• Aucun résultat trouvé

Piloter la réforme de la recherche publique

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Piloter la réforme de la recherche publique"

Copied!
45
0
0

Texte intégral

(1)

HAL Id: halshs-00140120

https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00140120

Submitted on 14 Apr 2007

HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.

Jean-Claude Thoenig, Catherine Paradeise

To cite this version:

Jean-Claude Thoenig, Catherine Paradeise. Piloter la réforme de la recherche publique. Futuribles,

Association Futuribles, 2005, 306, pp.21-40. �halshs-00140120�

(2)

Le présent texte a été publié dans une version plus courte : voir Paradeise Catherine et Jean- Claude Thoenig, « Piloter la réforme de la recherche », Futuribles, 306, mars 2005 : 21-40.

PILOTER LA RÉFORME DE LA RECHERCHE PUBLIQUE

Catherine PARADEISE et Jean-Claude THOENIG

Catherine Paradeise est professeure à l’université de Marne la Vallée et membre du LATTS (Ecole nationale des Ponts et Chaussées, CNRS et université de Marne la Vallée). Elle a présidé la commission « recherche » du Conseil consultatif régional sur la recherche, l’enseignement supérieur, la technologie et l’innovation de la région Ile de France. Elle a été directrice adjointe des SHS au CNRS et directrice adjointe de l’ENS de Cachan. Adresse : Catherine.Paradeise@univ-mlv.fr

Jean-Claude Thoenig est directeur de recherche (émérite) au CNRS, Dauphine Recherche en Management, université Paris Dauphine. Il a présidé le Conseil scientifique de l’évaluation.

Adresse : jean-claude.thoenig@dauphine.fr

(3)

1. Penser une réforme : une affaire de mode de raisonnement

2. Identifier l’espace d’action pertinent : du silo à l’interdépendance 3. Le noeud du problème ; une méthodologie pour l’action

4. Gradualisme et offre de propositions de réformes

5. Dispositifs intermédiaires et dynamiques d’apprentissage organisationnel

Annexe : Tableau comparatif de quatre propositions

4 10 20 25 33

41

(4)

Le contraste est saisissant, s’agissant de la recherche scientifique. D’un côté, son statut est sacralisé et les sociétés attendent d’elle tout ou presque. D’un autre côté, son administration reste une activité peu considérée et ne devient un objet d’attention sinon de débat que dans des circonstances exceptionnelles. Les décideurs publics hésitent à traiter de son orientation tant stratégique qu’opérationnelle. Les chercheurs restent convaincus qu’eux et eux seulement savent gérer leur propre monde.

La France traverse une période unique à plusieurs égards. Les dispositifs publics de production et de diffusion de la connaissance sont érigés en problèmes. Plus que jamais indispensables à la croissance économique, ils ne seraient plus performants d’un point de vue organisationnel, et ne seraient plus crédibles pour les chercheurs. D’autres pays de l’Union Européenne, mais aussi des pays comme le Japon, ont réorganisé en profondeur leurs propres dispositifs au cours des dix dernières années. Comment en va-t-il pour la France ?

La question de l’administration devient cruciale en période de crise. Plus précisément, la question du management du changement ou des périodes de transition permettant de glisser d’un mode de fonctionnement jugé dépassé à un autre mode jugé plus performant. Ce texte offre quelques éclairages ou conseils des sciences sociales pour le pilotage d’actions de réforme. Il fait appel plus particulièrement à la théorie sociologique des organisations pour aborder trois facettes ou facteurs clés de l’action : le choix d’un mode de raisonnement apte à soutenir une mutation en profondeur, la formulation d’un diagnostic adéquat de la situation existante et des marges de manœuvre disponibles pour l’action, la préconisation de mesures qui induisent rapidement des avancées irréversibles mais sans chocs frontaux.

La méthodologie ainsi énoncée sera appliquée au dispositif français

d’enseignement supérieur et de recherche, en passant au crible les principales

propositions faites dans le débat et en proposant une stratégie d’apprentissage

organisationnel de type gradualiste.

(5)

1. Penser une réforme : une affaire de mode de raisonnement

La réforme du dispositif français d’enseignement supérieur et de recherche (DFESR) est de plus en plus fréquemment définie comme un problème de nature largement organisationnelle.

A des degrés divers, au cours du mouvement social qui a mobilisé en France le monde de la recherche au début de 2004, une nouveauté remarquable s’est manifestée. Une autre façon de raisonner sur les problèmes et sur leurs solutions, qui jusque-là restait cantonnée dans le registre de l’informel et se transmettait en quelque sorte sous le manteau, a osé s’afficher, s’est publicisée, a même fait parler d’elle dans les media 1 .

Par contraste, les deux modes de raisonnement pour l’action qui dominaient la parole publique de la réforme dans le passé, sont aujourd’hui l’objet de doutes grandissants au motif d’un manque d’efficacité amplement démontré par l’expérience. Ils ont régi la scène de l’action depuis la fin des années 1950, mais apparaissent aujourd’hui de plus en plus comme des langues de bois, des discours creux.

1.1. Le premier mode de raisonnement privilégie une approche budgétaire des problèmes.

L’accroissement des ressources et des moyens est posé comme le vecteur nécessaire et suffisant d’une dynamique plus vertueuse. Plus de crédits, plus d’effectifs, plus de programmes garantiront des performances plus compétitives de la France dans la concurrence internationale et des apports de connaissance mieux ajustés à la demande sociale et économique. Les défaillances des outputs sortant d’un système se guérissent d’abord par un accroissement des inputs qui lui sont alloués.

Ce raisonnement est largement partagé. Les syndicats plaident pour un accroissement du nombre de chercheurs. Les pouvoirs publics espèrent éteindre un mouvement social en débloquant des crédits pour (re)créer les 550 postes statutaires qu’ils viennent de supprimer, comme cela a été le cas en avril 2004.

On notera combien les revendications corporatistes du milieu de la recherche et les préconisations macro-économiques inspirées par les travaux de Robert Solow (Solow 1957) partagent le même excès de confiance sinon un même aveuglement à l’égard de la capacité de la boîte noire (du throughput) que forme le tissu administratif et institutionnel chargé de dépenser ces moyens et d’en

1

Comme le montrent les exemples de la proposition avancée par quatre professeurs au Collège de France

(Jacob, Lehn, Lions et Kourilsky 2004), du rapport rédigé pour le Conseil d’analyse économique (Aghion et

Cohen 2004), et des nombreux textes publiés dans la presse depuis avril 2004.

(6)

piloter l’affectation concrète. Le dispositif gaullien supprimé en 1981-1982 et qui rassemblait une Délégation Générale à la Recherche Scientifique et Technique, un Comité des Sages et un Conseil Interministériel spécifique présidé par le Premier ministre, suscite même un retour de nostalgie. Outre l’affichage qu’il symboliserait de la priorité de la recherche pour le gouvernement, il renvoie à l’idée, plus ou moins mythique, que le pourcentage de produit national brut alloué aux organismes publics et aux entreprises fait la différence à lui seul. La faute des dérapages actuels tiendrait à l’avarice des politiques budgétaires et à la myopie des ministres. En revanche ce qui se passe dans la boîte noire est l’affaire des organismes de recherche. En d’autres termes, ce mode de raisonnement privilégie l’énoncé de programmes pluriannuels et l’allocation des grandes masses, s’appuyant sur la Providence ou sur la débrouille des exécutants pour assurer la mission triviale qui consiste à gérer les ressources.

1.2. Le second raisonnement privilégie une approche institutionnaliste.

Le remède aux maux de la recherche se trouverait en dernier ressort dans la transformation des structures formelles et des procédures qui régissent le système de recherche et les organismes qui en ont la responsabilité. Parce que le problème est la boîte noire, c’est donc elle qu’il s’agit de transformer de manière frontale. La question considérée dès lors comme essentielle est celle des nouvelles structures et procédures à substituer aux dispositifs actuels. Trois traits caractérisent ce mode de raisonnement pour agir :

• L’entreprise de changement se concentre sur l’énonciation puis la mise en place d’une sorte de modèle idéal ou de jardin à la française, englobant de manière identique toutes les situations concrètes.

• Il est désirable et, surtout, possible pour l’action de tout mettre à plat d’emblée, d’énoncer dès le départ tout le détail des mesures, et de programmer le chemin balistique ou linéaire vers cette cible. Le pilote du changement est présumé connaître toutes les lois de causalité et anticiper tous les obstacles qui surgiront sur sa route.

• Enfin, il est admis que l’entreprise de changement suppose l’intervention d’un centre musclé et rationnel, agissant à travers un mélange de persuasion et d’autorité, et ne s’écartant pas de la route initialement tracée quelles que soient les résistances au changement qui pourraient apparaître par ailleurs.

Ce raisonnement rassemble aussi bien les tenants d’une approche

fonctionnarisée ou hiérarchique (dont la réforme de 1982 dite Chevènement est

une illustration) que les hérauts d’une ligne néo-libérale (dont une

(7)

représentation mythique de la réalité américaine serait la référence). Il inspire peut-être aussi la réforme lancée en 2004 au CNRS.

Le raisonnement institutionnaliste se nourrit de thérapies dont les vertus sont plus souvent affirmées que vérifiées. Il privilégie l’imitation des bonnes pratiques. Ce qui marche ici (par exemple dans un organisme spécialisé et de petite taille comme l’INRIA) doit nécessairement marcher ailleurs (dans un établissement polyvalent et de très grande taille comme le CNRS). Il occulte la double question de la valeur des diagnostics et de la faisabilité empirique du changement. Il propose une vision du monde optimiste et simpliste. En particulier, il n’envisage pas que des détournements des procédures par les pratiques informelles puissent poser problème, même aux procédures les plus rationnelles. Par exemple, on voudra combler le déficit de connaissance dans un domaine spécifique, et le manque d’attention des organismes existants, en insérant un nouvel établissement public dédié dans le paysage. Ajouter un silo spécialisé et rigide de plus est considéré comme une solution. Ou bien, en réponse à l’insuffisante productivité d’une partie des chercheurs du CNRS, on propose de supprimer le statut qui leur garantit un emploi à vie et n’est donc pas incitatif. D’autres feront à l’inverse du statut de la fonction publique un outil au service de la mobilité, puisqu’il est présumé faciliter la mobilité 2 au sein de la fonction publique 3 . En résumé, le mode de raisonnement institutionnaliste postule que le succès d’une réforme découle d’abord sinon essentiellement de la qualité des procédures et des structures formelles, et non pas de leur appropriation sur le terrain et des effets de système qu’elle engendre.

1.3. Le raisonnement organisationnel peut à première vue apparaître plus modeste sinon pessimiste.

Il se nourrit des désenchantements de l’expérience : des réformes qui ne changent presque rien en profondeur, des annonces qui jettent des groupes dans la rue, de l’argent supplémentaire qui ne modifie pas le fond, des politiques qui reculent devant l’obstacle. Ce raisonnement est pourtant plus réaliste.

L’approche du changement qu’il propose met l’accent sur la modification des comportements quotidiens des membres d’un système d’action, par exemple de leur productivité, de leur mobilité ou de leur aptitude à jouer collectif. Cette approche voit en effet dans ces comportements la cause des dysfonctionnements attribués au système. Au final, le test de validité d’une réforme est bien le constat de la modification du type de fonctionnement réel du système visé.

2

En oubliant les innombrables obstacles inventés par les divers corps pour protéger leurs prés carrés…

3

Cette idée peut paraître saugrenue en 2004. C’est bien pourtant sur une argumentation de cette nature que se

sont fondés les réformateurs de 1982 pour créer un statut des chercheurs des établissements publics à vocation

scientifique et technique (EPST) aligné sur celui de la fonction publique.

(8)

Deux acquis fondamentaux de la théorie sociologique des organisations fournissent une aide appréciable. La stratégie de l’incrémentalisme disjoint (ou gradualisme) traite du processus ou du pilotage du changement. Le modèle de l’apprentissage organisationnel énonce les conditions à satisfaire pour que les acteurs d’un système cherchent des voies susceptibles de réduire ses dysfonctionnements.

Le constat est récurrent. La manière dont le changement est amorcé et conduit est aussi critique pour le succès d’une réforme que la qualité de son contenu et des mesures énoncées comme objectifs à atteindre. Sous cet aspect, plus que le design, c’est le pilotage qui fait la différence. L’importance des premiers pas est cruciale lorsque deux traits se combinent : des cercles vicieux en matière de fonctionnement (March et Simon 1958), des approches synoptiques ou balistiques de la réforme. Supposons que la recherche française ressemble à un mammouth, qu’elle fonctionne comme un système bloqué (Crozier 1964). En d’autres termes, qu’elle remédie aux problèmes ou aux déficiences qu’engendre son mode de fonctionnement en ayant recours à des solutions ou à des mécanismes qui sont précisément à la source de ses problèmes ! La pente spontanée des réformateurs sera de concevoir des réorganisations qui centralisent, procéduralisent et cloisonnent encore davantage pour combattre les défauts résultant de la centralisation, de la procéduralisation et de la spécialisation déjà excessives des dispositifs. Casser ce cercle vicieux ne va pas de soi. Car plus un système fonctionne selon une logique bureaucratique, plus ses membres acquièrent une autonomie de fait prête à « digérer » la réforme sans toucher au cercle vicieux.

Par ailleurs, la sociologie des organisations montre que, plus un système est complexe, plus sa réforme effective exige une approche par petits pas disjoints.

La tentation est grande pour un réformateur de vouloir d’emblée énoncer dans le détail le nouveau modèle idéal qui prendra la place de l’ancien. L’expérience indique que de telles approches totalisantes ne mènent en général pas loin. Les acteurs ne se mobilisent pas par rapport à l’objectif général poursuivi – sauver la recherche française – mais principalement par rapport à l’impact que le modèle nouveau aura sur leur propre situation là où ils se trouvent 4 . Le réformateur ne peut guère compter qu’il trouvera des relais. Il affronte des résistances pour des raisons hétéroclites : la réforme reste son problème, elle ne devient pas celui des autres.

La posture gradualiste favorise une approche différente. L’accent est mis davantage sur le processus de changement permettant de mobiliser un système

4

Le problème est d’autant plus redoutable qu’il n’est guère cyniquement vécu comme une défense de situations

acquises, mais qu’il est subordonné à une théorie de l’action en usage défendue par les acteurs, qui relie une

conception du système et leur position spécifique dans le système.

(9)

que sur l’énonciation ex ante et détaillée d’un modèle parfait à atteindre à terme On ne réforme pas par décret, mais en faisant confiance et en reconnaissant la diversité des solutions possibles. Le pilote du changement pratique l’art du possible. Il essaie d’avancer à chaque fois qu’il le peut, sur telle partie du système, en opérant des alliances temporaires avec tel groupe, en acceptant même des compromis à condition que le pas en arrière qu’il consent soit compensé par deux pas en avant. Le succès réside donc dans le fait d’induire progressivement des logiques de fonctionnement qui prennent à contre-pied les pratiques anciennes. Il joue sur une dynamique par effets de halo. Un tel raisonnement est pragmatique en ce sens qu’il concilie la recherche d’avancées organisationnelles concrètes et la gestion de compromis politiques ad hoc. Il adopte une approche « disjointe » (Lindblom 1959).

Un deuxième volet du raisonnement organisationnel est celui de l’apprentissage.

Dans un système ou une organisation, les acteurs sont porteurs de théories de l’action, cadres cognitifs ou mentaux qui énoncent comment agir dans des situations données, comment concevoir, faire et évaluer actes et non-actes. Ces cadres ou théories demeurent le plus souvent implicites.. Ils établissent des liens de causalité. Ils sont tacites, c’est-à-dire considérés comme allant de soi. Ils énoncent des affirmations sur soi, les autres et l’environnement. Leurs porteurs n’ont même pas conscience de les utiliser. L’appartenance des acteurs à une même organisation ou à un même segment d’un système les conduit à partager ainsi des langages communs de l’action, à construire des critères de choix similaires, à vivre des valeurs identiques (Michaud et Thoenig 2001).

Ces théories en usage se composent des trois éléments. Le premier est fait de valeurs qui structurent les actes et les jugements, auxquelles les acteurs attachent une importance privilégiée, qu’ils cherchent à préserver sinon à satisfaire. Le deuxième se compose de stratégies d’action, c’est-à-dire d’initiatives et de dispositifs concrets qu’ils utilisent pour maintenir leurs valeurs dans des limites qui leurs sont acceptables. Le troisième élément renvoie aux conséquences de l’action, qui concernent tant l’acteur que son environnement. Les acteurs se représentent des conséquences intentionnelles des stratégies. Ex post, elles se révèlent souvent non intentionnelles.

Les valeurs qui gouvernent l’action encadrent les stratégies mises en œuvre.

Lorsque les conséquences de l’action satisfont ces valeurs de référence, la

théorie de l’action est confirmée dans son ensemble. Que se passe-t-il lorsque

les conséquences, tout en étant en ligne avec valeurs et stratégies, sont faites de

problèmes qui mettent en danger la performance sinon la survie du système et de

ses acteurs ? Comment surmonter la myopie d’acteurs beaucoup plus disposés à

préserver leurs théories d’usage qu’à prendre la mesure des problèmes et des

(10)

erreurs qu’elles induisent et à en chercher les raisons ? C’est ici que le concept d’apprentissage organisationnel prend sens pour l’énonciation et le pilotage d’une stratégie de changement (Argyris et Schoen, 1978). Apprendre signifie savoir détecter puis corriger les causes qui donnent naissance aux problèmes et erreurs.

Le processus d’apprentissage en boucle rétroactive simple désigne un cas de figure dans lequel la rectification des conséquences s’opère en choisissant de nouvelles stratégies d’action, mais sans modification des valeurs qui les fondent.

Même si elles sont nouvelles, les stratégies d’action alternatives continueront néanmoins de s’aligner sur les valeurs qui régissaient les stratégies premières, qui engendraient erreurs et problèmes.

Le processus en boucle rétroactive double se caractérise par le fait que le changement opère aussi à l’amont des stratégies d’action, en affectant les valeurs constitutives qui encadrent l’action. Autrement dit, pour explorer et produire de nouvelles stratégies d’action capables de rénover les conséquences et de briser les cercles vicieux, il faut mettre en cause et modifier les principes, valeurs et cadres cognitifs dont les acteurs sont porteurs.

Schéma 1

Les deux modèles d’apprentissage organisationnel

Théories de l’action à l’œuvre (« allant de soi »)

Stratégies d’action en oeuvre

Conséquences

Apprentissage en double boucle

Apprentissage en

simple boucle

(11)

En résumé, les usages du raisonnement organisationnel se caractérisent par trois traits :

• offrir des ressources et des espaces de jeu aux joueurs qui veulent rectifier des erreurs, pour leur permettre d’explorer de nouvelles théories de l’action, donc de créer les conditions de processus endogènes de changement.

• considérer le tissu organisationnel comme espace de démultiplication de la capacité à innover travers le tissu organisationnel, le haut se centrant sur l’animation, la capitalisation du changement et sur la régulation stratégique à moyen terme.

• considérer la faisabilité comme un critère décisif du succès des réformes, l’objectif étant de faire avec et non pas contre l’organisation existante.

2. Identifier l’espace d’action pertinent : des silos à l’interdépendance

5

Le système de recherche publique français est une configuration inter- organisationnelle. Il repose sur une organisation tripartite originale en Europe et dans le monde, où se côtoient et interagissent les universités, les grandes écoles et les organismes de recherche. Les missions de ces trois types d’établissements sont en partie identiques, puisque, à côté de (ou en relation avec) leur mission d’enseignement supérieur, les universités et les grandes écoles ont une mission de recherche qu’elles assument variablement au sein de laboratoires propres ou mixtes 6 .

2.1. Des transformations internes à la hauteur des enjeux ? Deux visions contrastées

L’absence d’évidence institutionnelle du changement explique sans doute la survie d’une vision radicale qui, concentrant son attention sur le design administratif, les procédures et les structures apparentes dénonce l’immobilisme d’un système bloqué, prisonnier de pathologies souvent mises en lumière par la sociologie des organisations bureaucratiques. Cette lecture par le haut conduit à un diagnostic sévère et sans nuance. La tripartition fondamentale du DFESR reste inchangée. La contractualisation n’abonde qu’un faible montant des ressources universitaires. Les universités sont mutilées parce qu’elle sont

5

Ces pages doivent beaucoup à un travail effectué par Catherine Paradeise avec Vincent Charlet dans le cadre de la préparation du rapport de prospective du groupe FutuRIS « défi de l’excellence », placé sous la présidence de Pierre Tambourin.

6

Le ministère de la Recherche dénomme « recherche universitaire » celle qui est menée dans 165

établissements d’enseignement supérieur : 85 universités, 4 ENS, 5 écoles françaises à l’étranger, 3 grands

établissements et « bon nombre d’écoles d’ingénieur » (soit un peu moins de 70). Voir « Projet de loi de

finances pour 2003 – état de la recherche et du développement technologique ».

(12)

privées des meilleurs étudiants par les Grandes écoles. Les établissements n’ont pas d’autonomie de gestion des ressources humaines. Le pouvoir d’orientation et de décision en matière de recherche est partagé et déséquilibré en faveur d’organismes dont la contribution au financement est pourtant minoritaire et en décroissance constante (Postel-Vinay 2003)

Ce mode de raisonnement conduit inéluctablement à des prescriptions radicales : il faut faire table rase, en énonçant d’en haut un nouveau modèle fondé sur d’autres principes. Le changement dans ce cas ne peut être que porté par des acteurs exogènes et il doit opérer par une coupure brutale.

A priori, rien de bien spectaculaire ne semble être intervenu depuis les années 1980 qui ait modifié le DFESR, pour rassembler ses trois composantes dans un même espace pertinent. Les établissements d’enseignement supérieur (EES) n’ont pas acquis un statut de pleine autonomie, le CNRS continue à recruter des chercheurs à vie, les tutelles gardent l’essentiel des cartes dans leurs mains.

Pourtant, sous l’apparente glaciation du DFESR, les 20 dernières années n’ont pas été exemptes d’évolutions internes. Celles-ci ne sont certes pas globales ou visibles immédiatement. Si elles demeurent plutôt marginales, fragiles ou limitées dans leurs effets de halo, elles n’en sont néanmoins pas indignes d’attention. Elles suggèrent que des marges de changement endogènes ont fait greffe.

La simple observation suggère en effet que, en dépit de segmentations institutionnelles pérennes, la configuration a considérablement évolué. Depuis 40 ans, la croissance des effectifs d’étudiants a mécaniquement entraîné un déséquilibre quantitatif inexorable au profit des universités, qui s’est certes traduit par leur appauvrissement global, mais aussi par la montée en puissance de certaines d’entre elles dans la recherche. Curieusement, ce changement majeur est restée longtemps inaperçu, confortant le discours selon lequel la pérennisation des organismes était rendue nécessaire par la faiblesse des universités. Cette évolution conduit pourtant désormais nombre d’observateurs à affirmer que l’innovation scientifique se construit aujourd’hui dans les EES (Laredo, 2004). Sans doute en large partie parce que, depuis 20 ans

7

, cette transformation des rapports quantitatifs s’est accompagnée d’une interpénétration croissante entre les diverses institutions de recherche et d’enseignement, en relation avec le développement de la contractualisation des établissements et de « l’UMRisation » (Unités Mixtes de Recherche) des équipes de recherche, et aujourd’hui avec le processus de Bologne et le

« LMD » (Licence-Master-Doctorat).

7

Même si ce mouvement est amorcé dès 1963 sous la direction de Pierre Jacquinot au CNRS avec la création

des « unités associées »

(13)

Les grandes écoles sont de plus en plus nombreuses à comprendre qu’il serait suicidaire de refuser d’intégrer les dispositifs européens de certification, qui prennent à revers les valeurs consacrées dans le seul Hexagone. À preuve la croissance de leur participation aux masters et aux formations doctorales, souvent en collaboration avec des établissements universitaires 8 . Les organismes ont compris qu’ils ne peuvent se dispenser de s’associer au vaste vivier universitaire. Réciproquement, les universités qui aspirent à la visibilité internationale ont compris depuis longtemps l’importance du label des organismes. À preuve la croissance du taux de mixité des unités de recherche communes aux EPST (d’abord avec le CNRS, puis avec l’INSERM et l’INRA) et aux établissements d’enseignement supérieur 9 , produit des encouragements des gouvernements successifs et de tous les acteurs impliqués depuis une vingtaine d’années (Musselin 2001 ; Warta, Moriceau, Bussillet 2003).

L’extension considérable de ce modèle, qui alimente les ressources humaines et financières respectives d’un ou plusieurs EPST et d’une ou plusieurs universités, a permis une augmentation de la taille moyenne des entités de recherche. Elle a débouché sur des mécanismes institutionnels de mise en commun de moyens dont d’autres pays européens cherchent à se doter (Laredo 2002).

8

A la rentrée 2001, on comptait 317 écoles doctorales, réparties entre toutes les 85 universités et 35 autres établissements (Source : Projet de loi de finances de l’Etat pour 2003 ). La création de Masters de recherche ou professionnels prend largement à revers le modèle de certification des grandes écoles, en particulier en ce qui concerne le titre d’ingénieur. Le titre « d’ancien élève de… » ou le titre d’ingénieur suffiront de moins en moins à asseoir la valeur des études supérieures : on peut penser que la certification européenne réduira à terme les niches nationales des Ecoles. La refus d’entrer dans le dispositif est donc un jeu perdant, ce que la plupart d’entre elles ont désormais compris.

9

Evolution du nombre d’unités propres, mixtes et associées du CNRS depuis 1992

1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 Laboratoire

s propres 237 222 204 192 198 190 183 161 136 109 108

Laboratoire

s mixtes 100 117 134 273 385 522 521 624 743 936 1060

Laboratoire

s associés 960 941 928 813 678 529 507 397 291 108 43

Total 1297 1280 1266 1278 1261 1241 1211 1182 1170 1153 1211

Source : Labintel, UNIPS-CNRS.

Plus généralement, les analystes observent (en France mais aussi en Europe) que les profils académiques

des laboratoires dépendent de moins en moins de leur rattachement institutionnel : les différences

s’estompent entre l’activité des laboratoires, souvent appelés « académiques », du CNRS et des universités

d’une part et de ceux des autres EPST dits « finalisés » d’autre part (Joly et Mangematin 1996).

(14)

2.2. Le processus d’UMRisation 10

Ce processus ne consiste pas en un redesign organisationnel d’ensemble qui supprimerait les « silos » (Warta, Moriceau et Bussillet 2003 ; Espéret 2003).

Au contraire, il légitime et stimule le principe de co-établissement d’unités de recherche par plusieurs institutions de statut différent, à parité de droits et de devoirs 11 . Il accroît donc les ressources humaines et matérielles des unités, créant de nouvelles contraintes porteuses de possibilités d’apprentissage organisationnel. Le partenariat signifie en effet plusieurs choses : similitude des apports en ressources humaines, en équipements, en fonctionnement ; mise en compatibilité des stratégies des deux parties, l’une étant incluse dans un organisme national, l’autre dans un EES localisé 12 .

Par construction 13 , les UMR produisent deux types d’effets en termes de changement organisationnel.

Au niveau des individus et des corps de la fonction publique, elles confrontent au quotidien d’une activité réputée commune deux populations de chercheurs et d’enseignants chercheurs, et deux populations de techniciens et administratifs.

Cette proximité dans les mêmes structures stimule l’interpénétration des activités des uns et des autres, et encourage à déplacer la formulation des problèmes de gestion des ressources humaines. La question ne devrait plus être plus « qui doit faire quoi étant donné son statut », mais « comment faire en sorte d’utiliser au mieux des emplois de diverses catégories issus de diverses sources, et des personnes de diverses expériences à divers moments de leur carrière pour allouer au mieux la diversité des tâches dont se composent l’enseignement et la recherche ». On voit comment cette nouvelle formulation conduit à penser la

10

On pourrait également invoquer, à côté des contrats et des UMR, des dispositifs tels que les écoles doctorales de site, ou, à d’autres échelles, tout un ensemble de règles développées de façon centralisée ou autonomes au sein des organismes ou des établissements, comme les BQR (Bonus Qualité Recherche), les BQR postes, les BQE (Bonus Qualité Enseignement) , les banques de reports, etc. Le BQR, règle instituée par la DRED à l’époque du ministère Jospin, sous l’impulsion de Vincent Courtillot. consiste à prélever sur les laboratoires 15% du montant des contrats pour redistribution par les directions d’établissements, souvent au profit de projets des laboratoires. Le BQR emplois procède d’une manière similaire pour la réallocation des emplois ou d’une partie des emplois. Le BQE, inventé dans certains établissements, rassemble les reports divers des budgets pédagogiques pour les redistribuer sur projet pédagogique. Les « banques » récupèrent l’ensemble des reports non affectés de fin d’année des laboratoires (ce qui présente en outre l’avantage comptable de résorber ces reports) pour financer de gros équipements qui supposeraient de constituer des réserves sur plusieurs années, contre échéancier de remboursement à taux zéro. Chacun de ces outils peut être le prétexte à délibération, et à négociation transparente sur les choix collectifs.

11

Généralement au moins un EES et un organisme, parfois une entreprise et un organisme

12

La préférence pour l’UMR remonte aux années 83-86 (communication Bernard Decomps).

13

Toutes les UMR ne sont pas, concrètement, porteuses de ces effets vertueux du point de vue de

l’incrémentalisme. Ces dynamiques touchent par prédilection les acteurs pour qui l’augmentation des

ressources est ressentie comme une nécessité, et donc la démultiplication permise par la co-tutelle comme

un enjeu. Ceci explique que les acteurs potentiellement les plus innovateurs se situent dans les secteurs

disciplinaires où la performance est la plus dépendante de l’instrumentation et de l’activité collectives.

(15)

division du travail selon une logique de diversité fonctionnelle plutôt que de ressemblances statutaires, et donc à produire des processus de comparaison envieuse susceptibles de questionner l’efficacité des statuts existants. Ainsi, pourquoi les uns n’ont-ils pas d’obligation d’enseignement, et sont-ils rémunérés pour en faire, là où les autres ne reçoivent pas d’indemnisation particulière pour les tâches de recherche qu’ils accomplissent? Est-il vrai que les uns ont par statut une plus grande aptitude à la recherche la plus performante ? Ces questions n’avaient pas de sens tant que les chercheurs se contentaient de chercher et de diriger la recherche dans des unités isolées du monde universitaire, tandis que les enseignants chercheurs enseignaient et dirigeaient la pédagogie dans des départements.

Au niveau des institutions, les UMR confrontent au moins deux univers dont le positionnement réciproque et le contenu de l’échange se déploient sur fond d’une double inégalité. D’une part, les apports en personnels, locaux, et autres ressources relevant de la tutelle de l’Enseignement supérieur sont devenus très majoritaires (en ce qui concerne les UMR du CNRS au moins), alors même que les organismes qui les allouent peinent à renoncer à leur prééminence stratégique en matière de recherche. D’autre part, le développement des EES autour de leurs projets d’établissement, pratique désormais entrée dans les mœurs, les constituent de plus en plus comme des organisations, porteuses d’identités, de stratégies et parfois même de règles propres 14 . Si la faiblesse stratégique des EES reste structurellement réelle, leurs transformations les conduisent à contester d’une voix de plus en plus forte 15 ce qu’ils ne peuvent percevoir que comme une arrogance d’organismes au demeurant affaiblis par la réduction de leurs propres marges de manoeuvres. Les universités, à titre individuel et collectif, et d’autant plus que leur vie comme organisations les inscrit dans des réseaux d’acteurs de politiques publiques plus diversifiés (en particulier du côté des régions), revendiquent plus fortement leur rôle comme lieux d’élaboration conjointe de politiques scientifiques. Elles appellent de leurs vœux un nouveau rapport de négociation avec les organismes dont elles supportent moins facilement la désinvolture ou l’arrogance à leur égard.

Que ce soit au niveau individuel ou institutionnel, la création des UMR ne se limite donc pas à accroître la masse critique des laboratoires. Elle crée les conditions pour remettre sur le chantier les valeurs qui fondaient la séparation entre le monde des enseignants chercheurs et celui des chercheurs, le monde des organismes et celui des universités. Du coup, elle suscite de nouveaux positionnements d’acteurs, de nouvelles postures stratégiques. Les conséquences

14

Si la plupart des règles émanent encore des tutelles, la part des règles procédurales augmente au détriment des règles substantielles (qui restent pourtant sans doute majoritaires).

15

Comme en témoigne la consolidation de l’organe national de représentation, de débat stratégique et de

pression qu’est la CPU (Conférence des Présidents d’Universités).

(16)

de l’action conduisent à reconsidérer les valeurs. S’amorce donc bien un apprentissage en double boucle.

2.3. La contractualisation des établissements universitaires

Le mouvement d’affirmation des universités comme organisations est porté depuis 20 ans par la contractualisation. Son rôle dans la dynamique de réforme tient à ce qu’elle donne une chance d’apprentissage en double boucle au service de leur construction identitaire et organisationnelle.

Cette logique anime la contractualisation des EES placés sous tutelle des Ministères chargés de l’enseignement supérieur et de la recherche à partir du milieu des années 1980, puis la création d’un contrat unique entre ces établissements, ces ministères (auquel émargent toutes les unités de recherche reconnues par le CNRS et/ou le ministère de la recherche) et le CNRS à partir du milieu des années 1990. Le contrat invite l’EES à se penser comme un collectif d’identité et de destin, fait d’interdépendances entre ses parties, dont le pilotage nécessite une fonction d’arbitrage, des procédures légitimes de mise en ordre de priorités et des dispositifs de suivi. Bref le contrat incite les universités à prendre en main l’organisation de leur politique, de sa négociation avec ses partenaires, de son suivi à l’aide de ses tableaux de bord et de ses indicateurs 16 . Pour qui joue le jeu 17 , l’apprentissage est donc ici triple.

Entre les membres de l’EES émerge une solidarité de type organisationnel. Le devenir de chacun est affecté par la performance du milieu qui les rassemble sur un même site. Elle se substitue à la primauté d’une solidarité facultaire faite d’évitement mutuel et de qualités ascriptivement légitimées.

Alors que le lien facultaire remonte nécessairement vers le centre et le national (les bureaux des ministères) et induit une logique de silos juxtaposés par secteurs disciplinaires, le lien organisationnel fait au contraire émerger une référence territorialisée. Cette dynamique ouvre un champ d’enjeux locaux et de

16

La question des indicateurs, et donc de la fonction effective d’évaluation des bilans contractuels, reste à ce jour un des points faibles de la contractualisation, même si des efforts sont faits pour améliorer les outils sur ce terrain.

17

Certes, le caractère incitatif des contrats reste faible : l’obligation de contracter encourage les établissements à prendre connaissance d’eux-mêmes et à réfléchir à leurs contraintes et à la manière de les traiter. Les contrats ne seraient totalement incitatifs que si l’évaluation présumée sur la base du bilan était effective, c’est-à-dire si la performance sur les indicateurs affichés (à partir de la « Centrale » ou à partir des établissements) et si l’évaluation de la qualité des projets se traduisait en bénéfices ou sanctions budgétaires.

Le refus de lier, de quelque manière que ce soit, le financement des nouveaux contrats aux

recommandations du Conseil National des Universités a cassé l’essentiel de la logique institutionnelle qui

avait été conçue par les inventeurs de la contractualisation, entrenant ainsi la confusion des pouvoirs

d’évaluation et de répartition des moyens alors que la séparation des pouvoirs était un des principes

fondateurs de la Loi de 1982.

(17)

buts spécifiques qui fournissent des occasions de s’affirmer face à des partenaires infranationaux (Conseil régional, tissu économique territorial, etc) et supranationaux (réseaux internationaux, etc). Dès lors que peuvent émerger les universités comme organisations territorialement enchâssées, leur déploiement identitaire devient possible à diverses échelles, à travers des partenariats et des échanges académiques et socio-économiques tant locaux que nationaux et internationaux.

Apparaît enfin une logique de négociation plus ouverte et plus engageante, entre des acteurs différents par leurs finalités et leurs règles (universités vs organismes), par leurs implantations physiques (territoriales vs nationales), par leurs modes d’organisation (totalités vs secteurs scientifiques). L’absence de convergence spontanée entre politiques sectorielles d’organismes et politiques territoriales d’universités est reconnue comme un problème exigeant des solutions. L’inexistence ou l’incohérence de l’un ou l’autre des partenaires, qui réduit les espaces d’intégration à des coquilles vides abandonnées à l’emprise du seul acteur fort, devient un problème, qui dénote soit un abandon de responsabilité de la part de l’acteur faible, soit un abus de pouvoir de la part de l’acteur fort.

L’ouverture de nouveaux espaces possibles d’intégration conduit ceux des acteurs qui saisissent cette occasion à se doter de nouveaux partenaires, de nouvelles questions et à reconstruire leurs enjeux et leurs manières de jouer.

Cela pose des problèmes continus de coordination, qui se traduisent en conflits multiples, qui favorisent l’affirmation d’identités collectives éventuellement antagoniques. Mais cela contraint aussi à négocier et à inventer des formes de régulation communes. Cela engendre enfin de nouvelles questions qui interrogent les valeurs légitimant la dualité entre enseignement supérieur et recherche, et appelle de nouvelles réponses, entre autres organisationnelles.

2.4. Adéquation entre dispositif et finalités ?

L’espace d’action pertinent du DFESR s’est donc considérablement transformé, rapprochant des silos quasiment indépendants les uns des autres dans un réel système d’interdépendance. Reste à évaluer l’adéquation de cette configuration unique par sa complexité institutionnelle aux finalités qu’elle prétend viser.

Les évolutions décrites plus haut trouvent leur origine dans la convergence de tentatives, souvent disjointes en termes d’invention institutionnelle, de résoudre deux types de problèmes.

Les premiers problèmes concernent le financement.

(18)

On s’accorde assez généralement à considérer que l’Etat n’a plus les moyens budgétaires d’entretenir seul l’enseignement supérieur et la recherche publiques.

On en déduit qu’une gestion dite « moderne » de ces deux secteurs permettrait d’accéder à d’autres « guichets » alternatifs ou complémentaires (la Région, l’Europe, l’Industrie), et par ailleurs de faire mieux à moyens donnés. Cette quête fait aspirer les acteurs entreprenants des universités ou des organismes à de nouveaux arrangements institutionnels et/ou réglementaires qui leur permettent d’accéder à des partenaires diversifiés, sans que cela implique un coût d’organisation prohibitif. Il ont pour cela besoin de plus de lisibilité en termes d’image et de plus de réactivité en terme de moyens d’action. Dans la recherche de ressources externes, les universités et les organismes, leurs tutelles, leurs composantes) ont avantage à construire des alliances pour accroître leurs ressources, leur taille critique, leur ancrage territorial et leur visibilité. Le développement des UMR est à situer dans cette perspective.

Les seconds problèmes concernent la gouvernabilité.

La question de la gouvernabilité est d’abord portée dans les universités par le souci de retrouver des marges de manœuvre en se dotant des moyens de mieux identifier, allouer, gérer les ressources. Cette activité ne fait sens qu’appuyée sur une perspective stratégique et sur des outils de connaissance et d’évaluation au cœur des établissements. C’est dans cette logique qu’il faut comprendre la contractualisation des universités dans les années 1980 (Musselin 2001). La question de la gouvernabilité devient encore plus cruciale lorsque la quête de rationalisation des moyens née de leur rareté se combine à l’exigence de mieux articuler production de connaissances et formation de professionnels au service de la croissance dans une économie « placée à la frontière technologique » . En cherchant des solutions disjointes et partielles aux deux problèmes du financement et de la gouvernabilité du DFESR, les réformes évoquées plus haut ont créé une configuration organisationnelle nouvelle sans affecter les frontières institutionnelles.

Une configuration institutionnelle et organisationnelle ne vaut pas dans

l’absolu : elle vaut ce que vaut son aptitude à satisfaire des finalités de

production et de diffusion de la connaissance au service de la qualité d’une

organisation sociale et d’une performance économique. Cette thèse est

largement défendue par la macroéconomie de l’innovation (Aghion et Cohen

2004) Ajusté à l’économie française de l’après-guerre, qui visait le rattrapage

technologique par imitation, le DFESR paraît aujourd’hui inadapté au

développement d’une économie parvenue à « la frontière technologique », qui

requiert une forte imbrication entre recherche et formation. C’est précisément ce

(19)

que vers quoi tendent les évolutions mentionnées au paragraphe précédent, mais avec une nuance de taille : la configuration tripolaire n’a pas encore acquis la fluidité nécessaire pour permettre aux acteurs de développer aisément des stratégies innovantes qui tirent parti de et affermissent l’interpénétration entre production, diffusion et usage de la connaissance.

On l’a vu, le DFESR a manifesté de réelles aptitudes qui furent autant de forces non négligeables, assurant la reproduction des élites traditionnelles de l’industrie et de l’administration publique dans ses grandes écoles, la production de cadres moyens et de chercheurs dans ses universités, et offrant une recherche de qualité dans ses organismes, qui placent encore la France au cinquième rang mondial en termes de publications 18 . Cependant, cette configuration comporte des faiblesses lourdes de menaces pour un avenir où la recherche devrait être un élément incontournable de la formation en vue de l’innovation technologique. En raison des effets de sélection et d’éviction induits par les grandes écoles, traditionnellement peu tournées vers la recherche 19 , les universités, qui n’ont par ailleurs pas de liberté en matière de recrutement de leurs étudiants, ont des difficultés à attirer les meilleurs. Elles ne disposent pas de ressources financières satisfaisantes, alors mêmes qu’elles sont les principaux lieux de formation par et à la recherche.

Tableau 1

Indicateurs de dépenses publiques selon les filières de l’enseignement supérieur (2001)

Institutions Effectifs (milliers)

Dépense moyenne par élève (milliers

d’euros)

Dépense globale (milliards

d’euros) Universités (hors IUT

et ingénieurs) 1 239,6 (74 %) 6,59 8,2 (64 %)

IUT 118,4 (7 %) 8,80 1,0 (8 %)

STS – CPGE 289,6 (17 %) 11,10 3,2 (25 %)

Formations

d’ingénieurs 31,1 (2 %) 11,59 0,4 (3 %)

TOTAL 1 678,7 (100 %) 7,62 12,8 (100 %)

Source : Repères et références statistiques 2003 sur les enseignements, la formation et la recherche.

Chapitre 10 : budgets, coûts et financements. MEN/DPD.

Disponible sur ftp://trf.education.gouv.fr/pub/edutel/dpd/rers03/chap10.pdf

18

Source : Données OST, lettre de l’Observatoire des sciences et des techniques, n° 26, .2003.

19

Avec bien sûr de très brillantes exceptions…

(20)

Manquant d’autonomie de décision et d’allocation des ressources, encore insuffisamment armées en compétences techniques, réglementaires, organisationnelles, pour gérer l’ensemble des partenariats, notamment contractuels, elles restent fragiles (Warta, Moriceau et Busillet, 2003). La présomption d’égalité entre universités, question de surcroît publiquement très sensible, leur interdit de faire valoir l’évidente variété de leurs performances scientifiques et de leur notoriété sur le marché du travail, tout comme la légitime diversité de leurs missions. Alors que, au début de l’année 2002, 24 universités sur 85 accueillaient la moitié des enseignants chercheurs et chercheurs des équipes reconnues 20 , leur dotation globale de fonctionnement (DGF), qui représente aujourd’hui 80% du financement d’Etat pour leur fonctionnement, restait uniformément calée sur des indicateurs de volume d’étudiants, sans autre principe discriminant que disciplinaire.

De leur côté, les organismes de recherche sont fragmentés en un nombre important d’EPST, EPIC et autres EPA, comme si la seule façon de répondre à l’identification de nouveaux problèmes consistait à créer de nouveaux organismes et statuts d’établissements, qui multiplient les redondances et rendent d’autant plus malaisée leur réforme. Depuis une trentaine d’années, ces organismes voient leurs marges de manœuvre se rétrécir, en particulier sous la poussée de la croissance des coûts fixes de personnels (85% du budget 2003 du CNRS par exemple). Leurs initiatives sont encore plus contraintes par le fait qu’elles se développent dans une concurrence programmatique avec les tutelles, qui réduit encore leurs budgets incitatifs. Les organismes doivent par ailleurs gérer des populations de chercheurs à vie, évalués par un Comité national comportant une majorité de membres élus sur critères syndicaux, et n’ont d’autre stimulants à offrir à des personnels chichement recrutés que la perspective d’une promotion variablement difficile selon le grade atteint, les circonstances budgétaires et démographiques et les tractations internes aux composantes du dit comité.

L’émiettement institutionnel trouve certes un correctif dans l’interpénétration des institutions et des fonctions, mais non sans affaiblir pourtant la lisibilité et la réactivité du système français, réduisant d’autant son attractivité internationale.

En témoigne la récente déconfiture de la cotation française dans « l’enquête chinoise » 21 . Par ailleurs, le développement de dispositifs multi-acteurs

20

Source : Projet de loi de finances 2003.

21

La première université française (Paris VI) est classée 65

ème

. Seul un très petit nombre d’établissements (5

environ) sont listés dans les 500 premiers mondiaux. L’université Paris XI par exemple n’apparaît qu’au

72è rang, alors que le plateau de Saclay et la région d’Orsay constituent une conurbation scientifique

majeure, avec la forte présence d’organismes puissants comme le CNRS ou le CEA, d’entreprises à fort

investissement de recherche comme Thomson, une université à dominante scientifique, Paris XI, des écoles

comme HEC, Polytechnique, Sup’Elec, l’IOTA, etc. Alors que, simultanément, l’Ile de France est la

première région métropole du monde en matière de puissance de recherche.

(21)

d’organisation et de pilotage engendre en contrepartie un coût de coordination prohibitif. Au sein des UMR se confrontent règles de gestion distinctes (systèmes comptables, modèles de GRH, etc) et normes professionnelles différentes (place de la recherche, de l’enseignement, des fonctions de direction et de gestion).

De toutes ces observations, il ressort deux constats. En premier lieu, une configuration raisonnablement ajustée aux modes de production de la richesse d’il y a encore un quart de siècle, ne l’est plus aujourd’hui. Les lacunes du DFESR ne tiennent pas au niveau des dépenses de R&D, à la part des ressources consacrées à la recherche fondamentale, à la proportion de chercheurs du secteur public, tous chiffres qui se rangent en tête des statistiques européennes (Aghion et Cohen 2004), mais à l’inadaptation au modèle de croissance national du design organisationnel du DFESR, caractérisé par sa double coupure entre universités et écoles, entre enseignement et recherche. En second lieu, la montée des interdépendances entre les trois pôles conduit à adresser désormais la question de la performance à l’ensemble de la configuration et non à telle ou telle de ses entités, à rebours des valeurs traditionnelles en action 22 . On peut même dire que, du fait des masses budgétaires concernées, du poids des ressources humaines, de l’intrication des personnels des organismes et des universités dans la recherche (et de plus en plus dans la formation), l’enseignement supérieur est probablement le verrou ou au contraire la clef du changement du DFESR.

3. Le nœud du problème ; une méthodologie pour l’action 3.1. Des théories de l’action inadaptées

Les transformations de l’environnement externe et interne de la recherche et de l’enseignement supérieur représentent un défi pour ce système. Globalement, celui-ci peine à utiliser ces changements comme des leviers endogènes au service de l’innovation. Localement pourtant, de nombreuses initiatives voient le jour qui expriment la volonté de nombre d’acteurs de s’approprier ces évolutions comme des ressources, et qui creusent la différenciation interne du système entre les entrepreneurs et les autres. Le processus de Bologne incite ainsi les écoles à sortir de l’illisible autarcie nationale en intégrant les titres qu’elles délivrent dans le système du LMD, mais aussi à tenter de passer de nouvelles alliances, par fusion ou intégration en réseau pour élargir leur audience et leur visibilité

22

Valeurs qui veulent, comme on l’a dit plus haut, que l’existence des organismes trouve sa nécessité dans la

faiblesse des universités. Ces valeurs ont la peau si dure que, par exemple, l’un des auteurs de ce texte,

récemment chargé de réfléchir aux conditions institutionnelles de l’excellence scientifique française dans le

cadre d’un exercice de prospective, a dû s’y reprendre à plusieurs fois pour imposer que la réflexion ne se

cantonne pas aux seuls organismes.

(22)

européennes 23 . La montée en puissance des conseils régionaux sur le front de la recherche oblige les organismes à mieux travailler leur ancrage décentralisé 24 . La préparation de la nouvelle nomenclature budgétaire qu’adoptera l’Etat dès 2006 (LOLF) peut servir de point d’appui à des organisations par projet. La multiplication des partenariats (européens, régionaux, industriels, entre organismes, écoles et universités) fait percevoir de plus en plus douloureusement les rigidités de la comptabilité publique et le manque de marge de manœuvre des universités.

Une analyse organisationnelle suggère que la difficulté à apercevoir, et plus encore à faire évoluer la configuration tripolaire décrite plus haut, est entretenue par des principes et valeurs en usage, relativement stables et largement diffusées de façon tacite, à l’aune desquels les parties prenantes jugent et énoncent les stratégies acceptables en même temps qu’efficaces, sont les causes principales de cette faiblesse du dispositif et de sa difficulté à se réformer.

Certes il faut avancer avec prudence, faute de diagnostics empiriques spécifiques et répétés. Même si les observations les plus fines dénotent une relative diversité des styles de fonctionnement et des modes de régulation interne au dispositif, il apparaît pourtant au final qu’une théorie de l’action fonctionne avec régularité et sert de liant identitaire sinon pragmatique à l’ensemble des parties de la configuration. Elle s’observe sous de multiples formes, qui vont des argumentations utilisées lors des sessions du Comité national de la recherche scientifique jusqu’aux pratiques de gestion dans les laboratoires. Elle régit également une large part des comportements universitaires 25 . On a ainsi pu parler, s’agissant du pilotage du CNRS, d’un mode de régulation communautaire. Il est caractérisé par une économie de sens ou de rationalité en valeur qui lui est propre, qui se décline en représentations de la réalité sur deux prémisses concernant l’une le rapport (ou plutôt l’absence de rapport) entre la science et l’organisation, et l’autre le statut de l’échange (ou plutôt de l’absence d’échange) entre l’organisation et le chercheur (Paradeise 1998).

Traduite sous la forme de la théorie de l’action présentée plus haut, la configuration inter organisationnelle de la recherche et de l’enseignement

23

Voir les récents avatars du projet de fusion Mines-Ponts, face à la puissance défensive des Grands Corps.

« Les Ecoles des Mines et des Ponts et Chaussées veulent fusionner pour percer sur le plan international ».

Le Monde, 21/12/2002.

24

Comme indiqué par le rapport d’activité pour 2001 du CNRS. C’est aussi l’un des points forts (et très controversés) du projet Larrouturou-Mégie.

25

C’est d’ailleurs l’étude des universités américaines qui a inspiré le fameux modèle de la décision comme

produit de processus quasi-aléatoires dans des organisations fonctionnant comme des poubelles (Cohen,

March et Olsen 1984).

(23)

supérieur française obéit à un modèle dominant dont les caractéristiques sont décrites dans le schéma 2 page suivante.

3.2. Apprentissage en double boucle et poursuite du changement incrémental On constate que l’innovation organisationnelle peut émerger lorsque des entrepreneurs locaux parviennent à se saisir des ressources nouvelles offertes par leur environnement interne ou externe pour les mettre au service d’un processus d’apprentissage en double boucle qui bouscule et fait évoluer le contenu de ces théories, valeurs, références cognitives dont les acteurs sont les porteurs. Ce modèle permet de comprendre comment la création des UMR initiée par les organismes d’une part, la contractualisation des universités portée par le Ministère de la recherche d’autre part, ont constitué deux leviers de changement significatifs. Ils ont atténué deux faiblesses marquantes du DFESR, en accroissant la capacité de coopération entre silos institutionnels sur le terrain, en créant des enjeux collectifs au niveau intermédiaire, tout en enclenchant une dynamique porteuse d’exigence de nouveaux développements de la réforme.

Cette analyse ouvre des voies nouvelles pour la réforme. Elle suggère que le

dispositif n’est pas totalement bloqué, mais à condition de raisonner sur l’action

en d’autres termes que ceux de la chirurgie brutale et autoritaire. Une voie de

développement endogène et progressive mérite considération. Il y a deux raisons

au moins d’explorer les points de fuite du scénario incrémental. Sur le plan

analytique, la théorie des organisations a amplement montré que le changement

effectif se construit rarement sur des tables rases.

(24)

Schéma 2

Les théories de l’action en usage dans le dispositif de recherche publique

Valeurs et principes gouvernant l’action de l’organisation

- Il n’existe pas de bien collectif

- Le monde scientifique est constitué par la somme de communautés autosuffisantes

- La science et l’organisation sont par nature étrangères l’une à l’autre. Donc toute forme d’organisation est une contrainte extrinsèque, alors que toute dynamique scientifique ne peut et ne doit être qu’endogène

- La pertinence et l’excellence sont définies par les pairs, et par eux seulement.

Stratégie d’action

- L’autorité hiérarchique est un primus inter pares - L’autorité de fait ne s’affirme pas en droit

- Les relations interpersonnelles, complétées par le soutien de personnalités éminentes de la communauté, constituent le vecteur privilégié

- La politique est de nature distributive et vise à conserver les positions respectives des communautés

- La capacité d’initiative est a priori suspecte - La délibération et la négociation sont refusées

- Les règles et procédures servent à un usage opportuniste

Conséquences

- Pas de sens commun aux diverses communautés qui supporte et légitime des arbitrages en liant action et finalités

- L’organisation formelle est un pur adjuvant de l’ordre informel de la communauté

- L’action de pilotage est limitée à la gestion des incidents - L’ordre institué des communautés est maintenu

- Les conflits cartes sur tables sont évités et délégitimés

- La contestation par les organisations représentatives est un jeu rituel - La rareté des moyens est faiblement visible

- Les ressources sont allouées par la file d’attente et sur une base ascriptive

- La réceptivité aux innovateurs est faible

(25)

La vertu analytique d’une approche dite incrémentale est précisément de porter à identifier des petites actions disjointes comme productrices de grands changements, par la démultiplication des effets qu’elles engendrent en termes d’apprentissage organisationnel. D’un point de vue normatif, l’analyse incrémentale du changement permet d’affiner la réflexion sur les dispositifs stratégiques de changement, puisqu’elle invite à anticiper les effets vertueux et/ou pervers d’une combinaison donnée de petites actions, en tirant parti de cas divers.

La création des UMR et la mise en place de la contractualisation ont induit à diverses échelles de nouveaux espaces induisant un peu plus d’intégration locale ou intermédiaire pour l’action 26 . Ces changements ne tiennent pas à ce que des règles substantielles nouvelles auraient prescrit ce qu’il faudrait faire autrement.

Ils tiennent à la promotion de règles procédurales offrant des ressources réglementaires, matérielles, humaines, pour faire autrement, laissant aux acteurs sur le terrain le soin de les interpréter pour définir leur propre manière de faire.

Dans ces deux cas, une amorce d’apprentissage organisationnel a donc permis de rompre le statu quo. On voit que la configuration française de la recherche, pour stable qu’elle soit, a manifesté une plasticité certaine. Cette adaptation déplace les diagnostics sur les cercles vicieux du DFESR, et non son immobilisme institutionnel. La « crise » actuelle est donc le symptôme de ce que les bricolages internes de cette configuration (dont l’emblème est l’UMR) ont atteint leur limite. La montée en puissance des universités et l’interpénétration des institutions contestent la suprématie des organismes. La réduction des moyens affectables par l’Etat et la multiplication des partenariats mettent en tension les règles nationales. La dispersion budgétaire des organismes et la montée de leurs coûts fixes les contraignent. En résultent l’affaiblissement de la capacité stratégique des EPST et la compression de la capacité stratégique dans les EES.

Une stratégie alternative à celle du grand soir est possible. Un point essentiel est qu’elle suppose une coalition pour le changement, la réforme n’étant pas le produit du libre cours des événements et des vertus des joueurs du DFESR.

Cette conduite du changement peut tirer parti de ressources endogènes nées des évolutions du DFESR tout en s’appuyant sur des ressources exogènes comme les transpositions nationales de décisions prises au niveau européen, ou une nouvelle loi d’organisation des lois de finance.

26

Même si elles n’ont pas d’abord été véritablement créées à cette fin : dans un premier temps, il s’agissait de

trouver une formule adaptée aux unités créées avec une entreprise industrielle. Dans un second temps, la

Direction de la recherche du Ministère de l’éducation nationale en suggéra le recours. La justification fut la

suivante : alors que les directeurs des unités associées étaient désignés par le DG du CNRS (décret de

1982), les directeurs des UMR procédaient de l’accord des deux parties (communication de Bernard

Decomps)

Références

Documents relatifs

Dan~ un récepteur sérieux les pannes ducs au récepteur lui-même sont p\'u frrquenles. Le mauvais fonctionnement provient te plus souvent d'une lnmpe. Il est plus

Le développement des compétences fait référence à la transmission des compétences dont les salariés ont besoin pour évoluer dans leur

Dans ce climat, la formation en management et action publique (CEMAP) traite les prin- cipaux enjeux et défis auxquels le monde politique et les institutions publiques sont

3) Les séries technologiques passent d'une obligation de 3h / professeur à 2h, alors que la série S passe de 4h / professeur à 3h, rendant ainsi facultatifs, aléatoires et précaires

Néanmoins, malgré l’importance et la richesse des travaux menés en contrôle de gestion inter-organisationnel, ces derniers se sont focalisés plus sur les relations duales

Cette assurance collective, complémentaire au RCAM, offre une couverture élevée pour tout ce qui concerne l’hospitalisation en chambre individuelle (comme l’option

Dans le premier cas, des tests - ELISA, CF ou PCR - sont réalisés sur tous les bovins âgés de vingt-quatre à trente-six mois deux ans après l’apparition des symptômes sur

- Il n'appartient pas au Conseil d'Etat, pas plus qu'à la juridiction administrative dont la décision est déférée à sa censure, de vérifier la conformité d'une loi à