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Du PSC au CDH. 1: 1981-1999

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University of Namur Du PSC au CDH. 1: 1981-1999 Wynants, Paul Publication date: 2005 Link to publication

Citation for pulished version (HARVARD):

Wynants, P 2005, Du PSC au CDH. 1: 1981-1999. CRISP. Courrier hebdomadaire, VOL. 1889, Centre de recherche et d'information socio-politiques, Bruxelles.

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DU PSC AU CDH

I. 1981-1999 Paul Wynants

CRISP | « Courrier hebdomadaire du CRISP »

2005/24 n° 1889 | pages 5 à 51 ISSN 0008-9664

Article disponible en ligne à l'adresse :

---https://www.cairn.info/revue-courrier-hebdomadaire-du-crisp-2005-24-page-5.htm

---Pour citer cet article :

---Paul Wynants, « Du PSC au CDH. I. 1981-1999 », Courrier hebdomadaire du CRISP 2005/24 (n° 1889), p. 5-51.

DOI 10.3917/cris.1889.0005

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n° 1889 • 2005

Du PSC au CDH

I. 1981-1999

Paul Wynants

Centre de recherche et d’information socio-politiques

CRISP

(4)

SOCIO-POLITIQUES – CRISP

Président : Xavier Mabille

Directeur général : Vincent de Coorebyter Secrétaire général : Pierre Blaise Rédacteur en chef : Étienne Arcq

Équipe de recherche :

Étienne Arcq, Pierre Blaise, Vincent de Coorebyter, Caroline Sägesser, Anne Vincent, Marcus Wunderle

Conseil d'administration :

Jacques Brassinne de La Buissière (vice-président), Camille Deguelle, Franklin Dehousse (en congé), Francis Delpérée, Hugues Dumont, Jacques Emond, Jules Gérard-Libois (président fondateur), José Gotovitch, Nadine Gouzée, Serge Govaert, Maurice-Pierre Herremans (président honoraire), Laura Iker, Malou Julin, Xavier Mabille (président), Roland Michel (administrateur gérant), Pierre Reman, Guy Spitaels, Robert Tollet (vice-président), Els Witte, Paul Wynants

COURRIER HEBDOMADAIRE

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Le Courrier hebdomadaire bénéficie des remarques et suggestions de l’équipe de recherche du CRISP. Les projets de textes sont également soumis à la lecture de spécialistes extérieurs à l’équipe de recherche, et qui sont choisis en fonction des sujets traités.

Éditeur responsable : V. de Coorebyter, Place Quetelet, 1A – 1210 Bruxelles

Tous droits de traduction, d'adaptation ou de reproduction par tous procédés, y compris la photographie et le microfilm, réservés pour tous pays

ISSN 0008 9664

(5)

INTRODUCTION 5 1. LA PRÉSIDENCE DE GÉRARD DEPREZ (1981-1996) 6

1.1. Quatorze ans à la tête du PSC 6

1.2.Un leadership centralisé 7

1.3.Le pragmatisme pour ligne de conduite 9

1.4.État des lieux au crépuscule d’une présidence 15

1.5.Des « fantômes » au PSC 19

2. TURBULENCES (1994-1999) 21

2.1.Gérard Deprez veut dételer 21

2.2.Un parti profondément divisé 22

2.3.La présidence de Charles-Ferdinand Nothomb (1996-1998) 24

2.4.Le PSC se cherche, le MCC se crée 26

2.5.La courte présidence de Philippe Maystadt (1998-1999) 29 2.6.Les séquelles d’une législature tourmentée (1995-1999) 31

3. L’ÉLECTROCHOC DU 13 JUIN 1999 MIS EN PERSPECTIVE 32

3.1.Au Parlement européen 32

3.2.À la Chambre et au Sénat 32

3.3.Dans les assemblées régionales et communautaires 34

3.4.La représentation parlementaire féminine du parti 34

3.5.La courbe électorale du PSC 35

3.6.Les déterminants structurels du vote social-chrétien 37

3.7.La sécularisation 38

3.8.La dépilarisation 42

3.9.La dynamique des clivages 47

3.10. La « normalisation » d’un parti patricien 50

(6)
(7)

INTRODUCTION

Les élections du 13 juin 1999 se soldent par une lourde défaite pour le PSC, privé – en l’espace de quelques années – de personnalités aussi influentes que Melchior Wathelet et Gérard Deprez. Les sociaux-chrétiens francophones sont renvoyés dans l’opposition à tous les niveaux de pouvoir, tant fédéral que communautaire et régional. Intronisée le 23 octobre 1999, la présidente Joëlle Milquet conduit la rénovation du parti. Le 9 juin 2001, ce dernier se dote d’une nouvelle plateforme doctrinale, intitulée le « Manifeste de l’humanisme démocratique ». Le 18 mai 2002, il adopte la dénomination de Centre démocrate humaniste (CDH), renonçant à toute référence chrétienne explicite.

C’est à l’évolution récente du PSC-CDH que sont consacrées deux livraisons du

Courrier hebdomadaire. Les années 1995 à 2004 en constituent le plat de résistance.

Tou-tefois, certains des problèmes auxquels la formation sociale-chrétienne francophone est confrontée pendant cette décennie plongent leurs racines dans la période antérieure. C’est pourquoi un retour synthétique aux années 1981-1995 s’impose.

La première livraison couvre les présidences de Gérard Deprez (1981-1996), de Charles-Ferdinand Nothomb (1996-1998) et de Philippe Maystadt (1998-1999). Elle se subdivise en trois parties. La première partie retrace à grands traits « les années Deprez », en s’appuyant largement sur la littérature existante. La deuxième partie évo-que une phase critiévo-que de l’histoire du parti : les turbulences de la période 1994-1999. Y sont traités des épisodes tels que la déchirure de 1995, la présidence écourtée de Ch.-F. Nothomb, la création du Mouvement des citoyens pour le changement et la tentative de stabilisation pilotée par Ph. Maystadt. La troisième partie s’attache à l’électrochoc du 13 juin 1999 qu’elle tente de mettre en perspective. Les résultats des différents scrutins y sont passés en revue. S’y ajoute un aperçu de phénomènes, parfois inscrits dans la longue durée, auxquels les analystes attribuent en partie le « déclin structurel » des so-ciaux-chrétiens.

La deuxième livraison aura trait aux transformations apportées à la vie du parti sous la présidence de J. Milquet. Elle se ponctuera par le retour du CDH aux affaires, en Ré-gion wallonne, en RéRé-gion de Bruxelles-Capitale et en Communauté française.

(8)

1. LA PRÉSIDENCE DE GÉRARD DEPREZ (1981-1996)

1.1. Q

UATORZE ANS À LA TÊTE DU

PSC

Le scrutin législatif du 8 novembre 1981 1 tourne en déroute pour les sociaux-chrétiens

francophones, qui perdent plus de 130 000 électeurs. Le comité directeur du PSC attri-bue la défaite aux querelles entre les « familles » : en étalant leurs divergences sur la place publique, les ailes droite et gauche auraient brouillé l’image du parti. Le CEPIC

(Centre politique des indépendants et des cadres chrétiens), dont la Sûreté de l’État a révélé les accointances avec l’extrême droite, est particulièrement visé 2. Alors qu’il

prépare un renversement des alliances avec les libéraux, le président Paul Vanden Boeynants, élu le 8 octobre 1979 par 65,5 % des suffrages exprimés 3, est mis en

mino-rité au comité directeur. Il démissionne le 1er décembre 1981.

L’article 43 des statuts du PSC, adoptés le 30 juin 1980, dispose qu’en cas de retrait du président, l’intérim peut être confié par le comité directeur à un de ses membres, à l’issue d’un vote à bulletins secrets. Cette procédure est appliquée le 2 décembre 1981 en faveur de Gérard Deprez, déjà candidat à l’élection présidentielle d’octobre 1979, devenu secrétaire politique du parti depuis le 29 septembre 1980 4. Avant d’entrer en

charge, l’intéressé prévient qu’il entamera des négociations pour former un gouverne-ment avec les libéraux.

G. Deprez exerce la fonction pendant près d’une décennie et demie 5. Le 10 février

1982, il est élu à la présidence à 77,6 % des suffrages valables exprimés, face à Paul Vankerkhoven (18,3 %) et Léon Pierson (4 %). Candidat unique à sa succession, il est reconduit par décision du comité directeur, le 28 janvier 1985. Il se représente le 28 juin 1988 face à Jean-Pol Poncelet, obtenant une majorité de 60,7 %. Faute de challen-ger, il voit son mandat renouvelé par le comité directeur, le 28 mai 1991. Le 7 juillet 1994, il est réélu par 8 371 voix (51,04 %), contre 6 402 (39,4 %) à Raymond Langendries et 1 627 (9,9 %) à Marc Bertrand. Il sort de charge le 29 mars 1996. Pour diriger le PSC, G. Deprez s’entoure d’une équipe restreinte 6, mais qui s’étoffe

peu à peu. Le 20 septembre 1983, Jacques Lefèvre devient secrétaire général du parti,

1 X. M

ABILLE, « Les élections législatives du 8 novembre 1981 », Courrier hebdomadaire, CRISP, no 943

et 944, 1981 ; P. CULLUS, « Approches des résultats électoraux (Chambre, 8 novembre 1981) par

l’analyse des données », Courrier hebdomadaire, CRISP, no 1007-1008, 1983. 2 P. W

YNANTS, « Le ‘centre’ : histoire et sens d’un positionnement politique pour le PSC », in P. DELWIT (s. dir.), Le parti social-chrétien. Mutations et perspectives, Bruxelles, 2002, p. 56.

3 D. DUSTIN, « Les structures du Parti social-chrétien de la distanciation de 1968 à nos jours », in

W. DEWACHTER et al. (s. dir.), Un parti dans l’histoire 1945-1995. 50 ans d’action du Parti social-chrétien, Louvain-La-Neuve, 1996, p. 244.

4 Ibidem, p. 239. 5 Ibidem, p. 244. 6 Ibidem, p. 241 ; M. V

ERMINCK, « Morphologie des partis politiques francophones en 1988 et 1989 »,

Res Publica, T. 32, 1990, pp. 330-334 ; M. VOS, « Morphologie des partis politiques francophones en 1990 et 1991 », Res Publica, T. 34, 1992, pp. 463-467 ; P. JANSSENS, « Morphologie des partis politiques francophones en 1992 et 1993 », Res Publica, T. 36, 1994, pp. 319-325 ; P. JANSSENS,

« Morphologie des partis politiques francophones en 1994 et 1995 », Res Publica, T. 38, 1996, pp. 582-588.

(9)

en remplacement de Robert Remouchamps. Il en est le secrétaire politique depuis septembre 1987, Danièle Lecleir reprenant le secrétariat général le 5 décembre 1988. Un nouveau staff est mis en place, le 2 octobre 1989. Pierre Scharff détient le secréta-riat politique général, jusqu’à sa nomination comme bourgmestre de Virton. Il est rem-placé par Joëlle Milquet, le 30 janvier 1995. Le secrétariat général est confié successi-vement à Baudouin Limbourg, à Jean Foncoux (octobre 1992), puis à Jean-François Brouillard (septembre 1995). Relayant Georges Flagothier, responsable financier, Jean-Marie Colette est l’administrateur général jusqu’au 27 février 1995, date de son rempla-cement par René Thissen. Succédant à Jean-Jacques Flahaux, Léon Saur est secrétaire aux relations internationales. Le secrétariat général du centre d’études, le CEPESS, est

exercé par Thierry Faut, ensuite par André-Marie Poncelet, puis par Étienne Michel. À la présidence des Jeunes sociaux-chrétiens, Richard Fournaux (1988) précède Marc Bertrand (1992).

Pendant une assez longue période, l’élection directe du président du PSC par les mem-bres, pratiquée dès 1970 7, a eu des effets centrifuges. Cette situation s’expliquait

sur-tout par le caractère transversal de la formation sociale-chrétienne : la coexistence, en son sein, de sensibilités différentes sur le clivage socio-économique ne favorisait guère l’émergence de personnalités consensuelles. De 1981 à 1995, c’est, au contraire, la continuité qui prévaut 8. Il n’empêche : la stabilité au sommet n’efface pas

complète-ment les conflits internes, ni les tensions entre les personnes. À plusieurs reprises, d’ailleurs, le président Deprez doit faire face à des candidatures concurrentes, et celles-ci sont plus que de simples faire-valoir 9.

1.2. U

N LEADERSHIP CENTRALISÉ

Dès son accession à la tête du PSC, G. Deprez impose la mise en veilleuse des « familles 10 ». Ainsi doivent prendre fin les luttes d’influence entre des courants qui,

selon lui, se comportaient trop souvent en « partis dans le parti ». Déserté par ses par-lementaires, le CEPIC est mis en liquidation le 19 janvier 1982. Avec quelques « sans

famille », les tenants de cette mouvance constituent un Rassemblement du centre, à la fois plus discret et plus modéré. La Démocratie chrétienne se maintient, mais elle n’a plus la même visibilité. Le 16 février 1982, les conditions auxquelles un droit de ten-dance peut s’exercer sont précisées : il ne doit y avoir ni structures parallèles aux orga-nes statutaires du parti, ni prises de positions publiques par conférences ou communi-qués de presse, ni recrutement propre, ni affiliations indirectes et collectives via un courant. Obligées de s’effacer de la scène politique, les « familles » se muent en lieux de

7 W. D

EWACHTER, « L’ancrage de la démocratie chrétienne en Belgique », dans E. LAMBERTS (s. dir.), Christian Democracy in the European Union 1945-1995. Proceedings of the Leuven Colloquium 15-18 November 1995, Louvain, 1997, p. 167.

8 W. B

EKE, « Living Apart Together. Christian Democracy in Belgium », dans S. VAN HECKE et E. GERARD (s. dir.), Christian Democratic Parties in Europe since the End of the Cold War, Louvain, 2004,

p. 143.

9 P. D

ELWIT et B. HELLINGS, « Les mutations organisationnelles au PSC : structures et adhérents », dans P. DELWIT (s. dir.), Le parti social-chrétien. Mutations et perspectives, op. cit., pp. 124 et 133.

10 P. WYNANTS, « Le ‘centre’ : histoire et sens d’un positionnement politique pour le PSC », op. cit.,

p. 57.

(10)

réflexion doctrinale largement dépourvus d’influence sur l’opinion publique, à l’instar des clubs Démocratie et Créativité, lancés en 1988 par le démocrate-chrétien Philippe Maystadt. Désormais, les contacts avec les différents milieux sociaux se nouent sans intermédiaires, sous la houlette de G. Deprez.

La forte personnalité du chef de file social-chrétien en impose. Après coup, l’intéressé récuse l’image de l’autocrate omnipotent que ses détracteurs ont tracée de lui, mais il reconnaît avoir joué à fond « la carte de la légitimité présidentielle 11 ». La ligne du PSC

est en grande partie fixée par un triumvirat : Gérard Deprez et deux ministres de poids, Philippe Maystadt et Melchior Wathelet 12. Elle est suivie par le comité directeur, les

présidents d’arrondissement, les autres ministres et les chefs des groupes parlementai-res. Selon Frédéric François, l’impression que donne ce mode de fonctionnement est celle « d’une main de fer, et pas toujours dans un gant de velours 13 ». En interne,

pa-reille façon d’exercer le pouvoir suscite quelquefois des critiques.

Les relations personnelles de G. Deprez avec un de ses prédécesseurs, Charles-Ferdinand Nothomb 14, se dégradent peu à peu. Le second nommé n’a, semble-t-il,

jamais fait son deuil du leadership qu’il a exercé au sein du parti. Devenu ministre de l’Intérieur 15, il est acculé à la démission à la suite des péripéties du contentieux

fouron-nais 16. Il nourrit une rancune tenace 17 à l’égard du président de sa formation : il

l’accuse de « soutenir la stratégie de José Happart et des socialistes, qui souhaitent pro-voquer une crise », de préférence à la sienne, soucieuse de « préserver le

11 F. F

RANÇOIS, PSC, être ou disparaître, Bruxelles, 1998, p. 105.

12 Y. G

EORGES, « Le parti social-chrétien (PSC) », P. DELWIT et J.-M. DE WAELE (s. dir.), Les partis

politiques en Belgique, Bruxelles, 1996, p. 83.

13 F. F

RANÇOIS, PSC, être ou disparaître, op. cit., pp. 102-105 et 171.

14 Député social-chrétien de l’arrondissement d’Arlon-Marche-Bastogne depuis le 31 mai 1968, Ch.-F.

Nothomb préside le PSC du 22 mars 1972 au 3 avril 1979, avec deux interruptions (juillet-décembre 1974, octobre 1976 - octobre 1977) durant lesquelles G. Gramme exerce la fonction (la première fois à titre intérimaire).

15 Après avoir été président de la Chambre des représentants (3 avril 1979 - 18 mai 1980) et ministre

des Affaires étrangères (18 mai 1980 - 17 décembre 1981), Ch.-F. Nothomb est, successivement, vice-Premier ministre, ministre de l’Intérieur et de la Fonction publique (17 décembre 1981 - 28 no-vembre 1985), puis vice-Premier ministre, ministre de l’Intérieur, de la Fonction publique et de la Décentralisation (28 novembre 1985 - 18 octobre 1986). Il redeviendra président de la Chambre du 10 mai 1988 au 21 mai 1995, persuadé qu’en l’incitant à accepter cette fonction, G. Deprez a voulu le « neutraliser ». Cf. F. FRANÇOIS, PSC, être ou disparaître, op. cit., p. 113.

16 Rappelons brièvement les faits. À la suite des élections communales du 10 octobre 1982, José

Happart (liste Retour à Liège) est présenté comme candidat-bourgmestre par la majorité franco-phone de Fouron. Les épisodes de ce qui deviendra « le carrousel fouronnais » se succèdent : nomi-nation de J. Happart comme bourgmestre par arrêté royal (4 février 1983, avec effet au 31 décem-bre), annulation de cette nomination par une chambre flamande du Conseil d’État pour connaissance insuffisante du néerlandais (30 septembre 1986), démission du gouvernement (14 octobre 1986), te-nue en suspens par le Palais, recherche par Ch.-F. Nothomb d’une solution sous la forme d’une no-mination d’un bourgmestre hors conseil, retrait de la personne pressentie, invitée par G. Deprez à se déterminer en âme et consci ence, alors que le Premier ministre Martens a fait avaliser cette solution par le Roi. Pour avoir soumis à ce dernier un arrêté royal qui ne peut être appliqué, le ministre Nothomb démissionne et est remplacé dans ses fonctions par Joseph Michel. Cf. D. RICHARD, « Du

coup d’état constitutionnel au carrousel », in P. UBAC (s. dir.), Génération Fourons, Bruxelles, Pol-His, 1993, pp. 153-171.

17 P. D

ELWIT, « Le parti social-chrétien : jalons d’un futur incertain », dans P. DELWIT (s. dir.), Le parti

social-chrétien. Mutations et perspectives, op. cit., pp. 20, 28-29 ; F. FRANÇOIS, PSC, être ou disparaître, op. cit., pp. 110 et 113.

(11)

ment 18 ». Enfin, la loi spéciale de financement des communautés et des régions du 16

janvier 1989 ouvre une nouvelle brèche entre les deux hommes. Pour avoir négocié précédemment une clé de répartition assez favorable aux francophones, Nothomb lance des mises en garde, mais il n’est pas entendu. Après coup, il reproche à Deprez d’avoir accepté un compromis « désastreux » pour l’enseignement en Communauté française 19. Il marque de plus en plus ses distances envers le président en exercice.

1.3. L

E PRAGMATISME POUR LIGNE DE CONDUITE

Tant pour le positionnement idéologique que pour la stratégie des alliances, le PSC de G. Deprez fait preuve d’un grand pragmatisme : ce dernier frappe les observateurs 20,

mais il est mal perçu au sein de la gauche intellectuelle 21, qui y voit essentiellement un

mode de conservation du pouvoir.

Sur le clivage philosophique Église-État, le parti allie fermeté et souplesse. D’une part, dans la pratique, il assume pleinement la logique de la pilarisation 22. Se posant en

défenseur du « monde chrétien », il soutient la cause des organisations confessionnelles, notamment lorsqu’il s’agit de consolider le Pacte scolaire, en inscrivant son dispositif dans la Constitution, ou de défendre les intérêts des familles attachées à l’enseignement catholique en matière d’avantages sociaux accordés par les communes 23. D’autre part,

sur les questions éthiques, il se montre plus nuancé que son alter ego flamand. Ainsi en 1990, sur le dossier de la dépénalisation partielle de l’avortement 24, les parlementaires

du PSC jouissent d’une réelle liberté de vote, dont quelques-uns usent pour s’abstenir. G. Deprez, qui ne siège pas au Parlement belge, ne cache pas qu’à titre personnel, il approuve cette dernière attitude. Il considère aussi que l’objection de conscience du roi Baudouin est « une erreur ». Un analyste estime après coup que, sous l’impulsion prési-dentielle, les sociaux-chrétiens francophones « se délivrent, sans trop de mal, d’un as-sujettissement trop étroit aux autres organisations de leur pilier 25 ».

18 C

H.-F. NOTHOMB, Au fond des choses, Bruxelles, 1999, p. 42. Version de G. DEPREZ, Le Soir, 6-7 février 1999.

19 F. FRANÇOIS, PSC, être ou disparaître, op. cit., p. 113. 20 R. F

ALTER, « Crise et mutation (1981-1994) », W. DEWACHTER et al. (s. dir.), Un parti dans l’histoire 1945-1995. 50 ans d’action du Parti social-chrétien, op. cit., p. 157.

21 En particulier dans les colonnes de La Revue nouvelle, dont la rédaction se rapproche du parti Écolo. 22 P.-H. C

LAEYS, « Le système des piliers », P. DELWIT et J.-M. DE WAELE (s. dir.), Les partis politiques en Belgique, op. cit., p. 257.

23 P. WYNANTS, avec la collaboration de M. PARET, « École et clivages aux XIXe et XXe siècles »,

D. GROOTAERS (s. dir.), Histoire de l’enseignement en Belgique, CRISP, 1998, pp. 50-52.

24 X. M

ABILLE, « Le débat politique d’avril 1990 sur la sanction et la promulgation de la loi », Courrier

hebdomadaire, CRISP, n° 1275, 1990 ; E. WITTE, « Twintig jaar politieke strijd rond de abortuswetgeving in België (1970-1990) », Res Publica, T. 32, 1990, pp. 427-487. Les positions antérieures du PSC sont évoquées dans B. MARQUÈS-PEREIRA, « L’interruption volontaire de

grossesse : un processus de politisation 1970-1981 », Courrier hebdomadaire, CRISP, no 923 et 930-931,

1981 ; P.-H. CLAEYS et N. LOEB-MAYER, « Les partis devant le problème de l’avortement, » Courrier hebdomadaire, CRISP, no 962, 1982 ; B. MARQUÈS-PEREIRA, « L’interruption volontaire de grossesse »,

Courrier hebdomadaire, CRISP, no 1127 et 1128, 1986. 25 P.-H. C

LAEYS, « Le système des piliers », op. cit., p. 258.

(12)

En matière socio-économique, le PSC est, comme parti de gouvernement, confronté à des défis majeurs 26. Le pays doit assainir ses finances publiques et maîtriser une dette

soumise à un effet de « boule de neige », sans pour autant déstabiliser une sécurité so-ciale fragilisée par la montée du chômage et par les répercussions du vieillissement de la population. À une époque où l’économie s’internationalise davantage, il lui faut aussi sauvegarder la compétitivité de ses entreprises, en modérant les salaires et les charges sociales 27. Conscient de la difficulté de la tâche, le PSC endosse une politique sévère de

redressement, avec recours aux pouvoirs spéciaux 28. Les mesures de réduction des

coûts des entreprises se combinent à une dévaluation du franc, décidée le 21 février 1982. Un dispositif d’accompagnement est adopté dès le lendemain : il implique no-tamment le blocage des prix et la suspension de la liaison des salaires à l’index. L’austérité qui en résulte mécontente une partie de la base et des cadres du Mouvement ouvrier chrétien (Moc). De 1982 à 1985, ces derniers s’efforcent de promouvoir une alternative progressiste, sous la forme d’un mouvement qui se transforme en parti : Solidarité et Participation 29. L’échec de cette tentative ne ramène pas les forces

centrifuges dans le giron du PSC 30.

Dans le même temps, le PSC se profile au centre face au corps électoral, en misant sur la carte de l’efficacité dans l’exercice du pouvoir 31. Pour demeurer aux affaires, le parti

table sur deux atouts : sa position pivotale sur l’échiquier politique, acquise depuis le réalignement à droite des libéraux 32, et la symétrie dans la composition des coalitions,

qui entraîne sa participation aux différents gouvernements, en partie grâce au poids politique du CVP 33. Les sociaux-chrétiens francophones se posent à la fois en

« concurrents du PRL et en rempart contre l’État-PS », incarnant « une alternative mo-dérée loin de tout dogmatisme 34 ». Entre libéraux et socialistes, ils pratiquent un jeu de

bascule : pour avoir indiqué que « ce n’était pas l’heure » des uns, puis des autres, G. Deprez se voit désigné par La Revue nouvelle, très critique à son égard, comme l’« horloge parlante de l’histoire belge 35 ».

Les interlocuteurs politiques du PSC n’apprécient guère, il est vrai, la position d’attente à laquelle ils sont périodiquement acculés. Ceux qui sont évincés du pouvoir, lors d’un renversement d’alliances, s’en prennent au « centrisme mou » des sociaux-chrétiens, parfois assimilés à un « parti-plasticine » en raison d’une propension à se dilater tantôt

26 X. MABILLE, Histoire politique de la Belgique. Facteurs et acteurs de changement, CRISP, 1997, pp. 360-423. 27 G. Q

UADEN (s. dir), L’économie belge dans la crise, Bruxelles, 1987.

28 F. D

EHOUSSE, « L’évolution des pouvoirs spéciaux sous Martens VI », Courrier hebdomadaire, CRISP,

n° 1178, 1987.

29 J.-L. J

ADOULLE et P. WYNANTS, « Les engagements en dehors du Parti catholique et du Parti social-chrétien », in J. PIROTTE et G. ZELIS (s. dir.), Pour une histoire du monde catholique au 20e siècle, Wallonie-Bruxelles. Guide du chercheur, Louvain-la-Neuve, 2003, pp. 251-253.

30 Ibidem, pp. 263-264. 31 P. W

YNANTS, « Le ‘centre’ : histoire et sens d’un positionnement politique pour le PSC », op. cit.,

pp. 54-58.

32 J. V

OGEL, « Rien ne dit que le PSC soit voué à être au centre. Entretien avec Xavier Mabille », Secouez-vous les idées. Bulletin du Centre socialiste d’éducation permanente, n° 42, hiver 1999, p. 12.

33 C’est « le système de la remorque », ainsi que l’a dénommé péjorativement Le Soir, 23 septembre

1988.

34 P. P

ASTURE, « Entre Église et citoyen. Le PSC-CVP et sa base organisée », in W. DEWACHTER et al.

(s. dir.), Un parti dans l’histoire 1945-1995. 50 ans d’action du Parti social-chrétien, op. cit., pp. 285 et 291.

35 « Printemps au PSC ? », La Revue nouvelle, T. 112, 2000, n° 10, pp. 16-18.

(13)

vers la droite, tantôt vers la gauche 36. En réalité – pareille critique émane, cette fois,

des partenaires de gouvernement – les effets de l’alternance sont relatifs. Le PSC les tempère en faisant office de contrepoids dans les différentes coalitions, où il dépêche un « chien de garde » : Philippe Maystadt fait office de frein dans les esquifs de droit ; Melchior Wathelet remplit le même rôle lorsque le curseur est placé au centre-gauche. Le parti est absorbé par la remise en ordre des finances publiques, la lutte contre le chômage et, on le verra, la recherche de solutions aux problèmes commu-nautaires. Peu à peu, la priorité accordée à la gestion de l’État relègue le débat d’idées à l’arrière-plan. En investissant l’essentiel de ses forces dans ses participations gouver-nementales, le PSC a tendance, selon Ph. Maystadt, à négliger « la réflexion fondamen-tale sur la manière d’adapter son action et ses valeurs dans une société en mutation 37 ».

Cette auto-critique l’incite, en 1995, à entreprendre une opération parfois qualifiée de « refondation ».

Au plan communautaire, le PSC présidé par G. Deprez prend part à l’approfondissement de la réforme de l’État, après les deux vagues de 1970 et 1980. La troisième étape, celle de 1988-1989 38, se solde par un net renforcement de l’autonomie

des entités fédérées. Ses principales composantes sont la création de la Région de Bruxelles-Capitale, la communautarisation de l’enseignement, l’extension des compé-tences régionales aux transports et aux travaux publics, la recherche d’une « solution de pacification » dans les communes à facilités, l’instauration d’un système de financement qui responsabilise les communautés et les régions. La quatrième étape, qui intervient en 1993 39, complète la précédente : représentation des Communautés au Sénat, élection

directe des membres des Parlements flamand et wallon, extension des compétences des entités fédérées (autonomie constitutive, droit de conclure des traités internationaux dans leur champ d’action et, en théorie du moins, pouvoir résiduaire). En vertu des accords conclus entre francophones, les 31 octobre 1992 et 4 juin 1993, l’exercice de compétences de la Communauté française est transféré à la Région wallonne et à la Commission communautaire française de Bruxelles. C’est là une manière de soulager ladite Communauté d’une partie de ses difficultés financières, en cantonnant son rayon d’action à trois domaines principaux : l’enseignement, la culture et l’audiovisuel. Adopté le 17 février 1994, le nouveau texte de la Constitution consacre, en son article premier, la transformation de la Belgique en État fédéral.

La réforme de l’État absorbe des énergies considérables. Elle requiert, en effet, le vote d’une série impressionnante de textes constitutionnels et législatifs, la création de nou-velles institutions, l’octroi à celles-ci de compétences, de moyens humains et financiers, de biens et de services, ainsi que l’élaboration de mécanismes d’arbitrage et de

36 P. WYNANTS, « Le syndrome du ‘dji vou, dji n’ pou’. Essai de pathologie du PSC », La Revue nouvelle,

T. 103, 1996, n° 3, p. 5.

37 Ph. M

AYSTADT, Le Vif-L’Express, 3 décembre 1999.

38 Cf. entre autres, A. ALEN (s. dir.) De derde Staatshervorming (1988-1989) in drie fasen, n° spécial du

Tijdschrift voor Bestuurswetenschappen en Publiekrecht, Wemmel, 1989 ; M. UYTTENDAELE, Le fédéralisme inachevé. Réflexions sur le système institutionnel belge issu des réformes de 1988-1989, Bruxelles, 1991. Pour un panorama des institutions issues de cette réforme, cf. surtout J. BRASSINNE, « Les nouvelles institutions politiques de la Belgique », Dossier du CRISP, n° 30, 1989.

39 Cf. notamment A. A

LEN et R. ERGEC, La Belgique fédérale après la quatrième réforme de l’État de 1993,

Bruxelles, 1998. Pour un panorama des institutions issues de cette réforme, cf. J. BRASSINNE, « La Belgique fédérale », Dossier du CRISP, n° 40, 1994.

(14)

ration 40. Construit pacifiquement par négociations successives menées entre élites

politiques, le système institutionnel mis en place de la sorte est un fédéralisme de su-perposition, mais aussi de confrontation. Les adjectifs utilisés pour le qualifier – sui

generis, évolutif, centrifuge, bipolaire, panaché, asymétrique… – en révèlent la

com-plexité 41.

À plusieurs reprises, la question du financement de l’enseignement en Communauté française met G. Deprez en difficulté. Les formations politiques flamandes optent en faveur d’une communautarisation du secteur de l’éducation par une déclaration com-mune du 8 février 1984 et par un accord formel conclu le 24 janvier 1985 42. De tous

les partis de gouvernement, le PSC est le plus réticent à pareille orientation. Se posant en défenseur d’une minorité idéologique au sein d’une Communauté elle-même mino-ritaire dans l’État belge, G. Deprez déclare que la communautarisation de l’enseignement reviendrait à accorder « plus d’argent aux Flamands et plus de pouvoir aux socialistes 43 ». Il lâche cependant du lest, à l’issue de tractations serrées qui

débou-chent sur un accord entre présidents des partis de la majorité. Les garanties qu’il ob-tient sont intégrées à l’accord gouvernemental, puis coulées dans des articles de la Constitution, révisés à cet effet : les acquis du Pacte scolaire s’en trouvent consolidés et assortis d’une protection juridictionnelle 44.

Il n’en demeure pas moins que la loi de financement des Communautés et des Régions du 16 janvier 1989 procure des moyens insuffisants à l’enseignement francophone, déjà touché par les mesures de restriction décidées, en 1986, au conclave de Val-Du-chesse 45. De mai à novembre 1990, c’est la crise ouverte, avec arrêts de travail menés

en front commun syndical et manifestations. À la fin novembre, G. Deprez et G. Spitaels, président du Parti socialiste, doivent descendre dans l’arène : ils s’engagent à assurer le financement du secteur et à faire de l’enseignement une priorité de leur programme politique. Toutefois, le ballon d’oxygène obtenu en 1992-1993 46 ne permet

pas de tenir pleinement ces promesses. Les mesures de rationalisation annoncées au cours de l’été 1995 prévoient dix milliards d’économies pour la période 1996-1999, des fusions d’établissements et la suppression de plus de trois mille emplois. En octobre

40 J. VELAERS, « Les forces vives de toute une génération : la réforme de l’État de 1968 à 1995 », in

W. DEWACHTER et al. (s. dir.), Un parti dans l’histoire 1945-1995. 50 ans d’action du Parti social-chrétien, op. cit., p. 492.

41 P. WYNANTS, « Origines, caractères et évaporation du fédéralisme en Belgique », in Liber Amicorum

Jean-Pierre de Bandt, Bruxelles, 2004, pp. 1019-1028.

42 J. V

ELAERS, « Les forces vives de toute une génération : la réforme de l’État de 1968 à 1995 », op. cit.,

p. 520.

43 P. W

YNANTS, avec la collaboration de M. PARET, « École et clivages aux XIXe et XXe siècles », op.

cit., p. 50 ; CH. SIMON, « La communautarisation de l’enseignement », Courrier hebdomadaire, CRISP,

n° 1121, 1986, passim.

44 P. W

YNANTS, avec la collaboration de M. PARET, « École et clivages aux XIXe et XXe siècles », op.

cit., pp. 50-51.

45 M. INSTALLÉ, M. PEFFER et R. SAVAGE, « Le financement des communautés et des régions, »

Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1240-1241, 1989 ; A.-M. Pirard, Le tableau noir de l’école, Bruxelles, 1990.

46 E. ARCQ, « Le transfert de l’exercice des compétences de la Communauté française », Courrier

hebdomadaire, CRISP, n° 1410-1411, 1993.

(15)

1995, puis de février à mai 1996, l’ire des enseignants se manifeste à nouveau par des grèves et par des défilés 47.

Bref, l’école traverse « un des conflits les plus longs et les plus vigoureux de son his-toire 48 ». Ce dernier laisse des traces. Par l’intermédiaire de la Communauté éducative

sociale-chrétienne, promue par Albert Liénard, le PSC a voulu institutionnaliser ses relations privilégiées avec les divers milieux de l’enseignement, en particulier dans le réseau confessionnel. Ceux-ci ne se privent pas de le critiquer. Bien plus, à travers « la colère des professeurs et la lassitude des grévistes 49 », c’est le malaise plus profond de

tout le secteur non marchand qui s’exprime : alors qu’il contribue à la richesse natio-nale, celui-ci ne s’estime pas reconnu à due concurrence 50. Les restrictions budgétaires

qui l’affectent entraînent une multiplication des emplois précaires et une détérioration des conditions de travail. Peu à peu, la grogne s’accumule à l’égard des sociaux-chré-tiens dans les bastions que constituent, pour eux, les institutions catholiques de l’enseignement, de la santé et de la culture 51.

De nouvelles sensibilités politiques émergent 52. Alors qu’il est dirigé par un éminent

sociologue et compte en ses rangs, en la personne de Jean-Pol Poncelet, un spécialiste reconnu des questions énergétiques, le PSC ne mesure pas d’emblée la portée du phé-nomène 53. De quoi s’agit-il ? Le passage à l’ère postindustrielle a des répercussions

économiques, sociales et culturelles qui modifient le système de valeurs au sein de franges de l’opinion. Selon certains analystes, il en résulterait l’émergence d’un, voire de deux nouveaux clivages : matérialistes – postmatérialistes, ou encore productivistes – environnementalistes et particularistes – universalistes 54. Quand bien même on

adopterait le point de vue prudent de Luc Huyse 55, on aurait affaire à « l’ébauche d’une

nouvelle ligne de démarcation politique ». À l’époque, les sociaux-chrétiens francopho-nes n’intègrent guère ce paramètre dans leurs diagnostics et leurs propositions 56. Écolo

s’engouffre dans la brèche.

47 P. WYNANTS, avec la collaboration de M. PARET, « École et clivages aux XIXe et XXe siècles », op.

cit., pp. 71-72.

48 P. B

OUILLON, « Le mouvement des enseignants francophones en 1990 », Res Publica, T. 33, 1991,

p. 467.

49 Ibidem, pp. 467 et 478. 50 Ibidem, p. 468.

51 P. WYNANTS, « Les partis politiques », dans M.-TH. COENEN et al. (s. dir.), L’état de la Belgique

1989-2004. Quinze années à la charnière du siècle, Bruxelles, Pol-His, 2004, p. 187. Dans le secteur non marchand, parmi les catholiques « nucléaires », c’est-à-dire les plus liés à l’Église et à ses organisations, la sensibilité aux problèmes sociaux est alors particulièrement vive. Cf. L. VOYÉ et K. DOBBELAERE, « Des transformations du catholicisme en Belgique. Pratiques et valeurs », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1548, 1997, p. 39.

52 P. WYNANTS, « Le syndrome du ‘dji vou, dji n’ pou’. Essai de pathologie du PSC », op. cit., p. 20. 53 J.-P. P

ONCELET, La Libre Belgique, 14 octobre 1999.

54 Cf. entre autres, M. S

WYNGEDOUW, « L’essor d’Agalev et du Vlaams Blok », Courrier hebdomadaire,

CRISP, n° 1362, 1992 ; A.-P. FROGNIER, « Partis et clivages en Belgique : l’héritage de S.M. Lipset et S. Rokkan », in P. DELWIT et J.-M. DE WAELE (s. dir.), Les partis politiques en Belgique, op. cit., pp. 249-255.

55 L. HUYSE, « Le problème de Gulliver. Essai sur l’avenir de la politique », Courrier hebdomadaire,

CRISP, n° 1807, 2003.

56 Il faut attendre les congrès de Liège (1987), de Louvain-la-Neuve (1989) et de Marche (1990) pour

que la dimension environnementale soit pleinement prise en compte. Cf. D. DUSTIN, « Les structures du Parti social-chrétien de la distanciation de 1968 à nos jours », op. cit., p. 247.

(16)

Enfin, sur le thème à la mode du renouveau politique, le PSC ne reste pas inactif. Toutefois, il ne succombe pas à la tentation de poser, en termes simplistes, la question du « fossé séparant le citoyen et la classe politique 57 ». Bien plus, en 1991, comme

for-mateur d’un éventuel gouvernement, Melchior Wathelet avance à cet égard des idées, jugées intéressantes, dans son « Pari pour une nouvelle citoyenneté ». L’essai n’est pas vraiment prolongé. Durant plusieurs années, les propositions subséquentes des so-ciaux-chrétiens demeurent autant de vœux pieux 58.

À la fin de la présidence de G. Deprez, le PSC convient lui-même qu’il pâtit d’une sorte d’essoufflement. Il doit se ressourcer, aux dires de ses instances. Encore faut-il que le rapport des forces politiques s’y prête. Or, ce dernier est en train de se détério-rer.

Au plan national, le PSC est associé au pouvoir, sans discontinuité, du 23 juin 1958 au 13 juin 1999 59. Sous la présidence de G. Deprez, il participe à trois coalitions

successi-ves qui unissent les sociaux-chrétiens aux libéraux : Martens V (17 décembre 1981), Martens VI (28 novembre 1985) et Martens VII (20 octobre 1987). Puis, il prend part à un gouvernement formé du CVP, du PSC, du PS, du SP et de la Volksunie : Martens VIII (8 mai 1988). Suivent deux attelages « rouges et romains » : Dehaene I (7 mars 1992) et Dehaene II (23 juin 1995) 60. Depuis la création des institutions

communautai-res et régionales, le PSC est de quasi toutes les majorités 61 constituées en Région

wal-lonne, en Communauté française, en Communauté germanophone et en Région de Bruxelles-Capitale. Dans cette dernière, cependant, il est rejeté dans l’opposition en mai 1995.

Les relations du PSC avec le PRL deviennent problématiques. En 1985, à la demande de Jean Gol et comme contrepartie à donner au partenaire pour constituer un exécutif régional wallon sans les socialistes, la direction du parti a signé un pacte de majorité avec les libéraux : pour une durée de huit ans, les deux formations s’engagent à gou-verner ensemble la Région wallonne et la Communauté française 62. Toutefois, à l’issue

57 P. W

YNANTS, « Société civile et monde politique. Regards d’historien », La Revue politique, janvier-février 1993, pp. 7-54.

58 Y. GEORGES, « Le parti social-chrétien (PSC) », op. cit., pp. 95-96.

59 Dans une perspective relative, on pourrait affirmer qu’il siège au gouvernement national durant plus

d’un siècle, depuis 1884, avec cependant deux interruptions (2 août 1945 - 20 mars 1947 et 22 avril 1954 - 2 juin 1958). Cf. P. DELWIT, « Élections et gouvernements en Belgique depuis 1945 », in P. DELWIT et J.-M. DE WAELE (s. dir.), Les partis politiques en Belgique, op. cit., pp. 244-245.

60 X. M

ABILLE, Histoire politique de la Belgique. Facteurs et acteurs de changement, op. cit., pp. 360-423.

61 « La composition des gouvernements wallons et des gouvernements de la Communauté française

(depuis 1981) », Res Publica, T. 43, 2001, pp. 397-402. Sous l’ère Deprez, à la Région wallonne, le PSC siège dans les gouvernements suivants : sans président, faute d’accord (23 décembre 1981 - 27 janvier 1982), Damseaux (27 janvier 1982 - 27 octobre 1982), Dehousse (27 octobre 1982 - 11 décembre 1985), Wathelet (11 décembre 1985 - 4 février 1988), Coëme (4 février 1988 - 10 mai 1988), Anselme I (10 mai 1988 - 18 janvier 1989), Anselme II (18 janvier 1989 - 8 janvier 1992), Spitaels (8 janvier 1992 - 25 janvier 1994), Collignon I (25 janvier 1994 - 20 juin 1995) et Collignon II (20 juin 1995 - 11 juillet 1999). À la Communauté française, le PSC ne compte pas de ministres dans le gouvernement Moureaux I (22 décembre 1981 - 9 décembre 1985). Par contre, il siège dans les gouvernements Monfils (9 décembre 1985 - 2 février 1988), Moureaux II (2 février 1988 - 9 mai 1988), Féaux I (11 mai 1988 - 17 janvier 1989), Féaux II (17 janvier 1989 - 7 janvier 1992), Anselme (7 janvier 1992 - 4 mai 1993), Onkelinx I (4 mai 1993 - 21 juin 1995) et Onkelinx II (21 juin 1995 - 13 juillet 1999).

62 F. F

RANÇOIS, PSC, être ou disparaître, op. cit., p. 107.

(17)

des élections du 13 décembre 1987 63, marquée par un succès des socialistes

francopho-nes, G. Deprez constate, au vu des résultats enregistrés, que ce pacte est devenu inap-plicable. Il annonce son intention de gouverner avec le PS. Le renversement d’alliances ulcère les libéraux : dès cette époque, Louis Michel sillonne le Brabant wallon, pour y bannir les coalitions avec les sociaux-chrétiens 64.

1.4. É

TAT DES LIEUX AU CRÉ PUSCULE D

UNE PRÉSIDENCE

Voyons d’abord les performances électorales du PSC lors des scrutins des 24 novem-bre 1991, du 12 juin 1994, 9 octonovem-bre 1994 et 21 mai 1995. Nous examinerons ensuite la composition des gouvernements en 1995 avant de dire quelques mots de l’évolution du nombre d’affiliés sociaux-chrétiens sous la présidence de G. Deprez.

Lors des élections législatives du 24 novembre 1991 65, marquées par la progression de

l’extrême droite et des écologistes, une fraction de l’opinion sanctionne non seulement les partis de la majorité sortante, mais aussi l’ensemble des formations traditionnelles. En pareil contexte, le léger recul du PSC n’est pas jugé alarmant. À la Chambre, les sociaux-chrétiens francophones recueillent 476 730 voix (- 15 109 par rapport à 1987), dont 425 647 (- 14 112) en Wallonie et 48 949 (- 1 054) à Bruxelles-Hal-Vilvorde. Ils obtiennent 22,5 % (- 0,7 %) des suffrages exprimés au sud du pays et 8,8 % (+ 0,3 %) dans la circonscription bruxelloise. Avec 18 députés et 16 sénateurs, ils perdent un siège à la Chambre. En flux nets, il prennent 11 000 voix aux socialistes et 2 500 aux libéraux, mais ils en cèdent 31 500 aux écologistes. La tendance qui se dégage des élec-tions provinciales, organisées le même jour, est similaire : l’érosion demeure modérée dans les provinces de Brabant, de Hainaut, de Liège et de Luxembourg ; un léger pro-grès est enregistré en Namurois. Le PSC perd un siège de conseiller provincial au Luxembourg, mais il en gagne un à Namur et un à Liège. Il entre dans la députation permanente du Hainaut. Il est évincé de celle du Brabant. Partout ailleurs, il demeure dans l’opposition face à des coalitions PS-PRL.

Au plan national, toutefois, les élections de 1991 annoncent un tournant : pour la pre-mière fois depuis 1958, l’hypothèse d’une coalition sans les sociaux-chrétiens n’est pas exclue. En décembre, en effet, le formateur Guy Verhofstadt s’efforce de mettre sur pied un gouvernement incluant les libéraux, les socialistes, la Volksunie et les écologis-tes. La tentative est vouée à l’échec 66.

63 É. L

ENTZEN et X. MABILLE, « Les élections du 13 décembre 1987 », Courrier hebdomadaire, CRISP,

n° 1179-1180, 1987.

64 F. F

RANÇOIS, PSC, être ou disparaître, op. cit., p. 111.

65 X. M

ABILLE, É. LENTZEN et P. BLAISE, « Les élections du 24 novembre 1991 », Courrier hebdomadaire,

CRISP, n° 1335-1336, 1991 ; W. FRAEYS, « Les élections législatives du 24 novembre 1991. Analyse des résultats », Res Publica, T. 34, 1992, pp. 131-153 ; M. BRANS, « De provincieraadsverkiezingen van 24 november 1991 », ibidem pp. 245-262 ; A.-P. FROGNIER et A.-M. AISH (s. dir.), Élections : la fêlure ?

Enquête sur le comportement électoral des Wallons et des francophones, Bruxelles, 1994.

66 P. W

YNANTS, « Les partis politiques », op. cit., p. 160.

(18)

Les résultats du scrutin européen du 12 juin 1994 67 sont plus inquiétants pour la

direc-tion du parti. Certes, les sociaux-chrétiens gardent trois élus : Gérard Deprez, Fernand Herman et Mathieu Grosch 68. Dans le collège électoral francophone, cependant, ils

perdent 56 597 voix par rapport à 1989 (420 198, au lieu de 476 795). Ils tombent aussi sous la barre des 20 % (18,8 %, contre 21,3 %). S’ils progressent dans 29 cantons, ils reculent dans 66 autres.

Les scores enregistrés lors des élections communales du 9 octobre 1994 69 sont plus

difficiles à interpréter, en raison de la présence de cartels, de listes du bourgmestre et de particularités locales. L’impression d’ensemble qui s’en dégage est cependant celle d’un repli. Pour les 57 communes où des comparaisons avec les performances de 1988 ne peuvent prêter à discussion, les listes sociales-chrétiennes progressent dans 25 cas et reculent dans 32 autres, dont tous les grands centres urbains à l’exception de Liège. Sur onze majorités en voix et en sièges qu’il détenait six ans plus tôt, le PSC en conserve sept. Il en gagne une à Bassenge, mais il perd celles de La Calamine, Lobbes, Marche-en-Famenne, Mouscron et Rochefort. Il en établit une à Viroinval, où il n’était pas présent comme tel. Sans surprise, le parti progresse dans les entités où il aligne des « locomotives électorales » : ainsi à Bastogne (Guy Lutgen), Frameries (Albert Liénard), Habay (Charles-Ferdinand Nothomb), Montigny-le-Tilleul (Anne-Marie Corbisier), Perwez (André Antoine), Tubize (Raymond Langendries) et Viroinval (Michel Lebrun). Par contre, il perd des plumes à la suite du retrait de quelques grands formats : c’est le cas à Virton (Joseph Michel) et surtout à Rocherfort (Amand Dalem). Dans l’agglomération bruxelloise, il garde les maïorats de Ganshoren (Richard Beauthier) et de Jette (Jean-Louis Thys), auxquels on peut ajouter celui de Berchem-Sainte-Agathe (Julien Gooskens, à la tête d’une liste bilingue).

Le PSC conserve des implantations locales assez fortes. En 1988, il annonçait 73 bourgmestres, 281 échevins et 1 007 conseillers communaux. Six ans plus tard, il ré-pertorie 76 bourgmestres, 266 échevins et 1 056 conseillers communaux. Il n’empêche : au Sud du pays, en matière de représentation féminine, le PSC (18,9 % d’élues) vient derrière le PS (19,6 %), le PRL (19,7 %), le FN (21,7 %), Écolo (31,7 %) et le FDF (38,5 %) ; dans l’agglomération bruxelloise, à l’instar du PRL et du FN, il ne compte pas le moindre élu d’origine extra-européenne, alors que le PS et Écolo en ali-gnent chacun six et le FDF deux.

Les élections provinciales du 9 octobre 1994 70 sont difficilement comparables à celles

de 1991, en raison de la modification du nombre de sièges à pourvoir. L’impression qui prévaut est, à tout le moins, celle d’un maintien, voire d’une légère progression dans la

67 É. LENTZEN et P. BLAISE, « La préparation des élections européennes de juin 1994 », Courrier

hebdomadaire, CRISP, n° 1436-1437, 1994 ; P. BLAISE et É. LENTZEN, « Les élections européennes de juin 1994 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1443-1444, 1994.

68 Ce dernier est élu par le collège électoral germanophone. 69 É. L

ENTZEN et P. BLAISE, « La préparation des élections communales du 9 octobre 1994 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1451-1452, 1994 ; É. LENTZEN et X. MABILLE, « Les résultats des élections

communales du 9 octobre 1994 (I) », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1457-1458, 1994 ; P. BLAISE et É. LENTZEN, « Les résultats des élections communales du 9 octobre 1994 (II) », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1459-1460, 1994.

70 É. LENTZEN, « Les résultats des élections provinciales du 9 octobre 1994 », Courrier hebdomadaire,

CRISP, n° 1461-1462, 1994.

(19)

majorité des circonscriptions wallonnes. Le PSC conserve son leadership en Luxembourg ; il garde sa deuxième place en Hainaut, à Namur et à Liège ; il occupe le troisième rang dans la nouvelle province de Brabant wallon, qui voit le jour le 1er

jan-vier 1995. Il continue à siéger à la députation permanente du Hainaut. Dans toutes les autres provinces, il est dans l’opposition, face à des coalitions constituées de socialistes et de libéraux.

Les scrutins du 21 mai 1995 71 ouvrent un nouveau cycle électoral, à cause des

modifications qui interviennent dans la composition des assemblées, le mode de dési-gnation des élus et le découpage des cantons bruxellois. C’est pourquoi, à certains ni-veaux de pouvoir, on ne procédera pas à des comparaisons en sièges avec les élections antérieures. Les résultats méritent cependant d’être enregistrés avec précision, en vue de comparaisons avec les scrutins ultérieurs.

À la Chambre, le PSC subit un très léger recul : il recueille 469 137 voix (-7.593), dont 423 847 en Wallonie, 38 627 à Bruxelles et 6 663 en Flandre (Hal-Vilvorde). Avec res-pectivement 22,5 %, 9,3 % et 0,2 % des suffrages exprimés, il vient en troisième posi-tion en Wallonie, derrière le PS et la Fédéraposi-tion PRL-FDF, au quatrième rang à Bruxelles et à Hal-Vilvorde, où il est devancé aussi par Écolo. Il progresse dans quatre circonscriptions, surtout à Charleroi-Thuin (+5 %), grâce à la popularité de sa tête de liste, Philippe Maystadt. Il recule modérément dans toutes les autres. Il équilibre ses gains et ses pertes avec la Fédération PRL-FDF (35 000 voix migrent de part et d’autre) ; il perd 15 000 suffrages au profit des petits partis, des votes blancs et nuls ; il regagne une partie de ces défections au détriment du PS et d’Écolo. Sur douze députés, deux – Nathalie de T’Serclaes et Pierrette Cahay – sont des femmes.

Au Sénat, la performance sociale-chrétienne est nettement moins bonne : avec 434 475 suffrages, dont 387 262 en Wallonie et 47 213 à Bruxelles-Hal-Vilvorde, le parti cède 49 486 voix, et ce alors qu’une liste concurrente, celle du FN, a été invalidée pour fraude. Dans le collège électoral francophone, il passe sous la barre des 20 % (19,4 %, contre 21 % en 1991), perdant du terrain dans plus des six dixièmes des cantons. Deux indicateurs sont inquiétants pour Gérard Deprez : d’une part, avec 130 976 voix de préférence, il vient loin derrière Philippe Busquin (267 268) et Jean Gol (259 476) ; d’autre part, il est talonné par son colistier, Charles-Ferdinand Nothomb (118 587 voix de préférence). Le PSC obtient trois sénateurs élus directement, deux sénateurs com-munautaires et un sénateur coopté, auquel s’ajoute le siège de sénateur germanophone détenu par le CSP. Il envoie deux femmes dans la haute assemblée : Andrée Delcourt et Joëlle Milquet (31 513 voix de préférence), suppléante de G. Deprez, lequel préfère conserver son mandat au Parlement européen.

71 É. L

ENTZEN, P. BLAISE et M. GASSNER, « Vers un nouveau cycle électoral. Évolutions et

simulations », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1468-1469, 1995 ; É. LENTZEN, et P. BLAISE, « La préparation des élections du 21 mai 1995 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1478-1479, 1995 ; É. LENTZEN, P. BLAISE, « Les élections du 21 mai 1995. I : la Chambre et le Sénat », Courrier

hebdomadaire, CRISP, n° 1481-1482, 1995 ; P. BLAISE et É. LENTZEN, « Les élections du 21 mai 1995. II : les Conseils de région et de communauté », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 1483-1484, 1995 ; P. VERJANS, « Au sud, rien de nouveau… », Res Publica, T. 38, 1996, pp. 547-554 ; A.-P. FROGNIER

et A.-M. AISH (s. dir.), Des élections en trompe-l’œil. Enquête sur le comportement électoral des Wallons et des francophones, Bruxelles, 1999.

(20)

À la Région wallonne, les sociaux-chrétiens obtiennent 407 741 voix, soit 21,6 % des suffrages exprimés. Ils se classent au troisième rang, derrière les socialistes et la Fédé-ration PRL-FDF. Deux femmes – Anne-Marie Corbisier et Dominique Cogels – figu-rent parmi ses seize élus.

À la Région de Bruxelles-Capitale, le PSC se replie par rapport au scrutin de 1989 : il recueille 38 244 voix (contre 51 904), devançant Écolo (37 308 voix) d’extrême jus-tesse. Il passe sous la barre des 10 % des suffrages exprimés (9,3 %, contre 11,8 % six ans plus tôt). Il obtient 7 des 65 sièges francophones, contre 9 sur 64 au scrutin précé-dent. Quantitativement, sa représentation féminine – Magdeleine Willame et Béatrice Fraiteur – demeure inchangée. Il n’y a toujours pas d’élu social-chrétien d’origine étrangère.

En Communauté germanophone, le CSP améliore son score de 1990 (13 307 voix contre 13 178). Avec 35,9 % des suffrages exprimés, pour 33,6 % cinq ans plus tôt, il porte sa représentation à dix sièges (+2), dont un est occupé par une femme : Malou Hillismann.

Au terme de cet aperçu, quelques conclusions s’imposent. Durant les dernières années de la présidence de G. Deprez, le PSC demeure, au plan des performances électorales, relativement stable, avec une légère tendance à l’érosion, surtout à Bruxelles. Son per-sonnel politique ne connaît pas de grand renouvellement. Dans les assemblées, la pro-portion d’élues sociales-chrétiennes reste faible, tandis qu’en Région de Bruxelles-Ca-pitale, la représentation parlementaire d’origine extra-européenne est nulle. Comparati-vement à d’autres formations francophones, le parti manifeste un retard certain sur ces deux plans. Enfin, le score réalisé en 1995 par le président, comme tête de liste au Sé-nat, interpelle : une part non négligeable de l’électorat social-chrétien soutient Charles-Ferdinand Nothomb, perçu – à tort ou à raison – comme « une alternative » à la ligne deprézienne 72.

Les coalitions gouvernementales issues des scrutins de 1995 manifestent le souci de symétrie qui anime les partis, désireux d’assurer la cohérence des politiques menées aux différents niveaux de pouvoir. Néanmoins, la Région de Bruxelles-Capitale constitue une exception notable à la règle : l’accord préélectoral signé par la Fédération PRL-FDF et le PS se concrétise, sous l’égide du « formateur » François-Xavier de Donnéa, par un renvoi du PSC dans l’opposition, alors que le CVP est bien présent dans la ma-jorité.

Le gouvernement de la Communauté germanophone comprend deux représentants du CSP, Joseph Maraite, ministre-président, et Wilfried Schröder, aux côtés du socialiste Karl-Heinz Lambertz. La présidence de l’assemblée demeure confiée au social-chrétien Manfred Schunck.

72 Selon F. FRANÇOIS, PSC, être ou disparaître, op. cit., pp. 113-114, Ch.-F. Nothomb analyse les résultats

des urnes comme suit : « Pour les élections de 1995, G. Deprez me propose de figurer deuxième sur la liste du Sénat. Lui est tête de liste (…). Je vais pouvoir mesurer mon impact électoral et le mesurer au sien. Résultat : je fais 118 000 voix, alors qu’il n’en fait que 130 000 comme tête de liste. Inquiétant pour Deprez… »

(21)

Sur les sept ministres du gouvernement PS-PSC en Région wallonne, trois sont issus des rangs sociaux-chrétiens : Michel Lebrun (aménagement du territoire, travaux pu-blics et transports), Jean-Pierre Grafé (recherche, développement technologique, sport et relations internationales) et Guy Lutgen (environnement, ressources naturelles, agri-culture). William Ancion succède à Jean-Pierre Grafé, démissionnaire, en 1996.

Comme unique ministre social-chrétien de la coalition PS-PSC en Communauté fran-çaise sur un total de quatre, Jean-Pierre Grafé (enseignement supérieur, recherche et relations internationales) est remplacé par William Ancion en 1996. Le Conseil de la Communauté reste sous la présidence d’Anne-Marie Corbisier (PSC).

Sur les quinze ministres et deux secrétaires d’État que compte le gouvernement fédéral dirigé par Jean-Luc Dehaene (CVP-SP-PS-PSC), deux appartiennent au Parti social-chrétien : Melchior Wathelet (vice-Premier ministre, ministre de la Défense) et Philippe Maystadt (ministre des Finances et du Commerce extérieur). Nommé juge à la Cour européenne de justice de Luxembourg quelques mois plus tard, le premier nommé est remplacé par Jean-Pol Poncelet.

Terminons cet aperçu par des indications sur l’évolution du nombre de membres du PSC, non sans souligner les réserves qu’appellent les statistiques publiées par les partis. En 1978, les sociaux-chrétiens francophones annoncent 61 000 affiliés. Observable dans toutes les formations traditionnelles, la décrue est particulièrement forte dans leur chef : 50 000 membres en 1983, 43 000 en 1987, 30 500 en 1995. Fait inquiétant : en 1996, les classes d’âge professionnellement actives (26 à 60 ans) ne représentent plus qu’une bonne moitié des effectifs, au sein desquels la part des seniors va croissant 73.

Le PSC est un parti vieillissant.

Quatorze ans après les débuts de l’ère Deprez, les symptômes d’usure sont indéniables. La célébration du cinquantième anniversaire du « programme de Noël » (1945), qui fut à l’origine d’un ressourcement spectaculaire des sociaux-chrétiens, est l’occasion d’une prise de conscience : il importe d’ouvrir sans tarder de « nouveaux chantiers », pour rajeunir et féminiser les cadres, redéfinir la doctrine, actualiser le mode de fonctionne-ment et dynamiser les troupes. Le processus est lancé, avec Joëlle Milquet comme pi-lote 74. Il connaîtra un coup d’arrêt à la suite de tumultes internes.

1.5. D

ES

«

FANTÔMES

»

AU

PSC

La législature 1991-1995 est marquée par les « affaires » (INUSOP, Agusta, Dassault), qui

secouent les partis socialistes. Les sociaux-chrétiens francophones ne demeurent pas indemnes. Dans l’onde de choc créée par l’affaire Agusta, G. Deprez décide, en mars 1994, de contraindre à la démission le ministre bruxellois Jean-Louis Thys, remplacé

73 P. D

ELWIT et B. HELLINGS, « Les mutations organisationnelles au PSC : structures et adhérents », op. cit., pp. 125-129. On peut s’interroger sur la fiabilité de certaines des statistiques publiées dans la série « Morphologie des partis politiques francophones » (cf. note 6).

74 Y. G

EORGES, « Le parti social-chrétien (PSC) », op. cit., p. 83.

(22)

par Dominique Harmel 75 : dans ce cas aussi, le financement de campagnes électorales

fait l’objet d’une procédure judiciaire.

Deux ans plus tard, lors d’une émission télévisée de la RTBF, le même G. Deprez évo-que la pratiévo-que – largement répandue avant 1995, semble-t-il – des « fantômes de cabi-net 76 ». Il reconnaît que des membres de cabinets ministériels PSC, appointés en tant

que tels, n’effectuaient pas leurs prestations pour le compte de l’État, mais travaillaient en réalité pour le parti. Pour le seul PSC, la somme de dix millions € est citée en termes de moyens déviés. Une instruction judiciaire est ouverte en avril 1996 par le juge Van Espen, pour faux, usage de faux et détournement par fonctionnaires. Le 12 mai 1998, les cabinets des ministres sociaux-chrétiens Philippe Maystadt, Jean-Pol Poncelet, William Ancion, Michel Lebrun et Guy Lutgen sont perquisitionnés. Vainement, G. Deprez demande qu’une douzaine d’anciens ministres soient entendus, lors de devoirs complémentaires. Inculpé dans ce dossier depuis mars 2004, il se met en congé de ses fonctions – membre du bureau et vice-président – au sein de la formation politique qu’il a rejointe depuis lors, le Mouvement réformateur. C’est bien après son départ du PSC qu’il doit rendre compte d’un aspect particulier de sa gestion.

75 P. WYNANTS, « Le syndrome du ‘dji vou, dji n’ pou’. Essai de pathologie du PSC », op. cit., pp. 21-22. 76 Le Soir, 23 décembre 2003 et 21 octobre 2004 ; La Libre Belgique, 5 et 21 octobre 2004.

(23)

2. TURBULENCES (1994-1999)

2.1. G

ÉRARD

D

EPREZ VEUT DÉTELER

Le président social-chrétien s’inquiète de l’avenir. Le PSC ne parvient pas à améliorer ses performances électorales, en dépit des efforts déployés par ses dirigeants. L’accent mis sur le positionnement centriste, plutôt que sur la référence chrétienne, ne donne pas les résultats escomptés. G. Deprez reconnaît après coup : « Pendant toute ma pré-sidence, je ne suis pas parvenu à placer le parti sur un vecteur d’expansion 77. »

L’élection présidentielle du 7 juillet 1994 est assez serrée. Principal compétiteur du candidat sortant, Raymond Langendries obtient l’appui de certains démocrates-chré-tiens et d’assez nombreux « sans famille ». G. Deprez franchit la barre de la moitié des suffrages exprimés, mais de justesse. Il a l’impression que les militants se lassent de son leadership 78. Les résultats d’un sondage interne, commentés lors du congrès du 16

décembre 1995, confirment l’existence d’une insatisfaction à l’égard de la direction : « Les appels à plus de démocratie, de transparence et d’écoute, de la part du parti na-tional, sont nombreux et appuyés 79. »

G. Deprez cherche à se faire remplacer à la tête de sa formation en contactant diffé-rentes personnalités. Dès 1994, il se concerte avec Ph. Maystadt et M. Wathelet en vue d’intervertir les rôles : il est prêt à céder la présidence à un de ses interlocuteurs et à accepter des fonctions ministérielles dans le prochain gouvernement fédéral. Mais ni le Carolorégien, ni le Verviétois ne consentent à renoncer à un portefeuille 80. En

septem-bre 1995, M. Wathelet est nommé juge à la Cour européenne de justice de Luxembourg. G. Deprez espère alors devenir vice-Premier ministre et ministre de la Défense. Il doit s’effacer en faveur de Jean-Pol Poncelet, parce que « Dehaene ne vou-lait pas de lui », dit-il 81. Rétrospectivement, certains membres de l’état-major actuel du

CDH accordent une portée considérable à cet épisode 82, mais cette interprétation ne

cadre pas avec la version des faits livrée, à l’époque, par le principal intéressé 83.

77 F. FRANÇOIS, PSC, être ou disparaître, op. cit., p. 114. 78 Ibidem, p. 115.

79 L. V

AN CAMPENHOUDT, « Le PSC dans la société et dans le jeu démocratique aujourd’hui : questions sur

son projet, son identité philosophique, sa démocratie interne », La Revue politique, 1996, n° 4-5, p. 112.

80 P. D

ELWIT, « Le parti social-chrétien : jalons d’un futur incertain », op. cit., p. 20.

81 F. F

RANÇOIS, PSC, être ou disparaître, op. cit., p. 116.

82 Selon eux, l’événement aurait largement déterminé le parcours ultérieur de G. Deprez. La rancœur de

ce dernier à l’égard de Dehaene et du CVP l’aurait conduit à une « rupture intellectuelle » avec le modèle de coalition associant, au niveau fédéral, les sociaux-chrétiens francophones et flamands. Cette « rupture intellectuelle » aurait amené l’intéressé à focaliser davantage son attention sur l’échelon régional, avec le redressement de la Wallonie comme priorité absolue. Celle-ci expliquerait la suite de l’itinéraire : la « réconciliation » avec L. Michel, ainsi que la ferme volonté d’unir le PSC à la Fédération PRL-FDF, pour constituer une alternative au PS (informations recueillies par É. Arcq et aimablement communiquées à l’auteur).

83 Selon G. Deprez, s’exprimant en radio lors d’une interview (sur La Une de la RTBF), le point de

départ de son raisonnement politique aurait été la lecture attentive d’une étude scientifique publiée par le macro-économiste Robert Deschamps, professeur aux Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix (Namur). Cette lecture lui aurait révélé l’ampleur des problèmes économiques et sociaux auxquels la Région était confrontée. Cf. P. WYNANTS, « Le ‘centre’ : histoire et sens d’un positionnement politique pour le PSC », op. cit., p. 58.

Figure

Tableau 1 : Catholiques pratiquants en  % de la population

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