• Aucun résultat trouvé

Attentes en matière d'élevage des acteurs de la sélection animale, des filières de l'agroalimentaire et des associations

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Attentes en matière d'élevage des acteurs de la sélection animale, des filières de l'agroalimentaire et des associations"

Copied!
13
0
0

Texte intégral

(1)

HAL Id: hal-01000250

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01000250

Submitted on 29 May 2020

HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.

animale, des filières de l’agroalimentaire et des associations

A.C. Dockès, P. Magdelaine, D. Daridan, A. Guillaumin, Martin Rémondet, Adel Selmi, Hélène Gilbert, Sandrine Grasteau, Florence Phocas

To cite this version:

A.C. Dockès, P. Magdelaine, D. Daridan, A. Guillaumin, Martin Rémondet, et al.. Attentes en matière d’élevage des acteurs de la sélection animale, des filières de l’agroalimentaire et des associations.

Productions Animales, 2011, 24 (4), pp.285-296. �hal-01000250�

(2)

Evaluer la contribution de l’élevage au développement durable, et à l’inver- se réfléchir aux modes d’élevage et aux types d’animaux susceptibles d’amélio- rer cette contribution ne sont pas des opérations faciles à conduire. Le projet européen «Sustainable European Farm Animal Breeding And Reproduction»

(SEFABAR) a montré que l’améliora- tion génétique des populations animales constitue un facteur à prendre en comp- te pour assurer la contribution de l’éle- vage au développement, en facilitant l’adaptation des animaux à leurs condi- tions d’élevage, par la limitation des risques sanitaires et environnementaux, et en préservant le bien-être animal et le maintien de la biodiversité.

Dans la même perspective, le projet COSADD (Critères et Objectifs de Sélection Animale pour un Dévelop- pement Durable) dont les travaux ont été conduits entre 2007 et 2009, a visé quant à lui l’intégration des dimen- sions écologique, économique et socia- le du développement durable dans les objectifs et critères de sélection des programmes qui assurent l’évolution

du patrimoine génétique et des perfor- mances des populations d’élevage.

Soutenu par l’Agence Nationale de la Recherche et le fonds CASDAR du Ministère de l’Agriculture, le projet COSADD était organisé autour de 3 volets principaux :

- un volet sociologique qui visait à comprendre les mécanismes de cons- truction sociale des objectifs et critères de sélection. Ce volet abordait notam- ment les finalités recherchées par chaque acteur et leurs modalités d’ac- tion (Selmi et al2011) ;

- un volet d’enquête auprès des acteurs des organismes de sélection, des filières, de la distribution, et des asso- ciations de consommateurs ou de citoyens, pour comprendre leurs atten- tes en matière d’élevage, d’animaux et de sélection animale en fonction des enjeux qu’ils identifient dans les filières et en se situant dans une logique de développement durable ;

- un volet zootechnique qui consiste à mettre au point un certain nombre de critères de sélection innovants dans des domaines qui sont identifiés a priori

par les chercheurs comme importants dans une logique de développement durable, en particulier le bien-être ani- mal et les rejets (Mignon-Grasteau et al2010).

Ce projet se concentrait sur l’étude de quatre filières de production anima- le aux situations contrastées en termes de techniques d’organisation de la sélection, mais aussi en termes d’ima- ge et de communication auprès des acteurs de la société : les bovins allai- tants, les porcins, les volailles de chair et les poissons. Nous rendons ici compte du second volet, analyse et comparaison des points de vue des acteurs pour les trois filières d’ani- maux terrestres (volailles, porcins, bovins). Après une présentation suc- cincte de notre méthode de travail, nous rappellerons les principales défi- nitions du concept de développement durable et la façon dont les acteurs des filières et les associations se le sont approprié. Nous expliciterons ensuite les attentes de ces acteurs en matière d’élevage, d’animaux et de sélection animale.

A.-C. DOCKÈS1, P. MAGDELAINE2, D. DARIDAN3, A. GUILLAUMIN1, M. RÉMONDET4, A. SELMI4, H. GILBERT5, S. MIGNON-GRASTEAU6, F. PHOCAS7,8

1 Institut de l’Elevage, 149 rue de Bercy, F-75595 Paris, France

2 ITAVI, 4 rue de la Bienfaisance, F-75008 Paris, France

3 IFIP, 149 rue de Bercy, F-75595 Paris, France

4INRA, UR SenS 1326, F-77454 Marne-la-Vallée, France

5 INRA, UMR444 Laboratoire de Génétique Cellulaire, F-31326 Castanet-Tolosan, France

6 INRA, UR83 Recherches Avicoles, F-37380 Nouzilly, France

7 INRA, UMR1313 Génétique Animale et Biologie Intégrative, F-78352 Jouy-en-Josas, France

8 AgroParisTech, Génétique Animale et Biologie Intégrative, 16 rue Claude Bernard, F-75231 Paris, France Courriel : anne-charlotte.dockes@idele.fr

des acteurs de la sélection animale, des filières de l’agroalimentaire

et des associations

Le développement durable est un concept politique visant à concilier les aspects économiques,

environnementaux et sociaux d’un développement qui ne mette pas en cause les conditions de

vie des générations futures. L’objectif de cet article, basé sur les résultats d’enquêtes, est

d’identifier les attentes d’acteurs des filières, de la distribution et des associations en matière

d’élevage, d’animaux et de sélection animale, dans une perspective de développement

durable.

(3)

1 / Notre méthode de tra- vail : des entretiens semi- directifs approfondis au- près d’acteurs diversifiés

Les entretiens semi-directifs (Blanchet et Gotman 1992) laissent à la personne enquêtée la possibilité, d’une part, d’exprimer son point de vue en réponse à des questions ouvertes larges, et d’autre part d’organiser son discours en abordant les différents thèmes dans l’ordre qu’elle souhaite. Il s’agit d’en- quêtes qualitatives, qui privilégient la prise en compte de la diversité des points de vue, à la recherche de repré- sentativité statistique. Notre panel ne peut donc en aucun cas être considéré comme représentatif d’une population, il se veut en revanche significatif d’une diversité de points de vue, dont nous ne pouvons quantifier l’importance.

Nous avons ainsi réalisé puis analysé des entretiens semi-directifs approfon- dis de deux types. Tout d’abord des entretiens individuels qui ont permis d’aller plus en détail dans l’expression des points de vue de chacun. Ensuite des entretiens effectués auprès de petits groupes ont permis aux acteurs concer- nés d’échanger sur les différents points de vue. Chaque entretien a donné lieu à un compte rendu synthétique validé par les personnes rencontrées. Une analyse transversale de contenu a ensuite été conduite.

Au cours de l’année 2008, nous avons rencontré une quarantaine de diri- geants, de responsables techniques ou professionnels de sociétés privées de sélection, d’organismes de sélection et de contrôle de performance, ou de grou- pements de producteurs des filières viande (bovine, porcine, avicole et pis- cicole).

Les entretiens portaient sur les aspects suivants:

- sur chaque filière vue d’une manière générale : les principaux enjeux pour la filière ; le ou les types d’animaux sus- ceptibles d’y répondre ; les objectifs de sélection à envisager dans ce cadre ; l’organisation du dispositif de sélection et son fonctionnement ;

- dans une perspective de développe- ment durable : la définition du dévelop- pement durable ; la mise en évidence d’enjeux spécifiques pour la filière dans une perspective de développement durable et leurs conséquences en matiè- re de sélection animale ;

- le test d’un certain nombre d’objec- tifs et de méthodes de sélection adaptés à chaque filière ;

- la hiérarchisation d’objectifs de sélection animale proposés par les géné- ticiens du projet COSADD.

Au cours de l’année 2009 nous avons mené nos entretiens auprès de 18 responsables d’entreprises de la distribution (boucherie artisanale et grandes surfaces), de la restauration hors foyer et d’associations de consommateurs et de citoyens. Des experts de la consommation ou de filières spécifiques comme l’agricultu- re biologique ont également été inter- rogés.

Les thèmes abordés étaient les sui- vants :

- la présentation de l’organisme, des principaux enjeux auxquels il est confronté ;

- les attentes par rapport à l’élevage, la production de viande, les conséquen- ces sur les types d’animaux et d’éleva- ges (globalement puis pour chaque espèce) ;

- la vision du développement durable, la façon dont il impacte les attentes évo- quées ci-dessus ;

- l’image de la sélection animale, de ses objectifs, de ses méthodes ;

- le test d’un certain nombre de sujets de controverse autour de l’élevage ou de la sélection animale ;

- la hiérarchisation des objectifs de sélection animale.

2 / Définitions politiques, scientifiques et pratiques du développement durable

2.1 / Quelques définitions géné- rales : le développement dura- ble vu par les politiques et les scientifiques

La Commission pour l’Environ- nement et le Développement de l’ONU a défini le développement durable comme étant «un développement qui répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs» (Brundtland 1987). Ce concept est aujourd’hui largement généralisé et utilisé dans l’ensemble de la société.

Mais il est avant tout un concept poli- tique, dont la déclinaison scientifique sur le thème de l’agriculture et de l’ex- ploitation agricole est relativement complexe (Dedieu et al2008). C’est en effet «un ensemble cohérent de normes, de conduites et de pratiques qui s’impo- sent dans la conscience collective»

(Loinger 2006). La notion de dévelop- pement durable est couramment définie

autour de trois piliers qui se déclinent dans le domaine de l’agriculture : l’axe économique qui vise à étudier la contri- bution de l’agriculture au développe- ment économique (emploi, revenu des agriculteurs et des filières), l’axe envi- ronnemental (préservation des ressour- ces naturelles, entretien des paysages) et l’axe social (patrimonial, culturel, d’animation de la vie locale…) (Briel et Vilain 1999). Ces trois axes sont aussi des moyens de présenter les différentes fonctions de l’agriculture lorsque l’on étudie sa «multifonctionnalité».

Toutefois, tandis que ce concept est sou- vent utilisé pour décrire une situation à un moment donné, la notion de dévelop- pement durable comprend une projec- tion dans le futur (OCDE 2001), une analyse de l’impact à moyen ou long terme des activités contemporaines.

Mais dans les deux approches, au-delà de la fonction de production alimentai- re, la gestion de l’espace, l’animation du territoire, la fourniture d’emploi, la qua- lité des produits, la préservation des res- sources naturelles ou des paysages sont prises en compte (Guillaumin et al 2008).

Le concept de développement durable est parfois aussi critiqué car il est relati- vement flou et malléable, ce qui permet de l’utiliser de façon très diverse, ou encore parce qu’il envisage la croissan- ce économique alors que certains prô- nent plutôt la décroissance.

Dès l’émergence du concept de déve- loppement durable, les organismes de développement agricole ont cherché à définir «l’agriculture durable», c’est à dire l’agriculture qui contribue au déve- loppement durable (Hervieu 2002).

Pour les animateurs de l’expérimenta- tion des Plans de Développement Durable, tous les systèmes de produc- tion et toutes les exploitations pouvaient améliorer leur contribution au dévelop- pement durable sur leurs territoires (Ambroise et al1997). L’adjectif «dura- ble» appliqué à l’agriculture est parfois ambigu car il met implicitement en avant la pérennité des exploitations et des filières et donne ainsi une priorité au pilier économique. D’autre part, les évolutions de l’agriculture ne peuvent s’appréhender qu’en considérant ses relations avec les filières d’amont et d’aval et avec les autres acteurs de l’espace rural. C’est pourquoi il semble préférable de parler de contribution de l’agriculture au développement durable des territoires (Boiffin et al2004).

Pour aller au-delà de ces définitions, la question se pose de l’évaluation de la contribution d’une exploitation en pre- nant en compte les trois axes de la dura- bilité : économique, social et environ- nemental (ces axes étant parfois

(4)

complétés par des thèmes transversaux comme la gouvernance, la flexibilité ou la transmission inter-générationnelle) (figure 1).

A partir des indicateurs et des outils disponibles, l’évaluation de la contribu- tion des élevages au développement durable est complexe mais réalisable.

De nombreux travaux abordent cette question. Citons par exemple Guillaumin et al(2009) pour l’élevage des ruminants, Bonaudo et al (2009) pour le secteur avicole et Nicourt (2009) pour le secteur porcin. Selon les thématiques abordées : gaz à effet de serre, biodiversité, qualité de l’eau, la situation de l’élevage et des différents types d’élevage est très différente. Ainsi par exemple le secteur des herbivores présente des atouts réels dans le domaine de la biodiversité alors qu’il est à l’ori- gine d’émissions de méthane plus impor- tantes que les filières granivores.

2.2 / Les définitions pratiques du développement durable par les acteurs de la société et des filiè- res

Dans le cadre du projet COSADD, nous avons fait préciser la définition du développement durable et l’utilisation de ce concept par les associations de consommateurs et de citoyens, les acteurs de la distribution et ceux des filières, selon l'échantillonnage présenté précédemment.

Le concept de développement durable est relativement familier pour les responsables d’associations et les acteurs de la grande distribution. Ils l’associent aux trois volets qui le défi- nissent classiquement mais insistent sur la notion de prise en compte de l’envi- ronnement dans les activités écono-

miques. Chacun considère que tous les maillons d’une filière doivent pouvoir vivre de leur activité, et que les consom- mateurs doivent pouvoir acheter les produits. La question de la répartition des marges est bien entendu un point de débat essentiel. Le volet social est sou- vent évoqué par les acteurs de la distri- bution qui se reconnaissent d’ailleurs une certaine responsabilité sociale vis- à-vis de leurs fournisseurs. La question du bien-être animal et de l’éthique de l’élevage est rattachée à ce volet social et constitue une priorité plus ou moins forte selon les acteurs.

Les acteurs des filières et de la sélec- tion animale utilisent pour leur part moins naturellement le concept de développement durable, même s’ils le connaissent bien. Ils le considèrent sou- vent comme une «idée à la mode», n’ayant pas un caractère opérationnel évident pour leur activité quotidienne.

Ils en donnent néanmoins, lorsque l’on associe les différentes réponses, une définition relativement précise et com- plète qui met en avant un volet environ- nemental avec la protection de l’envi- ronnement, le respect des milieux naturels, l’entretien des espaces diffici- les ; un volet social avec la mise en avant de l’identité des territoires ; un volet économique sur lequel ils insistent systématiquement, qui au-delà de la pérennité des entreprises, met en évi- dence l’association de l’économie et de l’écologie, les capacités d’adaptation à un contexte changeant et incertain, l’ar- ticulation d’activités économiques variées à l’échelle des territoires. Cette notion d’adaptation au changement est d’ailleurs soulignée par Cournut et al (2008) ou Gibon et Hermansen (2006).

D’une manière générale, les person- nes rencontrées au sein des filières ont

plutôt la conviction que le développe- ment économique de leur filière n’est pas incompatible, loin s’en faut, avec une logique de développement durable.

Les acteurs de la filière bovine allaitan- te mettent en avant des atouts dans le domaine de l’aménagement du territoire et du développement des systèmes extensifs. Ils ne considèrent pas avoir des efforts particuliers à faire, les systè- mes présents étant, aux yeux de nos interlocuteurs, «par nature» synonymes de développement durable. Notons que ceux des zones difficiles et de montagne mettent en avant le caractère «durable»

de leurs systèmes par rapport à d’autres, alors que ceux des systèmes de plaine insistent sur la contribution de l’ensem- ble de l’élevage allaitant au développe- ment durable. Tous, quels que soient les systèmes de production auxquels ils se réfèrent, mettent en avant la valorisation d’espaces en herbe, souvent difficiles, et le caractère peu intensif de la produc- tion, apprécié au travers du chargement à l’hectare.

Les acteurs des filières porcines et avicoles soulignent les efforts impor- tants conduits récemment dans le cadre du respect des réglementations sur l’en- vironnement et le bien-être animal. Ils insistent sur l’importance de leur filière en matière d’emploi rural et font porter les enjeux à venir sur le sanitaire, le bien-être animal et la pérennité écono- mique de la filière. Ils mettent parfois en avant l’efficacité de transformation par les porcs et les volailles des aliments végétaux en protéines animales, comme atout dans un monde de ressources rares et qui devra répondre au défi de nourrir une population mondiale en forte pro- gression dans les prochaines décennies.

3 / Pour les acteurs des filières de production, les enjeux pour les filières sont d’abord économiques

Globalement les acteurs des filières estiment essentiel de produire de manière compétitive des animaux qui correspondent à un marché, qui répondent à la demande des clients (consommateurs et distributeurs). Ils estiment généralement que pour être durable sur le moyen ou long terme il est essentiel d’assurer sa survie écono- mique à court terme. Ils soulignent éga- lement que les consommateurs et les distributeurs n’ont pas toujours les mêmes attentes et que les seconds ne connaissent pas toujours très bien les attentes des premiers à moyen terme.

Au-delà de cette approche générale, des spécificités fortes sont bien entendu mises en avant dans chaque filière, Figure 1.Le développement durable d’après Pervanchon (Trame).

Le plan est le symbole de l’échelle qui peut être l’exploitation, le territoire, la planète…

(5)

comme le montrent très schématique- ment la figure 2 et de manière plus détaillée les paragraphes ci-dessous.

3.1 / Les enjeux spécifiques à la filière bovine allaitante

Dans la filière bovine, le poids des carcassesest considéré comme l’un des facteurs essentiels, les distributeurs cherchant des animaux pas trop lourds avec des muscles de taille moyenne, notamment pour pouvoir constituer des portions individuelles correspondant aux attentes des consommateurs. La race Charolaise est souvent considérée comme produisant une proportion importante de carcasses trop lourdes par rapport aux besoins du marché. Les per- sonnes enquêtées ont néanmoins toutes souligné la contradiction qui existe entre cette demande exprimée par les acheteurs et les prix payés aux produc- teurs qui continuent à les inciter à pro- duire des carcasses lourdes. Une étude du département économie de l’Institut de l’Elevage (Institut de l’Elevage 2008), souligne également cette contra- diction et la difficulté que rencontrent les opérateurs des filières à obtenir une évolution qualitative des carcasses dans un contexte de manque relatif de vian- de. La conformation des animaux (abondance de muscles d’arrière) et l’absence de gras de couverture sont également jugés essentielles par les dif- férents acteurs pour les marchés euro- péens. Néanmoins tous ne partagent pas l’idée qu’il faut poursuivre une sélec- tion qui limite le gras de carcasse. En effet, pour certains, les principales races françaises sont déjà trop maigres par

rapport aux attentes des consomma- teurs. Les qualités organoleptiques sont enfin mises en avant, au premier rang desquelles la tendreté de la viande, puis son goût ou son «grain».

Notons que nos interlocuteurs plus spécialisés dans les questions interna- tionales soulignent les différences importantes entre les marchés. Si la ten- dreté semble le premier critère dans tous les pays, selon les parties du monde on met plutôt en avant : une viande maigre en Europe ; des viandes plus persillées en Asie et Amérique ; un gras de cou- verture important dans les zones tropi- cales. Les races françaises correspon- dent au marché européen ou peuvent être intéressantes en croisement pour les pays qui visent l’exportation vers les marchés européens. En revanche, elles ne sont pas adaptées aux autres mar- chés. Il n’apparaît à personne pertinent d’envisager une sélection fondée sur des objectifs à l’export qui ne consti- tuent qu’une part modeste du marché.

Enfin, si la plupart des acteurs des filières se retrouvent derrière l’idée de l’adaptation des produits aux marchés, certains parlent plutôt de construire des marchés adaptés à leurs produits, en particulier dans les zones de montagne et travaillant avec des races rustiques.

L’exportation de broutards ne semble pas toujours la meilleure façon de renta- biliser des productions sur des espaces difficiles avec des races rustiques. Les acteurs concernés prônent et essaient de mettre en œuvre des circuits courts valorisant des viandes produites et engraissées localement.

3.2 / Les enjeux spécifiques à la filière porcine

Les enjeux des prochaines années pour la filière porcine sont ceux d'au- jourd'hui, c'est-à-dire la prééminence du coût de revient du produit rendu dans les linéaires des grandes surfaces (vian- de fraîche) ou chez les charcutiers-salai- sonniers (pièces à transformer), dans le contexte d'un marché extrêmement concurrentiel, largement ouvert sur l'Union Européenne (UE) et de plus en plus sur le monde : un tiers de la pro- duction porcine française est consom- mée en dehors des frontières de l'hexa- gone, tandis qu’un quart de la consommation française vient des au- tres pays, et notamment des partenaires de l'UE. L’essentiel des échanges est constitué de pièces, de plus en plus éla- borées, c’est à dire prêtes à être trans- formées. Ces faits matérialisent l'inter- pénétration des marchés porcins au sein de l'UE et la très vive concurrence qui y règne. Les produits échangés correspon- dent à de la matière première et à des services inclus, dans lesquels le coût de la main-d’œuvre est un facteur impor- tant. La compétitivité de la filière porci- ne ne se joue pas seulement au niveau des coûts à la sortie des élevages. Elle se détermine maintenant à travers des prix rendus utilisateur (linéaires des Grandes et Moyennes Surfaces, entre- prises de charcuterie-salaison). Notons que quelques marchés de niches (labels, IGP, bio, races locales…) exis- tent, mais sans développement signifi- catif à ce jour. Le dispositif génétique est à l’image de ce fonctionnement éco- nomique, avec une génétique «stan- dard» qui est utilisée dans l’immense majorité des productions et quelques génotypes «rustiques» liés à des mar- chés de niche.

3.3 / Les attentes spécifiques des filières avicoles standard et label

La filière avicole est caractérisée par une forte segmentation de la production et du marché reposant sur des génotypes différents (souches à croissance rapide, lente ou intermédiaire) et correspondant à des organisations et à des enjeux de filières différents. Pour simplifier, nous envisagerons ses deux composantes principales en les qualifiant de «stan- dard» et de «label ou bio».

Les enjeux de la filière «standard»

sont dépendants d’un contexte de mon- dialisation de la production (acteurs industriels multinationaux, possibilité de délocalisation de la production), des échanges (fort développement du com- merce international, ouverture crois- sante du marché communautaire à des produits d’importation) et de la consommation. La filière «standard»

Figure 2.Les enjeux des filières d’élevage.

(6)

française est pénalisée par un déficit de compétitivité vis-à-vis de ses compéti- teurs des pays tiers, lié à des coûts d’in- trants plus élevés (matières premières pour l’alimentation animale, main- d’œuvre) et à des contraintes réglemen- taires spécifiques à l’UE. L’enjeu pour les acteurs est double : améliorer la compétitivité de la viande de volaille, viaune amélioration des rendements en viande, et s’adapter à un contexte réglementaire en forte évolution (bien- être animal, disparition de nombreuses molécules autorisées en santé animale) en recherchant une certaine rusticité.

Bien que reposant sur un très faible nombre d’acteurs privés, le marché mondial de la sélection avicole est très segmenté, en relation avec des niveaux de maturité du marché différents. Dans les pays en développement ou agri- culture d’autosubsistance, la production est orientée vers un poulet familial (produit à partir de races locales ou de souches colorées à croissance lente), puis se développe la production de pou- let «classique» plus facile à élever et avec de meilleurs rendements en vian- de ; dans les marchés parvenus à matu- rité, les souches s’alourdissent pour répondre à une demande de produits transformés ; enfin, sur des marchés très matures (comme les marchés fran- çais et anglais), on assiste à la recherche d’une nouvelle différenciation vers des modes d’élevage plus extensifs, même si la tendance est moins marquée qu’en œufs de consommation.

Les qualités nutritionnelle et diété- tique des aliments sont également des enjeux dont l’importance est croissan- te ; même si la viande de poulet dispose de nombreux atouts en ce domaine, certains acteurs de l’aval affirment rechercher des viandes à faible teneur en graisse, notamment pour les produits de charcuterie.

Les enjeux de la filière label rouge, qui utilise une génétique exclusivement française de poulets à croissance lente, sont essentiellement liés à l’évolution du marché national. Les principaux enjeux pour les opérateurs de la filière Label sont le maintien de la part de mar- ché des poulets label dans un contexte d’une part de développement de la consommation de produits très élaborés et de diminution de la consommation de poulets entiers, et d’autre part de la concurrence des produits certifiés ou biologiques d’autres pays européens. Or si les poulets sous Label Rouge consti- tuent plus de 50%des ventes de poulets entiers, leur part dépasse à peine 10%

dans les ventes de produits de découpe, et les produits élaborés utilisant des poulets Label Rouge sont quasiment inexistants. Ainsi, 80% des poulets Label Rouge sont vendus entiers. Deux

principaux freins au développement des découpes Label rouge ont été identifiés.

Le premier est un prix de revient et donc un prix de vente très élevé, ce qui est très pénalisant dans un contexte de fai- ble pouvoir d’achat des consommateurs.

Le second est lié à une différenciation moins perceptible que sur l’entier en termes de qualité organoleptique (notamment sur les filets), et au fait que de toute façon, le critère qualitatif est moins important en découpe que pour une volaille entière (produit pratique au quotidien vsproduit convivial voire fes- tif pour l’entier). Une réflexion est en cours, au sein des filières label et bio, sur la façon de faire évoluer la géné- tique Label et les modes d’élevage (ainsi que les contraintes de cahier des charges) afin de s’adapter aux nouveaux modes de consommation et de s’harmo- niser au plan européen. Soulignons que les évolutions au plan génétique et en termes de modes d’élevage (alimenta- tion, durée d’élevage) seront nécessaire- ment très étroitement liées.

3.4 / Des attentes «éleveurs» pri- ses en compte chez les acteurs des secteurs bovin et porcin

Dans les secteurs bovin et dans une moindre mesure porcin, les éleveurs jouent un rôle important dans la sélec- tion animale comme dans l’organisation des filières (Rémondet et alà paraître).

Ils expriment ainsi tout naturellement leurs propres attentes en matière d’ani- maux ou de sélection animale.

D’une manière générale les personnes enquêtées ont mis en avant que l’agran- dissement des exploitations et des trou- peaux ou groupes d’animaux conduit à de nouvelles organisations du travail et au besoin de pratiques simplifiées à l’échelle des troupeaux. De plus, le contexte de prix est peu favorable aux productions animales ce qui oblige les éleveurs à produire de manière écono- me.

Il s’agit donc d’abord de produire des animaux «faciles à vivre» : avec de bons caractères de reproduction (fertiles et avec de bonnes aptitudes maternelles), qui présentent une bonne résistance aux maladies, et avec une très bonne effica- cité alimentaire, pour que les animaux se finissent vite avec un minimum d’in- trants. Ce point est sujet à controverse en production bovine. Quelques-uns de nos interlocuteurs considèrent en effet que les races françaises, notamment la Charolaise ont déjà une efficacité ali- mentaire suffisante, et que cet aspect ne constitue plus une priorité de sélection.

D’autres estiment en revanche que l’ef- ficacité alimentaire est toujours essen- tielle, au sens de «capacité à consom- mer moins pour la même production»,

même si le «potentiel de croissance musculaire» est suffisant. Il y a parfois confusion dans les discours entre ces deux notions. Ainsi les notions de marge économique, de systèmes de production économe semblent des fac- teurs importants. Plutôt que de produire des animaux qui se vendent à des prix élevés (par animal ou au kilo), certains soulignent qu’il est préférable de pro- duire des animaux qui permettent de bons résultats économiques par la réduction des coûts de production.

Les enjeux en termes d’entretien et de valorisation d’espaces difficiles sont spontanément mis en avant par les acteurs des filières bovines des zones de montagne (Massif Central, Pyrénées), mais plutôt après les deux volets précédents. L’entretien des sur- faces en herbe et des estives apparaît comme une priorité et l’une des justifi- cations de l’élevage. L’élevage allai- tant en général et les races rustiques en particulier sont mis en avant comme particulièrement intéressants dans cette perspective.

4 / Les représentants d’as- sociations et de la distribu- tion expriment des attentes variées

4.1 / Les attentes par rapport à la viande : les qualités nutrition- nelles, organoleptiques et sani- taires

Les personnes que nous avons ren- contrées dans les associations de consommateurs et la grande distribu- tion expriment spécifiquement des attentes qualitatives sur le produit (qualités nutritionnelle, organoleptique et sanitaire). Pour beaucoup, la qualité nutritionnelle est prioritaire, en lien avec le problème de l’obésité. Selon les associations de consommateurs cependant, cette question semble davantage concerner les industries de transformation, qui fabriquent des pro- duits gras, sucrés, salés, souvent moins chers à produire et qui flattent le goût des consommateurs, mais sans que le produit agricole lui même n’ait une influence déterminante. La question de la qualité organoleptique, tendreté, jutosité est également un critère impor- tant et dont l’importance sera croissan- te. La qualité sanitaire constitue un troisième volet clé. Si quelques acteurs rappellent qu’elle est globalement bien assurée, ils soulignent également, qu’il persiste un enjeu important pour ces prochaines années autour des résidus de médicaments ou produits phytosani- taires. Le Crédoc (Hebel 2008) consta-

(7)

te la montée d’attentes diversifiées autour de l’alimentation. Les attentes de santé, de naturel et d’éthique sem- blent croissantes avec la montée d’un mode de consommation «engagée»

(Delpal et Hatchuel 2007).

4.2 / Les attentes par rapport à l’élevage : l’équilibre entre les différentes composantes de la qualité

Selon leur profil et l’organisme auquel ils appartiennent, les personnes que nous avons rencontrées n’expri- ment pas toutes des attentes vis-à-vis de l’élevage ou des systèmes d’éleva- ge. Et lorsqu’elles en expriment, elles ne mettent bien entendu pas toujours les mêmes aspects en avant.

Ainsi, quelques uns parmi nos inter- locuteurs, représentant la grande dis- tribution, la restauration hors foyer ou les consommateurs ne semblent pas vraiment se poser la question des modes d’élevage, des pratiques des éleveurs, ou considèrent qu’il n’est pas de leur responsabilité de s’intéres- ser ou de s’interroger sur la façon dont la viande est produite. La plupart, même parmi les organismes précités, manifestent cependant leur intérêt pour cette question, même si l’on ren- contre encore une fois des attitudes différentes, qui parfois d’ailleurs peu- vent être exprimées par un même interlocuteur :

- certains (5/18, associations de consommateurs, acteurs de la restaura- tion et parfois de la distribution) mettent en avant ce qu’ils considèrent comme notre «modèle de production euro- péen», avec des règles strictes en amont des filières qui permettent des produc- tions différenciées sur un plan qualita- tif sans remettre en question la sécurité sanitaire (fromages au lait cru, volailles non traitées chimiquement en fin de chaîne d’abattage). Au-delà, ils considèrent comme tout à fait normal, voire souhaitable, que différents modè- les coexistent et continuent à coexister (agriculture conventionnelle et alterna- tive, intensive et extensive…). Ils n’expriment pas d’échelle de valeur entre ces modes de production. Ils met- tent en avant la demande contradictoi- re de certains consommateurs qui attendent à la fois des prix bas et des systèmes de petite dimension, extensifs et naturels. Ils pensent souvent qu’un étiquetage informatif permettrait au consommateur de faire ses propres choix ;

- d’autres (6/18, au sein des mêmes réseaux) expriment des attentes plus précises qui globalement vont dans le sens d’un élevage qui ressemble à celui d’aujourd’hui, mais qui respecte le

mieux possible l’environnement et le bien-être des animaux, en maintenant des prix bas. Quelques uns utilisent le terme d’agriculture raisonnée ;

- d’autres encore (5/18), plutôt dans les associations citoyennes et chez cer- tains acteurs de la distribution, atten- dent des modifications plus profondes dans les façons de produire et militent pour le développement de systèmes moins productifs, moins agressifs pour le milieu naturel, valorisant davantage les ressources naturelles comme l’her- be pour les ruminants. Ils acceptent alors volontiers l’idée d’une réelle diminution de la production et de la consommation de viande, avec des prix plus élevés ;

- certains enfin (5/18, associations citoyennes et de consommateurs, sec- teur de la distribution) estiment, même si ce n’est pas ce qu’ils souhaitent, que l’on se dirige vers une agriculture, des systèmes d’élevage, et une demande des consommateurs qui seront de plus en plus duales, avec d’un côté une demande forte pour des produits basiques, produits de façon intensive, mais en respectant un certain nombre de règles sanitaires et environnemen- tales ; et de l’autre côté des produits qualitatifs avec des modes de produc- tion extensifs et respectueux de l’envi- ronnement et de l’animal.

De manière plus transversale, un cer- tain nombre de nos interlocuteurs (asso- ciations de consommateurs et secteur de la restauration) souhaitent que les pra- tiques des éleveurs soient connues, transparentes et davantage communi- quées auprès du grand public par la pro- fession.

L’hygiène, la sécurité sanitaire et la traçabilité apparaissent à tous comme des exigences anciennes, prises en compte depuis longtemps et demeurant des nécessités absolues. Malgré le bon niveau de la situation en France, le sani- taire apparaît toujours comme une réel- le préoccupation des consommateurs avec la question des zoonoses et des risques de transmission à l’Homme. La concentration d’élevage sur une même zone géographique peut être à la fois facteur de risque (accroissement de la pression microbienne), et facteur pro- tecteur (car il limite la proximité entre hommes et animaux). La question des résidus de médicaments et donc du niveau d’utilisation de médicaments dans les élevages constitue également une préoccupation forte.

L’environnement constitue égale- ment une priorité importante aux yeux de tous, et c’est clairement le point qui semble le plus étroitement connecté à la notion de développement durable.

Visiblement, tous pensent que depuis quelques années, les préoccupations des consommateurs évoluent : un nom- bre croissant de consommateurs sou- haite agir en faveur de la protection de l’environnement, sans remettre en cause son niveau de consommation.

C’est une demande qui selon nos inter- locuteurs est de même importance que la traçabilité il y a quelques années.

Cette thématique très large, se décline en différentes sous-thématiques :

- la concentration des élevages dans certaines régions (Bretagne) pose pro- blème à beaucoup (évoqué par 6 per- sonnes, associations environnemen- tales et de bien-être animal, dis- tribution) : «on n’est pas encore à un niveau acceptable par rapport aux rejets». Certains acteurs mettent certes en avant l’emploi créé par les filières, mais d’autres soulignent qu’il s’agit d’emplois peu qualifiés, et que cette problématique des rejets engendrant des problèmes environnementaux, est source de tensions sociales importantes entre acteurs des filières et environne- mentalistes ;

- la question de l’énergie et des bilans carbone constitue une préoccu- pation récente mais forte. Beaucoup d’entreprises du secteur de la restaura- tion et de la distribution ont réalisé ou réalisent des analyses de cycle de vie à différents niveaux et attendent des filières d’élevages qu’elles en condui- sent aussi et qu’elles argumentent sur leur impact environnemental. Les attaques conduites contre les filières bovines autour de la thématique des gaz à effet de serre posent problème à tous. C’est un sujet qui n’est bien maî- trisé ni sur le plan technique, ni sur celui de la communication. La question de l’étiquetage carbone pose un certain nombre de questions à nos interlocu- teurs, notamment celle des limites du système étudié. La mise en place d’un étiquetage risque de donner une image faussée (ou au moins contre-intuitive) des produits et des systèmes. Pour avoir un sens il devra prendre en comp- te un périmètre très large, allant de la déforestation de la forêt amazonienne à l’assiette du consommateur, en n’ou- bliant pas le transport du soja en camion au Brésil ou le stockage de car- bone dans les prairies. Dans l’état actuel des choses il suscite plus d’in- quiétudes que d’engouement (sauf pour les associations de consomma- teurs qui estiment que tout étiquetage informatif constitue un progrès) et apparaît même contre-productif à cer- taines associations environnementales et à certains acteurs de la distribution car ne permettant pas d’éclairer objec- tivement le consommateur afin de lui permettre d’effectuer un «choix citoyen» ;

(8)

- la thématique des OGM préoccupe et intéresse particulièrement la quasi- totalité de nos interlocuteurs (une quin- zaine). Plusieurs (dans le secteur de la distribution et de la restauration) ont développé des filières qui proscrivent l’alimentation utilisant des OGM (pour les porcins, les volailles, les poissons, le veau, le fromage…) et envisagent de communiquer dessus de façon positive à court terme. Ils évoquent quelques inquiétudes quant à la solidité de la filière d’approvisionnement en soja brésilien non OGM mais considèrent que leur demande peut justement contribuer à la pérenniser.

Contrairement à la sécurité sanitaire et à la protection de l’environnement qui apparaissent à tous comme des points prioritaires, la question du bien-être animal ne fait pas la même unanimité.

De l’ordre de 5 personnes dans le secteur des associations ou de la distribution en effet, n’évoquent pas cette question spontanément et estiment que les consommateurs français ne considèrent pas cette thématique comme une priorité, ou qu’il est difficile de rappeler au consommateur l’origine animale de la viande. Pour quelques autres (environ 5) dans le secteur de la distribution, la pré- occupation bien-être se fait surtout sentir en période de crise parce que le consom- mateur découvre à cette occasion la réali- té de l’élevage industriel à partir d’ima- ges véhiculées par les médias. Plus le consommateur s’éloigne de l’animal, moins il est sensible à ce thème, ce qui est favorisé par la consommation de pro- duits découpés et transformés.

Pour une petite majorité de nos inter- locuteurs cependant (une dizaine), le bien-être animal apparaît comme un cri- tère important en termes d’éthique de production. Certains acteurs de la distri- bution et de la réglementation dévelop- pent ainsi un dialogue avec des associa- tions de protection animale et mettent en place des cahiers des charges légère- ment plus exigeants que la réglementa- tion sur ce thème. Des associations citoyennes sont bien entendu spécifi- quement dédiées à cette thématique et donc concernées au premier chef. Les cas de maltraitance vis-à-vis des ani- maux, même s’ils sont rares, sont parti- culièrement pointés du doigt. Les asso- ciations sont également sensibles aux conditions de transport (qu’il leur sem- ble important de limiter dans le temps) et d’abattage : l’étourdissement ou l’anesthésie préalable à l’abattage sont jugés importants.

4.3 / L’avis sur quelques contro- verses

Les entretiens que nous avons conduits ont permis de recueillir l’avis

des personnes interrogées au sujet de trois controverses susceptibles de nour- rir les débats sur les questions d’«éleva- ge et société» et d’aider à orienter les choix de méthodes d’élevage ou d’ob- jectifs de sélection.

a) Poulet label, standard ou intermé- diaire ?

La première controverse se présente ainsi : «Pour la production de poulet, le poulet Label est produit avec des sou- ches à croissance lente (durée d’éleva- ge 2 fois plus longue que le poulet stan- dard) et élevé sur parcours extérieur. En revanche il coûte 2 fois plus cher, consomme plus d’énergie et produit plus de rejets car il transforme beau- coup moins efficacement les aliments qu’on lui donne et le traitement des déjections est plus difficile (rejet sur les parcours)». La quasi-totalité de nos interlocuteurs, et notamment ceux qui affichent des objectifs forts dans les domaines de l’environnement ou du bien-être animal, apprécient le niveau d’exigence du Label Rouge et de l’Agriculture biologique et notamment le choix de souches à croissance lente et l’élevage plein air. Ils estiment que ce mode de production est à l’origine d’un niveau de qualité «globale» élevée qui leur semble être importante à maintenir et à développer et qui est apprécié des consommateurs. Ils insistent sur cette notion de qualité «globale» qui associe des aspects organoleptiques, environne- mentaux et de bien-être animal et dont justement le Label Rouge poulet fer- mier et le Bio sont à leurs yeux emblé- matiques. Ils estiment que l’on doit prendre en compte l’ensemble des aspects du développement durable et ne pas focaliser sur l’impact carbone. Ils estiment enfin que la France, et même l’Europe, ne peuvent être compétitives au niveau mondial que sur les produc- tions de qualité. Bref, ils ne s’intéres- sent pas aux détails techniques de la controverse mais «soutiennent» les filières de qualité.

Quelques personnes (6/18, plutôt dans le secteur de la restauration et de la transformation) sont sensibles aux atouts économiques et écologiques de systèmes intermédiaires et les voient se développer, soit pour la production bio- logique, soit plutôt en alternative aux systèmes intensifs.

b) Castrer les porcelets ?

La seconde controverse se présente de la manière suivante : «La castration des porcelets est une pratique générale, cela crée bien sûr une douleur chez l’animal, mais sinon la viande prend un goût très désagréable». Une grande majorité de nos interlocuteurs a cons-

cience de ce problème ou le comprend aisément. L’interdiction de la castration sans mise en place d’alternatives ne leur semble pas possible pour des raisons économiques. Beaucoup ont en tête la filière porcine anglaise qui a été forte- ment fragilisée par une réglementation plus exigeante que celle des autres pays européens sur les aspects du bien-être animal. En revanche, la recherche de solutions techniques intéresse de nom- breux acteurs. Il semble qu’il n’y ait pas de consensus entre acteurs de la filière.

La vaccination (immuno-castration) comporte deux types de risque : un risque éleveur (s’il s’injecte le produit par erreur) et un risque sociétal, bien perçu par les salaisonniers, d’une image de «porc aux hormones». La solution idéale serait un abattage plus précoce des mâles entiers, mais cela peut poser des problèmes quant à la qualité gustati- ve des produits, notamment en charcu- terie, et de productivité des filières. La possibilité de sélectionner des animaux ayant une maturité sexuelle retardée semble intéressante, même si cela implique un allongement des cycles biologiques des animaux en production.

Certaines enseignes (dans d’autres pays européens) ont banni la commercialisa- tion de viande d’animaux castrés et n’utilisent que des femelles (en laissant d’autres distributeurs, ou pays consom- mer les mâles castrés), mais cette straté- gie n’est économiquement pas générali- sable.

c) Les herbivores : source de gaz à effet de serre ou protecteurs de l’envi- ronnement ?

La troisième controverse est la suivante : «Les herbivores (bovins, ovins) sont parmi les animaux d’éleva- ge qui consomment le plus de calories pour produire de la viande, ils produi- sent par la rumination des gaz à effet de serre en quantité non négligeable…

mais ils créent et entretiennent des paysages ouverts et valorisent des prairies qui ne peuvent pas servir à d’autres animaux et sont elles-mêmes des puits de carbone».

Les personnes que nous avons ren- contrées connaissent bien cette problé- matique. Ils savent que l’image des productions herbivores a été mise à mal par la question des gaz à effet de serre. Face à cette question nous avons recueilli plusieurs types de réactions.

Une dizaine de personnes, plutôt dans le secteur de la restauration et de la distribution, estime que le problème est avant tout un problème de commu- nication et que la filière doit construi- re des arguments et les faire connaître pour montrer les impacts positifs de l'élevage des ruminants sur l’environ- nement. Une dizaine de personnes (en

(9)

partie les mêmes mais aussi les asso- ciations), pensent que certes les rumi- nants sont de piètres transformateurs d’énergie et rejettent du méthane, mais que les atouts écologiques de ces pro- ductions contrebalancent ces impacts négatifs et que le bilan n’est donc pas défavorable à la production d’herbivo- res. Certains encore (5 personnes), plutôt parmi les personnes sensibles aux questions d’environnement dans les associations ou la distribution considèrent que la justification sociale et environnementale des herbivores n’a de sens que si justement ils sont des herbivores et que donc on dévelop- pe des systèmes herbagers, centrés sur des surfaces plutôt en prairie perma- nente. Cela voudrait dire accepter une baisse de la production et revoir les systèmes de production pour qu’ils soient plus polyvalents (lait et viande ou naissage et engraissement) et adap- tés à la diversité des milieux. A ces conditions, la justification environne- mentale de l’élevage herbivore serait excellente. Dans leur totalité, nos interlocuteurs ne pensent pas que l’es- sentiel de la solution viendra de la sélection d’animaux rejetant moins de méthane ou transformant mieux les céréales, ou de l’artificialisation des systèmes d’élevages pour récupérer et recycler l’ensemble des gaz et déjections produits. Sur ce terrain, les ruminants n’égaleront pas les volailles et n’ont pas de raison de s’engager dans la même voie. En revanche, la sélection ou l’utili- sation d’animaux capables de bien valoriser les fourrages et de produire à partir de milieux difficiles semble importante.

5 / La vision de la sélection animale et des méthodes de sélection chez les différents types d’acteurs

5.1 / Quels objectifs de sélec- tion ?

Globalement, nos interlocuteurs des filières considèrent que si la génétique n’est pas, bien entendu, le seul élément de réponse aux enjeux du moment, elle a néanmoins un rôle important à jouer. Ils attendent qu’elle accompagne, et même qu’elle anticipe les évolutions en cours en produisant des animaux qui répondent aux besoins exprimés et en préservant une diversité qui permette de s’adapter aux changements du contexte. Un raison- nement en termes d’objectifs de sélection leur est relativement familier.

Les acteurs du secteur associatif en revanche ne raisonnent pas de la même façon. Ils expriment des attentes vis-à-vis des transformateurs, des éleveurs, des éle- vages, voire des animaux eux-mêmes.

Ces attentes peuvent être traduites en objectifs de sélection mais ce concept leur est peu familier. Ils considèrent que ce tra- vail de traduction est plutôt à conduire par les filières et les concerne peu.

La figure 3 résume d’une manière très simplifiée les principales attentes expri- mées en les positionnant en fonction de l’importance de l’attente pour les acteurs des filières ou des associations.

Cette figure doit bien entendu être prise avec beaucoup de précautions, les moyens de hiérarchisation des attentes

par les acteurs que nous avons rencon- trés ayant été très sommaires.

a) Des objectifs de sélection qui tra- duisent les enjeux économiques des filières

Les éléments permettant de limiter les coûts de production sont mis en avant en priorité par les filières. Les acteurs des associations citoyennes et de consommateurs pour leur part compren- nent bien que ces critères sont impor- tants pour les éleveurs et les filières, et nécessaires pour assurer des coûts de production acceptables, mais, bien natu- rellement, ce n’est pas leur première priorité.

Les facteurs de reproduction (fertilité, productivité numérique, qualités mater- nelles, ponte, éclosion…) sont forte- ment mis en avant dans toutes les filiè- res. Les animaux doivent garder ou développer de très bonnes performances dans le domaine de la reproduction.

Les qualités de croissance (vitesse de croissance, capacité à valoriser des ali- ments peu coûteux), et les qualités bou- chères (organoleptiques et de trans- formation) sont ensuite fortement atten- dues.

Des différences entre filières sont liées aux modes de fonctionnement de chacune et aux systèmes d’élevage en présence :

- les acteurs de la filière bovin viande sont à la recherche d’une «vache idéale»

qui allie de bonnes performances de reproduction, des produits qui cor- respondent aux attentes du marché (pas trop lourds, mais bien conformés) et une capacité à valoriser les espaces diffici- les ;

- dans la filière porcine, les objectifs de sélection mis en avant combinent, via des lignées spécialisées, les perfor- mances de croissance et l’efficacité ali- mentaire, les qualités maternelles des animaux et les aptitudes bouchères des produits ;

- dans la filière avicole les objectifs prioritaires varient selon le maillon de la filière (besoins spécifiques des accou- veurs sur les capacités de reproduction) et du segment de marché (croissance, conformation et amélioration des rende- ments en viande en poulet standard, gestion de l’équilibre entre la durée de l’élevage et le poids des animaux en label, et plus récemment conformation et rendement découpe). L’intérêt immé- diat de l’accouveur apparaît cependant de moins en moins prioritaire, les recherches actuelles portant sur la crois- sance, les rendements à l’abattage ou à la découpe, critères antagonistes des cri- tères de reproduction, ce qui explique Figure 3.Les principales attentes en matière de sélection animale.

(10)

qu’ils soient sélectionnés dans des lignées différentes.

b) Tous les acteurs se retrouvent der- rière des objectifs environnementaux et sociaux

Qu’ils viennent des filières ou du sec- teur associatif, les différents acteurs que nous avons rencontrés se retrouvent derrière un certain nombre d’objectifs environnementaux et sociaux. Ils les considèrent comme souhaitables et inté- ressants, même si la quasi-totalité des personnes enquêtées n’attend pas de la génétique seule la solution à toutes les questions qui sont aujourd’hui posées à l’élevage.

La résistance aux maladies, ou plus généralement la capacité des animaux à ne pas tomber malade, ou résilience, fait l’unanimité. C’est un objectif évident en matière de bien-être animal, il permet également de limiter la consommation de médicaments et donc les risques de résidus dans les produits ou le milieu, et est source d’économie pour les éle- veurs.

Des éléments comme l’efficacité ali- mentaire constituent des objectifs à la fois économiques et environnementaux qui font plutôt consensus. Mais cer- tains acteurs estiment que les marges de progrès sont plus dans l’optimisa- tion de la gestion des effluents et de l’alimentation des animaux que dans le progrès génétique. L’utilisation d’espa- ces difficiles par les animaux semble un objectif intéressant, qui concerne presque exclusivement les bovins. Il semble important à la plupart des per- sonnes interrogées que ceux-ci puis- sent se nourrir, produire de la viande et du lait sur des espaces à forte valeur paysagère et environnementale qui ne peuvent pas être utilisés à une autre fin et dont l’accès est à un coût réduit pour les éleveurs.

Les qualités nutritionnelles (taux de matière grasse, équilibre en acides gras…) sont également des objectifs possibles, même si de nombreux acteurs du secteur associatif et des filières pré- cisent que les déséquilibres nutrition- nels doivent plutôt être pris en charge au niveau des transformateurs, de la distri- bution ou des pratiques des consomma- teurs eux-mêmes.

Des objectifs que l’on peut rattacher à la problématique du bien-être animal peuvent être également recherchés, comme la docilité des animaux, leur sensibilité réduite au stress, leur non agressivité, le bon état des pattes, l’adaptation à l’élevage en groupe ou à l’extérieur, le fait de pouvoir se passer de castration ou d’écornage, etc. Mais

l’ensemble des acteurs encore une fois pense que les progrès en matière de bien-être animal sont d’abord à recher- cher dans les pratiques, les équipe- ments, la formation des acteurs.

c) La diversité génétique : un point de vigilance pour tous

La question du maintien d’une biodi- versité ou d’une diversité génétique importante, ou du renforcement de la biodiversité, est jugée essentielle par la quasi-totalité des acteurs et ce pour plu- sieurs types de raisons.

En élevage bovin, dont on a vu plus haut que l’une des justifications sociales tient à sa capacité à valoriser des espa- ces difficiles, les acteurs des secteurs de la distribution et des associations sou- haitent l’utilisation de races animales adaptées à leur milieu, à leur territoire, voire à leur terroir. Ils expriment leur attachement pour la diversité des races françaises. Compte tenu du caractère incertain du contexte dans lequel ils tra- vaillent, mais aussi parce qu’ils consi- dèrent que cela fait partie de leur métier, tous les acteurs des filières soulignent la nécessité de maintenir un bon niveau de diversité génétique. Aux yeux des per- sonnes rencontrées, la diversité doit d’abord être préservée en soutenant le maintien de nombreuses races avec une sélection organisée, et en préservant les races à petits effectifs qui ne peuvent pas organiser de sélection. Ils se décla- rent globalement fiers du système géné- tique français qui permet de sélection- ner une vingtaine de races bovines avec des programmes efficaces. Cette diver- sité de races permet une adaptation à des terroirs ou des attentes filières diffé- rentes, et aussi à des choix d’éleveurs et à des cultures locales spécifiques.

Néanmoins, plusieurs personnes souli- gnent que les choix de sélection vont parfois tous dans les mêmes directions avec des animaux de plus grand gabarit, avec de fortes capacités de croissance et une viande maigre. Ils précisent alors que l’on est peut-être allé trop loin dans cette direction et que les races perdent un peu de leurs spécificités les unes vis- à-vis des autres. Nos interlocuteurs sou- lignent aussi l’importance de maintenir autant que possible une variabilité géné- tique à l’intérieur des races. Cette varia- bilité intra-race peut permettre de répondre aux objectifs spécifiques de certains éleveurs ou de certains seg- ments de marché (production de bœufs à l’herbe…) ; de pouvoir s’adapter en cas de changement de contexte en allant puiser dans la variabilité existante ; de répondre à certaines demandes, par exemple à l’exportation, où les animaux

«cœur de cible» de notre sélection nationale ne sont pas forcément les mieux à même de répondre au marché.

En élevage de volaille ou de porc cette question est abordée par un plus petit nombre d’acteurs. L’utilisation de races ou de souches anciennes intéresse quelques acteurs, soit pour des niches bien identifiées, soit pour la production biologique. Mais la disponibilité d’ani- maux dans ces races est faible et ils ont des performances et des caractéristiques vraiment très différentes de ce qui est attendu par les éleveurs, leurs filières et le marché. D’autre part, certaines asso- ciations se sont inquiétées du très faible nombre d’intervenants dans la sélection en volaille et du risque de quasi mono- pole et peut-être de perte de diversité génétique qu’il induit. Aujourd’hui, l’exigence de rentabilité et la forte concurrence régnant dans le secteur, conduisent chaque entreprise de sélec- tion à minimiser la taille du «gène pool» et à maximiser sa part de marché ; chacun des sélectionneurs détient aujourd’hui quelques dizaines de lignées fermées (plus de lignées en sélection label qu’en sélection stan- dard). Une lignée fermée est un petit noyau de quelques centaines à quelques milliers d’animaux. L’augmentation de la consanguinité est susceptible de pénaliser davantage les performances de reproduction, et également la résis- tance aux maladies, notamment dans les souches standards. Le risque de perte de diversité génétique n’apparaît pas majeur aux yeux des opérateurs rencon- trés, qui soulignent cependant l’intérêt et l’importance de leur mise en œuvre d’une politique de conservation des races locales, par ailleurs très onéreuse.

5.2 / Quelles méthodes de sélec- tion : un relatif consensus entre acteurs

Notons tout d’abord que le principe d’une sélection animale n’a choqué aucun de nos interlocuteurs, y compris dans le secteur associatif. Ils savent tous qu’elle existe et l’acceptent. Quelques- uns s’interrogent cependant sur ce que pourraient en penser certains consom- mateurs, sans que cela soit néanmoins une préoccupation importante. S’ils considèrent que la sélection animale a permis des progrès techniques très importants et que la recherche doit pou- voir tester des méthodes variées à des fins scientifiques, ils tiennent en revan- che tous à ce que les méthodes de sélec- tion utilisées pour la production alimen- taire et l’élevage restent «naturelles», sachant que nous n’avons pas recueilli de définition précise de ce concept de naturalité !

L’idée d’animaux génétiquement modifiés à l’instar de ce qui existe pour les végétaux est fortement rejetée par les représentants d’associations ou de la distribution, et ne suscite pas d’intérêt

(11)

ou d’engouement particulier dans les filières. Si le principe de leur utilisation à des fins de recherche semble accepta- ble au plus grand nombre, la méfiance est grande vis-à-vis de cette technique.

Certains, qui ne sont pas réticents de manière définitive demandent à ce que l’on démontre l’absence de risque des OGM à court, moyen et long terme pour la santé et pour l’environnement avant de les utiliser. D’autres se déclarent opposés au principe.

Le clonage, qui est souvent accepté à des fins expérimentales, suscite en revanche de très fortes réticences chez tous nos interlocuteurs quant à son utili- sation en production. Si quelques rares acteurs des filières soulignent que cette technique permettrait la production de lots homogènes, les réticences sont nombreuses par principe éthique : cela ne présente pas d’intérêt pour le consommateur ; la mortalité ou la sen- sibilité aux maladies des animaux clo- nés serait très importante ; enfin le développement de la technique induirait un risque de perte de diversité géné- tique. Les éleveurs et acteurs de la sélection animale du secteur bovin ont en outre expliqué le plaisir et l’intérêt qu’ils portaient au fait de sélectionner les meilleurs animaux pour la reproduc- tion, de raisonner leurs accouplements et de constituer des lots d’animaux homogènes par tri phénotypique. Ils craignent que le clonage ne fasse dispa- raître ces pans de leur métier et de ce fait une part essentielle de son intérêt.

Ils ne se voient pas en multiplicateurs d’animaux identiques.

La génomique, ou le sexage de semences ou d’embryons, ne semble pas poser de problème éthique impor- tant, ni dans le secteur associatif ni dans la filière, si les techniques et leur finali- té sont bien expliquées. La génomique peut permettre d’obtenir plus rapide- ment des animaux en phase avec les

besoins. Beaucoup pensent qu’il n’y a pas de raison de s’en priver. Quelques- uns, notamment autour de la production biologique sont en revanche réticents à l’idée d’une accélération du processus de sélection animale.

Plus globalement, les acteurs du sec- teur associatif insistent sur le fait qu’il faut respecter une éthique dans la sélection animale, et notamment qu’elle doit respecter l’animal dans ses méthodes et ses finalités. Il semble notamment important d’éviter les actes douloureux pour l’animal, de respecter son intégrité physique et ses cycles naturels. Il faut également, et les asso- ciations du secteur du bien-être animal insistent sur ce point, éviter de produi- re des animaux qui «ne soient plus des animaux», c’est-à-dire qui s’éloignent des standards naturels comme des pou- lets sans plumes, mais aussi des vaches qui ne peuvent plus vêler par elles- mêmes ! Enfin, quelques-uns jugent important qu’un éleveur puisse partici- per à la sélection de ses animaux dans sa ferme en fonction de ses besoins et du territoire qu’il utilise. Le petit nombre de sélectionneurs avicoles est ainsi une source d’inquiétude à leurs yeux en ce qu’il contribue à la confis- cation du vivant par quelques grands groupes.

Eléments de discussion et de conclusion : différentes visions de l’avenir de l’éle- vage et donc des besoins de sélection qui gagneraient à être davantage formalisés

Bien entendu, selon leur profil, selon l’organisme au nom duquel ils s’expri- ment, nos interlocuteurs n’ont pas tous porté les mêmes points de vue. Ils ne hiérarchisent pas les priorités de la

même façon et vont plus ou moins loin dans leurs attentes sur chaque théma- tique. Un certain nombre de points forts ressortent néanmoins des analy- ses.

La promotion d’un modèle européen de production (avec des standards éle- vés en matière de sécurité sanitaire et de protection de l’environnement) consti- tue le «paradigme écologiquement intensif» promu par une majorité des personnes rencontrées. Elles visent plu- tôt un encadrement des systèmes domi- nants existants.

Certains vont plus loin en recher- chant des systèmes de haute qualité, ancrés dans leurs terroirs, et globale- ment extensifs dans leurs moyens de production. Ils développent un para- digme «alternatif et extensif». La pos- sibilité d’une agriculture duale avec des systèmes intensifs encadrés et des systèmes alternatifs et de terroir sem- ble probable à beaucoup. Mais person- ne ne pense que l’Europe et encore moins la France ne doivent jouer la carte de la production bas de gamme, à moindre coût et avec le minimum de contraintes, en visant les marchés mon- diaux.

La figure 4 résume ces deux grandes visions de l’élevage demain.

Les aspects économiques sont bien entendu un volet que personne ne négli- ge. Les animaux doivent être suffisam- ment productifs et faciles à élever pour répondre aux attentes des éleveurs et à l’équilibre économique des filières, dans toutes les filières et toutes les démarches. Mais l’obtention du moin- dre prix n’est pas une priorité pour tous et nombreux sont ceux qui privilégie- raient volontiers la qualité des produits et l’équilibre environnemental des systè- mes plutôt que les volumes de production ou de consommation, d’autant que ces acteurs anticipent généralement une diminution de la consommation de viande.

Les aspects de sécurité sanitaire des aliments, et notamment pour ce qui concerne la sélection animale la possi- bilité d’avoir des animaux peu malades, ayant peu besoin de médicaments inté- ressent tous les acteurs rencontrés.

Les aspects nutritionnels et organo- leptiques paraissent également impor- tants, mais les attentes concernent le secteur des industries agro-alimentaires avant celui de la sélection animale.

Cette dernière a néanmoins son rôle à jouer sur les qualités technologiques et la tendreté des morceaux, mais ces aspects ne sont pas reconnus dans le paiement des animaux.

Figure 4.Deux grandes visions de l’avenir de l’élevage et des besoins de sélection.

Références

Documents relatifs

Quel contexte pour le secteur agricole et alimentaire3. Quel contexte pour le secteur des

Dans les filières porcine et avicole, où la diffusion des reproducteurs est largement mondialisée, la concurrence entre opérateurs induit une course au progrès génétique impliquant

L'hétérogénéité des notations est constatée aussi pour les besoins concernant le diagnostic, le traitement / gestion, et la prévention des troubles de santé, probablement

Si l’intérêt est évident dans le contexte des bovins laitiers, il peut également être réel dans les schémas de sélection avicole pour les poules pondeu- ses en permettant

- un volet d’enquête auprès des acteurs des organismes de sélection, des filières, de la distribution, et des asso- ciations de consommateurs ou de citoyens, pour comprendre

Il repose sur l’utilisation d’agents et de produits faisant appel à des mécanismes naturels dans le cadre de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures, tels que

Dans les filières porcine et avicole, où la diffusion des reproducteurs est largement mondialisée, la concurrence entre opérateurs induit une course au progrès génétique impliquant

Si l’intérêt est évident dans le contexte des bovins laitiers, il peut également être réel dans les schémas de sélection avicole pour les poules pondeu- ses en permettant