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Particularités du statut de l'indigénat en CFS (1887-1981)

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Particularités du statut de l’indigénat en CFS

(1887-1981)

Simon Imbert-Vier

To cite this version:

Simon Imbert-Vier. Particularités du statut de l’indigénat en CFS (1887-1981). Journées d’études ”Le régime de l’indigénat et ses métamorphoses”, organisées par Isabelle Merle et Simon Imbert-Vier, Nov 2011, Paris, France. �halshs-00798538�

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L’indigénat en CFS, Simon Imbert-Vier, 11/2011 • 1 «Le régime de l’indigénat et ses métamorphoses»

Journées d’étude organisées par Isabelle Merle et Simon Imbert-Vier Paris, 4 et 5 novembre 2011

Particularités du statut de l'indigénat en CFS (1887-1981)

Simon Imbert-Vier (CEMAf)

Deux éléments dans le statut juridique spécifique des «indigènes» en Côte française des Somalis : un statut pénal (indigénat, tribunaux indigènes et français) et des procédures civiles (tribunaux musulmans, indigènes, et français), en particulier une citoyenneté différente, qui tente de définir les critères de l’identification des personnes concernées. Il ne s’agit pas ici d’aller reprendre en détail les questions de la citoyenneté et de la nationalité, mais d’évoquer les aspects du système judiciaire qui s’appliquent de façon discriminatoire à une partie de la population. Nous allons évoquer ces aspects de façon empirique, en décrivant précisément les textes puis en essayant d’apercevoir les pratiques.

L’enjeu de cette présentation est de montrer la confusion entre les différents régimes juridiques auxquels étaient soumis les «indigènes», et donc l’impossibilité de les dissocier dans la perception qu’en avaient les acteurs, leurs pratiques et leurs effets. C’est pourquoi l’analyse se poursuit après la disparition formelle du régime juridique, et même au-delà de l’indépendance, jusqu’à la disparition finale du statut.

La Côte française des Somalis au début des années 1960 1

D’abord, un bref historique du territoire. En 1884, installation à Obock, au nord du golfe de Tadjoura, d’une escale charbonnière française (face à la britannique Aden) sur la route de l’Indochine et de Madagascar, dont la conquête commence, politiquement sûre (Aden est contrôlé par GB). Au milieu des années 1890, transfert de l’escale au sud du golfe, à Djibouti, qui «invente» un territoire autour du golfe 2,

puis entre 1896 et 1917, construction du chemin de fer jusqu’à Addis Abeba. Seule la frange qui longe la

1 Carte extraite de Poinsot (Jean-Paul) [1964], Djibouti et la Côte Française des Somalis, Paris, Hachette, 125 p. 2 Il s’étend aujourd’hui sur environ 23 000 km2, soit le double du Liban.

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L’indigénat en CFS, Simon Imbert-Vier, 11/2011 • 2 voie ferrée, au sud-est de la colonie, fait l’objet d’une occupation et d’une administration 3. A partir de

1928, début de la reconnaissance puis de l’occupation de l’intérieur, achevée après une conquête militaire en 1943. Le territoire est délimité en 1955. Dans les années 1960 et 1970, accroissement massif de la population urbaine et développement de protestations, sous couvert de nationalisme, qui amènent à la militarisation du contrôle de la population de la ville de Djibouti et la construction d’un «barrage» autour de l’agglomération de 1966 à 1982. Un des enjeux majeur est alors l’accès à la nationalité, qui entraîne le droit au séjour et la citoyenneté. Le territoire devient finalement indépendant en juin 1977. En 1981, une loi défini les modalités d’accès à la nouvelle nationalité djiboutienne en reprenant les catégorie de la période coloniale, puis le barrage est démantelé.

1. Le statut pénal des indigènes (1887-1946)

La CFS semble être le dernier territoire colonisé par la France en Afrique où s’est appliqué la justice administrative dite de l’indigénat (hors les mandats : Togo et Cameroun). Ce n’est en effet qu’en 1912 qu’est décidée l’application en CFS du décret élaboré en 1887 pour le Sénégal 4. Auparavant, cependant,

il existe déjà une justice pénale différenciée pour les «Européens et assimilés» et les indigènes. Les indigènes relèvent en théorie de trois justices différentes (indigénat, tribunaux indigènes et français) mais comme le relevait Jean Suret-Canale, et sans doute d’autres avant lui, en pratique «la justice indigène prolonge les pouvoirs de l’administration en matière d’indigénat» 5.

1.1. La législation

En 1887, un «service judiciaire» est organisé 6. Il prévoit que «les tribunaux d’Obock se conformeront à

la législation française» (art. 13) sans distinguer les Européens des autres en matière pénale 7. Il est

modifié en 1889, afin de préciser que les «indigènes […] ne sont pas justiciables […] de notre législation, souvent en contradiction avec leurs mœurs et leurs usages» 8 et ne pas risquer qu’ils partent du territoire.

En conséquence, pour les délits et contraventions, les indigènes relèvent d’une «juridiction spéciale jugeant sans procédure et s’inspirant des coutumes du pays». Le fonctionnement et la composition de cette instance ne sont pas explicités. Les crimes relèvent des tribunaux «européens».

En 1894 9, une organisation judiciaire rudimentaire est mise en place pour juger «uniquement des causes

intéressant les Français, Européens et assimilés» (art. 1er). En matière pénale, il ne prévoit pas d’appel,

seulement le pourvoi en cassation. Des «juridictions mixtes ou indigènes» sont toujours chargées des affaires «pénales intéressant soit les indigènes entre eux, soit les indigènes conjointement avec des Français, Européens ou assimilés» (art. 11), sans que leur fonctionnement et leur composition ne soient précisés.

En 1900, le système est refondu. Un magistrat est mis à sa tête, une procédure d’appel instituée, et «la juridiction de ces tribunaux s’étendra sur tous les habitants de la Côte française des Somalis, quelles que soient leur race ou leur nationalité» 10. Le décret précise que devant la juridiction de premier degré (qui

3 «L’action administrative française ne s’exerce qu’à Djibouti et sur une bande de terrain de faible largeur située de

part et d’autre de la section du Chemin de Fer franco-Ethiopien qui se trouve sur notre territoire», ANOM, Contrôle 805, mission Leconte, rapport 58 du 28/4/1921. «Hors de Djibouti, notre action est nulle», ANOM, Contrôle 806, mission Merly, rapport 58 du 14/4/1925.

4 Décret du 19/7/1912, promulgué le 20/8/1912, rendant applicable à la CFS le décret du 30/9/1887.

5 Suret-Canale (Jean) [1962], Afrique Noire occidentale et centrale : l'ère coloniale, 1900-1945, Paris, Editions

sociales, réed. 1964, p. 423.

6 Décret du 2/9/1887.

7 Ils sont distingués en matière civile par l’article 15. 8 Décret du 2/6/1889, exposé des motifs.

9 Décret du 4/9/1894.

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L’indigénat en CFS, Simon Imbert-Vier, 11/2011 • 4 remplit les fonction des tribunaux de paix et correctionnel), si la procédure est toujours française, «dans les affaires intéressant exclusivement les indigènes, les décisions des tribunaux sont rendues conformément aux us et coutumes du pays» (art. 6). Cependant, la juridiction criminelle (en charge des crimes) «statue conformément aux dispositions de la loi pénale métropolitaine» (art. 18), mais il existe cependant une procédure particulière pour les «crimes politiques» commis par les indigènes.

Dès 1904, «l’expérience a démontré que la suppression complète des tribunaux indigènes présentaient certains inconvénients, entre autres celui de concentrer toute la justice au chef-lieu et de la rendre, par suite, peu abordable» 11. En conséquence, le titre II du décret du 4 février 1904 créé des tribunaux

spécifiques aux indigènes, qui statuent «suivant les coutumes locales» (art. 30) dans les formes «des coutumes et usages locaux» (art. 38) éventuellement précisés par arrêtés du gouverneur. La justice est administrée par un administrateur, il y a une procédure d’appel pour les délits «tels qu’ils sont définis par les lois françaises et les coutumes locales» (art. 34). Le texte juge nécessaire de rappeler que «les peines et châtiments corporels demeurent supprimés» (art. 39). Seuls les Européens bénéficient des garanties de la législation métropolitaine.

C’est donc seulement en 1912 qu’est promulgué en CFS le décret de 1887 «relatif à la répression par voie disciplinaire des infractions commises par les indigènes du Sénégal». Un arrêté local 12 précise les

procédures de cette troisième juridiction pénale, spécifique aux indigènes. Elle ne s’applique pas aux pratiques de la «coutume», mais à 27 délits spécifiques qui sont jugés pratiquement sans appel par l’autorité administrative avec des sanctions maximales de 15 jours de prison et 50 francs d’amende. Des peines exceptionnelles et plus lourdes, en particulier l’internement administratif ou les sanctions collectives, peuvent de plus être prononcées par le gouverneur.

En 1914 13, la procédure des tribunaux indigènes est précisée, y compris l’appel en matière pénale

(«répressive»). Les textes ne sont ensuite plus modifiés pendant dix ans, si ce n’est, en 1922 14, la création

d’un «tribunal d’homologation» qui sert d’appel au tribunaux indigènes avec l’ambition de codifier la «coutume».

En 1924 15, la procédure d’application des peines administrative est précisée, et la liste des «infractions

spéciales aux indigènes» connaît une première modification, passant à 30 cas. Une série de modifications annuelles de cette liste l’amène à 39 cas en 1930. Mais surtout, la «police administrative» ou «disciplinaire» qui s’applique aux «indigènes non justiciables des tribunaux français» est normalisée pour l’ensemble des colonies africaines 16 afin de rapprocher «l’action toute exceptionnelle de l’autorité

administrative du régime normal», pour des infractions qui ne sont pas «de la compétence des tribunaux indigènes» (art. 10). Les pouvoirs exorbitants du gouverneur (internement et sanctions collectives) sont confirmés pour les délits politiques (insurrection, etc.).

En 1927, les pouvoirs des gouverneurs en matière de justice dans les colonies sont unifiés 17, sans évoquer

les procédures spéciales aux indigènes. Au même moment, au vu des «progrès constants de la société indigène» un texte particulier réorganise la seule «justice indigène» en CFS, avec l’objectif affiché d’«apporter aux justiciables indigènes le maximum de garantie, tout en respectant étroitement les

11 Décret du 4/2/1904, exposé des motifs. 12 Arrêté du 11/9/1912. 13 Arrêté du 27/3/1914. 14 Décret du 2/8/1922. 15 Deux arrêtés du 20/8/1924. 16 Décret du 15/11/1924 17 Décret du 5/3/1927, promulgué en CFS le 5/4/1927.

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en matière pénale il prévoit une possibilité d’appel systématique, mais le recours à un avocat reste impossible et cette justice est toujours rendue par un administrateur statuant en juge unique.

1.2. La mise en œuvre

La «justice pénale indigène», si elle a principalement deux formes différentes jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, administrative et judiciaire, est bien en fait exercée par les mêmes personnes, en tout cas en dehors de la principale agglomération, Djibouti. En effet, c’est toujours le responsable administratif, civil ou militaire, qui est seul en charge de rendre la justice pénale. Au moins dans les postes de l’intérieur, on peut penser que la distinction entre «indigénat» et «justice indigène» n’était pas franche, voire inconnue. La mise en œuvre concrète de cet ensemble de législations répressives en CFS reste mal connue. D’abord car les archives des cercles, où il était appliqué, ont en grande partie disparu. Nous savons seulement qu’en 1932, le cercle de Djibouti jugeait en moyenne 440 affaires «à l’indigénat» chaque mois, pour une population d’environ 15 000 habitants (soit environ 3%). En 1936, les condamnations semblent quantitativement du même ordre 19.

On constate que le code pénal ne s’applique pas aux indigènes, en tout cas en dehors de la ville de Djibouti. Les commandants de cercle se retrouvent ainsi à organiser le paiement des indemnités compensatoires («dia»), y compris pour les meurtres 20. Un rapport de 1944 établi même une balance des

compensations entre des miliciens et des nomades tués en fonction des «pratiques coutumières» de calcul des indemnités. Bien que dès 1934, le gouverneur a fixé comme objectif d’amener les criminels indigènes devant un tribunal 21, il faut noter que dans les années 1950 cela n’est toujours pas appliqué 22. En 1953,

les familles demandent même le payement de la «dia» après un meurtre commis à Marseille 23. A

Djibouti, après des affrontements politiques entre «issas» et «gadaboursis» qui font plusieurs dizaines de morts en 1949, des négociations se déroulent sur le payement des «dias», en parallèle à l’inculpation de responsables présumés.

On trouve quelques traces d’exactions ou d’abus de la justice indigène :

- en 1930, le gouverneur libère le cadi de Djibouti incarcéré par le procureur pour une escroquerie. Le gouverneur conteste l’application du doit métropolitain dans ce cas, et se le ré-approprie en le passant au régime indigène 24, pour des raisons politiques.

- en 1937, Peri, «le capitaine commandant le cercle de Dikkil aurait attaché un prisonnier en plein soleil sur une tôle pendant trois jours, sans boire, sans manger» 25; il meurt de ce traitement. Deux de ses parents

qui protestent sont condamnés à 10 ans de prison. Tout en contestant les causes de la mort, due selon lui à une gangrène consécutive à un ligotage trop serré, le gouverneur refuse tout allègement de peine «avant qu’une délimitation des frontières […] eût nettement fixé la limite des prétentions italiennes».

18 Décret du 21/4/1927, exposé des motifs.

19 ANOM, 4E6/2 - Cercle de Djibouti, «Rapports 1932-1951». 20 ANOM, 1E1/5-7, rapport annuel du cercle de Dikhil, 1937.

21 ANOM, Affaires politiques, supplément non coté «Bernard», lettre du 15/11/1934.

22 Idem, rapports de novembre 1948, décembre 1949, 1er trimestre 1950, 2e trimestre 1953; ANOM 4F2, rapport du

cabinet du gouverneur du 24/8/1949; ANOM Affaires politique, non coté «Grèves», note du 7/11/1957.

23 ANOM Affaires politique, non coté «Rapports politiques», rapport du 2e trimestre 1953. 24 ANOM, Affaires politiques 697.

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L’indigénat en CFS, Simon Imbert-Vier, 11/2011 • 6 - en 1941, l’assassinat de 6 «indigènes», dont 2 femmes, fusillés pour «espionnage», peut paraître un cas tangent, comme la proposition du lieutenant Gory en 1940 «de provoquer l’horreur par la répression» 26.

- entre 1934 et 1945, la conquête de la partie occidentale de la CFS entraîne des affrontements avec un groupe nomade, identifié comme les «Ulu’tós». Ils causent la mort, selon l’administration, de 38 «Ulu’tós» et 9 miliciens. Ils génèrent des sanctions collectives (amendes, interdiction du territoire) au titre de l’indigénat. Ils sont liés à des «confiscations» de bétail par la milice, et des amendes collectives payables en bétail, qui engendrent de nouveaux affrontements. On trouve des mentions de ces «razzias» jusqu’au début des années 1950.

- en 1943, les hommes d’un groupe familial autochtone sont exterminés, dans un affrontement suivi d’une «corvée de bois» des prisonniers, au motif d’une violation d’une interdiction de parcours d’une zone définie. Cet épisode sert de prétexte à une occupation substantielle de territoires occidentaux, permettant d’obtenir une extension maximale de la CFS que les accords postérieurs ne valideront que partiellement. Les cas les plus documentés relèvent eux aussi de décisions politiques du gouverneur, liées à la conquête de l’intérieur du territoire dans les années 1930 et pendant la Seconde Guerre mondiale. En 1928, le «vizir» de Tadjoura est déporté à Madagascar, officiellement pour avoir été l’instigateur d’un guet-apens

27, mais en fait pour l’empêcher de succéder au «sultan»; il revient en CFS vers 1934. En 1931, le

«sultan» et le «vizir» de Gobad sont à leur tour déportés à Madagascar, car ils ne sont passibles d’aucune qualification pénale, et la «chefferie» est supprimée pour aider à la mise en œuvre de la pénétration française 28. Le premier meurt en exil en 1932, le second revient en CFS en 1937, puis s’installe en Awsa.

En 1946-1947, il assiste les Ethiopiens lors de la délimitation malgré l’opposition des Français.

Ces exemples confirment que la justice pénale indigène n’est pas une justice mais un instrument politique, de guerre et de conquête, voir même objectivement terroriste.

2. Les procédures civiles et l’identification des indigènes (1887-1981)

Les procédures civiles dont d’une part des procédures d’enregistrement (état civil : naissance, mariage, divorce, décès; dons et successions; prêts et nantissements) gérées par des «cadi» nommés par l’administration, et des procédures contentieuses, en matière civile ou commerciale. Il y a donc ici aussi un empilement de juridictions («musulmane», indigène et européenne) spécifique aux indigènes. Les procédures d’enregistrement, qui paraissent neutres, sont en fait déterminante pour l’identification des individus, et donc pour établir quelle est la juridiction dont ils dépendent.

2.1. Les procédures civiles

Les textes que nous avons évoqués qui régissent les «tribunaux indigènes» prévoient également des procédures civiles. Déjà, le texte de 1887 29 qui ne fait pas de distinction entre les habitants en matière

pénale, précise que «sont maintenues, en matière civile, les juridictions indigènes actuellement existantes» (art. 15), sans les détailler.

Le décret de 1904 30 prévoit que «les tribunaux indigènes connaissent […] de toutes les affaires civiles ou

commerciales entre indigènes ou assimilés» et statuent «suivant les coutumes locales» (art. 30). Le code

26 Face à l’hostilité des Assahyamaras «la seule façon de freiner un peu cette levée de lances et de boucliers sera,

avant les hostilités, d’inspirer la crainte par la menace, et, dès le début de la guerre, de provoquer l’horreur par la répression. Si les Oloto et consorts sont terrifiés, ils nous laisseront peut-être tranquille, car le courage n’est pas leur vertu maîtresse.», ANOM, Affaires politiques 698/1, bulletin du 14/5/1940.

27 ANOM, Affaires politiques 697.

28 ANOM, Affaires politiques 703/6, rapport de Barthes, 2/1/1931. 29 Décret du 2/9/1887, cité.

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L’indigénat en CFS, Simon Imbert-Vier, 11/2011 • 6 civil ne s’applique donc pas aux indigènes, sauf si un Européen est concerné. En matière de mariage, divorce, successions, paternité, filiation, serment, ce sont des cadis, nommé par le gouverneur, qui jugent. En 1914, un arrêté 31 fixe la procédure des tribunaux indigènes. Il prévoit la possibilité de contrainte par

corps en matière civile (Art. 21),

En matière d’état civil, en 1935 un décret créé un «état civil indigène» 32, pour les «naissances,

reconnaissances, décès, mariages, dissolutions ou annulations de mariages, adoptions». Mis en pratique dans la seule ville de Djibouti, il n’est étendu aux cercles de l’intérieur qu’en 1951 33. Il est mis en œuvre

sous la seule responsabilité de l’administration, et non de l’autorité judiciaire. Il est prévue que «des punitions disciplinaires pourront être infligées aux indigènes qui, sans motif valable, ne se seront pas conformés aux prescriptions du présent arrêté» (art. 34). Nous sommes bien à la limite du pénal et du civil, toujours dans une «exception indigène».

2.2. L’identification

Le décret du 21/4/1927 donne une définition précise que : «Sont indigènes au sens du présent décret et justiciables des juridictions indigènes : les Somalis, les Danakil, les Arabes et tous les individus originaires de la Côte française des Somalis ou des pays limitrophes ayant dans leur pays d’origine un statut analogue à celui des indigènes énumérés au présent article» (art. 2).

En 1945, un incident montre que cette définition est inopérante. Après que le consul d’Ethiopie à Djibouti se plaint d’avoir été expulsé d’une tribune interdite aux «indigènes» lors d’une rencontre sportive, une note de service indique que «les Ethiopiens ne sont pas des indigènes mais les ressortissants d’un pays voisin» 34. Elle démontre en réalité l’impossibilité de la distinction matérielle et la limite de l’assignation. Il n’existe pas de solution de continuité entre la population de colonie de la Côte française des Somalis et celle de l’Ethiopie indépendante, les frontières sont même alors encore en cours de négociation. L’identification des «indigènes» ne peut être finalement qu’une décision politique, donc arbitraire, puisque toutes les tentatives de descriptions objectives sont vouées à l’échec.

A fronts renversés, après la Seconde Guerre mondiale, la question de l’identification des indigènes devient celle de l’accès à la nationalité, et donc au droit au séjour et au travail pour les migrants. Cette question devient centrale à partir de 1960, avec l’accession à l’indépendance puis l’unification des Somalies italiennes et britanniques avec le projet de constituer une «Grande Somalie» qui inclurait la CFS. Cette tension se concrétise dans trois référendums successifs sur l’indépendance en vingt ans, en 1958, 1967 et 1977, obtenue par le dernier. L’accès à la citoyenneté, et donc au droit de vote, devient la clé de la souveraineté sur le territoire.

Se mettent alors en place une succession de structures et de procédures pour établir des listes d’indigènes, citoyens français, en particulier autour de manipulations administratives de l’état civil. L’objectif de l’administration est alors de choisir les «indigènes» parmi la masse des demandeurs, pour contrôler à travers la population «régulière», la situation politique locale et la présence française dans ce confetti d’empire.

31 Arrêté du 27/5/1914. 32 Arrêté du 25/3/1935. 33 Arrêté du 31/3/1951.

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En Côte française des Somalis, petit territoire dont la préhension, hors le port et le chemin de fer, porte peu d’enjeux, le régime de l’indigénat a montré deux facettes principales. D’abord un système discriminatoire de séparation et d’identification des habitants et d’attribution de droits et devoirs, ensuite un outil politique de contrôle du territoire et de ses habitants, au-delà de la pratique d’une justice administrative.

Peut-être à cause de l’exiguïté relative du territoire, du faible nombre d’habitants et d’administrateurs impliqués, l’hypothèse de la confusion entre les divers régimes juridiques appliqués aux indigènes, caractérisés par leur arbitraire, apparaît bien confirmée.

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