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HB Editions, 2000 (première édition : HB Editions, 1996)

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BP 5, 30670 Aigues-Vives ; fax : 04 66 35 19 99 (en mentionnant le titre de ce livre, s.v.p.)

© HB Editions, 2000 (première édition : HB Editions, 1996) ISBN 2-911406-13-3

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Cécile Planez LES FIGUIERS

HB ÉDITIONS Collection « Intimes »

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Ce livre a fait l'objet d'une lecture publique à l'Association pour l'Autobiographie et le Patrimoine autobiographique (APA),

à Paris, au printemps 1996.

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Les livres sont faits pour unir les hommes par-delà la mort et nous défendre contre l'ennemi le plus implacable de toute vie, l'oubli.

Stephan Zweig

Cantalapiedra, le 1 mars 1996 Ma chère Emma,

Comme tu me l'as suggéré, je vais essayer d'écrire pour toi les événements et surtout les vies des personnes qui m'ont faite telle que je suis aujourd'hui, avant que les hasards de la vie professionnelle ne nous aient permis de nous connaître.

En fait, tu sais l'essentiel, puisque tu sais que Mathieu, notre fils aîné, s'est tué il y a huit ans, en se jetant par la fenêtre dans la cour de notre immeuble.

Comme nous nous sommes rencontrées après, tu n'as donc jamais connu Mathieu et même s'il t'est devenu fami- lier ou proche, grâce à ton oreille attentive et grâce aux photos que tu as regardées, il y a de nombreux trous dans mon récit. Je veux, par ces lettres, te conduire dans la forêt cachée par cet immense arbre qu'était et qu'est devenu Mathieu.

Ce projet de t'écrire peu à peu ce qui est si fondamental

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dans ma vie actuelle me porte et me fait accomplir des gestes ahurissants. Figure-toi que ce matin je me suis ache- té un ensemble rouge, trop étroit pour moi. Optimiste, je crois qu'il m'ira quand j'aurai maigri...

J'ai eu envie de ce vêtement rouge alors que, tu le sais, depuis huit ans maintenant, je n'ai porté que du noir ou du gris, puis progressivement, du bleu parfois. Porter du rouge s'est imposé à moi comme une nécessité préalable et indispensable à ce récit.

En effet, le rouge était la couleur préférée de Mathieu, c'était SA couleur, celle qu'il aimait avant toutes les autres, celle qu'il choisissait systématiquement. Je l'avais donc habillé en rouge très tôt, dès qu'il sut manifester cette préférence.

Si je choisis d'en porter maintenant, quand j'aurai mai- gri, donc quand j'irai mieux, je suis sûre que c'est parce que Mathieu est mort. J'ai failli écrire : « c'est que Mathieu n'est plus », espèce d'euphémisme un peu élégant pour ménager et ne pas choquer mon interlocuteur, mais qui trompe en atténuant, huit ans après, la violence de ce manque.

Mathieu était mon fils et je crois, moi, un peu magi- quement que, si j'arrive à porter du rouge, je parviendrai à restituer un peu de Mathieu vivant en écrivant des bribes de ce qu'il était, de ce qu'était ma vie « avant ». C'est un peu comme un défi à ce deuil que je n'arrive pas à « faire », comme disent certains bavards qui ne savent pas de quoi ils parlent, mais donnent sans la moindre vergogne des conseils aux autres. Nous en connaissons tous.

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Mathieu fut le premier de nos enfants. Désiré, attendu, ce bébé que je portais s'appellerait Anne ou Mathieu. Papa l'avait immédiatement surnommé Amat et nous parlions beaucoup de lui. Passionnée par cette aventure qu'était ma grossesse, je m'émerveillais de toute nouvelle sensation et les commentais sans me lasser, au risque de paraître ridi- cule. J'étais la première femme enceinte, bien évidemment.

Déjà mélomane, ce bébé manifestait sa joie par des bat- tements de pied lorsqu'il entendait de la musique.

Nommée professeur à Amiens, j'y commençai l'année scolaire enceinte de plus de quatre mois, vivant comme un exil cette semaine loin de Jean-Louis que je ne retrouvais à Paris que le week-end.

Mathieu me sauva de la déprime en déclarant que ces allées et venues ne lui convenaient pas du tout et qu'il pré- férait entendre le piano de son père plutôt que les sanglots de sa mère le soir, lorsqu'après une journée de cours elle se retrouvait dans son immonde petite piaule jaune louée près de la Cité scolaire. Il fit donc mine de vouloir naître. Ainsi quittai-je Amiens au bout d'un mois pour m'allonger à Paris jusqu'à sa naissance. Cela nous convint admirable- ment à tous les trois.

Pour Noël, je me levai, espérant hâter la naissance et connaître enfin cet enfant. Mathieu attendit que la lune fût pleine - de même que les hôpitaux - et jaillit dans le soleil du matin, éblouissant de blondeur et de fraîcheur, émouvant, unique et irremplaçable. Lorsqu'il est né, se détachant sur un ciel parfaitement bleu, j'ai alors crié :

« C'est merveilleux » et je me suis mise à rire.

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Idéaliste, convaincue d'être née sous une bonne étoile et protégée des dieux, je savourais mon bonheur, consciente d'avoir de la chance mais ne mettant pas en doute un seul instant son caractère définitif. J'ai dû en agacer plus d'un.

Tout allait bien, tout irait toujours bien. Nous nous aimions.

L'amour pouvait soulever des montagnes et nous étions magiquement protégés contre tout risque d'avalanche ou d'éboulement meurtrier.

Ce bébé rose, bleu et blond prit rapidement des dimen- sions de colosse. Très très petit encore, avant trois mois, il avait découvert ses mains et jouait sans fin, fasciné par ces deux papillons qui bougeaient au-dessus de son visage. Il avait de très grandes mains, carrées et potelées ; on lui avait donc prédit une carrière de pianiste... ou de contrebassiste.

Il grandit « en grâce et en sagesse », devint un grand et gros bébé qui manifestait bruyamment son enthousiasme ou son désespoir. Son appétit, son rire, ses larmes se firent rabelaisiens. Il s'éveillait tôt le matin, exigeait tout de sui- te toutes les activités qu'il aimait et s'écroulait de sommeil d'un seul coup le soir.

Mathieu n'avait pas encore un an lorsqu'Anne est née.

C'était une toute petite fille, ravissante, avec des yeux si grands qu'ils semblaient vouloir faire le tour de sa tête. Tu reconnaîtras d'ailleurs qu'elle est toujours ravissante, avec ses yeux immenses et un peu interrogateurs. Mathieu, com- me un peu intimidé, lui fait des caresses d'une extrême délicatesse et des baisers humides. Rapidement, ils vont tous deux à la crèche dans une poussette où ils se font face.

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Dès qu'Anne a quitté son petit berceau pour dormir dans le lit de bois dans la même chambre que Mathieu, nous les retrouvons ensemble le matin. En effet, à peine est-il réveillé que Mathieu escalade le lit d'Anne, s'y laisse tomber ; ce sont leurs rires qui nous réveillent. Mathieu marche, se met cependant beaucoup à quatre pattes pour jouer avec Anne.

Assez rapidement ils ont le même rythme de vie et font beaucoup de choses ensemble. Le matin, ils prennent leur biberon dans notre lit, vont à la crèche, reviennent, jouent, regardent les mêmes livres dont Jean-Louis ou moi com- mentons les images.

À neuf mois, Anne est gravement brûlée par de l'eau bouillante. Hospitalisée, elle sera absente de la maison pen- dant cinq interminables semaines d'angoisse. Elle souffre, elle est seule, subit des greffes. Mathieu, lui, a vingt mois.

Il ne parle pas encore. Un matin, alors qu'il boit son bibe- ron dans notre lit, il me montre qu'il est furieux et récla- me Anne en tapant sur l'oreiller vide. Il dit : « Là ! Là ! » Je lui explique qu'Anne est à l'hôpital parce qu'elle s'est fait très mal mais que bientôt elle va revenir. Il est en colère, m'en veut. Moi qui peux tout, qu'est-ce que je fais ? Qu'est- ce que j'attends pour faire revenir Anne ? Je lui donne une photo d'Anne. Cela le calme un peu. Il la couvre de bai- sers, la lèche.

Et Anne revient. Elle a dix mois et demi.

Elle était déjà à la maison, assise dans la grande chaise de bébé lorsque Mathieu revint de la crèche. Je ne sais lequel des deux enfants était le plus heureux de revoir l'autre.

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Anne a poussé des cris de joie en tapant de toutes ses forces sur la tablette de sa chaise tandis que Mathieu se hissait vers elle en riant, en la touchant. Anne voulait descendre de sa chaise. J'éprouvais quelque réticence à la mettre par terre car elle était affaiblie et avait le bras bandé et fragile.

Je l'ai quand même fait, n'ayant d'ailleurs pas le choix tant l'un comme l'autre en exprimait fortement l'envie. À pei- ne au sol, Anne s'est mise à marcher à quatre pattes. Mathieu s'est instantanément mis lui aussi à quatre pattes et ils ont détalé dans le couloir. Mathieu allait plus vite évidemment et s'arrêtait pour attendre Anne.

Il me semble que c'est à partir de ce moment qu'ils ont noué une complicité intense, qui dura toute leur petite enfance. Mathieu ne pouvait dire quelque chose sans recher- cher l'approbation de sa sœur et toutes ses phrases se ter- minaient par « Hein, Anne ? » Elle, plus timide que Mathieu et rendue moins sociable par son hospitalisation, cherchait sa protection. Mathieu ne demandant qu'à jouer les grands en abusait parfois et Anne, indépendante, l'envoyait bou- ler quand il se faisait un peu pesant.

Les vacances se sont toujours déroulées à La Garde. Mes grands-parents, mes parents, moi-même avec mes frères et soeurs et de nombreux cousins y avons passé notre enfan- ce et y avons vu grandir nos enfants. Je t'en ai tellement parlé que j'ai l'impression que tu y as séjourné. À force d'entendre mes récits, peut-être partages-tu ce sentiment.

Cet endroit, un peu mythique pour nous tous, a été pour moi un lieu de grand bonheur. J'y ai grandi, tous

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" N on, ce n'est pas vrai.

On ne meurt pas de chagrin".

Plus bas, elle dit encore :

"On vit". On vit, oui. C'est pire.

Elle vit dans son chagrin ce double d'elle-même inaltérable.

Charlotte Delbo, La Mémoire et les jours Ce livre est né de la mort violente d'un enfant.

L'auteur a présenté son texte à l'Association pour l'Autobiographie où il a été jugé exem- plaire. L'histoire d'une vie éclose dans la dou- ceur d'une famille heureuse et qui tente de dominer la douleur insupportable.

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Participant d’une démarche de transmission de fictions ou de savoirs rendus difficiles d’accès par le temps, cette édition numérique redonne vie à une œuvre existant jusqu’alors uniquement

sur un support imprimé, conformément à la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012 relative à l’exploitation des Livres Indisponibles du XXe siècle.

Cette édition numérique a été réalisée à partir d’un support physique parfois ancien conservé au sein des collections de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt légal.

Elle peut donc reproduire, au-delà du texte lui-même, des éléments propres à l’exemplaire qui a servi à la numérisation.

Cette édition numérique a été fabriquée par la société FeniXX au format PDF.

La couverture reproduit celle du livre original conservé au sein des collections de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt légal.

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La société FeniXX diffuse cette édition numérique en vertu d’une licence confiée par la Sofia

‒ Société Française des Intérêts des Auteurs de l’Écrit ‒ dans le cadre de la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012.

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