PREMIÈRES OBSERVATIONS
SUR LE COMPORTEMENT ALIMENTAIRE DES PORCS
R. FÉVRIER
Station de Recherches sur
l’Élevage,
Centre national de recherches
zootechniques, Jouy-en-Josas
Nous avons
précédemment rappelé (8)
que la vitesse de croissance et l’utilisation de la nourriture étaient étroitement liées au volume del’ingestion.
Celui-ci
dépend
à son tour del’appétit
del’animal, qui
est fonction d’une cer-taine «
aptitude » individuelle,
mais aussi de nombreuxfacteurs,
dontplusieurs
auteurs se sont efforcés de
préciser l’importance.
Citons pour mémoire : l’état de l’animal :croissance,
étatadulte, gestation (Co!,!
et HART(5)),
le niveaud’alimentation
(K A Tz, ( II )),
la nature durégime
antérieur(H ARRIS
etal, (ro) ;
T RIB
E et GORDON
( 15 ) ;
YOUNG( I 6))
et l’effet collectif(H ARLO w ( 9 )).
Maisl’un des
plus importants
demeure la nature de la rationofferte, qui peut
exciter defaçon
extrêmement variablel’appétit
del’animal.
Cettepropriété,
liée àl’aliment,
est habituellementdésignée
sous le nom desapidité, appétence,
età
l’image
desAnglo-Saxons, palatibilité.
Il serait extrêmement
important
depouvoir
caractériserl’appétence
d’unaliment,
d’unefaçon
relative ou d’unefaçon
absolue. Eneffet,
l’étude compa- rative de divers aliments nousapporterait
desrenseignements précieux
sur lapsycho-physiologie
del’appétit,
et sa connaissance nouspermettrait
de com-poser des rations mieux
adaptées
au butrecherché, qu’il
soit d’ordrepratique
ou d’ordre
expérimental. Or,
il est maintenant bienacquis
que lapalatibilité
n’est pas le témoin infaillible de la valeur de l’aliment pour l’animal
(A SCHKE -
NASY-I,ÈLU
(I)).
Les zootechniciens accordent une
importance
considérable à cettequalité,
tels CARxo!,I, et KRIDER
(3)
et DAVID SON(6).
BRODY(2)
arfirme : «Palatibility
is an
agriculturally important
characteristic because thegreater palatibility
of a
food,
thegreater
itsconsumption,
the morerapid
theproductive
process, the less overhead maintenance cost and thehigher
the economy per unit pro- duct «.Or, la mesure de
l’appétence
d’une ration soulève de nombreusesdiffcultés,
et les tentatives effectuées dans ce sens ne sont pas très
encourageantes.
CotTA Y
NE
( 4 )
cite le travail decinq
chercheurs sur lapalatibilité
del’Agropyrum
Scabrum, qui
donnent une note variant de Ià 5. FAGANetJaNE ( 7 )
établissentun classement différent de celui de MILTON
( 14 ),
avec des animaux de mêmetype
et les mêmesespèces botaniques
deplantes qui, notons-le, peuvent pré-
senter une
sapidité
très différente selon les conditions danslesquelles
elles sesont
développées ;
TRIBEet GORDON(i 5 )
concluentqu’il
est erroné d’attribuer à uneplante
donnée une valeur fixe depalatibilité.
Onpeut
néanmoins sedemander
si,
dans des conditions normales devie,
la hiérarchie despalatibilités
des différents aliments ne se conserve pas. Dans la
négative,
onpeut
étudierles facteurs
qui peuvent
la modifier. Il suffirait alors de définir les conditions danslesquelles
est effectuée cette mesure, pourqu’elle puisse
êtrereproduite.
La connaissance d’un tel
classement, malgré
sesimperfections,
rendrait denombreux services.
C’est dans ce but que nous avons élaboré un programme de
recherches,
dont la réalisation devra attendre l’achèvement des installations en cours àJouy-en-Josas.
Nous avons néanmoinsprocédé
àquelques
observationspréa-
lables à la Station de
Bois-Corbon ;
c’est l’une d’elles que nous relatons ici.La
première
idée que l’onpeut
avoir pour classer des aliments selon leurpalatibilité,
est de comparer lesquantités
de différents aliments consommés par le même animal et de lesrapporter
à laquantité
d’aliment témoin con-sommée. Nous avons utilisé cette
méthode, malgré
les réserves que l’on a pu faire sur sa valeur à la suite des travaux de MIr,I,ER , BAILEYet SZEV!NSOrr( 13 ) qui,
à propos de ratsayant
subi des lésionshypothalamiques, parlent
« d’unefaim sans
appétit
».La consommation varie-t-elle dans le même sens pour tous les
animaux, quand
on passe de l’aliment témoin à l’alimentexpérimental ? L’ampleur
decette variation est-elle constante ?
Dépend-elle
del’âge
de l’animal ?Telles étaient les
questions auxquelles
notre étudepréliminaire
devaitapporter
des éléments deréponse.
Matériel et méthodes
Nous
disposions
de 8 groupes de porcsLarge
WhiteYorkshire, pesant
de40
à
8 5 kg environ. Chaque
groupecomprenait
3, 4 ou 5 animaux depoids
voisins.Ils étaient habitués à l’aliment standard que nous avons décrit ailleurs
( 12 ).
Nous avons confectionné un autre
mélange
alimentaire(aliment B), présen-
tant des
caractéristiques analytiques également
conformes aux normes de l’alimentationrationnelle,
mais àpartir
de matièrespremières
différentes. Le tableau 1 donne les résultats del’analyse
effectuée sur ces deuxmélanges :
Notre
objectif
était d’étudier lecomportement
alimentaire des animaux lors de la substitution de l’aliment B à l’aliment standard. La consommation de l’animalaugmentant
au fur et à mesurequ’il prend
del’âge,
nous avonscomparé
la consommation d’aliment Bpendant
unepériode de ¢ jours (période III)
à la moyenne de consommation de l’aliment standardpendant
deuxpériodes de 4 jours également,
situées l’une(période I)
avant et l’autre(période V) après
lapériode
III.A
chaque changement
derégime,
unepériode
de 3 ou 4jours (périodes
IIet
IV)
dite «période d’adaptation
» était laissée à l’animal pour luipermettre
de s’accoutumer à sa nouvelle ration.Le tableau II
représente
leplan
d’alimentation que nous venons de décrire :Ces
mélanges alimentaires,
additionnés de 3 fois environ leurpoids d’eau,
étaient distribués en trois repas, et laquantité
allouée était fixée en fonction de ce que l’animalpouvait
consommer en 20minutes. Une observation atten- tive del’appétit
des animauxpermettait
d’éviter lesrefus, qui
constituèrentl’exception :
au cours de cette étudequi comporta
la distribution de 288rations,
7 cas de refus seulement furentenregistrés.
Dans ce cas, lesquantité
noningérées
étaientrecueillies,
laquantité
de matière sèche était calculéeaprès
passage à l’étuve et la correction était effectuée pour
déterminer,
àpartir
de laration
distribuée,
l’exactequantité
de nourritureingérée
par les animaux.Résultats obtenus
Le tableau III donne les résultats obtenus au cours de cette étude :
D’une
façon
constante, l’aliment B a été moins bienaccepté
que l’aliment standard.Le tableau IV
permet
de comparer la consommation de l’aliment B à la consommation de l’aliment standard. Eneffet,
onpeut
admettre que, pour ce court intervalle detemps,
la consommation de nourriture par animal s’accroît selon une loilinéaire,
toutes choseségales
par ailleurs. Onpeut
donc supposer que la moyenne des consommations d’aliments despériodes
I et Vreprésente
la consommation d’aliment que l’on aurait observée dans la
période
III si lerégime n’avait
pas été modifié(graphique I).
1,’examen du
Consommation
moyenne IIImontre que ce sont L, examen du
rapport
!Consommation moyenne I-V
montre que ce sontConsommation moyenne 1-V
les animaux d’un
poids
moyen(6 0 kg) qui
ontréagi
le moins nettement auchangement
de nourriture. Enportant
sur ungraphique.
en abscisses lespoids
moyens des animaux du groupe et en ordonnées les valeurs
correspondant
aurapport :
nous avons obtenu une courbe
(graphique II), qui
s’élèverégulièrement jus- qu’aux
ordonnéescorrespondant
aux animaux de 60kg environ, puis qui
diminue ensuite avec la même
régularité.
Il semble donc que les animaux dece
poids
sont les moins troublés dans leurappétit
par leschangements
derégime,
tandis que lessujets plus légers
ouplus
lourdsréagissent
par uneréduction de
consommation,
d’autantplus
forte que leurpoids
estplus éloigné
de
l’optimum.
Lepoint
aberrant dugraphique correspond
au groupe 15,dont, précisément,
la consommation a diminué de lapériode
I à lapériode
V et pourlequel
notrehypothèse
de calcul n’est pas vérifiée. Onpeut
donc penser que, si sonappétit
s’étaitcomporté
defaçon
« normale », lepoint représentatif
seserait
probablement placé
sur la courbe ou dans sonvoisinage
immédiat.Bien que, ce cas mis à
part,
lespoints
seplacent
sur une courbe à peuprès régulière,
le nombre limité de groupes, l’écart relativement réduit entre lespoids
moyens( 40 -8 4 kg)
et l’absence d’alimentation individuelle dessujets,
nepermettent
pas de considérer cette conclusion commeacquise,
et les travauxque nous
espérons entreprendre prochainement
nouspermettront
de vérifier la valeur de cettehypothèse.
Résumé
z. - En
substituant,
dans la ration de 8 groupes de porcs de 40à8 5 kg
un aliment B à un autre,
auquel
ils étaienthabitués,
nous avons observé unediminution
générale
de la consommation.2
. - En
comparant,
pourchaque
grouped’animaux,
laconsommation de l’aliment Bpendant
unepériode
de 4jours
à la consommation de l’aliment standard avant etaprès
cettepériode,
nous avons obtenu unrapport
dont la valeur varie de6 4 , 7
à8 2 ,6
p. 100et dont la moyennepondérée
est de 75,3.3
. - Il semble y avoir une relation entre la valeur de ce
rapport
et lepoids
de l’animal : elle est maxima pour unpoids
voisin de 60kg
et s’abaisserégulièrement
pour lespoids
inférieurs etsupérieurs.
4
. - Ces résultats devront être confirmés par une étude
portant
sur unplus grand
nombre desujets
alimentés individuellement etprésentant
unegamme de
poids plus large
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