• Aucun résultat trouvé

Pratiques funéraires actuelles et anciennes au Diamaré (Nord-Cameroun). Première approche ethnoarchéologique

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Pratiques funéraires actuelles et anciennes au Diamaré (Nord-Cameroun). Première approche ethnoarchéologique"

Copied!
6
0
0

Texte intégral

(1)

Pratiques

funéraires

a

au

Diamaré

(No

Première

approche

e

Olivier Langlois (UMR ArScAn - Afrique)

Bien qu'aucune é tu d e n'ait encore porté spécifiquem ent sur le d o m ain e funéraire, les travaux archéologiques menés depuis trois décennies au Diamaré ont mis au jour une trentaine d e sépultures d a ta b le s d e la moitié du premier millénaire AD à la période subactuelle. Ces d o n n ées sont rares e t hétérogènes, et l'on pourrait douter d e leur intérêt si, à la lumière des d o n n é e s ethnographiques régionales, elles ne laissaient soupçonner d'im portantes évolutions des pratiques funéraires. Celles-ci pourraient elles- m êm es tém oigner d 'u n e évolution d e la p en sée religieuse e t des pratiques so cio-économ iques.

Avant d'exposer les d o n n é e s ethnographiques e t archéologiques qui rendent possible notre d é m a rch e , il convient d e préciser qu'elles ne portent pas toutes sur les m êm es e s p a c e s géographiques. La plaine du D iam aré ( stricto sensu) où furent pratiqués différents so n d ag es archéologiques est o c c u p é e depuis un siècle p a r les Peuls qui chassèrent ou assimilèrent les populations antérieures. Les Peuls pratiquant les rites funéraires islamiques, les données ethnographiques relatives aux « plaines » doivent être re c h e rc h é e s au-delà d e l'aire d'extension d e c e peuple conquérant, dans une région où les d o n n é e s archéologiques sont quasi inexistantes. Ainsi, elles concerneront en particulier les populations des vallées du Logone e t du Mayo Kébi. Les d o n n é e s relatives aux m ontagnes concernent, elles, les monts M andara proprem ent dits, e s p a c e où a u c u n e fouille archéologique ne fut conduite, e t les piémonts orientaux où nous avons entrepris différents so ndages. En co nséquence, la zone d 'é tu d e arch éo lo g iq u e se trouve, en q u elque sorte, e n c a d r é e p ar la zone d 'é tu d e ethnographique e t seuls les piém onts orientaux des M andara sont aujourd'hui en m esure d 'a p p o rte r conjointement des données archéologiques e t ethnographiques.

Pratiques funéraires actuelles : une opposition plaine-montagne

Le Diamaré (sensu lato) inclut deux unités naturelles majeures, les m o n tagnes e t les plaines, p e u p lé e s d e groupes aux cultures e t aux économ ies distinctes. Les milieux étan t divers, leurs m o d es d 'o c c u p a tio n e t d'exploitation le sont ég a le m e n t : les m ontagnards, nombreux e t sédentaires, rentabilisent leur environnem ent d e fa ç o n optimale alors q u e les groupes des plaines, souvent moins sédentaires, exploitent leurs terres d e m anière plus lâche e t dispendieuse. Les pratiques sociales e t religieuses présentent é g a le m e n t d'im portantes différences : ainsi les m ontagnards vouent un véritable culte à leurs ancêtres, alors q u e ceux-ci n'interviennent guère dans le quotidien des peuples d es plaines. Or, 3 sem ble bien q u e ces différences, qui distinguent deux ensem bles au dem eurant très hétérogènes, trouvent une expression dans le d o m a in e funéraire. Ainsi, m êm e si on co n state une certaine variabilité des pratiques mortuaires, tant en plaine q u 'e n m ontagne, on peut aisém ent distinguer les pratiques des m ontagnards d e celles d e leurs voisins des plaines : d 'u n e extrémité à l'autre d e la sé q u en c e opératoire, tout les oppose.

Ainsi, d an s les m ontagnes, la durée d'exposition d e s corps croît a v e c le statut du défunt e t peut d é p a sse r une sem aine, tandis que dans les plaines, l'inhumation a souvent lieu le jour m êm e ou le lendem ain du d é c è s . On rem arquera en outre que, durant c e tte période, les corps reposent allongés en plaine, alors qu'ils sont souvent assis, c'est-à-dire en position active, en m ontagne. Par ailleurs, les corps d e s m ontagnards subissent souvent des traitements com plexes qui, pour les notables, peuvent aller jusqu'à l'éc o rc h ag e , alors que,' d a n s les plaines, le traitement corporel se limite classiquem ent au lavage, au ra sa g e du c râ n e e t à la ligature d e s m em bres, c e dernier p r o c é d é étant c e n sé e m p ê c h e r le mort d e se mouvoir. C om m e durant la p é rio d e d'exposition, lors d e son transport sur le lieu d'inhumation, le corps est couram m ent m aintenu en position assise (g énéralem ent à califourchon sur les épaules du forgeron ou d'un parent) en m o n ta g n e et en position allo n g ée en plaine. C 'est e n c o re en position assise (ou en décubitus dorsal, la tê te surélevée) q u e sera inhum ée la dépouille d an s différents groupes m ontagnards. C ette position peut co n cern er tous les morts (Mofou-Diamaré) ou parfois seulem ent certains d 'e n tre eux : les hom m es ch ez les M afa e t les Woula ; les chefs chez les Tchouvok, les Kapsiki e t les Mouyeng, etc. Dans les plaines, certains chefs étaient autrefois enterrés assis (Zoumaya) dans une fosse ou accroupis dans une jarre (Guiziga). Aujourd'hui seuls les individus d é c é d é s d e mort violente sont enterrés ainsi. Chez les Massa, les morts assassinés p a r des individus extérieurs

(2)

à la com m unauté sont enterrés assis dans le dessein év id en t d e libérer la v e n g e a n c e du défunt : la pointe d 'un couteau a tta c h é à la main levée du défunt é m e rg e d e la tombe. Du d é c è s à la tom be, il semble d o n c exister une relation entre la position du corps et la c a p a c ité du défunt à exprimer sa puissance.

L'opposition plaine/m ontagne est é g a le m e n t m a rq u é e par les structures funéraires, par leur m orphologie co m m e par leur localisation. Ainsi, les sépultures d e s m ontagnards sont souvent regroupées en cim etières claniques alors q u e les populations des plaines enterrent leurs morts dans ou à proximité d e l'esp a c e habité. La forme des sépultures est é g a le m e n t différente : classiquem ent en g o u rd e ou tronconiques dans les m ontagnes, elles ont une ouverture plus large e t sont souvent plus allongées dans les plaines. C ette morphologie différentielle est certes en partie liée à la position d'inhumation. Toutefois, on rem arquera q u e des fosses « en g ourde » sont é g a le m e n t creusées p a r d e s groupes, tels les Mokong, qui inhument leurs morts en position c o u c h é e . Une autre différence est la p ré s e n c e ou l'ab se n c e d e remplissage. G énéralem ent laissées vides dans les m ontagnes, les sépultures sont souvent com blées d e terre soigneusement ta s s é e dan s les plaines. M ême les superstructures sont différentes : couvertes d e simples tumulus parfois plantés d e po teaux aux significations souvent ostentatoires1 d a n s les plaines, les fosses sont parfois surplombées d e structures en margelles d e puits constituées d e pierres soigneusem ent a g e n c é e s dans les montagnes.

Ainsi, les seules pratiques funéraires semblables sur les m ontagnes et dans les plaines sont la « latéralisation » (c ô té d e d épôt) e t/o u l'orientation du corps, différentielles selon le sexe du défunt. Encore faut-il rem arquer q u e c e c a ra c tè re, classique en Afrique, se retrouve bien au-delà d e la région d 'é tu d e . Si l'on considère les différentes oppositions mises en évidence, il est clair q u e les pratiques des uns e t des autres reflètent d e s sentiments contrastés vis-à-vis du défunt, d e son corps e t d e son devenir.

Les pratiques funéraires d e s m ontagnards, extrêm em ent complexes, ont pour fonction l'a c c o m p a g n e m e n t du défunt qui est c e n sé participer activem ent à ses propres funérailles. ! s'agit d e lui donner le tem p s (longueur du processus) e t les moyens (préparation physique du corps, construction d'une matrice, e tc .) d 'a c c é d e r au statut d 'a n c ê tre . C ette accession su p p o se en effet un c h a n g em e n t d'état. Avant l'inhumation, celui-ci se m anifeste aux yeux des vivants par d e s modifications visibles du c a d a v re : début d e décom position, traitements du corps com plexes e t spectaculaires, vêture e t parure. Un nouvel ancêtre est à naître. L'étroite ouverture qui rend difficile le p assag e du corps m arque c e tte naissance « à l'envers » dans le m onde des ancêtres. La fonction d e m atrice d e la sépulture est encore plus explicite dans la Haute Bénoué où les cultes des a n c être s ont classiquem ent pour support une relique osseuse. Dans c e tte région, les sépultures-matrices, nécessairem ent vides d e terre, o n t pour fonction d e transformer le c a d a v re en m atière « inorganique » dont on d é ta c h e ra le c rân e qui d e v ie n d ra souvent le support matériel d e l'esprit du mort dev en u ancêtre. Chez certains groupes, tels les Dowayo, le rôle d e m atrice e st d'ailleurs clairement exprimé p a r l'utilisation multiple d e la structure ; on repoussera les restes osseux contre les parois pour laisser p lac e au nouvel arrivant. On rem arquera que, bien q u e rare, le prélèvem ent des crânes se pratique égalem ent d a n s les M andara, où les supports des m ânes sont plus couram m ent des poteries. En fait, com m e l'ont rem arqué différents auteurs, rien d e fondam ental n 'o p p o se les cultes des ancêtres pratiqués dans la Haute Bénoué et d a n s les M andara.

À l'inverse des p ré c é d e n te s, les pratiques funéraires d e s peuples des plaines sont minimalistes. Elles traduisent avant tout une d é fia n ce vis-à-vis du mort, sentiment qui implique un c o n ta c t aussi limité que possible a v e c in c a d a v re souvent neutralisé par différents artifices : ligature des membres, mais aussi recouvrem ent par d e s objets lourds (Massa), pratiques magiques, etc.

Présentation d es d on n ées funéraires archéologiques

Parmi la trentaine d e sépultures fouillées à c e jour au Diamaré, dix-huit o n t é té rencontrées fortuitement lors d e so n d ag es stratigraphiques étroits e t profonds réalisés dans sept sites différents; les autres, plus ou moins e n d o m m a g é e s suite aux travaux d e carriers, o n t é té fouillées lors du s a u v e ta g e archéologique du site d e Moundour. Dans les deux cas, il fut m alheureusem ent impossible d e bénéficier d e l'appui d'un anthropologue sur le terrain. Ainsi les observations effectu ées sur les ossem ents furent relativement sommaires. Cela est d 'a u ta n t plus regrettable qu'il fut parfois impossible, c o m m e souvent en Afrique, d e délimiter la structure elle-m êm e. Malgré cela, les d o n n é e s archéologiques m ontrent une certaine variabilité qui perm et d'envisager une évolution des pratiques funéraires.

Localisation des sépultures

Le so n d ag e étroit n 'e st évidem m ent pas la te c h n iq u e archéologique la mieux a d a p té e pour localiser e t caractériser a v e c précision les niveaux rencontrés. Il est en effet bien souvent difficile d e savoir, pour

1 Chez les Moussey, c h a q u e p o te a u représente un hom m e ou une bête tués par le d é fu n t (Seignobos et al. 1987). c h e z

les Lélé les poteaux am enés par les différents alliés m a rq u e n t l'ampleur des relations sociales entretenues par la personne inhum ée (Garrigues-Cresswell in : BaroinC. et al. 1995).

(3)

c h a q u e occupation, si le so n d a g e traverse le c œ u r d e l'e s p a c e habité ou s'il ne fait_que l'effleurer. Ainsi, la p rése n c e aux m êm es niveaux, d e terres d e construction et d'une sépulture, ne signifie pas nécessairem ent l'existence d'inhumations au sein d e l'e s p a c e construit : com m e aujourd'hui, les cimetières pouvaient en effet s'é te n d re en périphérie im m édiate d e l'habitat. De c e fait, l'éventuelle distinction entre e s p a c e s habités et e s p a c e s funéraires peut s'avérer d é lic a te dès lors q u e la surface d'observation est réduite. Toutefois, différents élém ents perm ettent d e p en ser q u e la localisation des sépultures fut variable selon les périodes. Ainsi, si l'on distribue par périodes chronologiques les dix-huit sépultures mises au jour lors d e sondages, on c o n sta te :

• q u e les deux sépultures subactuelles (XVIIIe-XIXe siècles) d e Tchoukol sont à m ettre en relation a v e c le cim etière a ctu el ;

• q u e les huit sépultures réc e n te s (datables entre les Xe-XIe e t le XVIe siècles ?) proviennent d e trois sites distincts, e t q u e s e p t d'entre elles intègrent deux e s p a c e s funéraires plus ou moins spécialisés ;

• q u e les huit sépultures les plus anciennes (du Vie aux Xe-XIe siècles ?) se répartissent sur sep t s o n d a g e s différents.

I a p p a ra ît d o n c q u e la quasi-totalité d e s sépultures récentes et subactuelles d éco u v ertes en s o n d a g e appartient à d e s « cimetières » (à Mowo, à Moundour e t à Tchoukol). La rareté des sépultures découvertes, en so n d a g e , d a n s les niveaux récents confirme d'ailleurs la présen ce d 'e s p a c e s funéraires spécialisés puisque les so n d a g e s ont a priori é té entrepris dans des habitats2- Inversement, à moins d e penser q u e les habitats se sont systém atiquem ent installés sur des cim etières — c e qui est évidem m ent douteux— la fré q u e n c e e t la dispersion des sépultures anciennes dans les différents sondages sem blent bien tém oigner d e la répartition « aléatoire » des inhumations a u sein d e l'e s p a c e habité.

M orp h o lo g ie des sépultures

La m orphologie des sépultures p a ra ît é g a le m e n t diverse. Ainsi, les sépultures dont la morphologie pût être déterm in ée se répartissent en au moins quatre types :

• d e s sépultures « en fosses profondes », v a g u e m e n t cylindriques, parfois pourvues d'une loge sépulcrale, b asale ou latérale (St. 29, St. 0, St. 49 d e Moundour) ;

• des sépultures « en c u v e tte », peu profondes (St. 13, St. 14, St. 21 et St. 22 d e Mowo) ; • des sépultures « en g o u rd e » (St. 15 e t St. 19 d e Mowo) ;

• d e s sépultures « à large ouverture circulaire » surplombant une fosse sépulcrale allongée (St. 13/24 e t St. 57 d e Moundour).

La p ré se n c e d 'u n remplissage est souvent difficile à assurer sur la b a se des seuls critères sédim entologiques. En effet, la terre d e com blem ent est classiquem ent la terre extraite et, les processus pédologiques aidant, I est souvent impossible, non seulem ent d e délimiter la fosse sépulcrale, mais aussi d e savoir s'il y eut rem plissage volontaire ou effondrem ents naturels. Une détermination systématique aurait nécessité une é tu d e anthropologique d e terrain. Dans certains cas, le diagnostic est malgré tout évident. Ainsi, contrairem ent aux sépultures o bservées sur les autres sites, la plupart des tom bes fouillées à Mowo furent m anifestem ent laissées vides3.

On rem arquera q u e deux des types m orphologiques définis p réc é d e m m e n t sont e n c o re aujourd'hui d 'u s a g e co u ran t: les tom bes creu sées d a n s les piémonts orientaux des monts M andara sont les répliques e x a cte s des sépultures « en gourdes » d e Mowo, tandis q u e les larges sépultures « à large ouverture circulaire» d e Moundour (St. 13/24 e t St. 57) rappellent en d e nombreux points les sépultures aujourd'hui creusées p ar certains groupes des plaines (Guiziga et M arkaba). Seules ces deux dernières sépultures corresp o n d en t m anifestem ent à un d e s m odèles aujourd'hui représentés dans les plaines. Toutefois, leur p ro b ab le rem plissage e t leur ouverture non rétrécie sem blent rapprocher les sépultures en « fosses profondes » e t « en cu v ette » des m odèl es d e s plaines e t non d e ceux des m ontagnes.

Position, orientation e t « latéralité » des corps

Sur les vingt-cinq individus dont l'éta t d e conservation a permis d'identifier la position d e d épôt, vingt reposaient en décubitus latéral plié. Les autres positions reconnues sont le décubitus latéral étendu, une jam b e fléchie (St. 8 d e Balda-Tagamré) e t le décubitus dorsal ou « assis », les jam bes pliées (St. 14 d e Mowo). Nous rem arquerons é g a le m e n t la p résen ce, toujours à Mowo, d e deux sépultures dont les occupants,

peut-2 Ceux-ci se reconnaissent n o ta m m e n t p a r l'im portante élévation générée par l’a ccu m u la tio n des m atériaux a rchitecturaux.

3 La St. 15 et b St. 19 é taient e ncore vides lors d e leur découverte, les os de ta St. 14 et de ta St. 22 se sont d é p lacé s en espaces vides, ta St. 13 à é té c o m b lé e a v e c le sédim ent sus-jacent, la St. 21 était pleine de colluvions

(4)

être inhumés en position assise, ont pu s'affaisser latéralem ent p ar la suite. Sur le -m êm e site, la position «vrillée» du sq u elette d'enfant d e la sépulture «en gourde» St. 19 semble tém oigner d e s difficultés rencontrées lors du positionnement du corps. Les données sont généralem ent trop rares pour perm ettre d e d é c e le r d e s régularités concernant l'orientation et la « latéralité » des corps. Seules les six sépultures d e M oundour attribuables à l'occupation du PN2 (entre le Xlle e t les XVe e t XVIe siècles) sem blent bien indiquer l'existence d 'u n e « latéralité » inverse selon le sexe du défunt. C e c a ra c tè re est, co m m e nous l'avons vu, d e s plus com m uns d e nos jours.

Bien qu 'elle n 'a it p a s d'équivalent ethnographique direct, on rem arquera, en outre, l'existence d 'u n e pratique a p p a re m m e n t systém atique dans la partie septentrionale du Diamaré du Vie au XVe siècles : la couverture des corps d 'u n linceul d e larges tessons (Mongossi, Balda Tagamré e t Moundour) e t exceptionnellem ent d e dalles d e granit (St. 25 d e Moundour). B eaucoup plus évocatrice, l'a b se n c e d e c râ n e dans la St. 14 d e Mowo tém o ig n e sans aucun doute — le maxillaire inférieur étant en p la c e e t les autres os é ta n t globalem ent en connexion — d 'u n prélèvem ent secondaire, alors que la structure était en c o re vide.

Évolution d es pratiques funéraires, changem ent et confrontation de civilisations

Une série d e changem ents sem ble donc se manifester dès le d é b u t du seco n d millénaire AD dans la région. Les sépultures, probablem ent dispersées au sein d e l'e s p a c e habité jusqu'à c e tte périod€> paraissent ensuite regroupées en cimetières. Cette évolution pourrait concerner à la fois les piém onts orientaux e t plaines environnantes. Eh outre, les traits qui caractérisent les inhumations m o n tag n ard es actuelles — la vacuité, l'ouverture étroite e t la position en décubitus dorsal ou assis — sont représentés à Mowo, site d e s piém onts orientaux d e s M andara, pour certains, à l'aube du second millénaire AD. À c e tte période, dans les piém onts méridionaux des M andara e t peut-être ailleurs, nous pourrions bien observer le rem p lac e m e n t progressif d e traditions funéraires plus ou moins conformes à celles des actuels groupes d e s plaines par d e s traditions tout à fait semblables à celles des actuels m ontagnards des monts M a n d a ra . La présence, à Moundour, d e s deux sépultures récen tes à larges ouvertures cylindriques n'infirme en rien c e tte hypothèse. Au contraire, nous savons par les traditions orales que des Guiziga e t d'autres groupes a p p a re n té s issus d e s plaines (M arkaba, Mourgour, etc.) s'installent localem ent à c e tte période et a d o p te n t, pour certains, les pratiques au to ch to n es.

C onsidérant leurs équivalents ethnographiques, les rares donn ées archéologiques disponibles sem blent perm ettre d 'a v a n c e r des hypothèses qui d ép a sse n t largem ent le c a d re funéraire.

Les sépultures d e Mowo tém oignent d e l'ancienneté du culte des ancêtres dans les piém onts orientaux d e s M andara. Les sépultures en gourdes sem blent ainsi faire remonter c e culte à un millénaire ou plus. Même si une telle a n c ie n n e té reste hypothétique, le squelette a c é p h a le d e Mowo (St. 14) su p p o se la pratique d'un culte d e s a n c ê tre s a y a n t pour support le crâne, il y a d e cela plusieurs siècles.

À l'inverse, la p ré se n c e d e sépultures à larges ouvertures, vraisem blablem ent c o m b lé es, sur différents sites, nous conduit à envisager l'existence d e sociétés ne pratiquant pas d e cultes des a n c être s. C es c a ra c tè res, auxquels on p e u t ajouter le recouvrem ent du corps par des objets lourds (St. 25 d e Moundour), font plutôt réfé re n c e aux traditions funéraires des plaines. On peut ainsi penser q u e des sociétés aux caractéristiques relativem ent p ro ch es d e celles des sociétés actuelles des plaines sont présentes d a n s la région depuis un millénaire e t demi.

Nous pensons finalem ent que deux grands types d e civilisations — l'un proche d e l'actuel ty p e m ontagnard, l'autre p ro c h e d e l'actuel type d e s plaines — ont cohabité durablem ent dans la région. L'apparition d e s cimetières, p e u t-ê tre sur l'ensem ble d e la région, pourrait tém oigner d'une évolution d e s sociétés qui tendraient progressivem ent à se sédentariser et, plus généralem ent, à se rap p ro c h e r du « m o d èle m ontagnard ». En effet, l'insécurité d es plaines croissant, les piémonts sont investis par d e s groupes, d e plus en plus nombreux, venus des terres orientales qui n'ont d'autre solution pour survivre q u e d 'a b a n d o n n e r tout ou partie d e leurs pratiques antérieures. Les mythes sont éloquents à c e sujet: é g o rg e m e n t des p o n e y s in c a p a b le s d e vivre s u les hauteurs par les peuples cavaliers, inhumation sp o n ta n é e d'un taureau fugitif poursuivi p a r les agropasteurs, e t m êm e ch angem ent explicite des pratiques funéraires. C o m m e nous l'avons vu, les sépultures à large ouverture cylindrique d e Moundour sont très probablem ent à attribuer à l'un d e c e s groupes issus d e s plaines orientales aujourd'hui encore installés dans la région.

À la lumière d e s données ethnographiques locales, les quelques données funéraires a rch éo lo g iq u es d isparates c o lle c té e s au Diamaré perm ettent ainsi d e proposer des scénarios historiques relatifs à la g e n è se e t à révolution d e s sociétés régionales. De nos jours, dans la région étudiée, les pratiques funéraires sem blent en effet refléter la p e n sé e religieuse d e s vivants. Dans les m ontagnes, l'ancêtre, om niprésent, o c c u p e une p la c e so c iale ce n trale e t quotidienne. C ette p lace est m arquée au niveau d e la structure funéraire, m atrice dont la v acu ité favorise le processus d'ancestralisation e t maintient un lien entre le mort e t les vivants. Elle est parfois aussi m a rq u é e par le corps m êm e du défunt dont la position (assise), la non-intégrité (récupération d e reliques) sont a u ta n t d'indices d e la puissance qu'il aura encore à exercer auprès d e s vivants. De la m ê m e

(5)

manière, la p lace m ineure o c c u p é e par les ancêtres dans les plaines est transe rite p a r les tom bes, simples fosses com blées d e terre. Le sentiment dominant vis-à-vis d e la puissance du défunt n'est plus le resp ect, mais la crainte. À c e t é g a rd les pratiques visant à entraver ou écraser le c a d a v re sont évocatrices. Les pratiques funéraires con trastées actuellem ent représentées dans la région sont ainsi l'expression d e sentiments divergents vis-à-vis des morts. Des pratiques funéraires c o m p a rab le s ayant é té o b serv ées en co n tex te archéologique, il est peu probable que leurs significations aient é té radicalem ent différentes. Une telle transposition n'est toutefois permise que par l'unicité des terrains ethnographiques et archéologiques et par les liens culturels qui unissent m anifestem ent certaines cultures anciennes et sociétés actuelles. Ainsi, nous nous garderons bien d'établir des règles à valeur universelle en la m atière. Du reste, l'exem ple des Rwa d e Tanzanie (cf. C. Baroin, c e recueil) est là pour montrer que dans d 'a u tre s régions, le m êm e processus d'ancestralisation se traduira par une a b s e n c e d e sépultures e t non p a r des tom bes vides, en g o u rd e ou tronconiques. D'une extrêm e efficacité lorsqu'elle est utilisée dans les conditions a d é q u a te s, la d é m a rc h e ethnoarchéologique a d o p té e ici peut ainsi conduire à des interprétations parfaitem ent erronées si in lien historique entre les cultures archéologiques e t les sociétés ethnographiques ne peut être envisagé, si c e n'est prouvé.

Éléments bibliographiques

Baroin C.. Barreteau D.. Von Graffenried C. (sous la direction de). 1995. Mort et rites funéraires dans le bassin du lac Tchad.

ORSTOM, Bondy, sept. 1990. Paris : ORSTOM. Colloques et séminaires.

D um as-Cham pion F. 1983. Les Masa du Tchad, bétail et société. Cambridge. Paris : C am bridge University Press, Editions

de ta Maison, des S c ie n ce s de l'H o m m e .

D um as-Cham pion F. 1989. Le m ort circoncis : Le culte des crânes dans les populations de ta Haute Bénoué (C am eroun/Nigeria). Cahiers du L. A. 221, Systèmes de pensée en Afrique Noire, 9, p. 33-73.

Seignobos C. 1991a. Le rayonnem ent de la chefferie théocratique de Gudur (Nord-Cameroun). In : Du politique à l'économique, études historiques dans le bassin du lac Tchad, p. 225-316. IVe colloque M é g a -T ch a d ,

CNRS/ORSTOM, Paris, sept. 1988. Paris: ORSTOM. Colloques et séminaires, vol. Ill

Seignobos C. 1991b. Les Murgur ou l'identification ethnique par b forge (Nord Cam eroun); Annexe : Trois réductions de fer. p. 43-225. Forge et forgerons, IVe colloque Méga-Tchad. CNRS/ORSTOM, Paris sept. 1988. Paris: ORSTOM.

Colloques et séminaires, vol. I.

Seignobos C., Tourneux H., Hentic A., Planchenault D. 1987. Le poney du Logone. Paris: Ed de l'IEMVT. Etudes e t

synthèses 23.

(6)

•j^ÿ'mguclih Cüvetîe de la Bénoué

V777X

zones inondables pénéplaines et pédiplaines plateaux

reliefs contrastés d’allure montagneuse cordon sableux escarpement La région d’étu d e Lac Tchad 50 Km C U. CFDT. V'. L. v -/ y \

Références

Documents relatifs

Méthodologie et résultats : L’étude a été réalisée du 7 au 14 février 2019 auprès de 509 chefs de ménage des localités de Bafang et Bakassa dans la région de

Les précipitations moyennes annuelles sont d’environ 1000 mm de pluie et la température moyenne annuelle est de 22° C (INS, 2017). Le paludisme y est hypo-endémique. L’étude a

Tout au long du XVIIIème siècle, depuis la publication du Neptune Français (1693) jusqu 'à l'essor de l'hydro- graphie moderne dans les premières années du XIXème

Avant de se lancer dans la rdalisartion de ce systdme, nous avons effectud une 6tude thdorique qui nous a permis non pas de d6tailler les deux fonctions planification

travail qu’ils commencent à s’en aller. Je sais que les génies ont quitté la femme lorsqu’elle danse sur tous les airs de la vièle et qu’elle entend tout ce

b) De mˆeme, et pour la mˆeme raison, on peut renforcer la conclusion, en y rempla¸cant application harmonique par application finement harmonique , c’est-`a-dire application

Nom : Date

Cette phrase montre que Solvay prend appui sur son référentiel de compétences dans son nouvel accord de GPEC pour saisir les différentes sources de compétences : lors de la