Séance dédiée : « Les coûts des médicaments des cancers »
ÉDITORIAL
Jacques ROUËSSÉ *
L’auteur n’a aucun conflit d’intérêt lié au contenu de cet article.
L’idée de consacrer une séance dédiée de l’Académie nationale de médecine s’est imposée devant l’émotion et les interrogations, en particulier éthiques, justifiées devant les prix extraordinairement élevés des nouveaux médicaments issus de la biologie moléculaire. L’Académie s’est déjà penchée sur cet épineux dossier au moins à deux reprises depuis sept ans. En 2011, elle insistait sur la nécessité de critères rigoureux permettant d’identifier la cible moléculaire justifiant la prescrip- tion, d’avoir un suivi non moins rigoureux et de bien préciser les règles d’arrêt du traitement [1]. En 2016, elle recommandait une approche européenne de cette question, incluant même une centrale d’achat [2]. Bien qu’indiqués dans de nom- breuses pathologies, devant l’ampleur du sujet, il a paru plus pertinent de se limiter aux seuls médicaments du cancer.
On ne peut plus actuellement se réfugier derrière l’idée que ces traitements n’appor- tent qu’un bénéfice très faible aux patients en termes de confort ou de survie. Dans certaines pathologies cancéreuses distinguées essentiellement par leur profil géno- mique transformant ainsi une pathologie fréquente en l’accumulation de cancers rares, leur bénéfice est spectaculaire et ils ne peuvent pas être refusés aux patients.
Actuellement de nombreux problèmes restent entiers tels ceux liées à la durée d’administration de ces produits, ceux de leurs complications imprévues et inhabi- tuelles et se profile l’angoissante question de l’égalité devant le traitement.
Plutôt que de pousser des cris indignés devant cette explosion des coûts qui peuvent mettre en jeu, dans tous les pays, l’équilibre financier des systèmes de santé quelle qu’en soit la nature, c’est à une approche dépassionnée que ce sont livrés les auteurs des communications qui font l’objet des articles de ce numéro du Bulletin de l’Académie nationale de médecine. Gilles Bouvenot, qui a longtemps présidé la
* Membre de l’Académie nationale de médecine
Bull. Acad. Natle Méd., 2018, 202, nos5-6, 975-976, séance du 29 mai 2018
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Commission de Transparence, traite des modalités et déterminants de la fixation des prix des médicaments des cancers en France. Valérie Paris de l’OCDE aborde le défi que représente le coût des anti-cancéreux pour les pays de cette organisation. Quant à Jean-Yves Blaye, oncologue médical et directeur général du centre de lutte contre le cancer régional Léon-Bérard de Lyon, il explique comment il est amené à faire face aux enjeux et difficultés de la gestion de ces molécules dans un établissement destiné à traiter les seuls cancers. Enfin il a paru normal de donner la parole à un représentant de l’industrie, en l’occurrence Eric Baseilhac directeur des Affaires Economiques du LEEM (les entreprises du médicament) afin d’exposer les réalités, des enjeux et des perspectives à laquelle celle-ci est confrontée. Les conclusions de ces débats sont apportées par Michel Huguier qui insiste, comme il le fit en 2016, sur l’intérêt d’une approche européenne de ce difficile problème.
RÉFÉRENCES
[1] Rouëssé J, Bouvenot G, Meyer F, Rochaix L, Tubiana M, Woronoff-Lemsi MC Mise au point sur la prescription des molécules onéreuses en cancérologie Bull Acad Natle Méd 2011;195,3:699-728.
[2] Huguier M, Milhaud G, Denoix de Saint Marc R, Bouvenot G Observations et propositions sur le coût des nouveaux traitements et solidarité nationale Bull Acad Natle Méd 2016;200,3:623- 627.
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