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Suis-je contagieux ? Ai-je été infecté ? Répondre par les autotests en temps de Covid-19

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Suis-je contagieux ? Ai-je été infecté ? Répondre par les autotests en temps

de Covid-19

NICOLAS POSTEL-VINAY, JOËL MÉNARD, MICHEL BALLEREAU et LAURENT BÉLEC Rev Med Suisse 2021 ; 17 : 597-601

Fin 2019, le virus SARS-CoV-2 respon- sable du Covid-19 envahissait le monde et la pratique de quarantaines revint d’actua- lité. Les questions « ai-je été infecté » ou

« suis-je contagieux ? » devinrent centrales tant pour la vie sociale que pour la prise en charge des malades. Pour y répondre, on vit durant l’hiver 2020-2021 se consti- tuer des files d’attente devant les centres de tests, témoignant des difficultés d’accès aux tests pratiqués hors du domicile (alors même qu’il convient de s’isoler si l’on pense être contagieux). Depuis, des

« a utotests Covid » ont été conçus. On peut attendre qu’ils soient d’un usage pratique : leur facilité d’emploi peut per- mettre de tester un maximum de per- sonnes, partout, et, si besoin, plusieurs fois. Avec un autotest, il n’y a pas besoin de se déplacer, un achat en pharmacie ou par internet avec livraison à domicile suf- fit. Le résultat est connu sans délai, sans intermédiaire.1

À la date de rédaction de cet article (25  février 2021), les données commer- ciales, réglementaires et scientifiques sur les autotests Covid restant lacunaires, il est donc trop tôt pour avoir un avis défini- tif sur la place des autotests parmi les

autres méthodes de dépistage et de diag- nostic. Cependant, les premières commer- cialisations d’autotests ayant déjà lieu, il est légitime de réfléchir à leurs avantages et limites.

QU’EST-CE QU’UN AUTOTEST COVID ?

Un « autotest Covid » est un test rapide d’orientation diagnostique (TROD) pour lequel le prélèvement, la lecture et l’inter- prétation des résultats sont réalisés par l’individu lui-même, au domicile, dans un court laps de temps (une trentaine de minutes). On en distingue deux types (t ableau 1) :

l’autotest direct recherche la présence du virus SARS-CoV-2 dans les sécrétions respiratoires ou la salive. Il s’agit d’auto- tests antigéniques détectant des protéines virales ou moléculaires détectant le génome viral. La positivité d’un autotest Covid direct signe en principe la conta- giosité mais sa négativité ne l’infirme pas.

L’autotest sérologique permet le diag- nostic « indirect » de l’infection à SARS- CoV-2 par la détection des anticorps circulants de classes IgM et/ou IgG dirigés contre des antigènes viraux immunodominants, en pratique dans le sang capillaire prélevé au bout du doigt (figure 1). Sa positivité témoigne d’une infection récente (détection d’IgM et/ou

Site de prélèvement Principe Praticabilité Performances analy-

tiques Indications

Autotest

« direct » Antigénique Sécrétions nasales antérieures

Salive (totale, écou- villonnage de gorge)

Immunocapture

en immunochromatographie

À lecture visuelle

À lecture digitale

Élevée (96 %)

Sensibilité : 95 %

Spécificité : 97 %

Diagnostic d’infection aiguë et de contagiosité

Diagnostic de guérison et de non-contagiosité

Surveillance des cas d’infection et des sujets contacts

Moléculaire Amplification isothermique

sans extraction d’ARN (LAMPa) Concordance : 94 % Autotest « indirect »

(sérologique)

Sang capillaire

Urine Dépistage qualitatif des IgM et/ou IgG contre le SARS-CoV-2 par test de diagnostic rapide en immunochromatographie

Élevée (88-98 %)

Acceptabilité : 99 %

Concordance : 92-98 % NB. Risque de faux posi- tifs en IgM

Diagnostic d’infection aiguë

Diagnostic d’antécédent d’infection et évaluation qualitative de l’immunité postinfectieuse

Surveillance épidémiologique

Sérologie prévaccinale et évaluation qualitative de l’immunité vaccino-induite

TABLEAU 1 Principes, performances et indications des autotests Covid, selon les données de la littérature (février 2021)

a « LAMP » : Loop-mediated isothermal amplification.

FIG 1 Autotest sérologique : prélèvement de sang capillaire au bout du doigt

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d’IgG spécifiques) ou passée (présence d’IgG spécifiques).

Ces tests ne sont pas considérés comme des « examens de biologie médicale » selon la réglementation française, mais comme des TROD, ici réalisés par la personne elle- même, tels que peuvent l’être les tests de grossesse. La réglementation européenne impose le marquage CE, renforcé par rapport aux réactifs utilisés dans les labora- toires de biologie médicale, avec recours obligatoire à un « organisme notifié ». Sur le plan réglementaire, l’utilisation des autotests Covid est très hétérogène selon les pays (encadré p. 598). Il faut distinguer les autotests Covid avec lesquels l’individu réalise tout le parcours diagnostique, de l’autoprélèvement à la réalisation et à l’interprétation du test, du seul autopré- lèvement au domicile (home-kit) qui est envoyé par voie postale pour analyse dans un laboratoire de biologie médicale.

DE L’AUTOPRÉLÈVEMENT À L’AUTO- INTERPRÉTATION

Le prélèvement nasopharyngé fait ré- férence pour les tests Covid de diagnostic direct (RT-PCR), mais il ne peut pas être réalisé en autoprélèvement. Aussi, les sites de prélèvement (matrices) pour autotests Covid antigéniques sont soit les sécrétions nasales antérieures superficielles (à 1,5 cm de l’orifice narinaire) ou moyennes ( jusqu’au cornet moyen à 2 cm de l’orifice narinaire) recueillies par auto-écouvillon- nage d’une ou de deux narines (prélèvement facile et sans douleur), soit la salive totale non stimulée recueillie par crachat, écou- villonnage de gorge ou encore dispositif de recueil salivaire. Il existe en général une excellente con cordance pour la détec- tion de l’ARN du SARS-CoV-2 entre les prélèvements nasopharyngés et les auto- prélèvements salivaires et nasaux anté-

rieurs (figure  2), même si les prélève- ments nasaux antérieurs manquent 15 % de détections positives par rapport aux prélèvements nasopharyngés et salivaires chez les individus symptomatiques.2 Aussi, les autotests Covid directs pourront être moins sensibles qu’une méthode molé- culaire de référence avec prélèvements nasopharyngés.

ment les agences gouvernementales Aux États-Unis, les Centers for diseases control and prevention (Atlanta, GA, États-Unis) recommandent à la fois l’autoprélèvement pour analyse dans un laboratoire de référence et l’autotest Covid direct, antigénique ou molé- culaire, à partir de prélèvement nasal antérieur ou moyen ou à partir de salive (CDC 2021).

Pour mettre les tests Covid sur le marché de l’Union européenne, les fabricants doivent établir un dossier technique qui montre que le test est sûr et fonctionne conformément aux fins prévues, afin d’obtenir le marquage CE (les États membres peuvent, à titre exception- nel, autoriser la commercialisation de tests ne disposant pas du marquage CE). Pour les dispositifs destinés à l’autodiagnostic, il est exigé qu’un organisme notifié procède à une vérification supplémentaire de la documen- tation technique.

Des autotests Covid sont déjà autorisés au Royaume-Uni, en Belgique et en Espagne. Le gouvernement britannique fut précurseur pour miser sur l’autotest Covid, en mettant dès juin 2020 à disposition des professionnels de la santé et du grand public les autotests séro- logiques. Cette initiative a été suivie par la généralisation du « home test » avec auto- prélèvement envoyé dans un laboratoire dans tout le pays, avec numéro d’appel et site internet dédiés ouverts par le National Health Service (NHS) (www.gov.uk/get- coronavirus- test). Par la suite, l’autotest Covid antigénique a été promu pour le personnel soignant du NHS

En Belgique, l’Agence fédérale des médicaments et des produits de santé belge (AFMPS) a autorisé le 19 septembre 2020 les autotests sérologiques en levant l’interdiction qui existait auparavant de la vente de ces tests « par mesure de précaution pour éviter une mauvaise interprétation des résultats » (www.afmps.be/fr/

news/coronavirus_comment_les_tests_doivent_

ils_etre_mis_a_disposition_en_belgique), tout en stipulant que « l’AFMPS avertit les utilisa- teurs qu’il existe d’importantes réserves tant sur la fiabilité de leurs résultats (négatifs comme positifs) et qu’ils peuvent donner un faux sentiment de sécurité (faux positifs) ou causer une anxiété inutile » (www.afmps.be/fr/

news/coronavirus_comment_les_tests_doivent_

ils_etre_mis_a_disposition_en_belgique).

En Espagne, les autotests sérologiques sont dispensés sur ordonnance exclusivement dans les pharmacies, lesquelles ont reçu en décembre 2020 un guide de recommandation pour leur distribution. Les mêmes remarques limitatives que celles au sujet des autotests sérologiques en Belgique ont été formulées par la Société espagnole des maladies infectieuses et de microbiologie clinique (SEIMC).

En France, la Haute Autorité de santé (HAS) a considéré le 14 mai 2020 que l’utilisation des autotests Covid sérologiques était encore prématurée compte tenu notamment de leur difficulté d’interprétation par les utilisateurs et de l’absence de validations disponibles (HAS 2020). Les arrêtés du Ministère des Solidarités et de la Santé (Paris) précisent que « la mise à dispo sition sur le marché et la vente des

destinés à réaliser des autotests de détection d’anticorps dirigés contre le SARS-CoV-2 » (Journal officiel de la République française du 11 juillet 2020) et « de détection antigénique du virus SARS-CoV-2 » (Journal officiel de la République française du 17 octobre 2020) est

« interdite » pour le moment. Puis, dans un avis du 15 mars 2021 la HAS ouvrait la porte aux autotests antigéniques, notamment pour une utilisation dite « sociétale » chez les personnes asymptomatiques de plus de 15 ans, par exemple, avant une rencontre avec des proches.

En Suisse, le Conseil fédéral veut rendre tous les tests de dépistage gratuits. Il est prévu que tous les tests effectués dans les pharmacies ou les centres de tests soient gratuits dès le 15 mars, même pour les personnes ne présentant pas de symptômes. Le Conseil fédéral veut par ailleurs rendre gratuitement disponibles pour chaque personne cinq autotests par mois.

Ceux-ci pourraient être disponibles d’ici

« quelques semaines », s’il est vérifié qu’ils sont suffisamment fiables. Ce projet a été soumis en consultation au Parlement.

En Allemagne, les autotests sont commercialisés depuis le début du mois de mars. En plus de cette commercialisation, le ministre de la Santé allemand a annoncé que chaque Allemand devrait bientôt pouvoir faire gratuitement un test antigénique par semaine en pharmacie ou dans un centre de tests.

FIG 2 Autotest direct : prélè- vement nasal antérieur

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DU MANIEMENT À L’INTERPRÉTATION, UNE ÉVALUATION COMPLÈTE NÉCESSAIRE

Avant commercialisation, les autotests Covid doivent être évalués non seulement pour la partie analytique mais aussi vis-à- vis de leur praticabilité par des utilisateurs profanes. Ces autotests ne pourront être proposés qu’après validation de leurs propriétés intrinsèques, virologique ou immunologique, et de leur valeur infor- mative sur l’état de contagiosité ou sur le profil immunitaire de la personne testée, avec les décisions qui en découlent. Pour évaluer dans quelles proportions l’auto- test d’une marque donnée génère des faux positifs ou des faux négatifs, il faut connaître ses performances par comparai- son avec la meilleure technique de réfé- rence.

L’utilisation de tests insuffisamment fiables n’est pas acceptable, en particulier en cas d’insuffisance de reproductibilité, de sensibilité (trop de faux négatifs) ou de spécificité (trop de faux positifs). Par ailleurs, l’évaluation de la praticabilité de l’autotest doit passer par trois étapes :3 a)  évaluation de la compréhension de la notice d’utilisation du test ; b) de l’inter- prétation des résultats de tests simulés dans un environnement contrôlé et c) de la réalisation de l’autotest par des pro- fanes supervisés dans un environnement contrôlé. Les critères de validation doivent être gérés selon les recommandations des agences sanitaires de régulation.

ÉTAT DE L’OFFRE DÉBUT 2021 : SURTOUT AUX ÉTATS-UNIS Autotests Covid directs

Le développement des autotests Co- vid « directs », antigéniques ou molécu- laires, est en plein essor depuis fin 2020, bénéficiant en partie de l’adaptation des tests « professionnels » au format autotest.

La matrice la plus utilisée actuellement reste les sécrétions nasales antérieures.

Des autotests utilisant la salive, encore plus simple à prélever, sont en cours de développement ou de commercialisation.

Un petit nombre a franchi le stade de mise sur le marché en dehors de l’Europe (à notre connaissance, il n’existe pas en fé- vrier 2021 d’autotests directs ayant le mar- quage CE sur le marché européen). Citons aussi l’existence d’offres de tests antigé- niques non validés sur internet.

Le 17 novembre 2020, la Food and

Drug Administration (FDA, États-Unis) a  émis une autorisation d’utilisation d’urgence (Emergency Use Authorization) pour le test de diagnostic moléculaire Lucira COVID-19 All-In-One Test Kit, à partir d’autoprélèvement nasal, puis une autre le 15 décembre 2020 pour le COVID-19 Ellume Home Test, également à partir d’autoprélèvement nasal. Ce dernier est désormais disponible dans les supermarchés américains, en vente libre sans ordonnance au prix d’une trentaine de dollars améri- cains. Le fabricant pense pouvoir fournir jusqu’à 20 millions d’unités au premier semestre 2021 aux États-Unis. Les perfor- mances déclarées par le fabricant sont remarquables. Selon les résultats d’une étude indépendante effectuée sur 198 personnes, âgées de 2 à 82 ans, compre- nant 40 (20,2 %) personnes infectées par le SARS-CoV-2, les sensibilités et spécifi- cités globales de l’autotest étaient de 95 et 97 %, respectivement, et de 96 et 100 %, respectivement, chez les personnes symp- tomatiques. Chez les asymptomatiques, le test avait correctement identifié 91 % des échantillons positifs (sensibilité) et 96 % des négatifs (spécificité).

Autotests sérologiques

Les autotests sérologiques ont été les premiers autotests Covid proposés. Ils permettent de détecter les anticorps spécifiques contre le SARS-CoV-2 dans une goutte de sang capillaire prélevée par une piqûre au doigt. Ils ont fait l’objet d’études pilotes de praticabilité3-6 et d’utilisation en grandeur réelle à visée épidémiologique au Royaume-Uni7 et en Espagne.8 Ces études montrent une acceptabilité élevée et une excellente pra- ticabilité au sein de populations adultes européennes (encadré ci-dessous).

Remarquons cependant qu’après l’en- gouement initial de la sérologie Covid au cours de la première vague épidémique, son intérêt pour faire le diagnostic d’infec- tion aiguë a par la suite diminué, notam- ment en raison de la diffusion des tests de diagnostic direct. Dès lors, les autotests semblent peu attractifs pour faire le diagnostic d’infection à SARS-CoV-2 évo- lutive. Désormais, leur intérêt se trouve plutôt dans la réalisation d’études épidé- miologiques à large échelle. Leur place est en train d’évoluer en contexte d’incerti-

Évaluation des autotests sérologiques La praticabilité d’un prototype d’autotest capillaire IgG-IgM Covid-19 sur sang capillaire (autotest Exacto Covid-19, Biosynex) comme outil de dépistage sérologique de l’infection par le SARS-CoV-2 en 15 minutes adapté au grand public a été évaluée chez 167 adultes entre avril et mai 2020 à Strasbourg (France).3 Tous les participants (100 %) ont correctement utilisé l’autotest et 14,5 % ont demandé une aide verbale. Le pourcentage de concordance entre les résultats des tests lus et interprétés par les participants par rapport aux résultats attendus était de 98,5 %. Une mauvaise inter- prétation a été constatée dans 2,3 % des résultats de tests positifs et 1,2 % des tests invalides. Tous les participants (100 %) ont trouvé que la réalisation de l’autotest était facile ou plutôt facile , et une majorité (98,8 %) a trouvé que l’interprétation des résultats était facile ou plutôt facile.

Des chercheurs anglais ont évalué l’acceptabilité et la praticabilité de deux autotests de recherche d’anticorps.7 Les participants ont reçu les autotests par courrier et ont enregistré l’interprétation de leurs résultats dans une enquête en ligne avec la possibilité de télé- charger une photo des résultats. Pour évaluer la capacité des participants à interpréter correctement les résultats du test, un clinicien

a examiné tous les échantillons des photogra- phies téléchargées qui ont été signalés comme positifs ou difficiles à lire ainsi qu’un échantillon aléatoire de 200 résultats négatifs ou invalides rapportés par les participants. L’acceptabilité dans l’étude nationale était élevée (99,3 %) et la majorité (98,4 %) des participants avait utilisé les deux autotests. La faisabilité était égale- ment élevée avec 86,5 % des participants pilotes et 97,5 % des participants de l’étude nationale déclarant avoir terminé toutes les étapes des autotests avec succès. La majorité des participants (85,8 %) ont téléchargé les photos de leurs résultats avec une

concordance substantielle entre les résultats interprétés par eux-mêmes et ceux interprétés par le clinicien pour les deux autotests, même si certaines discordances d’interprétation existaient de façon minoritaire.7 Certains participants ont signalé des difficultés d’utili- sation de la lancette pour le prélèvement et de la pipette pour le dépôt du sang capillaire. Les tests de diagnostic rapide de l’infection à SARS-CoV-2 sont souvent mis en défaut, avec un manque de spécificité de la bande IgM.9 Néanmoins, la bande IgG est le plus souvent fiable et sa positivité signe une infection à SARS-CoV-2 en cours ou passée.

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ou le concept de « passeport immuno- logique », voire de « passeport vaccinal » particulièrement débattu.11

Confidentialité

Un autotest possède la caractéristique de pouvoir être utilisé de façon confi- dentielle. Il est donc bien distinct des examens de biologie médicale pratiqués en laboratoire et des tests (ou TROD) réalisés en pharmacie d’officine, dont le résultat est communiqué aux autorités de santé via le traçage informatique (implé- mentation dans le dossier médical, rem- boursement de la prestation…). Sans que l’on sache dans quelle proportion, il existe des personnes qui ne vont pas se faire tester par crainte de subir des contraintes médico-sociales. Le cadre confidentiel de l’autotest pourrait ainsi constituer un avantage. Néanmoins, selon le contexte réglementaire, le résultat d’un autotest Covid pourrait être directement commu- niqué aux autorités sanitaires nationales, aux fins de traçage des cas contact et de surveillance épidémiologique. Les résultats du test Ellume cité plus haut sont automa- tiquement communiqués aux autorités de santé publique, via l’application du smartphone, conformément aux exigences locales, régionales et fédérales en vigueur aux États-Unis. De ce cas, la connexion internet fait basculer une pratique d’auto- soins dans le monde de la télésurveillance ; c’est un changement de paradigme dont la portée sociale sera à mesurer.

CE QU’IL FAUT EXPLIQUER AU PATIENT : LES MOTS POUR LE DIRE

Un test mal utilisé peut induire une conduite de santé inappropriée (par exemple, fêter Noël sans mesures barrières au motif d’avoir un autotest antigénique « négatif »).

Pour pallier les défauts de compréhension, il convient de porter la plus grande attention à la qualité des notices d’utilisation, qui sont parfois accompagnées de tutoriels vidéo visionnables avec un smartphone.

Le ton employé et le bon choix des mots sont déterminants (mais souvent négligés).

En effet, la pandémie de Covid-19 a mis à nu les défis de la communication des messages de santé publique afin qu’ils motivent les communautés à suivre des interventions vitales ou contraignantes.12 Le langage donne un sens aux messages qui sont véhiculés. Lorsqu’il est utilisé effica-

tement. Il a été démontré que les com- munications Covid-19 sont susceptibles d’être plus efficaces si elles se concentrent sur les avantages du succès et non pas seulement sur les conséquences de l’échec, dès lors il faut concevoir des messages adaptés aux publics cibles, sachant que les personnes sont moins susceptibles de suivre des mesures de santé publique fondées uniquement sur la peur.12

Comme aucun test n’est fiable à 100 %, l’emploi des seuls termes « positif » ou

« négatif » est trop limité. L’explication des résultats d’un test virologique (prélèvement nasal ou salivaire, détection des acides nucléiques ou des protéines) devrait user de formulations conviviales et plus complètes.

Nous faisons ici deux propo sitions : 1. « Votre résultat indique que vous êtes très probablement contagieux, car le test retrouve une trace du virus (test « posi- tif »). Pendant 7 à 14 jours (10 jours sont préconisés en Suisse), il est indispensable d’éviter tout contact, de porter un masque (même chez vous si vous ne vivez pas seul) et de vous laver les mains réguliè- rement avec du savon ou de les nettoyer avec une solution hydroalcoolique.

Prenez soin de contacter les membres de votre entourage en les informant de votre situation, vos amis comme vos collègues de travail, car ils pourraient avoir besoin de se faire tester également. Il est également important, lorsque c’est possible, de savoir comment vous avez été contaminé, pour prévenir d’autres contaminations par la même personne. Pour vous-même, téléphonez à votre médecin pour savoir comment vous surveiller si vous avez des symptômes, comme de la fièvre, de la toux, une perte d’odorat ou des difficultés à respirer .»

2. « Votre test ne retrouve pas de trace du virus (test « négatif »), mais il n’est pas suffisamment fiable pour affirmer que vous n’êtes pas contagieux. Continuez à appliquer les mesures barrières pour protéger votre entourage, notamment les personnes âgées et les malades fragiles.

En cas de symptômes, contactez votre médecin qui vous guidera dans le choix d’un test plus performant (par exemple, un test nasopharyngé avec la détection du virus par RT-PCR). »

INFANTILISER OU RESPONSABILISER ?

Il existe une forte attente sociétale et médiatique sur le diagnostic de contagio-

gérée dans une grande confusion, voire précipitation. Dans un contexte où le diagnostic biologique de l’infection est omniprésent dans les décisions de santé publique, le recours aux autotests envisagé en complément – et non en substitution – de l’offre multiple de dépistage et de diag nostic biologique existante ouvre de nouvelles questions. L’Europe est-elle en retard sur les États-Unis dans la commer- cialisation des premiers autotests Covid ? Ou bien raisonnablement prudente ? Ou moins confiante dans la maturité de ses propres citoyens ? Que sait-on des études de fiabilité ? Peuvent-ils constituer un outil réellement utile dans la lutte contre l’épi- démie ? Quelle est la demande des usagers ? Donner à une personne la possibilité de savoir par elle-même si elle est conta- gieuse ou pas revient à lui confier une responsabilité importante, puisque le résultat de l’autotest débouche sur des décisions sociales (possibilité de se rendre au travail, de prendre les transports en commun, nécessité d’une mise en quaran- taine).

Les agences de régulation, mais aussi bien des médecins, biologistes médicaux et pharmaciens, montrent une certaine propension à ne pas faire confiance aux usagers. Ainsi, la mise à disposition du pu- blic des autotests pour le VIH a longtemps fait débat et il a fallu du temps avant que les associations de patients n’aient gain de cause.13

Faut-il « infantiliser » ou autonomiser les personnes par rapport au diagnostic du Covid-19 ? À ce jour, la place des autotests Covid comme outils complémentaires dans la lutte contre l’épidémie d’infection à SARS-CoV-2 n’est pas encore complète- ment définie. Soulignons que les tenants et aboutissants des choix entre le diag- nostic classique et l’autodiagnostic privi- légiant la responsabilité et le savoir-faire individuel n’appartiennent pas unique- ment au registre technique et analytique (sensibilité/spécificité), ni même à celui de la pure praticabilité de l’autotest lui- même. Au contraire, ils associent également des dimensions anthropologiques, sociales, économiques (corporatistes), philosophi- ques, voire morales, intriquées et émi- nemment complexes. Au minimum, on s’accordera sur le fait que confier la compétence diagnostique à un profane suppose toujours que cette personne soit désireuse de se tester elle-même et qu’elle reçoive une information de qualité (com- préhensible et utile avec une conduite à

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tenir adaptée quel que soit le résultat). Il a été remarqué que la qualité de l’informa- tion du public sur les tests Covid fait souvent défaut.14 Faire mieux avec les autotests semble possible. Le virus du Covid et ses variants pourraient s’installer dans nos vies sur la durée et sur toute la planète. La carte de l’autonomie des per- sonnes éduquées et disposant d’outils fiables paraît devoir être jouée.

DR NICOLAS POSTEL-VINAY

Hôpital européen Georges-Pompidou, Fondateur du site automesure.com, 20 Rue Leblanc, 75015 Paris, France nicolas.postel-vinay@aphp.fr

PR JOËL MÉNARD

Professeur honoraire de santé publique, Ancien directeur général de la Santé, France

DR MICHEL BALLEREAU

Président du comité stratégique (COS) santé et action sociale (Afnor normalisation), France

PR LAURENT BÉLEC

Laboratoire de virologie médicale, Hôpital européen Georges-Pompidou, 20 Rue Leblanc, 75015 Paris, France

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