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La maladie de Chagas. Son contrôle dans un contexte de mondialisation.

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Avant-propos

La maladie de Chagas. Une nouvelle venue parmi les maladies importées en Europe.

P. Ambroise-Thomas

Président de la Société de pathologie exotique Membre de l’Académie nationale de médecine

I

l est parfaitement banal de rappeler que les maladies tro- picales sont à nos portes, et même que certaines d’entre elles ont d’ailleurs largement franchi ces portes. Jusqu’ici, ces maladies importées étaient – bien que dans d’autres contextes – parfaitement connues des tropicalistes français (paludisme, bilharzioses, par exemple), tandis que d’autres étaient des nou- velles venues, des maladies émergentes, non exclusivement tropicales d’ailleurs (grippe aviaire).

La maladie de Chagas constitue un cas très particulier. Tous les tropicalistes français la connaissent… dans les livres, et à la rare exception près de ceux d’entre nous qui ont exercé en Amé- rique latine, la quasi totalité de nos confrères n’en a aucune expérience. Jusqu’à un passé très récent, cette trypanosomose américaine n’était pratiquement jamais observée en Europe.

La situation a radicalement changée ces dernière années - pour des raisons encore obscures d’ailleurs – et des cas importés de maladie de Chagas sont signalés, en Espagne surtout, mais aussi dans d’autres pays européens comme la Suisse. Il s’agit presque toujours de formes chroniques, à partir desquelles deux problématiques différentes sont à considérer. Le risque est d’abord de voir réactivée une infection chagasique quies- cente, à la suite d’une immunodépression majeure (thérapeu- tique notamment). En termes de santé publique, le problème majeur est ensuite de prévenir une transmission locale, interhu- maine, transfusionnelle ou congénitale, puisque, pour diverses raisons, cette transmission ne peut pas être ici vectorielle (bien que des vecteurs potentiels existent en Europe).

C’est à ces différents problèmes, diagnostiques, thérapeuti- ques, mais aussi prophylactiques que risquent d’être de plus en plus souvent confrontés les tropicalistes français et plus géné- ralement les responsables de la santé publique française.

Pour répondre à ces questions, la Société de pathologie exoti- que, a organisé une séance spécialement dévolue à la maladie de Chagas. Grâce à l’aide amicale de Jean Jannin, du service des maladies tropicales négligées de l’OMS où il est responsable de la lutte contre la maladie de Chagas, nous avons pu réunir notamment des spécialistes venus de Guyane française, d’Espa- gne, d’Angleterre, de Suisse. Les différents aspects de la maladie et de sa transmission vectorielle ont été ainsi précisés.

Un prolongement heureux de cette séance sera, nous l’es- pérons, la rédaction d’une « fiche » destinée aux tropicalis-

tes français et leur présentant de façon résumée toutes les informations pratiques nécessaires. Cette fiche sera d’abord élaborée par certains d’entre nous. Elle sera ensuite soumise à l’évaluation de l’ensemble des confrères intéressés, au cours d’une conférence de consensus que pourra organiser sur ce sujet la Société de pathologie exotique.

Avant-propos

La maladie de Chagas. Son contrôle dans un contexte de mondialisation.

J. Jannin

Prise en charge de la maladie : innovation et intensification, Département de lutte contre les maladies tropicales négligées VIH/sida, tuberculose, paludisme et maladies tropicales négligées, Organisation mondiale de la Santé

L’année 2009 marquera le centenaire de la découverte de la trypanosomose humaine américaine par Carlos Chagas.

Depuis presque un siècle, d’immenses efforts ont été réali- sés par la communauté internationale et surtout par les pays d’Amérique latine pour contrôler cette maladie. Cependant, beaucoup reste à faire.

En 1998, une résolution fût adoptée par l’Assemblée mon- diale de la Santé, visant à éliminer cette maladie en 2010. Cet engagement fût certainement un peu trop optimiste et force est de constater que cet objectif ne pourra être atteint à cette date. En 2005, la décision a été prise d’incorporer la maladie de Chagas dans la liste des maladies prises en charge par le département de Lutte contre les maladies tropicales négligées (NTD) au niveau du siège de l’OMS.

Après une série de consultations avec les responsables natio- naux d’Amérique latine, et en collaboration avec le Bureau régional de l’OMS pour les Amériques, une conférence inter- nationale a été organisée à Genève en juillet 2007, réunissant des responsables et experts de 28 pays, afin de créer un réseau mondial pour l’élimination de la maladie de Chagas coor- donné par l’OMS. Le but de ce réseau est de regrouper toutes les énergies disponibles dans tous les champs d’expertise (pro- grammes nationaux de lutte, clinique, entomologie, recherche, surveillance, etc.) afin de renforcer les efforts nécessaires à l’élimination de la maladie. Les principaux objectifs à court et moyen termes sont de réduire massivement la morbidité et mortalité dans les pays endémiques grâce aux actions sui- vantes :

– consolider les acquis dans les pays de faible endémie ; – renforcer les activités de lutte dans les pays de forte endé-

mie ;

– contrôler la maladie dans les zones hyper-endémiques, telle que la région du Gran Chaco ;

C OMPTES - RENDUS DE SÉANCES

S éance de la SPE consacrée à la maladie de Chagas, HIA du Val-de-Grâce, Paris, 9 avril 2008 .

Sous la présidence de P. Ambroise-Thomas (1) et J. Jannin (2)

(1) Président de la Société de pathologie exotique. Président élu de la Fédération internationale de médecine tropicale. Membre de l’Académie nationale de médecine (2) Organisation mondiale de la santé, 1211 Geneva 27, Suisse. E-mail: janninj@who.int.

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– assurer l’accès pour tous au diagnostic et au traitement ; – assurer la prise en charge des malades chroniques et des

complications cardiaques et digestives ;

– atteindre une couverture maximale de la prévention du ris- que transfusionnel ;

– commencer à mettre en place des systèmes de surveillance à même d’assurer la pérennité de l’élimination ;

– assurer un monitoring étroit des activités afin de rendre mesurables les efforts déployés.

Un tel programme devrait permettre de mettre en place les éléments nécessaires à l’entrée dans la phase d’élimination proprement dite.

Depuis quelques années, compte tenu de la très longue durée de l’infection et de l’importance de l’immigration latino-amé- ricaine, le risque potentiel de transmission de la maladie, ou simplement sa prise en charge, sont apparus comme de réels problèmes de santé publique pour les pays d’accueil. C’est pourquoi l’OMS, sur proposition des experts réunis en juillet 2007, a décidé de mettre en place une initiative des pays non endémiques afin d’harmoniser leurs méthodes de prévention du risque de transmission et de prise en charge des patients . Deux réunions auxquelles ont participé la France, l’Espagne, le Royaume Uni, la Belgique, la Suisse, les États-Unis et le Japon ont permis de mettre en œuvre un premier recueil de données en provenance de ces pays et de préparer les objectifs d’une telle initiative. Les efforts principaux se sont concentrés dans un premier temps sur les mesures à prendre pour écarter tout risque de transmission par transfusion, par transplanta- tion, et de la mère à l’enfant.

Un important effort d’information et de mise en réseau des cliniciens et parasitologues a déjà été initié en Espagne. La réunion de la SPE, tenue le 9 avril 2008, a largement contribué à un effort semblable de sensibilisation et d’informations en France, avec le soutien de l’Établissement français du sang, de l’Institut de veille sanitaire, de l’Académie nationale de médecine et des principaux services hospitaliers de médecine tropicale.

L’initiative des pays non endémiques est aussi de nature à encourager ces pays à apporter plus de soutien aux efforts déployés par l’OMS et les pays latino-américains pour con- trôler la maladie de Chagas.

Rappel général, évolution et traite- ment de la maladie de Chagas

B. Carrilero Fernández, B. Carrilero & M. Segovia

Unité régionale de médecine tropicale. Hôpital universitaire Virgen de la Arrixaca, Murcia, Espagne.

L

a maladie de Chagas est une maladie parasitaire endémi- que dans 18 pays (3). L’OMS estime le nombre de per- sonnes infectées entre 16 et 18 millions, avec au moins 300 000 nouveaux cas et plus de 50 000 décès annuels (4). Les flux migratoires ont un impact sur l’exportation de la maladie vers des régions non endémiques (5).

Il s’agit d’une infection due à Trypanosoma cruzi, un proto- zoaire de la famille des Trypanosomatidae, découvert par le médecin brésilien Carlos CHAGAS en 1908-1909. Il s’agit d’une zoonose dont le cycle inclut le parasite, le vecteur et l’hôte.

Le vecteur est un insecte hématophage qui se nourrit pendant la nuit et transmet la maladie en déposant des selles infectées contenant le parasite au moment de la piqure. Il y a d’autres formes de transmission (transfusionnelle et congénitale prin- cipalement), celles-ci étant possibles aussi en Europe.

La période d’incubation, de 1 à 2 semaines, peut se présenter comme une conjonctivite avec œdème palpébral unilatéral, si la porte d’entrée est conjonctivale ; cette manifestation est

connue sous le nom de signe de Romaña. Néanmoins, si la pénétration se fait par la blessure d’inoculation, le symptôme est une papule indurée ou chagome. Cette phase aiguë peut passer inaperçue. Si la transmission est orale, surtout dans le cas d’ingestion d’aliments contaminés, la phase aiguë peut- être grave.

À cette phase succède une phase chronique, normalement asymptomatique, qui peut évoluer vers une forme chroni- que digestive ou cardiaque (30 à 40 % des patients). Dans la phase chronique initiale, le cœur peut être normal, ou avec une cardiomégalie légère. Plus tard, la cardiomégalie devient importante, associée parfois à un anévrisme de la pointe du ventricule gauche, typique de cette maladie. La cardiopathie chagasique chronique (CCC) est caractérisée par des aryth- mies et/ou une insuffisance cardiaque et des thromboses secondaires. Les altérations de l’ECG précèdent dans le temps, parfois quelques années, la cardiomégalie et les symptômes de la maladie. Cet examen complémentaire est pourtant très utile pour le diagnostic précoce de la CCC. Les organes les plus fréquemment touchés au niveau de l’appareil digestif sont l’œsophage et le gros intestin. Les symptômes – tels que dysphagie, régurgitation et odinophagie, en cas d’affection de l’œsophage (méga œsophage), et constipation, distension abdominale et météorisme, en cas d’affection du gros intestin (méga côlon) – sont normalement tardifs.

Dans les critères de diagnostic, il est nécessaire de mettre en évidence la présence du parasite dans le sang par des tech- niques parasitaires (ou moléculaires) et/ou d’effectuer une sérologie par deux techniques qui emploient des antigènes différents. Les méthodes les plus employées sont ELISA et IFI. La maladie congénitale peut-être révélée soit par la mise en évidence du parasite, soit par la persistance des IgG au-delà de 6 mois après la naissance (1).

Malgré le fait qu’il n’y ait pas de consensus sur l’efficacité du traitement antiparasitaire dans toutes les phases (6), l’utilité du traitement a été démontrée, même en phase chronique (2), en empêchant la progression de la cardiopathie (7). Les médicaments disponibles sont le benznidazole et le nifurti- mox (8). Le benznidazole employé à la dose de 5-10 mg/kg de poids par jour pendant 30-60 jours par voie orale et le nifurtimox employé à la dose de 10-15 mg/kg par jour pendant 30-60 jours, également par voie orale. Les deux médicaments doivent être administrés sous stricte surveillance médicale et présentent de nombreux effets indésirables qui obligent parfois l’arrêt du traitement.

Références

1. FREILIJ H, BIANCARDI M, LAPEÑA A, BALLERING G & ALTCHEH J – Enfermedad de Chagas congenito. Buenos Aires, Argentina.

2. GASCÓN J – Diagnostico y tratamiento de la enfermedad de Cha- gas importada. Med Clin (Barc), 2005, 125, 230-235.

3. OMS – http://www.who.int/tdr/diseases/chagas/diseaseinfo.htm.

[on line].

4. OMS – Reporte del grupo de trabajo científico sobre la enferme- dad de Chagas, 17–20 de abril de 2005. Actualizado en julio de 2007. Buenos Aires, Argentina.

5. PINTO AY, VALENTE SA & VALENTE VDA C – Emerging acute Cha- gas disease in Amazonian Brazil: case reports with serious cardiac involvement. Braz J Infect Dis, 2004, 8, 454-60. Epub 2005 May 9.

6. SOSA-ESTANI S & SEGURA EL – Tratamiento de la infeccion por Trypanosoma cruzi en fase indeterminada. Experiencia y norma- tizacion actual en la Argentina. Medicina (B Aires), 1999, 59, 166- 170.

7. VIOTTI R, VIGLIANO C, LOCOCO B, BERTOCCHI G, PETTI M et al. – Long-Term cardiac outcomes of treating chronic Chagas disease with Benznidazole versus no treatment. Ann Intern Med, 144, 724-734.

8. Drugs for parasitic infections. The Medical Letter. April 2002.

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La situation de la maladie de Chagas en Amérique Latine.

P. Albajar Vinas

Institut Oswaldo Cruz et OMS.

OMS/HTM/NTD/IDM/Maladie de Chagas, Organisation mondiale de la santé VIH/sida, tuberculose, paludisme et maladies tropicales négligées. Lutte contre les maladies tro- picales négligées. Prise en charge de la maladie : innovation et intensification. Avenue Appia 20 - 1211 Genève 27 – Suisse. Tel: +41 22 791 8108, fax: +41 22 791 4777, e-mail : albajarvinasp@who.int

L

’année prochaine, nous allons célébrer le centenaire de la découverte de la maladie de Chagas, survenue entre 1908 et 1909. Depuis, une quantité considérable de connais- sances a été accumulée sur le parasite responsable (Trypano- soma cruzi) tels que : ses vecteurs et réservoirs, ses formes de transmission, les mesures de contrôle et les protocoles de soin médical. D’importants succès nationaux et internationaux dans la lutte contre le vecteur et le parasite (Initiatives du Cône Sud, Amérique centrale, Pacte andin et Amazonie avec le secrétariat technique de l’Organisation panaméricaine de la santé – OPAS) ont également été remportés. Ces initiatives multinationales ont mené à de substantielles réductions de la transmission par les vecteurs domestiques comme le Triatoma infestans dans les pays du Cône Sud et le Rhodnius prolixus en Amérique centrale et une partie des pays andins. De plus, le risque de la transmission par la transfusion de sang a été considérablement réduit dans toute l’Amérique latine.

Ces progrès ont été possibles grâce au fort engagement d’États membres endémiques et à la force de leur recherche et de leur organisation dans la lutte contre la maladie, ainsi que de l’appui de nombreuses organisations internationales.

Malgré cela, nous devons faire face à de nouveaux défis : – Pérennité : lutter contre ce qui a été appelé « la punition du succès », entraînant une réduction de l’intérêt politique (et par conséquent des ressources) par le maintien et l’augmentation des progrès dans le domaine de la lutte, particulièrement dans les régions de faible endémicité et la nécessité d’adapter des programmes de surveillance et de lutte aux nouveaux scénarios épidémiologiques.

Émergence : la détection de la maladie dans des régions précédemment considérées exemptes de maladie – comme le bassin d’Amazonie – où la transmission peut impliquer prin- cipalement des vecteurs selvatiques, plutôt que des vecteurs domestiques, et peut inclure les micro-épidémies locales de maladie aiguë oralement transmise.

Ré-émergence : dans des régions où la lutte contre la mala- die de Chagas a été mise en oeuvre avec des stratégies tradi- tionnelles – comme dans la région du Grand Chaco, entre l’Argentine, la Bolivie et le Paraguay - le contrôle peut y être plus compliqué en raison des populations vastes de vecteurs extra-domestiques et aussi par l’apparition de résistances aux insecticides utilisés (pyrethroids).

Dissémination : le mouvement de la maladie de Chagas dans des régions précédemment considérées « non-endémi- ques »– comme l’Europe – en raison de la mobilité croissante de la population entre l’Amérique latine et le reste du monde.

Cela peut résulter par la présence de la maladie de Chagas dans des pays n’ayant que peu de connaissances et d’expérience sur la maladie et ne disposant pas de mesures de surveillance et de contrôle appropriées – particulièrement dans les banques de sang et les services obstétriques.

Diagnostic et traitement des patients : malgré la réduction substantielle de la transmission, des millions de gens infectés nécessitent l’accès au diagnostic et au traitement adéquat, et ce défi continuera dans les pays endémiques et non-endémiques en raison de transmissions active ou accidentelle futures.

Mondialisation de la maladie de Cha- gas : le réseau mondial de l’OMS pour l’élimination de la maladie de Chagas et l’initiative des pays non endémiques.

J. Jannin

Coordinateur WHO/HTM/NTD/IDM

Organisation mondiale de la santé, Innovative & Intensified Disease Management (IDM), Neglected Tropical Diseases Control (NTD) HIV/AIDS, TB, Malaria and Neglected Tropical Diseases (HTM).

1211 Geneva 27, Suisse. E-mail: janninj@who.int

P

rès de 100 ans après la première description de la mala- die par Carlos CHAGAS (1909), de large progrès ont été réalisés en terme de connaissances comme en terme de lutte contre la maladie. Depuis 1991, cinq initiatives inter-pays ont été établies pour développer et coordonner des actions de lutte plus efficaces. De nombreux problèmes restent en suspens et l’objectif d’élimination en 2010, défini par l’Assemblée mon- diale de la santé en 1998, ne sera pas atteint.

La maladie de Chagas a toujours été considérée comme une maladie exclusivement sud-américaine. Cependant, depuis plusieurs années, il apparaît de plus en plus objectivement que de très nombreux pays considérés comme « non endémiques » et accueillant un nombre croissant d’immigrants d’origine latino-américaine doivent faire face à un risque « chagasique » croissant.

C’est ainsi qu’a récemment émergé le concept de mondialisa- tion de la maladie de Chagas. Cette nouvelle réalité ainsi que la nécessité de renforcer la lutte contre la maladie a amené l’OMS à créer en juillet 2007 le réseau mondial de l’OMS pour l’élimination de la maladie de Chagas, qui a pour but de coordonner les activités de lutte et de créer une plateforme et un cadre d’action pour tous.

Une nouvelle initiative inter-pays est en cours de création afin de coordonner les actions dans les pays non endémiques.

Elle regroupe à ce jour les États-Unis, le Canada, l’Espagne, la France, la Suisse, la Belgique, le Royaume-Uni et le Japon.

Cette initiative reste ouverte à tout pays souhaitant y parti- ciper. Le but de cette initiative et d’harmoniser les activités en vue de limiter les risques de transmission transfusionnelle et lors des greffes d’organes, de prévenir la transmission materno-fœtale et d’assurer la meilleure prise en charge pos- sible des complications digestives et cardiaques de la maladie.

Ceci représente également une opportunité forte pour les pays nord américains, européens et le Japon de renforcer leur aide à la lutte en Amérique latine.

Triatomes du Vieux Monde et possibi- lités de transmission vectorielle de la maladie de Chagas.

C.J. Schofield

ECLAT Coordinator, LSHTM (ITD) London WC1 E7HT, Royaume-Uni. E-mail:

cj.schofield@lshtm.ac.uk

A

ctuellement, il n’y a aucune évidence de la transmission vectorielle de la maladie de Chagas dans le Vieux Monde.

Mais cela peut changer. En raison de la croissance de la migra- tion humaine d’Amérique latine vers l’étranger, le parasite – Trypanosoma cruzi – arrive partout où se rendent des gens infectés et où des vecteurs – des punaises de la sous-famille Triatominae – sont présents depuis longtemps.

Les triatomes – reduviides hématophages – sont dérivés des reduviides prédateurs sur le continent américain où ils sont plutôt associés à des petits vertébrés nidificateurs (mam-

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mifères et oiseaux). Le genre Triatoma, le plus nombreux, est représenté par trois grands groupes, le groupe infestans d’Amérique du sud (au sud de l’Amazonie), le complex dispar dans les Andes, et le groupe rubrofasciata d’Amérique centrale et d’Amérique du Nord.

Les études génétiques et phénétiques de Triatoma rubrofas- ciata et des espèces associées, indiquent grâce à des recons- tructions historiques, que ces punaises sont sorties des États-Unis – probablement associées à des rats sur les bateaux à voiles – pour arriver en Inde. Là, elles ont suivi un processus de séparation génétique donnant lieu à un groupe de 7 espèces de Triatoma du vieux monde, aujourd’hui très répandues, particulièrement en Asie (du Japon et du nord de la Chine, au sud de l’Australie) et connues dans les milieux domestiques (par exemple en Inde, VietNam, Thaïlande). Ces espèces sont surtout répertoriées dans les ports, mais il y a aussi un genre, probablement un dérivé, de 6 espèces de Linshcosteus qui se trouve bien à l’intérieur de l’Inde (principalement dans les roches, avec les rats et les chauve-souris). T. rubrofasciata lui-même est le plus répandu, également rapporté des îles des océans Indien, Atlantique et Pacifique, et dans les ports de l’Afrique de l’Ouest et la côte est des Amériques. Dans l’état de Maranhão, Brésil, T. rubrofasciata est considéré comme un des vecteurs les plus importants de la maladie de Chagas, dû à sa profusion dans les banlieues infestées de rats.

Dans le Vieux Monde donc, il existe des vecteurs compétents, et le parasite, pour apporter le risque de transmission. De plus, il y a la possibilité – très reconnue en Amérique latine – du transport accidentel d’autres espèces de triatomes d’Amérique latine. Les triatomes domestiques peuvent survivre à la congé- lation (bien que généralement ils ne mangent ni se reprodui- sent à des températures inférieures à 15 °C) et peuvent donc survivre dans les bagages des passagers aériens. Le risque est également posé par le transport des triatomes entre les labo- ratoires de recherche, et le marché des mammifères sauvages d’Amérique latine, utilisés comme animaux de compagnie ou pour la recherche.

La maladie de Chagas chez les patients immunodéprimés.

K.Y. Ibrahim

Service de maladies tropicales, Hôpital Saint-André, CHU, Bordeaux, France.

Service de maladies tropicales et parasitaires, CHU Clinicas, Université de São Paulo, Brésil.

L

a maladie de Chagas est une infection parasitaire (Trypa- nosoma cruzi) d’évolution habituellement chronique, affectant le cœur et l’appareil digestif.

Au cours de cette phase chronique, le patient immunodé- primé, notamment dans les contextes de greffe d’organe solide ou de moelle osseuse et d’infection par le VIH, est à risque d’exprimer une forme clinique atypique et grave de réactivation de la maladie. Cette évolution pose un enjeu en termes de prédiction, de diagnostic précoce et d’intervention thérapeutique. La réactivation est diagnostiquée sur un cri- tère clinique (méningo-encéphalite, myocardite, lésion cuta- née) ou paraclinique (positivité d’un examen parasitologique direct – frottis sanguin, QBC, présence du parasite dans les liquides des séreuses – ou identification du parasite au niveau tissulaire).

Chez le greffé, une forme grave de maladie de Chagas sur- vient dans trois circonstances : transmission de T. cruzi par transplantation d’organe chez un receveur séronégatif pour T.

cruzi ; transmission sanguine ; réactivation de la maladie chez un patient déjà atteint.

Chez le greffé cardiaque, la réactivation concerne jusqu’à 20 % des patients. Le principal diagnostic différentiel de la myocardite chagasique est le rejet du greffon.

Chez le greffé rénal, la prévalence de la transmission de la maladie de Chagas chez le receveur séronégatif et sans pro- phylaxie est de près de 18%, et celle de la réactivation de 21%.

Aucun cas de transmission n’a été rapporté en situation de prescription d’un traitement prophylactique par le benzni- dazole administré pendant 14 jours après la greffe.

Seulement deux cas de transmission de T. cruzi au décours d’une greffe de foie ont été rapportés, et aucun cas de réacti- vation dans ce contexte.

De rares cas de réactivation et de transmission de la maladie de Chagas ont été rapportés chez des patients exposés à une greffe de moelle osseuse. La prise en charge de ces patients doit tenir compte des effets myélo-suppresseurs du benznidazole, avec le corolaire du risque d’échec de la greffe médullaire.

Chez le patient infecté par le VIH, plus de 90 cas de réacti- vation ont été documentés. La fréquence de cet évènement a considérablement diminué dans les pays endémiques depuis la disponibilité des traitements antirétroviraux hautement actifs.

Au Brésil, la réactivation de la maladie de Chagas est classée comme un évènement opportuniste depuis 2004. Dans notre file active de patients infectés par le VIH, la prise en charge des sujets co-infectés avec T. cruzi comporte un suivi spécifi- que ayant recours à la réalisation d’examens parasitologiques directs et indirects et de la PCR pour T. cruzi et des inves- tigations radiologiques en vue de l’identification des signes compatibles avec l’expression de la forme chronique de la maladie.

En pratique, les résultats des examens parasitologiques docu- mentant la réactivation de la maladie contribuent à évaluer l’indication et le rendement du traitement antiparasitaire en termes de bénéfice chez le patient atteint de maladie de Chagas et infecté par le VIH ou soumis à une greffe.

La maladie de Chagas en Guyane fran- çaise.

C. Aznar, D. Blanchet, V. Veron & S. Simon

Laboratoire hospitalier universitaire de parasitologie et mycologie, équipe EA 3593, Centre hospitalier Andrée-Rosemon, Université des Antilles et de la Guyane, Cayenne, France.

L

’importance de la maladie de Chagas en région amazo- nienne a longtemps été sous estimée. Les études sur cette parasitose se sont principalement focalisées sur les régions où les vecteurs sont domestiques. Par contre, pour les régions où seuls des vecteurs sylvestres, c’est à dire inféodés aux milieux naturels, sont présents, les connaissances sont encore très limi- tées, que ce soit au niveau de l’épidémiologie, de la clinique, qu’à celui de la biologie des triatomes ou des caractéristiques du parasite.

Cette maladie est connue en Guyane depuis 1939, et sa surve- nue chez l’homme était considérée en 1956, par Hervé FLOCH

comme une éventualité non rare. De 1956 à 2004 seuls quel- ques cas sporadiques ont été décrits. Depuis 1997, la présence de 11 espèces de triatomes a été attestée dont 6 sont retrouvées en zone urbaine. Le taux d’infestation par Trypanosoma cruzi varie en fonction des espèces de vecteurs et est supérieur à 60 % pour les principales espèces : Panstrongylus geniculatus, Rhodnius robustus et R. pictipes. Des études sérologiques sur le réservoir animal ont été menées en 2000 et ont mis en avant une séroprévalence importante pour les espèces suivantes : Dasypus novemcinctus, Choleopus didactylus, Dasyprocta agouti, Mazama gouazoubira ; cependant l’interprétation des

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tests sérologiques sur la faune sauvage est délicate compte tenu de réactions croisées possibles avec d’autres trypanosomes.

En 2003, le diagnostic de cas aigus chez des chiens de race a imposé la prise en compte du risque de transmission de cette maladie chez l’homme et a permis la mise en place, en Guyane, d’outils pour le diagnostic biologique en clinique humaine : examens directs avec techniques de concentration, culture de trypanosomes, détection d’ADN des trypanosomes, techni- ques sérologiques.

Ces travaux préliminaires ont permis l’intégration en 2004 de la Guyane française à l’initiative intergouvernementale de surveillance et prévention de la maladie de Chagas en Ama- zonie (AMCHA).

Depuis 2005, les travaux se sont principalement concentrés sur le diagnostic de la maladie chez l’homme. Les cas découverts, tant aigus (avec notamment une épidémie familiale à transmis- sion orale en 2005 à Iracoubo) que chroniques ont permis de cerner les forces et les limites des outils diagnostiques utilisés.

L’examen direct reste important quoique difficile et long. La culture ne permet d’affirmer le diagnostic que tardivement, mais est fondamentale pour la connaissance des différents trypanosomes circulants. La sérologie n’est pas toujours contributive du fait de la variabilité à la fois des clones de T. cruzi circulants et de la réponse immunitaire des patients.

La détection de l’ADN de T. cruzi nécessite un niveau de sensibilité tel qu’il ne peut être obtenu que par les techniques de PCR en temps réel. De manière générale l’interprétation de toutes ces techniques doit tenir compte de l’existence d’autres trypanosomes comme T. rangeli et T. evansi. En Guyane, T.

evansi est régulièrement rencontré en médecine vétérinaire, notamment chez les chiens de chasse ; et T. rangeli a été isolé chez un humain en 2007.

L’utilisation conjointe de ces outils diagnostiques nous a per- mis de détecter des patients en phase aiguë et en phase chro- nique ; dans cette dernière, les patients en phase de latence étaient les plus fréquents suivis par les porteurs de compli- cations cardiaques et digestives. L’existence d’un stock de benznidazole en Guyane a été un élément clef pour la prise en charge thérapeutique rapide des cas aigus et de certains cas chroniques.

La maladie de Chagas en France métropolitaine.

F.-X. Lescure (1), S. Jauréguiberry, M. Develoux, H. Melliez, D. Jeannel, F. Gay, G. Le Loup, M.

Danis & G. Pialoux.

(1) Maladies infectieuses, Hôpital Tenon, AP-HP, 75020 Paris.

P

révalence et incidence de la trypanosomose américaine ont globalement diminuées en Amérique latine et centrale depuis les initiatives OMS (1991-2004). En Europe et jusqu’en 2004, seulement 5 cas importés avaient été rapportés en 20 ans.

Depuis 2004, 18 cas importés ont été recensés en France (38 % symptomatiques, 95 % venant de Bolivie). Les problèmes ren- contrés ont été : disponibilité des tests sérologiques, difficultés diagnostiques des formes des myocardiopathies chroniques pauci symptomatiques, accessibilité des traitements spécifi- ques, risque de transmission materno-fœtale. Le nombre de personnes originaires de zone d’endémie vivant en France est supérieur à 60 000, sans compter les personnes en situation irrégulière. En dehors du problème diagnostic sous estimé, le risque transplacentaire existe en France et doit être évalué.

Le risque transfusionnel est géré depuis 2007 avec un dépis- tage ciblé.

La maladie de Chagas en Espagne.

J. Gascon (1) & J. Ma Jansa (2)

(1) Centre international de santé – Hôpital-Clinique de Barcelone, Espagne.

(2) Département de santé – Generalitat de Catalunya, Espagne.

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’épidémiologie de la maladie de Chagas s’est modifiée au cours des dernières années. Décrite classiquement comme une maladie endémique de l’Amérique latine, liée à des zones rurales pauvres, nous la trouvons désormais en zones urbaines et péri-urbaines, loin des aires endémiques. Les phénomènes migratoires sont la cause de ce changement. Durant ces der- nières années, l’Espagne a reçu un grand flux d’immigrants en provenance d’Amérique latine (près d’1,5 millions d’immi- grants de cette provenance actuellement). Dans une moindre mesure, le retour des expatriés espagnols, qui ont résidé long- temps dans les pays où la maladie est endémique, contribue aussi à l’importance épidémiologique (6).

La maladie de Chagas ou trypanosomose américaine est une zoonose causée par le protozoaire Trypanosoma cruzi. Les principaux mécanismes de transmission de cette maladie, se font par la voie vectorielle, transfusionnelle ou congénitale et dans une moindre mesure par voie orale. La phase aiguë de l’infection dépassée, faute de traitement spécifique, T. cruzi produit une infection chronique, cliniquement silencieuse dans 60 % des cas (11). Dans les pays endémiques, entre 2,5 % et 5 % de ces patients évoluent chaque année vers des formes chroniques cardiaques ou digestives et en cas d’immunodé- pression, spécifiquement dans le cas du sida, des formes qui affectent le SNC (4). La prévalence de personnes infectées est très variable dans les zones endémiques et elle est liée aux programmes de contrôle ainsi qu’à l’augmentation du niveau de vie. La prévalence de l’infection maternelle est aussi très variable selon les zones (1) et le taux de transmission verticale à partir de mères infectées se situe entre le 5 et 6 % (13).

Un des principaux défis des zones non-endémiques est le con- trôle des voies de transmission non-vectorielles de la maladie.

La voie transfusionnelle et les transplantations d’organes ou de tissus (3) peuvent représenter un important problème de santé publique. Aux États-Unis et au Canada, on a déjà décrit 6 cas d’infection pour T. cruzi (5), suite à des transfusions. Les données préliminaires d’une étude de séroprévalence des don- neurs de sang latino-américains du centre de don du sang de la Croix Rouge de Madrid, montrent des résultats positifs dans 0.8 % de cas (2). La législation espagnole (8), qui n’incluait pas l’éventualité de la maladie de Chagas jusqu’en 2005, s’est adaptée à la nouvelle réalité (9).

L’autre voie de transmission potentielle est la transmission verticale des femmes enceintes infectées. Il existe peu de données sur la transmission verticale hors des zones endémi- ques, même si on a décrit quelques cas sporadiques (10). En Espagne, déjà cinq cas ont été détectés, lesquels ont été inclus dans une publication récente (12). La détection précoce des nouveau-nés infectés et leur traitement est un des principaux défis du système sanitaire. L’autre défi est celui de pouvoir offrir aux professionnels de santé les connaissances adéquates concernant la manipulation des patients affectés et doter le système de santé des outils nécessaires pour une bonne vigi- lance (circuits de dérivation, centres de référence, etc.).

La banque du sang de la Croix Rouge de Madrid, suivie par la banque du sang et tissus de Barcelone ont été pionnières dans les études sur la prévalence de la maladie de Chagas des donneurs originaires des zones endémiques. L’actuelle légis- lation espagnole, telle qu’elle est mentionnée précédemment, couvre adéquatement ce secteur.

Il y a quatre ans, un groupe s’est formé en Catalogne pour la recherche en pathologie importée (RIVEMTI), dirigée par l’hôpital clinique de Barcelone, pionnier dans les études épi-

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démiologiques. Dans ce contexte, nous avons collaboré avec la banque du sang et tissus de Barcelone afin de mener à bien une étude dans deux maternités de la même ville, qui montre une prévalence de femmes enceintes infectées par T. cruzi de 3 %.

Les études cliniques effectuées dans deux centres de Barcelone ont permis de caractériser les patients infectés par T. cruzi et d’avancer dans la formulation de protocoles de diagnostic et traitement (7).

En Espagne, la méconnaissance de la maladie de Chagas des professionnels sanitaires, la faible expérience dans l’usage des preuves diagnostiques, de la manipulation et du suivi des patients affectés nécessite de mettre en place un important dispositif de formation continuée, ainsi qu’un protocole de recherches.

Depuis le commencement de nos activités consacrées à la mala- die de Chagas, nous avons eu la chance de pouvoir compter sur la collaboration de beaucoup d’experts latino-américains qui n’ont pas hésité à nous faire partager leurs connaissances.

Le progrès du projet qui est mené à bien en Catalogne n’aurait pas été le même sans cette collaboration. Pour cela, nous leur présentons nos remerciements.

Références

1. AZOGUE E & DARRAS C – Étude prospective de la maladie de Chagas en nouveau-nés avec infection placentaria pour T. cruzi (Sdanta Cruz, la Bolivie). Rev Soc Bras Med Trop, 1991, 24, 105- 109.

2. BAREA L, GONZÁLEZ R, BUENO JL, CAÑABATE C, FLEURS M et al. – Seroprevalencia de la infección por Tripanosoma cruzi en donantes de sangre (estudio preliminar). Enf Emerg, 2005, 8, 40- 42.

3. CENTERSFOR DISEASE CONTROLAND PREVENTION (CDC) – Chagas Disease after organ transplantation – United States, 2001. JAMA, 2002, 287, 1795-1796.

4. DIAS JCP – The indererminate form of human chronic Chagas’

disease. À clinical epidemiological review. Rev Soc Bras Med Trop, 1989, 22, 147-156.

5. DODD RY & LEIBY DA – Emerging infectious threats to the blood supply. Ann Rev Med, 2004, 55, 191-207.

6. INSTITUTO NACIONAL DE ESTADÍSTICA – Recensement de statistiques municipales. Disponible sur : http://www.ine.es/

7. GASCON J – Diagnostico y tratamiento de la enfermedad de Cha- gas importada. Med Clin (Barc), 2005, 125, 230-235.

8. MINISTERIODE SANIDADY CONSUMO – Orden de 7 de fbrero de 1996 de desarrollo del Real Decreto 1854/1993, de 22 de octubre, por la que se determinan los criterios y condiciones de exclusion de donantes de sangre. BOE, 1996, 41, 5723-5725.

9. MINISTERIODE SANIDADY CONSUMO – Real Decreto 1088/2005, de 16 de septiembre, por el que se establecen los requisitos técnicos y con- diciones mínimas de la hemodonación y de los centros y servicios de transfusión. BOE, 2005, 225, 31288-31304.

10. PEHRSON PO, WAHLGREN M & BENGTSSON E – Asymptomatic congénital Chagas’ disease in à 5-year-old child. Scand J Infect Dis, 1981, 13, 307-308.

11. PRATA A – Clinical and epidemiological aspects of Chagas disease.

Lancet Infect Dis, 2001, 1, 92-100.

12. RIERA C, GUARRO A, KASSAB HE, JORBA JM, CASTRO M et al. – Congénital transmission of Trypanosoma cruzi in Europe (Spain): a case rapport. Am J Trop Med Hyg, 2006, 75, 1078-1081.

13. TORRICO F, ALONSO-VEGA C, SUAREZ E, RODRÍGUEZ P, TORRI- CO MC, DRAMAIX M et al. – Maternal Trypanosoma cruzi infec- tion, pregnancy outcome, morbidity, and mortality of congenitally infected and non-infected newborns in Bolivia. Am J Trop Med Hyg, 2004, 70, 201-209.

La maladie de Chagas en Suisse : un problème de santé émergent.

Y. Jackson & F. Chappuis

Unité mobile de soins communautaires et service de médecine internationale et humanitaire, Département de médecine communautaire et de premier recours, Hôpi- taux universitaires de Genève. Rue Micheli-du-Crest 24, 1211 Genève 14, Suisse.

Tél : 00 41 22 372 96 56, fax : 00 44 22 372 96 26, e-mail : yves.jackson@hcuge.ch

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a maladie de Chagas voit son épidémiologie se modifier sous l’effet des migrations urbaines et internationales.

Actuellement, plus de 14 millions de personnes originaires de zones à risque pour la maladie de Chagas résident dans des pays non-endémiques. Si la transmission vectorielle n’y existe pas, l’infection par voie congénitale ou par transfusion sanguine ou transplantation d’organe s’y perpétue à bas bruit.

Les pays non-endémique font donc face tant aux complica- tions tardives des infections chroniques acquises en Amérique latine qu’aux cas aigus ou aux réactivations secondaires liées aux situations d’immunosuppression.

Une importante communauté de migrants latino-américains réside en Suisse, dont une partie sans permis de séjour ni d’as- surance-maladie, ce qui rend l’accès aux soins médicaux sou- vent très difficile. Cette population essentiellement féminine est originaire des pays andins et du Brésil, régions à haute pré- valence de la maladie de Chagas. À Genève, l’unité mobile de soins communautaires des hôpitaux universitaires (UMSCO) offre un accès aux soins médicaux aux personne sans statut légal et à ce titre reçoit régulièrement des patients atteints de la maladie de Chagas.

À ce jour, 30 cas d’infection tout stade confondu sont recen- sés en Suisse sans programme de dépistage actif. La majo- rité des personnes infectées sont des femmes de Bolivie, du Brésil et, dans une moindre mesure, des autres pays andins résidant sans statut légal. Une étude rétrospective de séro- prévalence chez les femmes enceintes latino-américaines sui- vie à l’UMSCO à Genève en 2006 a montré un taux global d’infection de 10 % (7/72) et de 17 % dans le sous-groupe des femmes boliviennes (5/30). Précédant cette étude, deux cas de transmission congénitale sans complication pour les nouveau-nés ont été diagnostiqués à Genève de manière for- tuite sur la base d’anomalies placentaires avec confirmation parasitologique dans un second temps. Le traitement, bien supporté, a permis une guérison attestée par la sérologie et la PCR. Si la majorité des cas dépistés était au stade indéterminé asymptomatique, quatre patients présentait une cardiopathie de sévérité modérée à sévère. Deux personnes avec atteintes symptomatique des voies de conduction intracardiaques ont dû être équipées d’un pacemaker en urgence. Une patiente avec cardiomyopathie terminale chagasique a été greffée. L’in- fection due à Trypanosoma cruzi n’ayant pas été diagnostiquée avant la transplantation, l’immunosuppression a été source d’une forte réactivation qui, associée à une bactériémie, s’est révélée fatale. C’est à ce jour le seul cas de décès imputé à la maladie de Chagas en Suisse.

La Suisse abrite certainement un nombre important de per- sonnes infectées non diagnostiquées vu le nombre de résidents originaires de zones à haut risque. Le manque de connaissance de la maladie chez le personnel soignant, associé au fait qu’elle affecte le plus souvent des personnes exclues du système de santé, explique l’absence de stratégie nationale de santé publi- que en matière de dépistage, de traitement et d’interruption de la chaine de transmission. Il n’existe par exemple aucun contrôle des donneurs de sang. À ce jour, aucun cas de trans- mission par voie sanguine n’a été découvert. À Genève, un programme de dépistage systématique des femmes encein- tes latino-américaines fonctionne depuis début 2008 dans les hôpitaux universitaires. Il est urgent de récolter des données épidémiologiques précises, surtout dans les populations pré- caires à risque, qui permettent de mettre en place des stratégies globales de dépistage, de traitement et de prévention de la maladie de Chagas.

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