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Études photographiques

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Français-English

« Le flou du peintre ne peut être le flou du photographe »

Une notion ambivalente dans la critique photographique française au milieu du XIX

e

siècle

'Le Flou of the Painter Cannot Be le Flou of the Photographer': An Ambivalent Notion in Mid-Nineteenth-Century French Photography Criticism

Pauline Martin

Édition électronique

URL : http://journals.openedition.org/etudesphotographiques/3060 ISSN : 1777-5302

Éditeur

Société française de photographie Édition imprimée

Date de publication : 5 mai 2010 Pagination : 180-209

ISBN : 9782911961250 ISSN : 1270-9050

Référence électronique

Pauline Martin, « « Le flou du peintre ne peut être le flou du photographe » », Études photographiques [En ligne], 25 | mai 2010, document 2512, mis en ligne le 05 mai 2010, consulté le 19 avril 2019. URL : http://journals.openedition.org/etudesphotographiques/3060

Ce document a été généré automatiquement le 19 avril 2019.

Propriété intellectuelle

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« Le flou du peintre ne peut être le flou du photographe »

Une notion ambivalente dans la critique photographique française au milieu du XIX

e

siècle

'Le Flou of the Painter Cannot Be le Flou of the Photographer': An Ambivalent Notion in Mid-Nineteenth-Century French Photography Criticism

Pauline Martin

Fig. 1. J.-B. Frenet, cavalier, tirage sur papier salé d'après un négatif sur verre au collodion, 22 x 16,7 cm, v. 1855, coll. Serge Kakou, Paris.

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1 En 1857, alors qu’émergent critique et théorie de la photographie, deux opinions sur le flou dans la photographie s’affrontent, parfaitement résumées par Henri de la Blanchère ( voir fig. 9) d’un côté et Auguste Belloc (voir fig. 7) de l’autre. De la Blanchère, ancien élève de Gustave Le Gray, fervent défenseur de la photographie artistique et sur papier, prône le sacrifice des détails, afin de mettre l’accent sur les éléments prépondérants de l’œuvre, tout en estompant les parties secondaires. « Sacrifiez, éteignez tous ces détails, […]

estompez vos mille riens pour ne pas distraire de l’ensemble et vous aurez un tout vraiment artistique, vraiment satisfaisant1. » Il s’empresse cependant de préciser que ce sacrifice ne correspond pas au « flou » : « Nous ne préconisons pas ici le flou des épreuves, bien loin de là; mais nous redisons qu’on pousse à la finesse extrême, et qu’on arrive à la sécheresse et au manque de relief et de vie.»Au contraire, Belloc, qui consacre un traité à la photographie sur collodion, s’insurge contre l’idée même de suppression des détails:

« Nous ne partageons pas l’opinion de certains amateurs, qui s’imaginent qu’il faut faire des sacrifices, et qui veulent obtenir du flou à tout prix et à peu près partout ; une seule partie nette du visage leur suffit2. » Il associe pour sa part pleinement le sacrifice des détails au flou, que de la Blanchère s’applique à distinguer. Si les deux photographes s’accordent à penser que le flou constitue un défaut à éviter, ils s’opposent sur le lien entre ce flou et le sacrifice des détails. Belloc associe et rejette les deux traits esthétiques alors que de la Blanchère les distingue, valorisant le sacrifice des détails, qualité artistique essentielle à ses yeux, qui ne doit selon lui pas se dégrader en flou.

2 La notion de flou n’a cessé d’alimenter les débats techniques et esthétiques sur le médium – les pictorialistes en feront même le pivot de leurs revendications artistiques3. Aujourd’hui banalisé, le terme se compose pourtant de nombreuses nuances historiques dont la connaissance affinera la compréhension des textes d’époque. Cet article se limitera aux premières discussions qui émergent dans la critique photographique française, où le flou engage des contradictions qui sont absentes en Grande-Bretagne, notamment pour des raisons lexicales. Un débat sur le sujet s’y engage néanmoins dans la mesure où le calotype implique une indécision des formes que le daguerréotype interdit et que les partisans français du flou admirent. En outre, les Anglais abordent cette problématique très directement, William J. Newton réclamant dès 1853 un sujet légèrement « out-of-focus4 ». L’expression, techniquement très précise, se réfère directement à la photographie dont les différents flous peuvent être qualifiés par des termes anglais précis5. En 1857, ElizabethEastlake ne défend-elle pas le sujet volontairement « out-of-focus », mais également les flous accidentels [accidental blurs]6 ? La langue française ne bénéficie que du mot « flou » pour désigner ces différentes occurrences et, contrairement à l’anglais, elle doit emprunter le terme à un lexique spécifiquement pictural7. Il est donc nécessaire de revenir à la critique et à la théorie de la peinture pour comprendre le terme de « flou », tel qu’il est utilisé à cette époque8.

Le «flou» dans la peinture: une manière mimétique

3 Le mot apparaît dans le domaine pictural en 1676, sous la plume d’André Félibien, qui s’en sert «pour exprimer en termes de Peinture, la tendresse et la douceur d’un ouvrage9». « Terme de peinture» – comme le qualifie le dictionnaire de l’Académie française, tant en 1762 qu’en 179810–, «flou» ne sera mentionné, jusqu’à la fin du XIXe siècle et malgré l’apparition de la photographie, que dans le domaine pictural (et rarement sculptural), dont il constitue un qualificatif très spécialisé11. Les définitions des dictionnaires

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généralistes ne mentionnent même jamais la photographie, laissant croire au lecteur que le mot ne peut pas être employé dans ce domaine. «Flou. s. m. (du lat. fluidus, fluide).

Peint. Grâce et légèreté des touches; douceur, goût, moelleux, tendre, suave, qu’un peintre habile met dans son ouvrage», explique Louis-Nicolas Bescherelle en 1856, dans une définition qui n’évoluera pratiquement pas avant le XXe siècle12. Le terme n’est alors pas seulement assimilé à l’esthétique picturale dans les dictionnaires, mais également dans son usage. La littérature le confirme, comme en témoignent les descriptions de Honoré de Balzac dans Une fille d’Ève: «Un peu trop flou, dirait un peintre», s’exclame d’abord un personnage à propos d’un ensemble architectural qu’il admire13. Quelques pages plus loin, le narrateur décrit une «charmante créature, si jolie dans sa parure de marabouts qui produisait ce flou délicieux des peintures de Lawrence14». À deux reprises, le terme, mentionné en dehors du contexte pictural pour qualifier d’abord un ensemble architectural, ensuite une parure féminine, n’est utilisé qu’en explicitant son emprunt au domaine de la peinture.

4 Reprenant la première définition qu’en donne Félibien, les auteurs des siècles suivants emploient l’expression « peindre flou » – le mot est principalement utilisé comme adverbe jusqu’au XIXe siècle – comme le contraire, de « peindre durement & sèchement15», de privilégier les «tons durs et secs16». Un pinceau flou permet en somme d’éviter «la dureté du passage de la lumière aux ombres» et les «contours tranchés durement ou trop fortement exprimés17». Il adoucit les contours des formes pour permettre une transition progressive d’un ton à un autre. Au-delà de cette première signification – qui rejoint celle des dictionnaires actuels –, le mot désigne plus précisément une manière de peindre, dont la technique est clairement définie. En 1808, Charles Nodier, reprenant une explication de l’Encyclopédie du siècle précédant18, stipule dans sa définition de «flou» que l’«on se sert ordinairement pour fondre les couleurs, pour les noyer, les dépouiller de leur sécheresse, et amollir leurs nuances, d’une petite brosse de soies légères, qu’on passe délicatement sur ce que le pinceau a touché, et dont on effleure la toile avec tant de précaution, qu’il semble qu’on la caresse19». L’artiste, après avoir exécuté son œuvre, la balaye d’un pinceau doux pour supprimer toutes les traces trop visibles que le pinceau a pu laisser, unissant les tons dans un ensemble uni et bien fondu.

Fig. 2. C.-F. Daubigny, Les Bords de l'Oise, huile sur toile, 90 x 182 cm, 1859, coll. Musée des beaux-arts, Bordeaux, RMN / A. Danvers.

5 Le flou dont hérite le XIXesiècle désigne ainsi un style qui non seulement estompe les contours des formes pour les rendre moins tranchants, mais surtout qui noie les touches

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du peintre dans un ensemble uniforme, évitant de faire ressortir les traces du pinceau sur la toile. Le flou «rend la couleur lisse sans nulle touche», selon les termes de Claude-Henri Watelet, dont le dictionnaire reste une référence au cours du XIXesiècle20. Il faut ici insister sur la qualité mimétique du flou, tel qu’il se conçoit dans la critique artistique picturale. Loin de rompre la transparence de l’image, le flou renforce son illusion référentielle. Il ne se limite pas, comme le suggère Wolfgang Ullrich, à un effet romantique permettant à la toile d’exprimer une intériorité qui se couperait de la réalité

21; il permet au contraire à la reproduction de s’en approcher et de la rendre plus vraisemblable. En lissant, en annulant les traces du pinceau sur la toile et les touches trop abruptes, le flou dissimule la dépendance de l’œuvre à une instance créatrice. En 1859, Théophile Gautier écrit, à propos des Bords de l’Oise de Daubigny: «Nulle part la touche ne cherche à se faire voir: il semble que la toile exposée devant le site se soit peinte toute seule par quelque procédé magique et d’invention nouvelle22.» En effaçant les touches, le flou favorise son «autonomisation représentative» idéale –et pourtant jamais atteinte– et minimise les «ruptures, interruptions, syncopes», selon les mots de Louis Marin, susceptibles de «troubler la transparence, rompre la quasi-identification du référent au représenté dans le représentant23». Il permet en quelque sorte à la peinture de s’approcher d’un idéal de représentation photographique, c’est-à-dire indépendant de la main humaine. Débarrassée de toute référence à l’action du peintre et au dispositif de représentation, l’œuvre peut donner l’illusion de montrer la réalité: «L’écran représentatif est une fenêtre à travers laquelle l’homme spectateur contemple la scène représentée sur le tableau comme s’il voyait la scène “réelle” du monde. […] C’est l’invisibilité de la surface-support qui est la condition de possibilité de la visibilité du monde représenté24.» Or, en estompant les touches –empreintes révélatrices de la production d’une illusion–, le flou rend la toile invisible et offre un accès direct à la seule scène représentée. Léonard de Vinci déjà, en affirmant que le style propre à chaque artiste devait se faire oublier pour permettre à l’œuvre une plus grande transitivité, avait

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d’emblée donné au sfumato, ancêtre direct du flou, une fonction mimétique fondamentale

25.

Fig. 3.

V. Regnault, « Les bords de Seine près du Bas Meudon », tirage moderne sur papier salé (C. Sudre) d'après le négatif papier original, 37,2 x 44,2 cm, vers 1852, coll. SFP.

Le «flou» dans la photographie: un défaut technique et visuel

6 Au moment où la critique artistique de la photographie prend son essor, timidement dans les années 1840 et plus généralement au cours de la décennie suivante26, le flou est encore pleinement attaché à la tradition picturale qu’il désigne. Au cours du second XIXe siècle, bien que les dictionnaires généralistes n’associent jamais le flou à la photographie, le terme est repris et réinvesti par les connaisseurs de ce nouveau procédé. Si, dans le langage commun, le mot correspond encore à une manière picturale désignée dans un

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jargon relativement averti, il se teinte également aux yeux de certains spécialistes d’un nouveau sens technique spécifiquement photographique.

Fig. 4.

Numa-Blanc, femme nu allongé, tirage sur papier albuminé, 12,5 x 16,4 cm, v. 1860, coll. BnF.

Fig. 5. C. Nègre, « Charles Nègre devant son domicile, 21 quai de Bourbon », tirage sur papier albuminé, 12,3 x 11,5 cm, v. 1855, coll. SFP.

7 Dès son invention, la photographie est associée à la netteté qui devient sa caractéristique fondamentale. Elle s’oppose en cela à la toile picturale qui, par son contact direct avec la main et le pinceau de l’artiste, ne peut aspirer à une précision aussi franche: «les meilleures œuvres d’art, […] aucun contour n’est arrêté avec une exactitude exagérée. La main de l’artiste n’est pas, en somme, capable d’une correction microscopique, et cela est

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fort heureux, car ces œuvres ne sont pas destinées à être vues sous un verre grossissant, et l’effet général offre au point de vue artistique une netteté suffisante», explique en 1866 A. Claudet27. Incapable d’une exactitude idéale, la main de l’homme ne peut éviter une part de flou dans le rendu pictural. À l’inverse, la définition de la photographie se fonde sur un présupposé de netteté parfaite. Son importance est telle que de nombreux critiques estiment que la photographie change radicalement les normes de la représentation du réel, instaurant comme principe de base une exactitude irréprochable, à laquelle les œuvres seront comparées. Selon Paul-Louis Roubert, «l’artiste devra dorénavant se frayer un chemin – mesurable – entre invraisemblance et excès de réalité, la photographie étant devenue la référence, le standard de la “véritable” exactitude28».

D’abord associée principalement au monde scientifique, la photo graphie a pour mission de représenter le monde avec une minutie que la main de l’homme n’avait jusqu’alors pas pu atteindre, afin d’en permettre une connaissance plus approfondie. En 1857, la Société française de photographie confirme la prédominance de la netteté affirmant que«si quelques artistes ont trouvé dans ce flou même un certain charme, le plus grand nombre se sont vivement récriés, prétendant que la photographie n’a pas le droit d’employer de tels effets, et qu’une netteté parfaite est toujours pour elle une condition absolue29».

8 Or, toute tendue vers cette recherche de netteté irréprochable – malgré quelques critiques issues d’un milieu artistique encore minoritaire –, la photographie rencontre de nombreux obstacles qui se résument principalement au flou de bougé et au flou de mise au point. Si ces deux catégories ne sont pas encore clairement distinguées et analysées comme telles, elles émergent comme les principaux adversaires de l’exactitude photographique. Le flou de

bougé, provoqué par un

temps de pose trop long, gêne le photographe en constante recherche de l’«instantané», dont André Gunthert a montré la valeur programmatique dès le début des années 184030. La mise au point constitue le deuxième obstacle majeur, les objectifs produisant de légères déformations qui ne permettent pas d’obtenir une image uniformément nette. En 1857, Belloc se plaint des lentilles «qui ne laissent de netteté qu’à un tout petit espace de l’image reproduite, tandis que les autres parties demeurent confuses et difformes. Ainsi, l’on trouve souvent des objectifs à portrait qui donnent l’image de l’œil très-nette, pendant que la moustache par exemple, à peine indiquée, reste à l’état d’ébauche, et que les parties encore plus éloignées du foyer sont déformées et d’un vague désespérant31». D’autres éléments

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comme l’éclairage, la situation météoro logique32 ou encore la qualité du papier pour le calotype, viennent également perturber la netteté de l’image33.

Fig. 6. L.-A.

Humbert de Molard, « La fontaine Saint-Furcy à Lagny », tirage sur papier salé, 19,4 x 22,5 cm, 1847, coll. SFP.

Fig. 7. A. Belloc, portrait de femme, tirage sur papier albuminé viré, 23,5 x 18,3 cm, vers 1855, coll. SFP.

9 Dès les années 1840, le terme de «flou» est utilisé pour qualifier sans distinction ces défaillances de netteté. En 1844, Marc-Antoine Gaudin qualifie ainsi la déformation sur un portrait photographique due aux mouvements des paupières et de la respiration34 et, en 1861, Edmond de Valicourt déclare dans le Bulletin de la société française de photographie (BSFP): «On

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comprend, en effet, que le plus léger mouvement du cou, la moindre contraction du visage, que la plus petite modification de la physionomie […] produisent nécessairement une image où les impressions variables du modèle se traduisent par un flou général35.» Dès les premiers numéros du journal La Lumière, «flou» s’impose comme le terme spécialisé pour qualifier le manque de netteté d’une plaque ou d’un tirage: «Il nous a semblé qu’il était entré dans une fausse voie […]. [L]a précision des contours est remplacée par l’ondulation d’un mirage, et la netteté des détails par un flou lumineux qui rappelle un effet d’incendie», écrit François Auguste Renard à propos du travail de Jean-Baptiste Sabatier-Blot36. En 1857, le BSFP précise le sens du mot, le considérant comme «l’expression consacrée» pour qualifier une épreuve vague, c’est-à-dire n’ayant pas une «netteté parfaite37».

Fig. 8. J.-B. Corot, Idylle, huile sur toile, 162,5 x 130 cm, 1859, coll. Musée des Beaux-Arts, Lille / RMN / P. Bernard.

10 En 1862, le terme est définitivement entré dans le vocabulaire photo graphique spécialisé, comme en témoigne Guillaume Duchenne de Boulogne: «À l’époque où la plupart de mes clichés ont été obtenus, les appareils photographiques en usage étaient moins perfectionnés qu’aujourd’hui. […] Il en est résulté souvent que, s’il me fallait mettre en relief certains traits expressifs et les montrer avec netteté, j’étais forcé de sacrifier les autres, qui en termes de photographie, étaient flous38.» La même année, Belloc lui réserve une entrée dans son lexique photographique: «FLOU. — Ce mot, tout pittoresque, se dit de l’épreuve ou de la partie de l’épreuve dont les lignes ne sont pas nettement définies. Les lignes sèches, une barbe fine dont on peut, pour ainsi dire, compter les poils, sont des preuves évidentes que l’objectif est bon, que l’opérateur a bien mis au foyer, et que le modèle a bien posé. L’épreuve alors n’est pas flou[sic]. Un objectif mauvais, ou seulement médiocre, ne fait jamais d’épreuves nettes.

Tous les résultats qu’il donne sont plus ou moins flou39[sic].» Le mot, dans la photographie, désigne un défaut technique et visuel qu’il n’impliquait pas dans la peinture.

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Flou pictural et flou photographique

11 Du registre pictural et esthétique, qu’il n’abandonne pas pour autant, le terme passe, bien que discrètement, dans un répertoire photo graphique. On peut ainsi s’étonner de voir une distinction s’opérer entre le flou «pictural» et le flou «photographique» qui, malgré des aspects visuels communs, s’opposent dans leur rapport au réel et dans leur valeur esthétique. Farouchement opposé au flou dans la photo graphie, Belloc explique en 1862:

«Le flou du peintre ne peut être le flou du photographe; personne ne devrait ignorer cela40.

» Pour les commentateurs de l’époque, cette distinction s’explique d’abord sur un plan technique: le flou pictural constitue une manière assumée et choisie par l’artiste, alors que le photographe produit le plus souvent du flou malgré lui, soumis aux aléas d’une technique imparfaite. Eugène Disdéri, pour qui le flou photographique constitue un défaut, utilise le terme «vague»:

« L’artiste (c’est-à-dire le peintre) […] peut réunir, sur la partie principale de sa composition, toute la justesse de représentation dont il est capable, et noyer proportionnellement au degré d’importance que doivent avoir les parties accessoires dans un vague savamment combiné. Le photographe se trouve placé dans des conditions bien différentes et bien plus rigoureuses en face de la nature : il est lié à la réalité ; dans la composition il ne peut s’en débarrasser, et, dans l’exécution, il est condamné à l’exacte imitation. […] C’est en vain que, par le choix d’une distance plus courte qui augmente la distance des plans ou par des procédés de mise au point, il cherchera à concentrer toute l’exactitude de reproduction sur la partie dominante de l’image ; le vague qu’il obtiendra par ces moyens dans les autres parties grossira les formes et produira un manque de justesse perspective qui rendra l’ensemble du tableau optiquement laid41. »

12 La jeunesse de la technique photographique lui impose un soupçon que la peinture, dont la maîtrise a pu être suffisamment éprouvée au fil des siècles, n’endosse pas. Ainsi l’auteur d’une critique du salon de la SFP de 1857, publiée dans son Bulletin, justifie le flou de deux portraits de M. le vicomte de Montault par un choix délibéré du photographe, le dédouanant ainsi d’une soumission à la technique: «Les études de rochers de M. le

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vicomte de Montault sont plus vigoureuses; leur fermeté, leur netteté d’exécution prouvent d’autant mieux que le flou des portraits était bien un effet cherché42

Fig. 9. H. de la Blanchère, « Chapelle romane de Tiffaugue (Loire-Atlantique) », tirage sur papier albuminé d'après un négatif sur papier ciré, 37 x 30 cm, 1857, coll. SFP.

13 Alors que dans la peinture le flou habilement utilisé ne se fait pas remarquer, dissimulant les traces trop abruptes du pinceau sur la toile, il doit au contraire être justifié en photographie, en raison de son excès de visibilité. Si le flou permet de dissimuler les touches du peintre et donc l’acte créateur, il exacerbe au contraire le geste technique que le photographe cherche à dissimuler. Sur la toile, il permet d’accéder à une image plus naturelle et améliore la transitivité de l’œuvre. Sur les photographies, il rompt cette transparence, appliquant un voile sur une image présupposée nette, révélant ainsi l’artifice technique défaillant. Or, comme le montre François Brunet, la photographie se fonde à ses débuts sur le mythe d’une image «a-technique» – «une technique sans technique, un procédé s’effaçant dans son régime naturel et sa vertu d’exactitude43» –, un fac-similé de la nature qui se peindrait toute seule. Le flou a ainsi un effet inverse dans la peinture et la photographie: il dissimule la technique picturale suggérant ainsi l’autonomie de la représentation sur la toile et renvoie au contraire la photographie à son fondement technique et donc à ses conditions de réalisation.

14 De cette première distinction s’en dégage une deuxième qui touche au rapport du flou au réel. Le flou pictural constitue un moyen mimétique de représenter le réel ; le flou photographique, en brouillant la transitivité de l’épreuve, éloigne au contraire la représentation de la scène observée. D’une qualité artistique et esthétique, le flou devient au contact de la photographie un défaut visuel. Dès lors, il endosse un sens que la critique picturale ne lui avait pas attribué et qui constituera au XXe siècle sa signification la plus immédiate : son manque de netteté. Avant la photographie, le concept ne pouvait inclure une idée de défaillance visuelle puisque la peinture n’avait pas imposé la netteté comme prérequis à l’image. Le flou était une manière parmi d’autres de peindre le réel ; il était

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même un élément constitutif de la peinture à l’huile. Dès son entrée dans le vocabulaire photographique, le terme se charge cependant d’une connotation négative qui l’oppose à la notion d’exactitude – nouveau standard de visibilité représentative. L’image photographique ne permet plus de choisir parmi plusieurs manières de représenter dont le flou pourrait faire partie ; elle en impose une qui réside dans une netteté parfaite. Le flou devient ainsi le contraire de la manière exigée et se trouve, par conséquent, inconciliable avec la transparence de la représentation dont il constituait pourtant un élément essentiel dans la peinture.

Du flou pictural dans la photographie

15 Il ne s’agit pas ici d’ignorer les artistes qui s’insurgent dès les années 1840 contre l’excès de précision de la photographie. Selon Eugène Delacroix, le daguerréotype constitue une

«copie, fausse en quelque sorte à force d’être exacte44». D’où l’interrogation de la Blanchère et son intérêt pour la photographie sur papier: «Il est bien rare que nous regardions les traits d’une personne aimée à une distance telle que nous distinguions ce que nous montre de détails l’épreuve photo graphique. Ne vaudrait-il pas mieux un peu plus d’effet général45?» Il se garde néanmoins d’employer le terme «flou» dont la connotation en photographie est trop négative et technique. Le débat s’en tient ainsi à la notion de «sacrifice des détails», auquel le daguerréotype ne se prête pas, au contraire de la photographie sur papier. Et, si le «flou» est la plupart du temps absent de cette discussion, la notion d’«effet» est souvent utilisée. Des synonymes tels que «vague»,

«vaporeux», ou «moelleux» – déjà utilisés comme équivalent de «flou» dans la critique picturale – sont également employés46. La confrontation des citations de la Blanchère et de Belloc révèle le malaise quant à la notion de «flou» dans la première littérature critique de la photo graphie. S’il semble délicat pour les défenseurs du flou d’user du terme dans le débat sur le sacrifice des détails, la notion ne peut toutefois être exclue de la discussion. La manière dont Belloc associe les deux notions pour les rejeter et la distinction opérée par de la Blanchère signalent qu’une confusion n’est pas impossible et que le flou s’inscrit bien dans la continuité de la «théorie du sacrifice».

16 Issu de la théorie picturale, le sacrifice des détails a pour principal objectif de permettre à la représentation de correspondre, au mieux, à la vision humaine qui fait le net sur un point central, laissant les parties environnantes dans un flou qui s’accentue en s’éloignant du point de focalisation. Cette volonté de « réalisme » constitue le cœur de la théorie développée par Roger de Piles en 1708 : « L’œil a la liberté de voir parfaitement tous les objets qui l’environnent, en se fixant successivement sur chacun d’eux ; mais quand il est une fois fixé, de tous les objets il n’y a que celui qui se trouve au centre de la vision, lequel soit vu clairement et distinctement : les autres, n’étant vus que par des rayons obliques, s’obscurcissent et se confondent à mesure qu’ils s’éloignent du rayon direct47. » Afin de ne pas dissiper le regard de l’observateur, l’artiste doit éliminer certains détails pour concentrer l’attention sur le sujet central. Dans la critique picturale, le sacrifice des

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détails se marie ainsi avec la notion de flou, car les deux partagent une même valeur mimétique, visant à rapprocher la représentation de la réalité et de la vision humaine.

Fig. 10. L.-A. Humbert de Molard,

« Femme devant la remise à outils », tirage sur papier salé d'après un négatif sur verre à l'albumine rapide, 13,9 x 11,6 cm, v. 1848-1850, coll. SFP.

17 En photographie, le «flou» perd sa faculté mimétique, mais le sacrifice des détails conserve toute sa valeur aux yeux de ses défenseurs. En 1851, Francis Wey explicite:

« Les détails risqués, plus ils sont scintillants et minutieux, plus il [le daguerréotype] les accuse, plus il les reproduit avec vivacité. Si bien que la tête, sujet principal, s’efface, se ternit, perd son intérêt, son unité, et tout miroite, sans que l’attention soit concentrée nulle part. La théorie des sacrifices, si largement pratiquée par Van Dyck, par Rubens et par le Titien, doit être encore plus rigoureusement entendue par l’artiste héliographique. D’ordinaire, ces grands peintres ont fait briller les têtes, au milieu d’une atmosphère sombre et vaporeuse;

puis leurs fonds, plus ténébreux à mesure qu’ils s’abaissent, viennent se confondre, le long des épaules, avec les plis des vêtements largement indiqués dans une pâte solide et foncée. Ils ont évité de silhouetter sèchement, de la tête aux pieds, un corps humain, et leurs portraits ne ressemblent point, comme certaines épreuves daguerriennes, à des merlans frits collés sur un plat d’argent. Quel est le but de ces sacrifices portant sur la distribution de la lumière et sur la suppression de certains détails? C’est de concentrer l’attention sur les figures48

18 L’héritage de la théorie picturale est ici très net et l’on sent poindre l’idée du flou sans qu’il soit pourtant nommé. Pour de la Blanchère, le mimétisme visuel constitue le point central de son argumentation pour l’atténuation des détails: «Consultons notre œil; il nous dira que pour les vues d’ensemble, les détails s’effacent et se groupent en masse générale d’autant plus grande que nous nous éloignons davantage et que nous embrassons un plus grand espace. […] Et maintenant qu’allons-nous faire si nous sommes sages, c’est-à-dire artistes? Suivre ces conseils, sacrifier les détails si nous voulons l’ensemble49.» Cependant, le «flou» qui s’accordait dans la peinture avec cette théorie s’en détache dans la critique photographique.

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19 Dans leur propos sur la photographie, c’est donc au flou de la théorie picturale que Francis Wey et Henri de la Blanchère font référence – sans pouvoir librement utiliser le terme; un trait esthétique permettant d’apporter « la douceur d’un ouvrage » selon la définition de Félibien et de parfaire l’illusion mimétique de la représentation. Le flou décrit dans les écrits photographiques – défaut technique qui s’oppose au réalisme de l’exactitude du daguerréotype – ne leur permet pas d’exprimer leur aspiration artistique.

Les premiers théoriciens du flou dans la photographie se retrouvent ainsi dans la situation paradoxale de se réclamer d’un flou pictural, mimétique, délibéré et pleinement assumé par l’artiste, tout en rejetant le flou photographique techniquement défaillant des épreuves. La connotation négative du flou photographique à cette époque et la persistance d’un flou pictural valable artistiquement expliquent donc que Henri de la Blanchère ne puisse associer le sacrifice des détails au flou, alors qu’Auguste Belloc ne s’en prive pas. En 1865, dans une lettre à Mme Aupick, Baudelaire exprime clairement ce paradoxal flou pictural de la photographie lorsqu’il lui demande d’aller se faire tirer le portrait, à la condition qu’elle ne le fasse pas chez des photographes médiocres: «Ils prennent pour une bonne image une image où toutes les verrues, toutes les rides, tous les défauts, toutes les trivialités du visage sont rendus très visibles, très exagérés; plus l’image est dure, plus ils sont contents. […] Il n’y a guère qu’à Paris qu’on sache faire ce que je désire, c’est-à-dire un portrait exact, mais ayant le flou d’un dessin50

Fig. 11. V. Regnault, portrait d'un homme, tirage sur papier salé, album Regnault, 17,3 x 13,6 cm, v. 1852, coll. SFP.

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NOTES

1. Henri DE LA BLANCHÈRE, “Études photographiques (2ème article)”, La Lumière, no 6, 7 février 1857, p. 23.

2. Auguste BELLOC, Le Catéchisme de l’opérateur photographe, traité complet de photographie sur collodion, Paris, Chez l’auteur, 1857, p. 94-95.

3. Michel POIVERT, “Une photographie dégénérée? Le pictorialisme français et l’esthétique des aberrations optiques”, Études photographiques, no 23, mai 2009, p. 192-206.

4. William J. NEWTON, “Upon Photography in an Artistic View, and Its Relation to the Arts”, Journal of the Photographic Society, 3 mars, 1853, p. 6-7, repr. in Beaumont NEWHALL (dir.), Photography:

Essays and Images, New York, MoMA, 1980, p. 79-80.

5. Une étude plus approfondie serait ici nécessaire pour préciser les usages des termes «out of focus», «soft-focus», «blur», «fuzzy».

6. “[Photography]”, The Quarterly Review [Londres], vol. 101, 1857, p. 462. Pour une traduction française et des commentaires sur ce texte: Elizabeth EASTLAKE et François BRUNET, “‘Et pourtant des choses mineures…’”, Études photographiques, no 14, janvier 2004, p. 105-121.

7. En anglais, le flou dans la peinture est désigné par d’autres termes que ceux attachés à la photographie. Un dictionnaire français-anglais de 1853 précise: «Flou. Adv. (t. de peinture), lightly, softly, fluidly » (John Charles TARVER, The Royal, Phraseological English-French, French-English dictionary, Londres, Dulau & Co., 1853, p. 369).

8. Pour une histoire de la découverte du flou dans la peinture, voir: Marc WELLMANN, Die Entdeckung der Unschärfe in Optik und Malerei: Zum Verhältnis von Kunst und Wissenschaft zwischen dem 15. und dem 19.

Jahrhundert, Francfort, Peter Lang, 2005. Germanophone, Marc Wellmann ne s’intéresse cependant pas au terme «flou» et à la manière dont il évolue dans la critique artistique; son analyse ne se concentre que sur la découverte, par les peintres, du flou visuel, quelle que soit la manière dont il est nommé dans les sources d’époque.

9. André FÉLIBIEN, Des principes de l’architecture, de la sculpture, de la peinture, et des autres arts qui en dépendent: avec un dictionnaire des termes propres à chacun de ces arts, Paris, chez Jean-Baptiste Coignard, 1676, p. 596.

10. Ce n’est qu’en 1932 que l’Académie brise, mais de manière extrêmement discrète, cette exclusivité picturale, stipulant que le mot «est employé surtout en termes de Peinture» (Dictionnaire de l’Académie française, 1932-1935, 8e édition. Je souligne).

11. «Flou est un terme qui ne sort pas des ateliers, et [qui] n’est guère entendu que des gens de l’art» (Claude-Henri WATELET et Pierre-Charles LÉVESQUE, Dictionnaire des arts de peinture, sculpture et gravure [1792], Genève, Minkoff Reprint, 1972, p. 329).

12. Louis-Nicolas BESCHERELLE, Dictionnaire national ou dictionnaire universel de la langue française, Paris, Garnier Frères, 1856, t. 1, p. 1270.

13. Honoré de BALZAC, Une fille d’Ève (1839), inLa Comédie humaine, Pierre-Georges Castex (dir.), Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 12 vol., 1976-1981, vol. 2, p. 274.

14. Ibid.,p. 312.

15. Denis DIDEROT et Jean LE ROND D’ALEMBERT(dir.), Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Paris, Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand, 17 vol., 1751-1772, vol. 6, p. 880-881.

16. Définition de «flou» d’ Émile LITTRÉ, Dictionnaire de la langue française (2e éd.), Paris, L.

Hachette,vol. II, 1873-1874, p. 1704.

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17. Définition de «sec» d’Antoine-Joseph PERNETY, Dictionnaire portatif de peinture, sculpture et gravure (1757), Genève, Minkoff Reprint, 1972, p. 513.

18. D. DIDEROT et J. LE ROND D’ALEMBERT(dir.), Encyclopédie…, op. cit., p. 880-881.

19. Charles NODIER, Dictionnaire raisonné des onomatopées françaises, Paris, Demonville imprimeur- libraire, 1808, p. 87.

20. C.-H. WATELET et P.-C. LÉVESQUE, Dictionnaire des arts de peinture..., op. cit., p. 330.

21. Wolfgang ULLRICH, Die Geschichte der Unschärfe, Berlin, Verlag Klaus Wagenbach, 2002, p. 9-19.

22. Théophile GAUTIER, Critique d’art, textes choisis, présentés et annotés par Marie-Hélène Girard, Paris, Éd. Séguier, 1994, p. 149 (citation extraite du Moniteur universel, 4 septembre 1859).

23. Louis MARIN, De la représentation, Paris, Seuil / Gallimard, coll. «Hautes Études», 1994, p. 369-370.

24. Ibid., p. 305.

25. Alexander NAGEL, “Leonardo and Sfumato”, RES :Anthropology and Aesthetics, no 24, automne 1993, p. 7-20, p. 16.

26. Paul-Louis ROUBERT, L’Image sans qualités : les beaux-arts et la critique à l’épreuve de la photographie, 1839-1859, Paris, Monum / Éd. du Patrimoine, 2006, p. 80.

27. A. CLAUDET, “Sur un nouveau procédé pour donner une égale netteté à tous les plans d’un corps solide représenté dans une épreuve photographique”, Bulletin de la société française de photographie (BSFP), t. 12, septembre 1866, p. 226.

28. P.-L. ROUBERT, L’Image sans qualités, op. cit.,p. 92.

29. Anon., “Rapport sur l’exposition ouverte par la Société en 1857 (suite et fin)”, BSFP, t. 3, septembre 1857, p. 276.

30. André GUNTHERT,La Conquête de l’instantané. Archéologie de l’imaginaire photographique en France, 1841-1895, thèse de doctorat à l’École des hautes études en sciences sociales, 1999 (en ligne:

http://issuu.com/lhivic/docs/la-conquete-de-l-instantane).

31. A. BELLOC, Le Catéchisme de l’opérateur photographe, op. cit., p. 10. Le passage est exactement reproduit dans sa Photographie rationnelle de 1862 (A. BELLOC, Photographie rationnelle. Traité complet théorique et pratique…, Paris, Dentu, 1862, p. 55).

32. Francis Wey critique ainsi une épreuve de Blanquart-Évrard: «L’effet, quoique juste, est profondément teinté: il semble qu’un voile soit interposé entre les objets et le spectateur. Ce serait pécher par irréflexion, que d’attribuer ces apparentes imperfections au photographe; elles sont dues à la seule nature» (Francis WEY, “Album photographique de M. Blanquart-Évrard”, La Lumière, no 33, 21 septembre 1851,p. 130-131)

33. «La texture fibreuse du papier, ses aspérités et ses creux, la communication capillaire qui s’établit entre les diverses parties de la surface inégalement imbibées, sont autant d’obstacles qui s’opposent à la rigueur absolue des lignes et à l’exacte dégradation des ombres et des lumières: la précision de l’image laisse à désirer, les détails sont plus confus, les traits bien moins accusés»

(A. BELLOC, Compendium des quatre branches de la photographie…, Paris, Chez l’auteur et au Bureau du Cosmos et Chez Dentu, 1858, p. 40).

34. Marc-Antoine GAUDIN, Traité pratique de photographie: exposé complet des procédés relatifs au daguerréotype, Paris, J. J. Dubochet et Cie, 1844, p. 124. Un vaste débat se prolonge tout au long des années 1840 à 1860 sur la nécessité ou non d’interdire au modèle de cligner des yeux au moment de la prise de vue.

35. Edmond DE VALICOURT, “De l’exposition à la lumière – généralités sur les portraits photographiques – dispositions à prendre pour les bien exécuter”, BSFP, t. 7, septembre 1861,p. 235.

36. F. A. RENARD, “Rapport du jury central de l’exposition des produits de l’industrie de 1849”, La Lumière, no 4, 2 mars 1851, p. 44.

37. Anon., “Rapport sur l’exposition ouverte par la Société en 1857 (suite et fin)”, art. cit.,p. 276.

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38. Guillaume DUCHENNE DE BOULOGNE, “Avertissement”, Mécanisme de la physionomie humaine ou Analyse électro-physiologique de l’expression des passions applicables à la pratique des actes plastiques, 1862, p. V-XI, cité par André ROUILLÉ, La Photographie en France – Textes et controverses: une anthologie 1816-1871, Paris, Macula, 1989, p. 446. Je souligne « en termes de photographie».

39. A. BELLOC, Photographie rationnelle…, op. cit., p. 325. Au XIXe siècle, « flou » est encore considéré comme un adverbe, qui ne s’accorde donc pas à la manière d’un adjectif.

40. Ibid., p. 224.

41. Eugène DISDÉRI, L’Art de la photographie, Paris, chez l’auteur, 1862, p. 260.

42. Anon., “Rapport sur l’exposition ouverte par la Société en 1857 (suite et fin)”, art. cit., p. 285.

43. François BRUNET, La Naissance de l’idée de photographie, Paris, PUF, 2000, p. 90-91.

44. Eugène DELACROIX, “Revue des arts”, Revue des deux-mondes, septembre 1850, p. 1139-1146, cité par A. ROUILLÉ, La Photographie en France, op. cit., p. 406.

45. Henri DE LA BLANCHÈRE, L’Art du photographe…, Paris, Amyot éditeur, 1860 (2e édition revue et corrigée, 1re en 1859), p. 14.

46. Notamment Paul Périer, à propos des photographes «à la mode» de l’Exposition universelle de 1855: «Tous, ou peu s’en faut, s’accordent pour lutter de dissection microscopique et d’inquisition dans le détail, ignorant, hélas! qu’une juste mesure de vague dans la forme est la mélodie de la peinture» (Paul PÉRIER, “Compte-rendu de l’Exposition universelle, cinquième article”, BSFP, t. 1, septembre 1855, p. 264). Francis Wey à propos de Charles Nègre: «Son Petit Chiffonnier est à la fois solide et vaporeux comme un dessin de M. Bonvin: c’est le plus habile et la plus fugitive ébauche» et à propos d’un portrait au calotype de M. Leblanc: «La lumière est vive, et le fini précieux sans sécheresse: c’est le moelleux d’une bonne peinture». (F. WEY, “Album de la Société héliographique”, La Lumière, no 15, 18 mai 1851, p. 57-58.

47. Roger DE PILES, Cours de peinture par principes (1708), Nîmes, Éd. Jacqueline Chambon, 1990, p. 70.

48. F. WEY, “Théorie du portrait II”, La Lumière, no 13, 4 mai 1851, p. 51.

49. Henri DE LA BLANCHÈRE, “Études photographiques”, La Lumière, no 5, 31 janvier 1857, p. 18-19.

50. Charles BAUDELAIRE, “Lettre à Mme Aupick” (Bruxelles), samedi 23 (décembre 1865), cité par André ROUILLÉ, La Photo graphie en France, op. cit., p. 329.

RÉSUMÉS

Le flou, aujourd’hui largement associé à la technique photographique, est cependant issu d’un lexique très spécialisé de la critique picturale. Au milieu du XIXe siècle, alors que la photographie entre dans le débat artistique, le «flou» désigne avant tout une manière de peindre, qui favorise la transparence de l’œuvre, en dissimulant les touches du pinceau sur la toile. La critique photographique, qui se réapproprie discrètement le terme, en bouleverse le sens, impliquant désormais un défaut technique, un manque de netteté et une opacité auparavant ignorés. Vers 1850, on constate ainsi, dans les textes sur la photographie, une incertitude quant à la notion de flou, qui conserve ses résonances picturales tout en se chargeant de consonances nouvelles qui entrent en contradiction avec sa définition initiale.

While le flou (a term whose contemporary meaning is ‘blurriness’ or ‘soft focus’) is generally associated with photography today, it began as a highly specialized term in the criticism of

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painting. In the mid-nineteenth century, when photography first became a subject of artistic discussion, le flou primarily referred to a manner of painting that promoted the artwork’s transparency by concealing the presence of the brushstrokes on the canvas. Photography criticism quietly appropriated the term and in the process radically altered its meaning, so that it henceforth came to refer to a technical defect, an opacity and lack of clarity that until that time had not been noticed. Thus, texts on photography from around 1850 display uncertainty surrounding the notion of le flou, which retains its painterly resonance while also taking on new meanings that contradict its initial definition.

AUTEUR

PAULINE MARTIN

PAULINE MARTIN a travaillé comme conservatrice associée au musée de l’Élysée, à Lausanne, et à la Foundation for the Exhibition of Photography, à Paris. Elle est diplômée de l’Institut national du patrimoine. Pauline Martin est l'auteur d'un DEA à l’École des hautes études en sciences sociales. Elle mène actuellement un projet de recherche sur la notion de flou dans la critique photographique française. PAULINE MARTIN received her DEA from the École des Hautes Études en Sciences Sociales and completed her curatorial training at the Institut National du Patrimoine. She worked as an associate curator at the Musée de l’Élysée in Lausanne and the Foundation for the Exhibition of Photography in Paris. She is currently conducting a research project on the notion of le flou in French photography criticism.

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