, ton esprit inventif ».

Le soir même la nasse était tressée et on la posa.

Le lendemain, au chant du coq comme convenu, voilà nos deux associés sur la rive. Impatiente, la panthère se jette à l'eau : déception ! Koï ne découvre dans la nasse qu'un malheureux carpillon de la grosseur de deux doigts. Comment Koi eût-elle pu deviner que son damné compagnon avait, quelques instants plus tôt, traîtreuse- ment vidé la nasse de son frétillant contenu ? Voyant la mine déconfite de Koï, Massa Kokari lui dit : « Laisse- moi ce misérable poisson ; demain, en échange, les deux plus gros de la prise seront à toi ». — « D'accord », fait Koï, qui s'attendait à mieux pour les jours suivants.

Massa Kokari emporta son poisson et le joignit à tous les autres qui séchaient déjà au grand soleil sur une claie.

Le lendemain, on repartit à la rivière. Koï vida fébrilement la nasse et y trouva deux poissons à peine plus gros que celui de la veille. Le mets ne plut pas à la panthère : « Tu peux les emporter aussi; demain je m'attribuerai les trois plus gros ». — « Entendu, dit le lièvre ».

Pendant plusieurs jours encore, la scène se renou- vela : le fourbe emportait chaque fois les poissons du jour présent et, chaque fois, le fauve escomptait la prise du . lendemain. Massa Kokari pilait ses poissons après les avoir convenablement assaisonnés de sel et de piment, puis il remplissait de nombreuses gourdes de cette poudre succulente. Mais, une nuit, la tornade emporta la nasse et les deux compères s'en retournèrent chez eux, l'un, Koï, pauvre et tout à fait déconfit, l'autre, Massa Kokari, riche et fort satisfait de son stratagème. Un certain froid

(22)

s'établit entre les deux familles et on cessa de se parler.

Or, un jour, Masagi, roi des animaux, convoqua ses notables en Haute-Cour, pour juger Zoulouboui, l'hyène, coupable de crimes que l'on disait exemplaires. Pendant le réquisitoire interminable du Procureur royal, Massa Ko- kari ne cessait d'agiter une gourde pleine de la fameuse poudre de poisson. Quand il vit que ses étranges manières avaient fixé sur lui l'attention de l'assemblée, Massa Ko- kari, ostensiblement, se versa dans le creux de la patte une pincée de son mystérieux produit et l'avala. Koï tendit aussitôt la sienne et le mets lui parut délicieux. — « D'où tires-tu cette excellente poudre ?» — « 0 vieille amie de jadis, c'est là toute une affaire à la fois fort facile à com- prendre, mais en même temps fort difficile à exécuter ».

— « Quelle est donc cette affaire facile et difficile à la fois » ?

— « Pour obtenir une poudre aussi bonne que celle-ci, et meilleure encore — ici Massa Kokari baissa la voix — tuez votre vieille grand'mère et apprêtez-la avec du sel et du piment ».

Koï entendit à peine le prononcé du tribunal qui condamnait le criminel à être dévoré vif par la famille du Roi. D'un bond, elle fut chez sa grand'mère, lui fit un beau sermon... et la tua. Elle la broya longuement, l'apprêta comme le lièvre le lui avait recommandé, mais n'obtint, à sa grande déception, qu'une pâte nauséa- bonde dont elle emplit cependant une gourde. Quelques jours plus tard, au cours d'une palabre, elle brandit sa gourde ; beaucoup s'offrirent à goûter la mixture, mais tout le monde fit la grimace. Massa Kokari, lui, caché derrière un buisson, s'esclaffait !

Honteuse, Koï voulut questionner le traître. Mais celui-ci la nargua de loin : « Le mets succulent que tu as

(23)

tellement apprécié l'autre jour provient des beaux poissons que nous avions pêchés ensemble à la rivière Mélou et non de la chair de ma grand'mère que j'aime fort et qui te salue » ! — Au comble de la fureur, le fauve rugit, laboura le sol de ses griffes, dressa la queue et bondit d'une si brutale détente que le fourbe n'eut que le temps de se

(24)

blottir entre les racines d'un énorme fromager. Ne pou- vant atteindre le traître, la panthère prit un bois fourchu et recourbé du bout pour fouiller entre les racines. Quand l'instrument accrochait les pattes du lièvre, Massa Kokari raillait : « Cher compagnon, vous allez vous rendre malade ; croyez-vous pouvoir entraîner la racine où s'est accroché votre bâton ? » La panthère se dégageait, agrippait cette fois une vraie ramification de l'arbre et le coquin, hurlant de toutes ses forces : « Pardonnez-moi, je vous en supplie;

que vous me faites donc mal ! Lâchez-moi ! Aïe ! Aïe ! » Et le fauve de tirer de toutes ses forces. Tant il tira, le malheureux, que le bâton cassa net ; Koï buta contre le tronc du fromager et s'assomma presque. « Tiens ! Tiens ! ricanait le bandit, voyez-vous ce criminel qui, après avoir tué sa grand'mère, cherche à se faire justice ! Le remords est bonne chose après le crime, mais le sui- cide est une lâcheté indigne ! » — Écumante de rage, aveuglée par le sang qui ruisselait de ses tempes, Koï rentra à son terrier en jurant de se venger du maudit rongeur aux yeux rouges.

Conte toma, région de Macenta.

(25)

5 -rm ^ iy'i,

Il y a bien longtemps de cela, un Roi des Mossi proposa un jour sa fille Téné en mariage.

Téné était fine comme une biche, belle comme l'au- rore et d'une douceur incomparable. Son visage de fée d'un ovale très pur, son teint lumineux comme le jour, ses yeux rayonnants de clarté, faisaient rêver tous les jeunes gens du royaume. Mais le Roi avait mis une con- dition impossible au bonheur de la posséder. Il fallait, en effet, pour obtenir la main de la Princesse, transpercer de part en part, et d'un seul coup de flèche, l'énorme tronc d'un baobab gigantesque.

Pendant des semaines et des mois, sans trêve ni répit, tous les jeunes gens s'entraînèrent à tirer de l'arc, tant était folle leur passion pour la belle Téné.

Enfin, le jour de la grande épreuve arriva. Tous les Adonis de la contrée se parèrent d'habits somptueux aux

(26)

ACHEVÉ D'IMPRIMER SUR LES PRESSES DE L'IMPRIMERIE TARDY

A BOURGES

Dépôt légal 4e trim. 1962 Numéro d'éditeur : 12408 Numéro d'imprimeur : 3713

(27)

Participant d’une démarche de transmission de fictions ou de savoirs rendus difficiles d’accès par le temps, cette édition numérique redonne vie à une œuvre existant jusqu’alors uniquement

sur un support imprimé, conformément à la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012 relative à l’exploitation des Livres Indisponibles du XXe siècle.

Cette édition numérique a été réalisée à partir d’un support physique parfois ancien conservé au sein des collections de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt légal.

Elle peut donc reproduire, au-delà du texte lui-même, des éléments propres à l’exemplaire qui a servi à la numérisation.

Cette édition numérique a été fabriquée par la société FeniXX au format PDF.

La couverture reproduit celle du livre original conservé au sein des collections de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt légal.

*

La société FeniXX diffuse cette édition numérique en vertu d’une licence confiée par la Sofia

‒ Société Française des Intérêts des Auteurs de l’Écrit ‒ dans le cadre de la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012.

Références

Documents relatifs

BORDE… LAMBEGE -… MARSAN FERNAND… PEGOUMAS… FERNAD… LIEU DIT LE… CAROLINE… ENCAUSSE GUERILLER… GASRTON… TIVOLI PALETES 502 FERNAD… SAINT VALIER EUGENE… Allée

Définition : copier un auteur, en s'attribuant les passages de son oeuvre, calquer. Tout plagiat, toute tentative de plagiat ou toute collaboration à un plagiat entraîne la note zéro

Et enfin pour conclure, l‘écriture des deux textes nous a révélé et dévoilé ce que fut l‘Espagne durant cette décennie considéré crucial pour le pays. 49

Mais toute sa vie elle aspire à un ailleurs mythique et quand, enfin, le docteur, à l’indépendance, propose de lui donner sa maison, elle refuse le cadeau malgré

Un bassin à koï n’est pas tout à fait un bassin ordinaire, et sa conception doit être réfléchie, raisonnée, et avant tout techniquement fiable.. Il est très difficile,

De plus, les réformes économiques algériennes traduisent une certaine volonté de changement de système économique et social ; véhiculée par les nouvelles orientations de

Mais la circonspection dans laquelle la devise «Je me souviens», inscrite sur celles du Québec, l’a jeté lorsqu’il s’est installé chez nous, l’a conduit à

Dans le secteur de l’eau, quatre difficultés ressortent : la détérioration de l’approvisionnement urbain devant la rapidité de l’urbanisation, les inégalités d’accès