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Hacker la ville

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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HAL Id: halshs-01239386

https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01239386

Submitted on 7 Dec 2015

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Hacker la ville

Renaud Le Goix

To cite this version:

Renaud Le Goix. Hacker la ville : Occupy Wall Street, 2011: un mouvement populaire construit dans l’espace urbain. . L’Histoire, Sophia Publications, 2015. �halshs-01239386�

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Hacker la ville.

Occupy Wall Street, 2011:

un mouvement populaire construit dans l’espace urbain.

version 1 / 5.1.2015. Version auteur de l’article publié sous la référence : LE GOIX R. (2015). «Occupy Wall Street». L'Histoire, 410 - Avril 2015, 20-23.

Renaud Le Goix

Professeur, Université Paris-Diderot / Paris 7

UMR Géographie-cités 8504 CNRS - Paris 1 - Paris 7

renaud.legoix@univ-paris-diderot.fr

Le « mouvement Occupy » (en français « mouvement d’occupation ») est devenu ces dernières années un mouvement international de protestation, principalement dirigé contre les inéga- lités économiques et sociales. Développé à New York en 2011 avec « Occupy Wall Street » comme l’écho de la place Tahrir ou le mouvement espagnol des Indignés, le mouvement Occupy est aujourd’hui présent dans près de cent villes, à travers 82 pays. En témoignent par exemple les manifestations monstres de Hong Kong en septembre et octobre 2014, au cours desquelles des milliers de militants pro-démocrates, regroupés au sein du collectif « Occupy Central with Love and Peace », ont occupé jours et nuits les rues de la ville chinoise. Les hackers urbains sont donc partis à l’abordage des grandes métropoles. Pour mieux saisir ces manifestations, retour sur un phénomène inédit dans l’histoire des mouvements sociaux.

Zuccotti Park, Sud de Manhattan, le 15 novembre 2011, vers une heure du matin, Michael Bloomberg, maire de New York, fait évacuer Occupy Wall Street par la police. Deux mois d’un mouvement populaire intensément relayé par les médias et animé par les réseaux sociaux s’achèvent brutalement et dans une volonté politique de discrétion ; l’espace aérien a été bouclé afin d’éviter toute retransmission héliportée, et les médias ont été mis à l’écart, certains journalistes sont interpellés1. Au-delà de l'origine anarchiste et contestataire de ce mouvement, et de l’écho qu’il a trouvé dans le débat politique notamment dans la campagne présidentielle de 20122, il importe d'y jeter un œil en coin. En effet, le lieu, le moment, les modalités d'inscription de OWS dans l'espace ne sont pas neutres. Les caractéristiques de Zuccotti Park, espace public de droit privé, ont notamment permis l’inscription du mouvement dans la durée.

                                                                                                               

1 Rushe, D., « Occupy Wall Street: NYPD attempt media blackout at Zuccotti Park », The Guardian [En ligne],

(http://www.theguardian.com/world/2011/nov/15/occupy-journalists-media-blackout), 2011, p.

2 Voir par exemple Calhoun, C., « Occupy Wall Street in perspective », The British Journal of Sociology, 64 (1),

(http://dx.doi.org/10.1111/1468-4446.12002), 2013, p. 26-38; Gitlin, T., « Occupy's predicament: the moment and the prospects for the movement », ibid., (http://dx.doi.org/10.1111/1468-4446.12001), p. 3-25.

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#occupywallstreet / @OccupyWallSt

Les 20 000 manifestants venus le 17 septembre 2011 installer leurs tentes répondaient à l’appel d’un mouvement anti-globalisation dont les tactiques révolutionnaires avaient évolué. OWS, comme l’écho de la place Tahrir ou le mouvement espagnol de Indignés visait une simplicité et une efficacité radicale : des rassemblements physiques de manifestants qui s’appuient sur des assemblées générales ; un relai ample sur les réseaux sociaux numériques ; un mot d’ordre simple et radical — en l’occurrence la convocation par Barack Obama d’une commission présidentielle afin de mettre un terme à l’influence de la finance sur la démocratie américaine (« democracy not corporatocracy ») et la mise en place d’une taxation des transactions financières.

OWS a fonctionné car la mobilisation s’est appuyée sur une utilisation massive des réseaux sociaux et des technologies de l’information. La chronologie des débuts est éclairante, autour des personnes de Kalle Lasn, fondateur et éditeur du bimensuel radical et anarchiste Adbusters et Micah White, son rédacteur en chef. White, témoin des évènements de Tahrir, avait mobilisé les abonnés du journal par courriel en juin 2011 (« Alright you 90,000 redeemers, rebels and radicals out there… ») ; le nom de domaine OccupyWallStreet.org était déposé ; la photographie de la ballerine sur la sculpture du taureau qui charge de Bowling Greens réalisée début juin. Début août, les méthodes d’organisation du mouvement sont horizontales : des assemblées générales sont organisées et plusieurs rencontres ont lieu à New York pendant l’été. Le 17 septembre au matin, plusieurs groupes se dispersent à la recherche du site idéal, sans communiquer par mail ou messagerie — il faut rester discret. Les membres de ce Comité Tactique hésitent en effet entre Bowling Greens (près de la statue du taureau chargeant) où de nombreux manifestants se sont déjà rassemblés, mais qui fait l’objet d’un couvre-feux à 22h comme les autres parcs ; et des « espaces publics propriété privée » au pieds d’immeubles, qui ont la préférence du comité : One Chase Manhattan Plaza, lieu de l’AG, plus proche de Wall Street a été bouclé dans la journée ; Zuccotti Park lui doit rester ouvert 24h/24, et ce jour là, quelques jours après les commémorations du 11/9, la présence policière est faible.3

Zuccotti Park: propriété privée / espace public

Ces Privately Owned Public Space (POPS) sont désormais courants dans la plupart des grandes métropoles des Etats-Unis. A Manhattan, 503 lieux de ce type ont été recensés, pour un total de 34 ha. Ces espaces sont issus d’arrangements de zonage spécifiques avec la promotion immobilière : les droits à construire (ratio de surface bâtie / surface au sol) sont revus à la hausse : un bonus de 20% est attribué par les autorités de planification si le promoteur fournit un POPS, et garantit l’ouverture au public de celui-ci. La formule a rencontré un vif succès : entre 1961 et 1975, 70% des projets d’immeubles adoptent la formule à Manhattan ; en contrepartie ces espaces sont dotés de vidéo-surveillance, et patrouillés par des vigiles4. Des dispositifs anti-SDF, l’absence de bancs, le caractère minéral de ces espaces constituent la norme d’aménagements qui permettent le contrôle des usages et l’éviction des populations non désirées.

                                                                                                               

3 Schwartz, M., « Pre-occupied. The Origins and Future of Occupy Wall Street ». The New Yorker,Nov. 28, 2011,

(http://www.newyorker.com/magazine/2011/11/28/pre-occupied, consulté Dec. 2014), 2011, p.

4 Kayden, J., « Using and misusing law to design the public realm. », dans Ben-Joseph et Szold, dir., Regulating Place: Standards and the Shaping of Urban America, New York, Routledge, 2005, p. 115–140; Németh, J., « Defining a Public:

The Management of Privately Owned Public Space », Urban Studies, 46 (11), (http://usj.sagepub.com/content/46/11/2463.abstract), 2009, p. 2463-2490.

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Or, dans le Sud de Manhattan, l’aménagement de Zuccotti Park faisait exception. A l’origine nommé le Liberty Plaza Park, il avait été construit en 1968 par le géant de l’acier U.S. Steel : il s’agissait alors de l’un des rares POPS assez vaste, doté de tables de jeux, de bancs, et d’espaces permettant une certaine sociabilité de rue dans le district financier. Endommagé et encombré de débris après les attentats du 11/9, le parc fut restauré, en marge de la reconstruction du site, sur les fonds de son propriétaire Brookfield Properties5 et réouvrit en 2006. Il fut alors rebaptisé en l’honneur de l’homme d’affaire John R. Zuccotti, à la fois patron de Brookfield Properties, mais également ancien président de la New York City Planning Commission (commission de la ville en charge notamment du plan de zonage) depuis 1973.

Pourquoi ici et pas ailleurs ? Zuccotti Park était un lieu rare et idéal pour une telle occupation : ses tables, ses bancs, ses escaliers en gradins, en faisaient un des rares espaces ouverts et accueillant du Financial District. Mais l’important se nichait dans le statut privé du lieu, qui a permis au mouvement de s’inscrire dans la durée.

Un lieu pour durer : « Occupy Wall Street : bring tent »

Un mot d’ordre : apporter sa tente. Les organisateurs ont bien conscience de la particularité du lieu: des observateurs avocats de la National Lawyers Guild, sont présents sur le site et conseillent les occupants. Ils craignent les arrestations et actions illégales de forces de l’ordre, et leur présence, signalée par leur couvre-chef vert distinctif, contribue à protéger le mouvement. L’affaire est sérieuse, puisqu’il s’agit de défendre le premier amendement de la Constitution, le droit de libre expression, alors même qu’il s’agit d’un lieu privé. La jurisprudence est en effet flottante dans l’Etat de New York : les propriétaires des POPS ne sont pas tenus de respecter les droits constitutionnels6.

Ce faisant, les autorités ne peuvent intervenir sans une demande expresse du propriétaire. Une lettre du propriétaire requiert le 11 octobre l’intervention de la police pour faire évacuer la place. Les arguments portent sur le non respect du règlement du parc, la sécurité du site (risques d’incendie) et les conditions sanitaires, mais pointe les plaintes des riverains : encombrement des voies d’accès, bruit, usage de drogue, agressions verbales supposées.7 Soucieux de son image et des conséquences d’une intervention brutale, le propriétaire renonce rapidement à exécuter cette première demande d’évacuation, donnant ainsi du temps au mouvement. En face, Michael Bloomberg et les juristes de la municipalité avancent des arguments relatifs aux risques sanitaires et à la sécurité du site. Dans la journée du 15 novembre, les avocats s’affrontent sur ces deux points : la cour Suprême de l’Etat de New York tranche en faveur de la ville en fin de journée, au détriment de l’exercice de la liberté d’expression revendiquée par les occupants. Cet arbitrage

                                                                                                               

5 Groupe étatsunien de promotion et de gestion de patrimoine immobilier, spécialisé dans les immeubles de bureau

dans les grandes métropoles des Etats-Unis. Ce groupe est propriétaire de plusieurs immeubles à proximité du site du World Trade Center, et notamment le World Financial Center.

6 La jurisprudence s’appuie sur quelques cas relatifs à l’exercice du droit de grêve et l’organisation de manifestations

dans des espaces de droit privé : Marsh v. Alabama (1946), Lloyd Corp. v. Tanner (1972), and Pruneyard Shopping Center v. Robins (1980). Seuls 5 Etats, la Californie, le New Jersey, l’Oregon, le Colorado et le Massachusetts protègent les droits constitutionnels dans les espaces publics de statut privé. Voir Mitchell, D., « The End of Public Space? People's Park, Definitions of the Public, and Democracy », Annals of the Association of American Geographers, 85 (1), (http://www.jstor.org/stable/2564281), 1995, p. 108-133.

7 Lettre de Brookfield Properties au Commissaire R. Kelly, 11 oct. 2011,

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final est à mettre en regard des travaux qui avaient énoncé l’incompatibilité de ces lieux avec la construction d’un espace public permettant une garantie de l’expression démocratique8.

Occupy Wall Street présente de fortes similitudes avec les mobilisations espagnoles des indignés, ou du printemps Arabe: similitudes des modes d’action par l’occupation d’espace publics, du moment politique, de l’adhésion populaire à un mouvement relayé par les nouvelles technologies. Mais c’est un mouvement qui doit en partie sa structure et sa longévité à la manière dont a été mobilisée, par des groupes contestataires, par un mouvement populaire, par des avocats à chapeau vert, un site, un lieu, une caractéristique des espaces publics de droit privé dont sont désormais tissés les centres d’affaires des métropoles étatsuniennes.

tains journalistes sont interpellés. Au-delà de l’origine anarchiste et contestataire de ce mouvement et de l’écho qu’il a trouvé dans le débat politique notamment lors de la campagne présidentielle de , il importe d’y jeter un œil ment, les modalités d’inscription de OWS dans l’espace ne sont pas neutres. Les caractéristiques de Zuccotti Park, espace public de mis l’inscription du mouvement

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DANS LE SUD DE MANHATTAN, les sites sélectionnés par le « comité tactique » de Occupy Wall Street se trouvent à proximité de Wall Street et du site reconstruit du World Trade Center.

East Riv er Hudson Riv er Wall St. Broa dway Wes t Bro adwa y Pont d e B roo klyn ZUCCOTTI PARK

Chase Manhattan Plaza World Financial Center

Federal Reserve City Hall QG Police Federal Reserve NY Stock Exchange World Trade Center mémorial Bowling Green

Vietnam veterans mémorial plaza Hanover Square

Battery Park

Manhattan Park

New York Plaza

N

200 m Légendes Cartographie Site potentiel visité par le comité tactique de

Occupy Wall Street

Espace public en propriété privée

Espace public en propriété privée, retenu par OWS Bâtiment de l’administration publique

Finance New York Plaza

ZUCCOTTI PARK

REPÈRES CARTOGRAPHIQUES

                                                                                                               

8 voir notamment Kohn, M., Brave new neighborhoods : The Privatization of Public Space, New York, NY, Routledge, 2004,

232 p. pages. ; Sorkin, M., Variations on a Theme Park: The New American City and the End of Public Space, New York, Hill and Wang, 1992, 252 pages.

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Iconographie proposée pour l’article. Images disponibles auprès d’agences.

-­‐ An empty and closed Zuccotti Park in New York, after protesters were evicted. Photograph: Seth Wenig/AP,

An-empty-and-closed-Zucco-007.jpg

consultée sur http://www.theguardian.com/world/blog/2011/nov/15/occupy-wall-street-zuccotti-eviction-live

-­‐ A demonstrator from Occupy Wall Street is arrested in lower Manhattan on November 17th. Photograph by Ashley Gilbertson.

111128_r21625_p886-320.jpg

consultée sur http://www.newyorker.com/magazine/2011/11/28/pre-occupied

-­‐ Charging bull and the Ballerina. OWS poster. tumblr_lsd8ucoCX91qbrgmdo1_500.jpg

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