• Aucun résultat trouvé

Le gouvernement français veut en finir avec la défiance vaccinale

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Le gouvernement français veut en finir avec la défiance vaccinale"

Copied!
2
0
0

Texte intégral

(1)

REVUE MÉDICALE SUISSE

WWW.REVMED.CH 20 janvier 2016

154

point de vue

Le gouvernement français veut en finir avec La défiance vaccinaLe

« Aux armes vaccinales, citoyens ! ».

Ma risol Touraine, ministre française des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes, vient d’ouvrir un chantier pharaonique. Elle lui a donné un nom :

« Plan d’action pour la rénovation de la politique vaccinale ».

« Depuis plusieurs années – c’est un fait – un mouvement de défiance vis-à-vis de la vaccination s’est développé dans notre pays, déclarait la ministre il y a quelques jours devant la presse. Malgré une situation globalement satisfaisante, des signes préoccupants ne peuvent être négligés : le taux de couverture vaccinale contre la grippe a chuté de 13 points depuis 2008, les professionnels de santé expri- ment leurs inquiétudes face à la baisse de la vaccination chez les nourrissons et à la résurgence régulière de cas de rougeole. »

Pourquoi ? Selon la ministre, les origi- nes de ce mouvement sont diverses. « Elles tiennent pour partie à la manipulation, à la désinformation entretenues par certains, a-t-elle expliqué. Elles tiennent aussi para- doxalement à la perception que ces mala- dies graves auraient disparu, qu’elles se- raient derrière nous. Mais elles relèvent également d’une insuffisante lisibilité de notre politique vaccinale, d’une compré- hension affaiblie de l’intérêt individuel ou collectif de la vaccination et d’inquiétudes alimentées par de récentes ruptures d’ap- provisionnement. »

Fort de ce constat, un plan « décliné en quatre axes » va être lancé. Quatre axes, mais un objectif unique : « agir, auprès des

particuliers, des professionnels de santé et des industriels, pour renforcer la confiance dans la vaccination ». Comment le politi- que compte-t-il s’emparer de ce débat de société ? Comment une ministre de la Santé, confrontée à la défiance vaccinale, pense- t-elle parvenir à redonner confiance dans une méthode qui rassure moins que par le passé, qui génère de nouvelles inquiétudes ? On pourrait ici se borner à un rappel historique. Démontrer que la

vaccination est l’un des acquis sanitaires fondamentaux du XXe siècle. Qu’elle a permis de faire re culer, voire d’éradi- quer, des maladies infectieu ses mortelles longtemps consi- dérées comme une fatalité.

Redire que la diphtérie tuait

trois mille personnes chaque année en France avant l’introduction du vaccin en 1945, que le tétanos tuait également très volontiers. Que la vaccination « protège à la fois la société tout entière et l’avenir de chacun de nos enfants, en les immuni- sant ». Qu’elle symbolise dans un même élan l’appartenance à une communauté.

Que se faire vacciner, c’est se protéger tout en protégeant les autres, notamment les plus fragiles. Que se faire vacciner est un droit individuel, doublé d’un devoir collectif.

Pour l’heure, la France, pays jacobin plus que cartésien, construira une usine à gaz à quatre étages.

1. Mieux informer le grand public et les professionnels de santé. On annonce la publication d’un « bulletin trimestriel à destination des professionnels de santé » et la création d’un « Comité des parties prenantes ». Ce dernier, placé sous l’égide

de la Direction générale de la santé, sera composé de professionnels de santé, d’as- sociations d’usagers et d’institutionnels.

Objectif : mieux comprendre les réticen ces éventuelles et anticiper les situations de crise. On annonce aussi une accélération de la mise en œuvre du carnet de vacci- nation électronique, entièrement person- nalisé, pour améliorer le suivi du statut vaccinal des patients.

2. Mieux coordonner pour as- surer une « meilleure gouver- nance de la politique vacci- nale ». Il s’agit notamment d’améliorer les con naissances sur les effets indésirables, de

« renforcer » l’indépendance du

« Comité technique des vac- cinations », de soutenir la re- cherche sur les vaccins et de « fiabiliser » leur production.

3. Sécuriser l’approvisionnement en lut- tant contre « les tensions d’approvisionne- ment » et les « pénuries de vaccins ». C’est là un chapitre témoignant de la faible marge de manœuvre des dirigeants poli- tiques face aux géants industriels produc- teurs de vaccins. Le plan français prévoit une « obligation » pour les industriels pro- duisant des vaccins, inscrits au calendrier vaccinal, de mettre en place des plans de gestion des pénuries (constitution de stocks réservés au territoire national, mise en place de chaînes alternatives de fabri- cation des vaccins et identification de dif- férentes sources d’approvisionnement en matières premières). Ces obligations se- ront assorties de « sanctions » en cas de non-respect. Dans le même temps est pré- vue une « simplification des autorisations d’importation afin de pallier un éventuel manque de vaccins en France ».

Reste que le gouvernement français apparaît ouvertement comme désarmé, at tendant que les industriels lui remettent des propositions pour empêcher toute rupture d’approvisionnement et « assumer ainsi leurs responsabilités ».

4. Débattre au travers d’une « grande con- certation citoyenne » sur la vaccination.

La « concertation citoyenne » est une sorte de spécialité française. Celle-ci sera organi- sée en trois temps tout au long de l’année 2016, par un comité d’orientation qui sera présidé par le Pr Alain Fischer, spécialiste d’immunologie pédiatrique de réputation internationale et titulaire de la chaire de Jean-Yves nau

jeanyves.nau@gmail.com

se faire vacciner est un

droit indivi- duel, doublé

d’un devoir collectif

D.R.

42_43.indd 154 18.01.16 12:13

(2)

ActuAlité

www.revmed.ch

20 janvier 2016

155

médecine expérimentale au Collège de France.

C’est alors que se jouera la question essentielle : maintenir ou pas une différence entre les vaccins obligatoires (contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite) et les vaccins recommandés (contre la rou- geole, la rubéole, les oreillons, la coque- luche, contre l’hépatite virale de type B, les papillomavirus humains, les grippes saisonnières, etc.). Et sur le fond quelques autres sujets fondamentaux. Où fixer le

1 ce rapport officiel est disponible à cette adresse : http://social-sante.gouv.fr/img/pdf/rapport_sur_la_

politique_vaccinale_janvier_2016_.pdf curseur entre le bénéfice et le risque indi-

viduel ? Quelle acceptation du risque lié à la vaccination ou à la non-vaccination ? L’intérêt de la collectivité prime-t-il sur le libre arbitre de la personne ? Est-ce l’in- verse ?

« Le statu quo n’est plus possible » peut- on lire dans un rapport 1 qui vient d’être remis, à sa demande, au Premier ministre français. Il fait valoir que la distinction entre « vaccins obligatoires » et « vaccins recommandés » (une spécificité française)

n’est plus pertinente. Cette distinction rendrait le dispositif peu lisible (y compris pour les médecins), les vaccins « recomman- dés » pouvant sembler « facultatifs ». La levée de toute obligation aidera-t-elle à une meilleure observance individuelle ? Faut-il redouter l’inverse ?

dites merci aux équipes infirmières et aux aides-soignants qui collaborent à vos soins

Alors qu’il savait bien que son destin ne dépasserait pas la durée de son hospitalisation, je crois vraiment que ce sont les infirmiers et les aides-soignants de notre équipe qui sont d’abord parvenus à lui réapprendre le goût de la vie.

Sur quelques jours – comme on réapprend à manger aux enfants des famines, comme on réapprend à vivre lorsqu’on a vécu seul trop longtemps – le travail de ces col lègues a progressivement permis à notre malade d’oser évoquer son passé pour mieux faire face à sa mort. Et ces choses se sont vraiment passées comme je vous l’écris, comme un homme qui retrouve une respiration psy- chique plus profonde malgré une affection respiratoire qui va pour- tant l’emporter dans les semaines à venir.

Evidemment, elles sont nom- breuses les présences qui se sont succédées dans la chambre d’hôpital de ce malade. Je reste toutefois convaincu que, dans de

nombreuses situations comme celle-ci, ce sont les attentions les plus concrètes et les plus quoti- diennes de nos équipes soignantes qui permettent à ceux qui nous consultent de trouver la force pour ne pas mourir tout de suite.

Ceci pour résister à leurs cauche- mars intimes, pour ne pas refuser jusqu’au bout ce qui a pourtant été leur vie. Ceci pour leur permettre de ressentir encore un peu de chaleur humaine avant de disparaître.

A l’hôpital comme dans les soins ambulatoires, le travail des infir- miers et des aides-soignants contribue grandement à montrer aux médecins combien le nursing et les soins physiques quotidiens aux malades peuvent participer à tuer ce qui tue autant que les maladies physiques communément traitées dans un service de méde- cine interne. Les plus débutants de nos médecins découvrent alors combien le manque d’attentions corporelles et le manque de relations appellent souvent la mort aussi efficacement qu’un ultime sepsis ! Ainsi, l’expérience clinique montre combien les informations obtenues par les médecins auprès des aides-soignants constituent des pistes utiles pour s’occuper d’un malade avec pertinence.

Les douleurs de la vie avaient refaçonné notre malade d’une bien curieuse manière. Peu à peu, il racontait qu’il avait perdu sa bonté avec un mélange de résignation et de désespoir, comme un enfant abandonné par ses parents et qui se voit contraint de poursuivre sa route. Plus froid, plus anguleux, ce malade avait également perdu ses rires comme il avait progressive- ment perdu sa famille, ses amis, son travail, et finalement sa santé.

Animé par l’espoir d’une vie plus

exaltante et plus libre, il disait volontiers qu’il s’était éloigné de sa vie, qu’il n’était parvenu qu’à vivre une existence faite de misères et de solitude.

Il est fréquent d’observer que les secrets de nos malades ne sont souvent pas si terribles. Pour les personnes qui les apprennent, ces secrets peuvent même être déce- vants tant ils sont communs, tant ils pourraient être les histoires de tous et de n’importe qui. Mais, si ces dernières sont parfois tellement destructrices, c’est parce qu’elles sont chargées de trop de honte pour être évoquées. Pour les personnes qui les portent, ces histoires sont des fardeaux insup- portables et la peur de les révéler est telle qu’elle travestit régulière- ment la réalité pour ne pas avoir à les affronter.

Le malade auquel je pense redou- tait l’absence de traces qu’il allait laisser dans le monde des vivants.

Il aurait souhaité retrouver ses proches pour se faire pardonner ce qu’il appelait ses lâchetés. Il avait besoin de trouver un espace pour dire ses peurs et ses désa- mours qui l’avaient conduit à se séparer de son ex-conjointe et à s’éloigner de ses deux enfants aujourd’hui adultes. Mais comment faire pour retrouver des bribes de son existence alors que les regrets et la honte le disputent à l’épuise- ment que l’on ressent lorsqu’on se

meurt dans un lit d’hôpital ? Je fais l’hypothèse que si certain(e)s infirmier(ère)s et certain(e)s aides-soignant(e)s parviennent si bien à aider nos malades en leur permettant de faire refluer leurs sentiments d’impuissance et de déshonneur – en leur permettant de ne pas être trop envahis par l’envie de disparaître sous un ultime tombereau de difficultés comme s’ils s’étaient aventurés sous la benne d’un camion de gravier au moment où il relevait sa plate-forme – c’est parce que ces collègues ne se laissent pas gagner par le rejet, par le dégoût, par l’envie d’abandonner ou par celle de secouer les malades en leur disant en lettres capitales qu’ils devraient se ressaisir.

Millimètre par millimètre, dans l’accompagnement des besoins les plus élémentaires des malades, les infirmier(ère)s et les aides- soignant(e)s participent à la mise en place d’un cadre thérapeutique qui profite largement aux médecins.

Naturellement, là ne résident pas leurs seules responsabilités pro- fessionnelles mais je tiens à profiter de cette tribune pour écrire com- bien cette démarche est utile pour briser l’isolement où les malades sont parfois enfermés. Ceci afin de leur permettre de marcher vers la lumière qui leur plaît. Ceci sans que les médecins ne le réalisent toujours.

Carte blanChe

Dr Christophe Luthy

Département de médecine interne et réhabilitation

HUG, 1211 Genève 14 christophe.luthy@hcuge.ch

D.R.

42_43.indd 155 18.01.16 12:13

Références

Documents relatifs

l Le remboursement de toutes les dépenses de santé qui ne sont pas prises en charge au titre du droit à réparation de l’invalidité et des éventuels restes à charge dans le

Les connaissances des parents interrogés sont souvent limitées : la plupart avouent ne pas bien connaître les maladies contre lesquelles sont vaccinés leurs enfants, ou à croire

[r]

C'est une association qui se donne pour mission d'appareiller les handicapés (essentiellement les amputés des membres inférieurs) dans les pays du Tiers monde (en

On marche beaucoup plus raide en levant bien haut les genoux et ça marche.. J'attends les cris et les larmes

Là, il y a bien des écoles de pensée, certaines radicales et même extravagantes, d’autres plus modérées : on y trouve des granivores (qui mangent surtout des graines), des

En tenant compte de toutes les autres activités, il restait près de huit heures par jour pour les loisirs, mais les personnes âgées qui consacraient plus de temps à

Ce constat peut être généralisé : les personnages à traitement paradoxal, quelle que soit leur nature concrète, surgissent systématiquement à des moments composition-