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Sida, tuberculose, paludisme, transparence

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674 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 23 mars 2011

actualité, info

Sida, tuberculose, paludisme, transparence

C’est une situation à la fois inédite et bien complexe à laquelle sont depuis peu publi­

quement confrontés les responsables du

«Fonds mondial de lutte contre le sida, la tu­

berculose et le paludisme».1 Au risque d’ap­

paraître schématique, on peut résumer assez simplement de quoi il retourne. Il faut tout d’abord rappeler que le Fonds mondial cor­

respond à une forme de partenariat sans réel équivalent entre public et privé. Sa mission :

«attirer» et «décaisser» des fonds supplémen­

taires pour la prévention et le traitement du sida, de la tuberculose et du paludisme. Ce par tenariat réunit gouvernements, représen­

tants de la société civile, secteur privé et com munautés affectées œuvrant en étroite collabo ration avec d’autres organisations bi­

latérales et multilatérales.

Depuis sa création en 2002, cette structure est progressivement devenue la principale source de financement international des pro­

grammes de lutte contre le sida, la tubercu­

lose et le paludisme avec le financement de subventions pour un montant total de 21,7 milliards de dollars. «A ce jour, les program­

mes soutenus par le Fonds mondial ont sauvé 6,5 millions de vies en apportant un traite­

ment antisida à trois millions de personnes, un traitement antituberculeux à 7,7 millions de personnes et en distribuant 160 millions de moustiquaires imprégnées d’insecticide dans le cadre de la prévention du paludisme»

assurent ses responsables.

Or voici que cette prestigieuse institution sanitaire annonce avoir été victime de mal­

versations et de détournements de fonds.

Pour l’heure, seul le Mali est accusé, mais d’autres pays africains sont visés. Le 2 mars, Michel Kazatchkine, directeur général du Fonds, annonçait qu’il venait de suspendre une subvention de près de quatorze millions de dollars précédemment allouée à la lutte contre le sida au Mali. «La mesure prend effet immédiatement et restera en vigueur jus qu’à ce que de nouvelles dispositions aient été prises pour gérer cette subvention, précisait­

il alors. Le récipiendaire principal actuel, le

"Groupe Pivot Santé Population" sera rem­

placé.»

Le Fonds mondial rappelait à cette occa­

sion qu’en décembre 2010 il avait déjà, tou­

jours au Mali, suspendu deux subventions destinées à la lutte contre le paludisme et qu’il en avait résilié une troisième ciblant la tuberculose après avoir établi que des fonds avaient été détournés et que certaines dépen­

ses n’étaient pas justifiées. Concrètement : une subvention contre le paludisme de 14,8 millions de dollars pour l’achat et la distribu­

tion de moustiquaires imprégnées d’insecti­

cide ; une subvention de 3,3 millions de dol­

lars pour l’achat de médicaments contre le point de vue

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paludisme ; ainsi qu’une subvention de 4,5 millions de dollars destinée à la lutte contre la tuberculose ciblant entre autres les déte­

nus, les communautés minières et les patients atteints de tuberculoses multirésistantes.

Une enquête menée par l’Inspecteur géné­

ral du Fonds mondial avait alors permis de mettre au jour le détournement d’environ quatre millions de dollars : de hauts respon­

sables chargés de la mise en œuvre des sub­

ventions avaient émis de fausses factures, de faux documents d’appel d’offres et ils étaient à l’origine de surfacturations de biens et ser­

vices, notamment pour ce qui concerne les activités de formation.

Au total, le Fonds mondial avait alors con­

clu des accords de subvention avec le Mali pour un montant de 123 millions de dollars, dont 79 millions avaient déjà été versés. Com­

ment suspendre des subventions sans nuire aux malades directement concernés ? Les res­

ponsables assurent que, pour ce qui est du sida, la mesure qui vient d’être prise ne de­

vrait pas concerner les 22 500 personnes ac­

tuellement traitées par des médicaments anti­

rétroviraux : leurs soins sont financés via une

autre subvention, gérée par le Haut Conseil national de lutte contre le sida du Mali. De même, des mesures ont été prises pour qu’il n’y ait aucune interruption des traitements des personnes tuberculeuses.

On espère que la situation redeviendra ra­

pidement normale : le gouvernement malien a «condamné» les malversations et «colla­

bore» avec le Fonds mondial pour assurer une reprise aussi rapide que possible des ac­

tivités sanitaires subventionnées. Dans ce pays, seize personnes soupçonnées d’être à l’origine des malversations sont en détention.

Mais l’affaire pourrait connaître de nou­

velles dimensions ; quatre pays subvention­

nés vont faire l’objet d’un renforcement des contrôles et, déjà, de «restrictions imposées à leur mouvement de trésorerie» : la Côte d’Ivoire, Djibouti, la Mauritanie et la Papoua­

sie­Nouvelle­Guinée. Enfin, de nouvelles me­

su res de surveillance vont être prises, «desti­

nées à empêcher et à détecter une éventuelle utilisation abusive de crédits alloués à des programmes de formation dans les 144 pays qui bénéficient de financements du Fonds mondial».

Situation bien délicate, donc. La décou­

verte qu’il puisse exister (en Afrique et ail­

leurs) des malversations dans le domaine de l’aide humanitaire ou sanitaire n’est certes pas une nouveauté. Il est en revanche plus original de voir une institution internatio­

nale faire publiquement, et en temps réel, la transparence sur des faits qu’elle n’a pas su empêcher mais qu’elle entend prévenir. C’est là une forme de pari : la publicité donnée à ces faits sera­t­elle ou non de nature à ruiner l’image de l’institution et donc de nuire au développement de ses activités ? Quelle meil­

leure stratégie adopter ?

Il faut ici écouter le Dr Kazatchkine : «Le Fonds mondial ne tolère aucune fraude et il nous incombe d’agir immédiatement pour

y mettre fin, récupérer les fonds détournés et établir les moyens les plus fiables pour acheminer les ressources vers les personnes qui en ont le plus besoin. La suspension de subventions est, pour le Fonds mondial, le moyen de faire comprendre aux parties con­

cernées que les détournements de fonds ne sont pas acceptables. Il s’agit ensuite de tra­

vailler de façon constructive avec les pays pour résoudre les problèmes et concentrer nos efforts pour sauver des vies.» Aujour­

d’hui le Fonds mondial fait savoir qu’il

«exige» le remboursement de 34 millions de dollars qui ont disparu dans différents pays sur un total de treize milliards de dollars de crédits versés. Selon que vous serez pragma­

tique ou idéaliste, vous jugerez le taux des fuites bien modeste ou, au contraire, pro­

prement insupportable.

Pour l’heure, il importe pour le Fonds de maîtriser, autant que faire se peut, la média­

tisation de l’affaire. Et l’on ne cache pas, au­

près des responsables une certaine irritation en voyant que les efforts accomplis en ma­

tière de transparence à visée pédagogique et préventive n’ont pas empêché certains mé­

dias de mettre en scène une «affaire» dont les principaux éléments leur étaient livrés «clef en main» ; une situation d’autant moins com préhensible qu’en octobre 2010 le Fonds s’était félicité du fait que cinq journaux euro­

péens (The Financial Times, El País, Le Figaro, Bild Zeitung, et The Independent) lui avaient

«offert» des espaces publicitaires pour «re­

mercier ses donateurs». Mais il n’est pas rare que le monde des médias puisse, aussi, être ingrat.

Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com

Source Wikimedia Commons ; auteur Ferdinand Reus

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