Première séance du séminaire doctoral du CRP19, le 15 décembre 2016 à 17h30, salle D13 (bât. D sur le parvis du centre Censier)
Hallucinations au XIXème siècle : approches théoriques
Angelo Careri - L’hallucination artistique comme « image de corps »
L’étude des liens entre folie et littérature occupe une place importante dans la recherche littéraire ces dernières années, et elle se cristallise notamment sur la question de l’hallucination artistique. Elle s’est souvent focalisée sur le champ de l’histoire des idées (en liant l’histoire littéraire à l’histoire des sciences à travers le prisme de l’aliénisme naissant), ou sur celui de l’histoire de l’art, en privilégiant le dialogue entre texte et image. Le paradigme de la mystique, au contraire, a pu souvent sembler en retrait mais réapparaît périodiquement. Ces choix herméneutiques ont abouti à la constitution progressive de différents corpus et de plusieurs histoires de la « folie littéraire » au XIXème siècle. Après nous être attachés à synthétiser et à comparer ces différentes approches et leurs enjeux, nous nous interrogerons sur la possibilité d’une autre voie, plus spécifiquement littéraire et focalisée sur l’analyse des textes. Nous nous appuieront pour cela sur l’hypothèse développée par Jean-François Chevrier (L’hallucination artistique, 2012) d’une « image de corps » récurrente dans les textes hallucinés ou hallucinatoires.
Sihem Gounni - Désarticulation des sciences et de la vérité : le cas des hallucinations chez Villiers
L’apparition du terme « hallucination » sur la scène médicale de la première moitié du XIXe siècle amorce un intense débat dans les lettres et les sciences et son utilisation est rarement dénuée d'un caractère idéologique. Villiers de l'Isle-Adam, dans ses agencements spirituels, sa ferveur fantastique ou son idéalisme radical, fait partie de ceux qui refusent la réduction pathologique de ce phénomène. La question du degré de matérialité des hallucinations est soumise à la préoccupation de faire apparaître, de démontrer l'existence de cet autre monde spectral, similaire mais distinct de celui de l'homme de la civilisation moderne. Le travail d'objectivation de l'hallucination de l'artiste peut-il prétendre à la même objectivité que celle de la preuve scientifique ? L'exemple paradigmatique de l'utilisation de ce terme comme justification de l'invisible nous permettra de questionner l'image « hallucinatoire » dans sa relation avec le réel et l'esprit halluciné comme créateur d'une vérité supra-réflexive.