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"It's beyond my control" Les fans de Mylène Farmer, une passion entre amour et excès.

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Academic year: 2022

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”It’s beyond my control” Les fans de Mylène Farmer, une passion entre amour et excès.

Fleury Flavie

To cite this version:

Fleury Flavie. ”It’s beyond my control” Les fans de Mylène Farmer, une passion entre amour et excès..

domain_shs.info.comm. 2012. �mem_00983328�

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Flavie Fleury

It’s beyond my control

Les fans de Mylène Farmer, une passion entre amour et excès.

Nu o d’ tudia t : 261931

Master Industries Créatives : médias, web, arts – deuxième année Mémoire de recherche

Directeur de recherche : M. Matthews

Juin 2012

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Remerciements

Tout d’a o d, je tie s à e e ie les fa s ui o t po du à o appel et qui ’o t accordé de leur temps pour répondre à mes uestio s, sa s les uels e t a ail ’au ait pas

pu être réalisé.

En second lieu, je e e ie o di e teu de oi e, ui l’ tait d jà l’a e de i e, ainsi que le second jury présent à ma soutenance, messieurs Jacob Matthews et Vincent Rouz , pou ’a oi sugg de o ti ue o t a ail su le th e de M l e Fa e .

Pour terminer, je me dois de remercier mes proches et particulièrement mon conjoint, pou tout le soutie u’il ’a appo t .

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3

INTRODUCTION ... 7

I. AUTOUR DES FANS ... 10

I. ETRE FAN ... 10

A. Le fan, définition ... 10

B. Le cas des fans de Mylène Farmer ... 14

1. Un discours passionné ... 14

2. Une star intouchable ... 16

II. TOPOLOGIE DES FANS ... 19

1. Les groupies ... 20

2. Les collectionneurs ... 21

3. Les imitateurs ... 22

4. Les créateurs ... 23

5. Les érudits ... 25

6. Les esthètes ... 25

III. CHACUN SA PLACE ... 26

A. Une question de hiérarchie : la collection ... 26

B. Une rivalité permanente... 29

IV. LA RELATION A INTERNET ... 31

A. L’ide tit i tuelle ... 31

1. Le pseudonyme... 32

2. L’a ata et la sig atu e ... 33

B. Communautés de partage ... 36

1. De manière isolée ... 36

2. Conjointement ... 37

V. DE LAPPROPRIATION A LINTERPRETATION ... 40

A. Premier pas : l’app op iatio ... 40

B. Second temps : l’i te p tatio ... 43

II. LA PASSION ... 46

I. UNE PASSION DEVORANTE ... 46

A. A la d ou e te de l’a tiste ... 46

B. Un amour inconditionnel ... 47

C. La passion au quotidien ... 49

1. Tout pour elle ... 49

2. L’aut e ôt du i oi ... 52

II. LE "MAUVAIS OBJET DE CULTURE" ... 54

A. Et e fa d’u « mauvais objet de culture » ... 54

B. Défendre sa passion ... 56

III. EN CONCERT ... 58

A. La préparation ... 59

1. L’heu e de l’a hat ... 59

2. L’a a t-concert ... 60

B. La consécration ... 62

1. L’heu e est e ue ... 62

2. Un concert « grandiose » ... 65

3. Une relation inégale ... 67

IV. LA PASSION ET LES MEDIAS ... 70

(5)

4

A. Une vision stéréotypée ... 70

1. 50 mn inside ... 70

2. Accès privé ... 71

3. Le petit journal ... 73

B. Des idées relayées par la presse ... 75

1. Un champ lexical spécifique ... 75

2. Un portrait au vitriol ... 76

C. Qua d les fa s s’e pa e t de la p esse ... 79

1. La presse spécialisée ... 79

2. La presse sur le web ... 81

V. PASSION ET CONSTRUCTION IDENTITAIRE ... 83

A. Assumer sa passion ... 83

B. Forger son identité ... 85

CONCLUSION ... 87

BIBLIOGRAPHIE ... 90

Ouvrages ... 90

Ouvrages concernant Mylène Farmer ... 91

Articles ... 91

Jou e d’ tude ... 92

Vidéos... 92

Sites web ... 93

ANNEXES ... 94

1. Entretiens... 94

Rodolphe – 23 ans - étudiant ... 94

Justine – 18 ans – lycéenne... 104

Pauline – 24 ans – salariée en restauration ... 108

Nadège 23 ans étudiante ... 113

Aurélien 25 ans - comptable ... 118

Marlène 22 ans Travaille avec des personnes en situation de handicap ... 125

Vincent – 23 ans – Aide-soignant ... 131

Dély – 33 ans – Educatrice spécialisée ... 141

Chloé – 23 ans – Etudiante ... 150

2. Optimistique-moi – Les supports ... 158

3. Vincent en proie aux critiques sur un forum ... 159

4. Stade de France ... 161

5. Illustration Marc Lévy ... 162

6. Lisa-Loup et le conteur ... 162

7. Mylène Farmer Beyond My Control ... 163

(6)

5

Table des illustrations

Figure 1 : Mylène Farmer, plan en contre-plongée lui donnant le statut de « déesse »,

Stade de France, 2009 ... 13

Figure 2 : Des fans lors du concert au Stade de France en 2009, un jeune homme ainsi u’u e fe e plus âg e, o pa t a e les st ot pes e pla e... 19

Figure 3 : Rodolphe en train de danser. Photo Céline Ruault. ... 23

Figure 4 : Réalisations de Sabine van Apeldoorn ... 24

Figure 5 : La ha e d’adoles e te de Chlo ... 28

Figure 6 : Le « campement » devant le Stade de France, 2009. Photo de Vincent. ... 30

Figure 7 : Smiley ... 34

Figure 8 : Exemples d’a ata s et de sig atu es ... 35

Figure 9 : Lonely Lisa dessinée par Mylène Farmer ... 39

Figure 10 : Supports dédicacés par Mylène Farmer pour Vincent et Aurélien ... 42

Figure 11 : Entrée de Mylène Farmer lors du Mylenium Tour, 2000 ... 44

Figure 12 : Sortie de Mylène Farmer lors du Mylenium Tour, 2000 ... 44

Figure 13 : Les magazines de Nadège... 51

Figure 14 : Mylène Farmer, Stade de France, 2009 ... 58

Figure 15 : Des billets pour le concert A a t ue l’o e... à Be , 2006... 60

Figure 16 : Le Stade de France se remplit, 2009 ... 62

Figure 17 : Le public au Stade France, 2009 ... 64

Figure 18 : Danseurs de claquettes, A a t ue l’o e... à Be , 2006 ... 66

Figure 19 : Danseuses, A a t ue l’o e... à Be , 2006 ... 66

Figure 20 : la chanteuse adulée par les milliers de spectateurs, Stade de France, 2009 ... 69

Figure 21 : Instant-Mag n°14 ... 80

Figure 22 : L’A e st a ag, ° ... 82

Figure 23 : L’u des tatouages de Vi e t... 85

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6

Stupeflip Lettre à Mylène

Chère Mylène,

Je viens juste de te voir dans un clip YouTube, Magnifique, comme à ton habitude, Et si par hasard tu m'entends, juste maintenant,

Je veux simplement que tu saches que j'adore ton petit museau de belette Ainsi que tes grands yeux si noirs, prunelle, pimprenelle,

Dans lesquels je me noie sans fin comme dans une piscine de café moulu.

Je t'imagine, fille de prince russe en exil, Détentrice des clés du Mystère au Chocolat,

Sillonnant notre morne pays, à bord d'un bus… Dernier cri.

Je veux juste te dire que durant toutes ces longues années de perdition J'ai souvent pensé à toi,

A toi Mylène,

Petite chose tellement fragile et forte à la fois, Aérienne et cérébrale,

Si parfaite, tel un rêve éveillé.

Mylène, Mylène, Mylène Mylène,

Je tiens à te féliciter pour ces magnifiques duos avec Seal et Jean-Louis Murat, Tu y es irréprochable, comme à ton habitude.

Je pense que tu dégages quelque chose de très particulier.

Et si juste maintenant tu entends ma voix à travers du matériel, Des enceintes, peut-être même ton iPod,

Je veux juste que tu saches que j'aimerais énormément collaborer avec toi, Tu sais j'ai beaucoup réfléchi

Et je pense que nos univers pourraient s'entremêler.

Moi aussi je suis à fond dans la mort, j'aime les tombes, Et j'aime cette vérité glacée, que tu nous délivres de si belle façon.

Mylène, Mylène, Mylène, je n'aimerais pas paraître trop cavalier, Mais j'aimerais tout de même te laisser mon mail,

Tu n'es pas obligée de m'écrire tout de suite tu sais, Je suis quelqu'un de patient

Prends ton temps Mylène.

Mylène, Mylène, Mylène

(8)

7

Introduction

Le sujet des fans de Mylène Farmer est vaste. Cette chanteuse de variété est présente dans le paysage médiatique français depuis 1984, avec Maman a tort, la p e i e ha so u’elle i te p te. Nous ’allo s pas da s e t a ail p opose u e énième biographie sur la chanteuse, sa ie et so œu e o t d jà sus it de o eu travaux. Nous allons tenter de percer les mystères entourant ses fans, dont on entend régulièrement parler dans les médias, et sur lesquels chacun a un avis arrêté. En premier lieu, il nous faudra définir des limites autour du terme même de fa . Qu’est- e u’u fa ? A partir de quand considère-t-on un individu comme étant un fan ? En quoi les fans de Mylène Farmer sont-ils différents des autres ? Comment expliquent-ils leur passion pour elle ? Nous verrons quel rôle cette femme joue dans leur vie.

Pou ette e he he, ous allo s p i ipale e t ous appu e su les its d’auteu s ayant travaillé sur la question, ainsi que sur des entretiens menés auprès de fans de la ha teuse. Nous de o s toujou s ga de à l’esp it u’u fa ’est pas « seulement » un fan, il est une personne avec des sentiments, un vécu, une histoire personnelle. Il faut p e d e ga de à e pas e fe e l’i di idu dans son identité de fan1 et oublier le reste de sa personnalité. Pa e u’en effet, « le fan ne se définit jamais uniquement par son identité de fan ; il est amené à opérer des négociations permanentes entre de multiples éléments identitaires »2 en fo tio des situatio s. S’il est su so lieu de t a ail, l’i di idu

’au a pas le e ôle so ial ue s’il se t ou e au o e t de so idole. O de i e aisément que le concert est synonyme de paroxysme de la passion pour un fan, là où il peut la vivre inte s e t, ’est le lieu o sa ; au travail en revanche, le fan ne peut pas exprimer sa passion comme bon lui semble, parfois il ne le veut simplement pas : il y a un temps pour chaque chose.

Etant moi-même une fan de Mylène Farmer, je me suis interrogée sur la manière dont je pourrais mener mes entretiens, il me fallait faire la part des choses entre ma passion et mes recherches. Tout d’a o d, de ais-je me présenter avec mon statut de fan, ou non ? Le fait que plusieurs enquêtés me connaissent en tant que telle a rapidement résolu la uestio . J’ai d id de e pas a he ette a a t isti ue, et de réaliser des entretiens o p he sifs. De ette a i e, l’e t etie a p is la fo e d’u e dis ussio su la passio de l’i te og , plutôt u’u i te ogatoire qui aurait pu froisser les sensibilités. En effet,

1 LE BART (Christian), Les fans des Beatles. So iologie d’u e passio . PUR, 2000, p93

2 LE GUERN (Philippe), Les ultes diati ues. Cultu e fa et œu es ultes. PUR, 2002, p213

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8 t e ualifi de fa ’est pas fo e t ie a ept pa tous, et pa ailleu s, les ad i ateu s de M l e Fa e so t sou e t sujets au o ue ies. Ai si, les fa s ’o t pas hésité à se confier, et e si je estais da s a positio d’e u teuse, ils o t po du à mes questions de manière très naturelle, puisque nous partagions les mêmes références. Il e se le u’il faille o aît e assez ie u ilieu pou t e e esu e de pose des uestio s pe ti e tes, sa s ue l’i te og se se te d alo is pa des uestio s t op basées sur des idées préconçues. Les interviewés que je ne connaissais pas au préalable

’o t eu, eu o plus, au u e ete ue et se so t li s a e u e aisa e to a te.

Quelques-u s, sa ha t ue j’allais t e e o ta t a e d’aut es fa s de la ha teuse,

’o t t a s is des « petites annonces », ’e pli ua t u’ils e daie t tel o jet, et u’ils recherchaient tel autre : tous les moyens sont bons pour augmenter sa collection ! I itiale e t, j’a ais p u de ’i te oge ue des fa s ui soie t e e te ps i te autes, ais j’ai dû e soud e à e o e à ette a a t isti ue au vu de la difficulté à trouver des fans volontaires pour répondre à mes questions. Cette modification

’a fi ale e t pas t gati e, j’ai pu ai si e ueilli diff e ts poi ts de ue.

Au travers de ces entretiens, nous verrons combien la chanteuse est devenue un membre de leu e tou age, ils l’appelle t « Mylène » o e s’ils la o aissaie t, au e tit e u’u e sœu ou u e a ie. Cette fa ilia it a o e d s lo s uel appo t i atio el il peut y avoir entre un fan et son idole. Il est d’ailleu s essai e d’ajuste la d fi itio les termes que nous allons utiliser au fil de ce travail, nous allons en effet faire la différence entre un « fan » et un « fanatique ». Pou Philippe Le Gue , ’est g â e à u e s ie d’app e tissages u’u i di idu de ient fan, et si celui-ci est conscient de sa posture, il se positionne également par rapport aux autres : il s’agit de « se comporter comme fans sans être fanatiques ».3Cette diff e e a ue plus ue le deg d’e gage e t d’u i di idu pour une passion, c’est le deg où et e gage e t de ie t pathologi ue. Concrètement, le « fan » qui en novembre 1991 a tué le réceptionniste de la maison de disques Polydor, pa e u’il ’a i ait pas à e o t e M l e Fa e , peut t e ualifi de « fanatique ».

C’est un comportement marginal, qui ne concerne que très peu de fans. D’aut e pa t, « il existe un lien évident entre les termes utilisés pour désigner les passions culturelles et le deg de l giti it de l’o jet su le uel elles- i s’e e e t (...), (on parlera de) mélomane pou la usi ue lassi ue, d’a ateu pou le jazz et de fa ua d il s’agit de usi ue populaires »4. Lors des entretiens et dans ce travail, nous allons utiliser le mot « fan » et ses synonymes sans distinction de sens, par égard pour les i te og s, et pa e u’il e nous semble pas pertinent ici d’ ta li u e diff e e selo ue la passio soit o sid e comme légitime ou non.

3 Ibid., p189

4 DONNAT (Olivier), Présentation. Réseaux, 2009, n°153, p10-11

(10)

9 E se asa t su l’e e ple de la eptio des fil s au Etats-Unis, Philippe Le Guern affirme que « L’œu e doit être la plus bizarre possible, rejetée par la critique officielle, inconnue du grand public, provocante religieusement, socialement et sexuellement... pour trouver ses fans. »5 C’est u e des iptio ui o espo d pa faite e t au cas de Mylène Farmer, du moins lors du début de sa carrière. Une jeune rousse sulfureuse, mise en scène dans des clips tels de Plus Grandir ou Libertine, mêlant allègrement les thèmes comme la religion, le sexe et la o t, aut e e t dit u e p o o atio sa s gale à l’ po ue. Nous voyons que cette « recette » a he e o e aujou d’hui, puis ue p s de t e te a s plus ta d, la ha teuse o pte toujou s de o eu fa s. La iti ue offi ielle, ui e l’a pas ai e t ejet e au d ut des a es , s’e est do depuis à œu joie. Seraient-ce là les ingrédients du succès ?

Nous allons tenter de comprendre qui sont les fans de Mylène Farmer, s’ils o espo de t au st ot pes ue l’o ous o t e da s la p esse et à la t l isio . Nous allo s oi les p i ipes à l’œu e au sei des communautés de fans, notamment sur internet par le biais des fo u s. La deu i e pa tie se a o sa e à l’ tude de la passio , ous o se e o s o e t les fa s i e t leu passio pou la ha teuse au uotidie , et lo s d’ e e ts particuliers tels que les concerts, qui sont un temps fort très important. Pour terminer, nous étudierons les médias, afin de voir quelles sont les idées véhiculées sur la chanteuse et ses fans. Au travers de ce travail, nous essaierons de trouver des pistes pour expliquer le pourquoi de cette adulation pour une star, de cet amour que lui vouent les fans. Les fans de Mylène Farmer sont-ils si différents des autres ? Comment expliquent-ils leur passion sans bornes pour la chanteuse ?

5 LE GUERN (Philippe), op. cit., p71

(11)

10

I. Autour des fans

I. Etre fan

A. Le fan, définition

« Pierre Bourdieu, dans La Distinction, voit dans le fan, la figure du militant a i atu al, passio , pa fois jus u’au hau i is e, ou à u e pa ti ipatio passi e et fi ti e ui ’est ue la o pe satio illusoi e de la d possessio au p ofit des experts ».6 Nous allons voir que cette hypothèse peut être réfutée, nous comprendrons que le fan

’est pas u i di idu passif, ue e s’il lui a i e d’ t e « aveuglément admiratif »7, il est i lus da s u olle tif d’adeptes et a i e a ti e e t sa passion. On observe plusieu s a i es d’ t e fa , o e peut pas pa le d’u p ofil-type, chaque fan se distingue avec sa propre identité.

Philippe Le Guern nous fournit une définition différente de celle de Pierre Bourdieu, pour lui, le terme « fan » permet de « désigner – a minima et presque tautologiquement – une e tai e id e de l’atta he e t à des o jets ui o pte t pou eu ui so t atta h s.

(...) U e tai i eau d’e gage e t da s l’ad i atio , sup ieu à e ui est habituellement attendu du public ordinaire. »8 C’est ette id e ue ous ous faiso s du fan qui va prédominer dans ce travail.

Au début de chaque entretien, nous avons demandé à l’i te og de se p se te . Si la plupart ont répondu u’ils taie t des passio s de usi ue, seule Justi e a p is u’elle est « une très grande fan de Mylène. » Nous pou o s suppose ue ’est le ad e de l’e t etie ui l’a o duite à ette e pli atio , e plus de l’app he sio u’elle a ait de mal r po d e au uestio s pos es, elle tait h sita te et peu sû e d’elle. Vincent a eu esoi de se situe g og aphi ue e t, e disa t u’il a ait d ag ap s la tou e de Mylène Farmer, il a également parlé de son statut socio-professionnel. En réalité, « le fait d’ t e u « passionné » est le plus souvent présenté comme un trait de personnalité, une propriété intrinsèque de la personne »9, nos interviewés, par leurs réponses, o espo de t à ette des iptio d’Oli ie Do at. Dans le même sens, nous allons

6 BENHAMOU (Françoise), L’ o o ie du sta -system. Odile Jacob, 2002, p34

7 Ibid., p34

8 LE GUERN (Philippe), « No matter what they do, they can never let you down... » Entre esthétique et politique : sociologie des fans, un bilan critique. Réseaux, 2009, n°153, p23

9 DONNAT (Olivier), Les passions culturelles, entre engagement total et jardin secret. Réseaux, 2009, n°153, p83

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11 l’o se e «la di e sio d’e s est d’ailleu s sou e t p se te da s les p opos des passionnés »10, les fa s e s’e a he t pas ou e s’e e de t pas o pte, ais les ots u’ils e ploie t et les a e dotes u’ils a o te t o t e ie sou e t la passion sans li ites u’ils oue t à leu idole ; ils sont presque prêts à tout pour elle. Lo s u’ils so t conscients de cela, ils expliquent que pour eux, consacrer du temps à la star est un plaisir, même si cela signifie attendre dans le froid pendant une journée, ils seront

« récompensés » par deux heures de concert, cela leur suffit.

Ainsi, se qualifier soi-même de fan préfigure un discours dans lequel la passion est s o e d’u e gage e t i po ta t, ui te d e s la d esu e.

Lo s u’o a l’o asio de parler avec une personne qualifiée de fan, on se rend compte u’elle a rapidement besoin de préciser son degré de « fan-attitude » et de marquer la différence entre ce que sont un fan et un fanatique. En effet, bien que le terme fan soit une abréviation, il semble que pour le fan en question, les deux adjectifs ont chacun leur se s p op e. Le fa , ’est elui ui a u e passio , ui ad i e u e pe so e ou u g oupe de personnes ; un fanatique, lui, a une passion également, mais aurait un discours plus extrémiste, son attitude serait plus malsaine. Philippe Le Guern remarque à ce propos que

« les fans manifestent le souci majeur de se dégager du stéréotype du fanatique »11, ils ne veulent pas être considérés comme des marginaux un peu fous. La terrible histoire du fan meurtrier de John Lennon o t e l’e e ple du fa atis e pouss à l’e t e.

E ta t u’o se ateu e t ieu , a fo tio i pou uel u’u ’ ta t pas passio pa uel ue hose, il est diffi ile de o p e d e les a is es du o po te e t d’u fan, et i di idu i apa le de p e d e du e ul ua t à l’o jet de so ad i atio . Lors de regroupements notamment, on peut observer une certaine « hystérie collective »12 u’o peut interpréter de bien des façons : une manifestation de la joie de se retrouver entre i iti s, ou u e o e t atio plutôt eff a a te d’i di idus agit s. Au-delà de cet aspect de

« meute », où chacun est entraîné par les autres sans toujours en avoir conscience et de manière parfois euphorique, il faut regarder de plus près, au niveau de l’i di idu isolé.

Co t ai e e t au id es eçues, le fa ’est pas fo e t u adoles e t ali , sa s personnalité, ui ’e iste ait plus e ta t ue tel, ui e se ait u’u e pâle imitation13, si les fa s ’ taie t ue des adoles e ts e plei e ise e iste tielle, les sta s ’a i e aie t sûrement pas à rester plusieurs décennies sur le devant de la scène. O o state u’il peut e iste aujou d’hui plusieu s g atio s de fa s pou u e g oupe ou ha teu , ’est un public relativement hétéroclite, et loin de la caricature.

10 Ibid., p84

11 LE GUERN (Philippe), op. cit., p195

12 MORIN (Edgard), Les stars. Paris, Seuil, 1972, p87

13 LE BART (Christian), op.cit., p12

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12 Ce tai s fa s p f e t i e leu passio de a i e dis te, ua d d’aut es ai e t la vivre au vu et au su de tous. Dans ce cas, on peut trouver des autocollants sur leurs cahiers d’ ole, des badges ornant leur sac, ou les voir arborer des tee-shi ts à l’effigie de leur idole. Il y a une étape à franchir entre le moment où l’o se e d o pte u’o est fa , et le moment où on va le dire.14 Le principe du culte suppose souvent que des rituels soient mis en place15 au quotidien pour cultiver la passion : on se réveille avec sa chanson préférée, on prend sa douche en écoutant un album de notre idole, on prend son petit d jeu e e esp a t u’u lip de elle-ci soit diffusé à la télévision, etc. Si le fan surfe sur i te et, ’est pou ega de les de i es a tualit s o e a t l’o jet de sa passio , ega de des photog aphies, ou ha ge a e d’aut es fa s. Quelle que soit la manière de l’e p i e , la passio est i po ta te pou l’i di idu : « Quoique discret (...) cet e goue e t ’e a ait pas oi s de ais et puissa ts effets, du oi s à o helle : ma ie a ait e fi u se s, j’ tais de e u u fa des Beatles »16. La passio ha ge l’i di idu, elle modifie sa façon de se percevoir par rappo t au o de ui l’e tou e.

U e e a ue to a te a t fo ul e pa Ma l e, ui s’est po t e olo tai e pou réaliser un entretien. Au cours de la discussion, elle lance : « Je ne devrais peut-être pas me considérer comme une super fan ! », lo s u’elle ous e pli ue u’elle a esoi d’ t e sû e d’ai e u CD a a t de l’a hete , e s’il s’agit d’u CD de M l e Fa e . Elle e sait pas elle-même comment se qualifier, comme si sa façon de faire remettait en question l’i te sit de sa passio pou la star. Nous verrons ci-ap s u’il e iste u e ita le hiérarchie chez les fans, et nous tenterons de comprendre pourquoi Marlène se pose cette

uestio , pou uoi elle a l’i p essio de se se ti oi s fa ue d’aut es.

Le « savoir-être fan »17 e s’a uie t pas en un jour, « il sulte plutôt d’u e s ie d’app e tissages des o es a i es de se o po te , de l’ajuste e t p og essif à des normes elles- es plus ou oi s sta les, pa les uelles le fa peut s’ide tifie et peut être identifié comme tel. »18 Etre fan suppose de connaître certains codes établis par la communauté à laquelle on appartient. Les fa s de The Cu e et d’I do hi e o t pa exemple avoir tendance à reproduire la coupe de cheveux du leader du groupe, les fans de Marilyn Manson ne se rendent pas à u o e t sa s s’ t e ha ill s et a uill s à l’i sta de leur idole. On remarque également une certaine uniformité vestimentaire, pa ti uli e e t isi le hez les fa s d’I do hi e et Ma il Ma so : le noir est de mise.

Philippe Le Guern explique u’il e iste u «dou le i eau d’i pli atio », et affirme que

14 Ibid., p94

15 LE GUERN (Philippe), op. cit., p24

16LE GUERN (Philippe), op.cit., Réseaux, 2009, p22

17 LE GUERN (Philippe), op. cit., p180

18 Ibid.

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13 ceux qui copient le look de leur idole sont ceux « qui pouss(ent) le plus loin le rapprochement entre passion et style de vie »19 ; le deuxième niveau consistant à partager leur passion avec d’aut es fa s. Il existe aussi des rituels pour les habitués des concerts, quand par exemple le chanteur fait un simple signe, et u’e po se les fans se mettent à hurler ; pou les i iti s, e sig e i duisait l’a i e d’u e ha so t s app i e de tous, alo s ue les o i es ’au o t pas o p is tout de suite la f e e. C’est aussi pa e o e u’o disti gue les ha itu s des o erts de ceux qui ne le sont pas, les initiés aiment mettre en avant leur connaissance et montrent ainsi leur supériorité supposée.

De nombreux auteurs étudiant le phénomène des fans ont abordé la question de la relation entre le culte et la religion. En effet, on est tenté de faire le rapprochement, rien que de par les termes utilisés : culte, déesse, amour, passion, célébration, etc. De ce fait,

« certains auteurs établissent une analogie entre rituels de fans et rituels liturgiques » : la a i e u’o t les fa s de o se e telles des eli ues tout o jet elatif à la sta , la relation inégale sur laquelle nous reviendrons plus tard, selon laquelle plus la star se fait rare, plus la passion du fan est forte, les o euses ep se tatio s de l’idole da s l’espa e p i du fa ; autant de points communs avec le monde religieux. Ces auteurs ont epe da t o lu ue e app o he e t est o testa le, u’il au ait t oti plutôt par les analogies langagières. En outre, cela renverrait trop au concept de fanatisme, une posture dépréciative pour le fan ; de plus, la notion de rituel sur laquelle se base le rapprochement serait beaucoup t op floue, elle peut s’appli ue à ’i po te uelle

19 LE GUERN (Philippe), op. cit., Réseaux, 2009, p24

Figure 1 : Mylène Farmer, plan en contre-plongée lui donnant le statut de « déesse », Stade de France, 2009

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14 a ti it effe tu e au ou s d’u e jou e.20C’est pa ailleu s la t l isio ui a jou u ôle d’hu a isatio de la sta , ui fait alo s pa tie de « la vie quotidienne des mortels, (...) où l’ad i atio p e d le pas su la atio ».21 Ainsi, la sta e ie t su te e, elle ’est plus une déesse inaccessible. A ce sujet, il nous semble important de conseiller au lecteur les t oig ages des fa s de M l e Fa e ui l’o t e o t e22, qui attestent que la

ha teuse ’est pas la fe e f oide, hautai e et distance qui nous est parfois décrite.

B. Le cas des fans de Mylène Farmer

« Il a uel ue hose d’aut e, uel ue hose e plus de tout ela: il a la g â e d’u e usi ue à ulle aut e pa eille, il a la agie d’u oup de foud e, il a la passio d’u e vie, bien au-delà d’u e to uade d’adoles e t. »23

1. Un discours passionné

Nous allons étudier plus spécifiquement les fans de la chanteuse Mylène Farmer.

Sou e t ualifi e d’ « icône gay », ’est u e fe e ui d haî e les foules depuis les années 1980, et ce e o e aujou d’hui. Malg ette appellatio , la sta e u it pas uniquement des homosexuels dans son public, les vidéos des concerts montrent également des couples hétérosexuels. On constate aussi une grande diversité des âges des spectateurs. Il e suffit pas d’ t e ho ose uel pou o pte pa i les fa s de la chanteuse, chacun a évidemment son libre-a it e et est li e d’ai e ou o tel a tiste.

Di e de M l e Fa e u’elle est u e i ô e ga pa aît uel ue peu du teu ; tout o e pou d’autres artistes, une part importante de la communauté gay se revendique fan, expliquant cet attrait notamment par la sensibilité particulière que dégage cette a tiste, ais a o t a io, o o e d’ho ose uels d teste t o diale e t la ha teuse.

Il semble ue uelle ue soit la t a he d’âge, peu i po te les p f e es se uelles et la catégorie socio-professionnelle, on peut faire partie des fans de Mylène Farmer. Chaque i di idu est diff e t, a e sa p op e faço d’e p i e ses se ti e ts, d’ai e . C’est plus flagrant lors de concerts ou de rassemblement entre fans, on remarque certains points o u s, is e a a t pou l’o asio : des tee-shirts, des badges, des tatouages, mais pou auta t, il e s’agit pas d’u e « masse uniforme de clones interchangeables »24 : il faut se méfier des jugements hâtifs et des stéréotypes pourtant bien établis qui concernent les

20 MAIGRET (Eric), Du mythe au culte... Ou de Charybde en Scylla ? In LE GUERN (Philippe), op. cit., p107

21 MORIN (Edgard), op. cit., p33

22 http://www.innamoramento.net/mylene-farmer/rencontres-avec-mylene/ dernière consultation le 16/06/2012

23 LE BART (Christian), op. cit., p34

24 Ibid., p15

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15 o po te e ts et la pe so alit des fa s, e ’est pas elle e t e u’Ado o a appel

« la transformation du peuple en insectes ».

Selon David Buxton, ce qui fait la différence entre un musicien et u e sta , ’est u e qualité mystérieuse qui plaît au public25, on reconnaît ici la a tio des fa s lo s u’o leu demande pourquoi ils le sont : la plupa t e sa e t pas o e t l’e pli ue , ou tentent de se justifier de manière hésitante. Ce tai s di o t u’il a « un truc » (Justine, 18 ans), d’aut es o t e pli ue u’ils se e o aisse t da s les te tes, oi e da s le comportement de la chanteuse (Marlène, 22 ans). En ce sens, Edgard Morin parle de

« dialectique identificatrice »26 pour définir cette impression que peut ressentir le fan de ressembler à son idole, quand il se retrouve dans ses paroles ou ses attitudes.

Re o aisso s epe da t u’il ’est pas ais de d i e les aiso s d’u e passion puis u’on ne décide pas de devenir fan, on le devient.

L’e e ple des fa s de M l e Fa e et e ide e la dualit e t e fa aiso a le et fan aliéné27, ha u eut se d fe d e d’ t e plus aiso a le ue l’aut e, elui ui, lui, est à la limite de la folie : le fa , ’est toujou s l’aut e28, o e l’e pli ue Philippe Le Gue . Le fan a toujours une représentation de lui-même faite par rapport aux autres, ou à l’i age ue eu -ci renvoient : l’aut e est pi e ue nous, qui restons dans des limites raisonnables, le socialement acceptable. D’u e a i e g ale, a oi u e ide tit de fa peut être ressentie comme insultante29 pour la personne concernée, qui cherchera à o t e u’elle ’est pas e essi e da s sa passio , u’elle est o e tout le o de, finalement. Eric Maigret affirme que les pratiques des fans peuvent se révéler très diverses, « elles sont traversées de distanciation à leur objet et elles sont parfois identiques aux pratiques culturelles plus nobles »30, il a auta t de faço s d’app he der sa passion que de fans. De plus, un fan reste rarement isolé des autres, ils aiment se et ou e et pa tage e se le, d’où la fo atio des fa s-clubs par exemple, ou la présence des forums sur internet qui réunissent les fans.

Certains admirateurs de M l e Fa e pe se t u’ils doi e t ite leu tit e de fa , ue pou pou oi t e dig e d’ai e la ha teuse, o e peut pas t e da s l’ oute passive. Il faut réfléchir aux textes, analyser les clips, reproduire les chorégraphies, connaître la biographie exacte de Mylène Farmer, connaître les dates auxquelles sont sortis les albums, voire les singles, etc. Ils o t esoi d’ t e à « la hauteur de l’o jet de

25 BUXTON (David), Le rock, star-système et société de consommation. La pensée sauvage, 1985, p163

26 MORIN (Edgard), op. cit., p90

27 LE BART (Christian), op. cit., p216

28 LE GUERN (Philippe), op. cit., p182

29 LE BART (Christian), op. cit., p210

30 MAIGRET (Eric), In LE GUERN (Philippe), op. cit., p108

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16 (leur) passion »31, sinon, selon eux, ils ne pourraient pas se qualifier de fan. Rodolphe i siste su le fait u’ t e fa de la ha teuse peut se i e de a i e olle ti e, ais u’o e peut pas fai e l’i passe su le esse ti et la fle io pe so elle. « Etre fan de M l e Fa e ’est a oi u de oi de ditatio su soi, de fle io sur le monde, la so i t , la po sie, su tout ça… I te et ’est t s ie pou l’utilisatio s olai e u’o doit en avoir, avec un petit bout de la vie privée. Tu peux partager avec des gens, en tant que fan, prendre des informations, prendre des images, de la musique, partager tes émotions pou e pa le , pa tage tes atio s. Mais e u’il e faut pas ou lie , faut sa oi se oupe des a s, d’i te et, si o tu to es da s l’o sessio , et faut sa oi jus u’où aller, faut savoir ce que Mylène nous dit, e u’o a e ie de lui di e, et pou uoi. C’est u t a ail de ditatio et d’i t io isatio .» Pou lui, ’est u de oi e e s la sta ue de p e d e le te ps de fl hi su soi et su so œu e, et su tout e ui ous e tou e. Il faut accepter de prendre du temps pour penser, être un moment seul avec soi-même.

Face à ce discours, « se le t s’i pose i i les a al ses e te e de f ti his e, oi e de magie »32. En effet, le discours tenu par Rodolphe emprunte au sacré, presque au religieux : méditatio , i t io isatio , fle io . D’aut e pa t, ous e pou o s pa le des fa s de M l e Fa e sa s o ue l’i po ta e pou eu des o jets de olle tio , u principe qui relève aussi du fétichisme. Nous verrons ci-ap s o ie ’est i po ta t pour les fans.

D’aut e pa t, ous e a uo s ue pou e tai s, leu passio ’a pas fo e t u aspe t positif au uotidie , D l se appelle d’u e p iode de sa ie : « Quand tu es li atai e, tu so s eau oup a e tes a is, ’est s pa, ais pou peu ue tu aies un bon oup de d p i e, ça t’a h e et t’es d fi iti e e t au fo d du t ou ! Da s le ôt la olie et id es oi es, oui il ’ a pas de sou is ça t’appo te, ça a ie jus u’au out

! » Pour elle, contrairement au discours des autres membres de notre échantillon, la ha teuse e l’a pas aid e à alle ieu , i à su o te les p eu es u’elle a e o t es.

Cepe da t, elle e ep o he ie à la ha teuse, elle est o s ie te ue ’est l’u i e s u’elle he hait, elle sa ait à uoi s’atte d e, et ’i agine pas la chanteuse autrement.

2. Une star intouchable

En premier lieu, nous nous devons de rappeler que la star connaît encore de nos jours un grand succès auprès du grand public : « Avec 140 000 exemplaires et 10 000 téléchargements vendus dès la première semaine de commercialisation de Bleu Noir (...) Mylène Farmer a réussi (...) le eilleu la e e t de l’histoi e du dis ue pou u a tiste

31 LE BART (Christian), op. cit., p116

32 LE BART (Christian), op. cit., p188

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17 francophone. »33 Pour poursuivre avec des chiffres, le magazine Challenges a établi un classement des artistes les mieux payés en 2011, Mylène Farmer obtient la quatrième position34, derrière David Guetta, Eddy Mitchell et Jean-Louis Au e t. C’est u tou de fo e pou la ha teuse, ui ’a so ti au u nouvel album ni donné aucun spectacle en 2011, ses revenus sont donc issus u i ue e t des e tes de dis ues et d’o jets d jà da s le com e e, des e e us esti s à , illio s d’eu os. Mylène Farmer se classe régulièrement dans le « top 10 » des chanteurs qui gagnent le plus en France. Elle fait donc bien toujours partie des a tistes ui o t du su s aujou d’hui.

Une caractéristique commune dans le discours de plusieurs fans nous interpelle : ils a epte t t s diffi ile e t u’o iti ue leu idole, ais plus e o e, e tai s o t du al à ad ett e ue M l e Fa e ’est pas la seule ha teuse au o de, ils e le iti ue t pas facilement eux-mêmes. Regardons concrètement ce que disent les fans que nous a o s i te og s. Rodolphe e pli ue ue lo s u’il pa ti ipait à u fo u su i te et, il te tait de la e des sujets su d’aut es a tistes, pou e pas « tou e u’autou de Mylène non plus, mais aller voir autre chose ailleurs qui peut être aussi intéressant. Même si Mylène sera toujours notre déesse, ça, je suis le premier à le prôner ! ». On a l’i p essio ue le jeu e ho e a esoi de p ise ue e s’il oute aut e hose,

’est ie sû so idole ui este a la eilleu e, o e s’il de ait justifie le fait u’il

’ oute pas seule e t elle. La seule e a ue gati e e a t de Pauline concerne l’a e i : « J’ai e ais ue M l e e fasse pas t e te al u s de plus. J’ai e ais ue ça este u the... O ieilli tous, j’ai pas e ie u’elle fasse o e Joh Hallida e t e deu tu eu s u’elle ous fasse u al u , du li e, e o e jus u’à alais... Je ’a i e pas à e l’i agi e . Elle ’est pas te elle ! ». Pauline est la seule parmi notre échantillon qui a affirmé ne pas vouloir rencontrer la chanteuse, et qui hésite à aller la voir en concert.

Pou elle, le the ui l’e toure est très important, son image est primordiale, elle a peur d’ t e d çue et p f e s’ pa g e e is ue. Elle e tol e ait pas de oi so idole montrer publiquement des signes de vieillesse.

Nous avons aussi le cas de la critique avouée à demi-mot : « u’à pa ti d’A a o phos e,

’est le look à l’a i ai e, o , j’ai e oi s ça. C’est ai ue je p f e le d ut ».

Nadège préfère parler de préférence pour une certaine période plutôt que de dire « je

’ai e pas ». On sent la même réticence chez Aurélien à critiquer son idole : « En général ils sont très travaillés, mais il y a eu des déceptions ces dernières années, elle est revenue e s uel ue hose d’u peu plus si ple... Plus so e, je pe se à Bleu Noi , juste a e u écran qui diffuse des images derrière elle, qui est très beau, mais qui est beaucoup plus

33 BINET (Stéphanie), En bref. Libération, 2001

34 http://www.challenges.fr/classement dernière consultation le 18/06/2012

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18 so e ue e u’elle a pu faire, moins court-métrage. » Il a choisi ses mots avec soin pour exprimer son ressenti face aux changements dans les derniers clips, il est visiblement déçu mais s’i te dit de le di e ai e t. E e a he, Vi e t ose u ep o he : « Il y a une hose ue j’ai e pas, je pe se u’elle su -joue so pe so age, d’u ôt ça e fait i e, pa e ue j’ai p is du e ul ais ua d elle fait so pe so age de « je e e appelle plus o e fa e », je t ou e ça u peu fo t ua d e, je t ou e u’elle su -joue ça. » En effet, alo s u’à ses d uts la ha teuse pa lait sa s p o l es de so e fa e, d s u’elle a connu le succès elle a subitement perdu tous ses souvenirs : on est en droit de douter de sa sincérité. Toutefois, si Vi e t s’auto ise à d sapp ou e l’attitude de so idole, il ’e reste pas moins intransigeant avec ceux qui la critiquent, il est « un fan passionné qui supporte pas les gens qui la critiquent. Entre fans, la critique est constructive, mais je suppo te t s al les iti ues des ge s ui ’ o aisse t ie . Ça e e d di gue ! » Selon lui, il est nécessaire de connaître un objet pour pouvoir en parler, ce qui, finalement, est plutôt équitable.

Pou Chlo , e ’est pas ta t u t ait de so idole u’elle ’ai e pas, ’est plutôt les p opos u’il is ue d’e ge d e : « ça ’ e e de la oi pleu e e o e t, je e dis u’o a e o e e te d e pa le ue de ça e si ça a du deu i utes. » La jeune femme anticipe les remarques qui seront faites après un concert, elle est agacée de penser

u’o e pa le a pas du spe ta le, ais, o e sou e t, des la es de M l e Fa e . Nous avons un avis plus tranché avec Dély. Elle o e e pa di e u’elle ’a pas utilisé les f e es litt ai es g ai es pa M l e Fa e da s so œu e : « No , ça ’a ait soul e d jà e te i ale, alo s j’allais pas etou e pa e u’elle faisait f e e.

J’ai e ie ses pa oles, ais ’est u peu sopo ifi ue ses lectures, elle est mignonne, mais non ! » Puis elle se reprend, juste après avoir condamné catégoriquement un morceau récent : « la de i e ha so su le de ie al u , j’ai dit, là f a he e t, elle a a us , elle est franchement ridicule au niveau du ref ai , ais j’ai du al à ’auto ise à le di e ! Faut pas trop critiquer quand même ! » O le o p e d ie , les fa s s’auto e su e t.

Dély se justifie : « j’ai te da e à o te u peu ite su es g a ds he au si o a le malheur de critiquer un peu trop Mylène, je sors un peu les griffes quand même ! Faut pas y toucher. Mais je le suis moins. »

Ai si, si les fa s ’app ie t pas ue les o -fa s ou e d’aut es fa s iti ue t la ha teuse, ils e s’auto ise t pas o plus eu -mêmes à la juger négativement. Ils

’a i e t pas à fo ule des p opos gatifs à l’e o t e de leu idole, et s’ils le fo t, se reprennent aussitôt, o e s’ils a aie t o is u a te g a e.

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19

II. Topologie des fans

Nous pou o s te te d’ ta li u e e tai e topologie des fa s, e prenant appui notamment sur les travaux de Christian Le Bart qui différencie deux principaux aspects : les formes stigmatisées et les formes nobles. Dans le premier pôle, il regroupe les groupies, les collectionneurs et les imitateurs ; dans le second, il s’agit des ateu s, des udits et des esthètes. Ces six figures permettent de faire un inventaire global des comportements des fans, à quelques rares exceptions près. Le public de Mylène Farmer est assez hétérogène, chaque fan vit sa passion à sa manière.

Selo Fli h , ’est p i ipale e t « dans le domaine artistique et culturel ue l’o pa le de

« pratiques amateurs ». On les définit comme des activités réalisées par les individus eux- es à ôt des atio s dites l giti es. ... Cela ’e p he pas u o e i po ta t d’a ateu s de fai e i ule leu s p odu tio s e s’ad essant à un public.35 » Nous allons voir quelles pratiques sont présentes chez nos enquêtés, au travers des différentes représentations des fans.

35 FLICHY (Patrice), Le sa e de l’a ateu : So iologie des passio s o di ai es à l’ e u i ue. Paris : Seuil, 2010, p12

Figure 2 : Des fa s lo s du o e t au Stade de F a e e 2009, u jeu e ho e ai si u’u e fe e plus âgée, rompant avec les stéréotypes en place

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20 1. Les groupies

Dans le sens commun, une groupie serait plutôt une jeune fille à tendance un peu hystérique, dont on se moque allègrement. La figure de la groupie est en effet sans doute la plus o u e, elle do t o t ou e u’elle est l g e, aï e, t op fa ile e t i flue ça le.

Ce sont des fans qui éprouvent « u atta he e t t s fo t à la pe so e de l’a tiste »36, ceux qui vont chercher à rencontrer leur idole par tous les moyens. Les adresses personnelles des artistes sont connues de quelques fans qui vont aller attendre devant la side e de leu idole. A a t so d age e t e t, l’ad esse de M l e Fa e

’ tait plus un secret, de même que ses habitudes au quotidien, ses restaurants préférés, les cafés où elle se rendait souvent... Autant de lieux de culte pour les fans. Un banc est devenu particulièrement célèbre parmi les communautés de fans : il était directement en fa e de l’appa te e t de la ha teuse, et eau oup o t pass d’i o a les heu es assis dessus. Un jeune homme a même fait de son attente sur le banc un livre37 où il raconte ses journées entières passées à attendre la star, durant deux années. Il décrit son obsession d o a te, so esoi d’alle su e a pa tous les te ps, puis le o e t où il se e d

o pte u’il doit a te e o po te e t, u’il eut passe à aut e hose.

Ses allées et venues étaient épiées, les fans connaissent le modèle de sa voiture ainsi que la pla ue d’i at i ulatio , ils so t pa fois plusieu s à diff e ts e d oits pou su eille un éventuel passage de la fameuse voiture. Il ’ tait pas a e ue la oitu e s’a te et ue le chauffeur en sorte pour prendre les CD ou autres supports amenés par les groupies pour les faire dédicacer par la chanteuse, avant de les leur rendre. Vincent, qui a lui-même attendu la star devant chez elle quelques fois, nous en fait le récit, similaire à des dizaines d’aut es, toujou s la me voiture, le même chauffeur, la même procédure, et bien sûr, la même émotion ressentie pour le fan. Rodolphe ua t à lui, ous e pli ue u’ap s le déménagement de Mylène Farmer, certains fans ont eu recours à des rapports sexuels rien que pour se procurer la nouvelle adresse si convoitée : « ’ tait de la p ostitutio ! ».

L’i di idu he he à se app o he de so idole, il la eut seule e t pou lui, ap s tout, elle est sa confidente, celle qui le réconforte dans les moments difficiles, il a un besoin irrépressible de parler directement avec elle, de s’e app o he . Sa s ou lie le fait ue l’ e tuelle e o t e do e de l’i po ta e au fa , ui pou a s’e a te aup s des autres, même si cela peut susciter des jalousies.

36 LE BART (Christian), op. cit., p185

37 PAPINI (Christophe-Ange), Fou de M l e Fa e , deu a es à l’atte d e... K&B, 2005.

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21 2. Les collectionneurs

Faire partie des fans de Mylène Farmer suppose presque invariablement d’ t e collectionneur. De nombreux objets dérivés sont disponibles depuis le début de la carrière de la ha teuse, soit u e t e tai e d’a es ai te a t. A ha ue ou el al u , plusieurs versio s so t dispo i les, les si gles sui e t le e s h a. Sou e t, e ’est ue l’i age de la po hette ui diff e, o peut par exemple citer le cas du single Optimistique-moi, sorti en janvier 2000, qui a bénéficié d’u e dizai e de suppo ts38. Pour e tai s fa s, il est a solu e t i p atif de poss de ha ue e sio , ie u’il s’agisse de la e ha so , et u’u seul suppo t suffise pou l’ oute. Ap s tout, ’est le e principe que ceux qui revoient de nombreuses fois un même film, « le cultiste peut revoir le film-culte avec le même bonheur, avec le même regard, sans les épuiser, sans en venir à bout », il « cherche à répéter une expérience magique, un visionnement qui lui a donné un plaisir extraordinaire »39, le fan de Mylène Farmer suit la même idée, recherche le plaisir.

Ils se lancent alors dans une véritable chasse aux trésors, à la recherche des objets ui leu a ue t. Pou eu ui ’ taie t pas fa s, ou e pas s lo s des d uts, et a a t l’a i e d’i te et, la eilleu e solution consistait à écumer les brocantes et les vide-greniers, en plus, les objets convoit s taie t sou e t peu he s, o e l’affi e Marlène. Elle nous explique également que pour elle, une autre méthode consistait à scruter les petites annonces publiées dans les magazines spécialisés, il arrive que des fans vendent des parties de leur collection. Le « Mylène Farmer Magazine », édité au début des années 2000, publiait à chaque numéro des « portraits de fans » : la personne entourée pa sa olle tio d’objets relatifs à la chanteuse. On constate aussi que dans chaque magazine (Mylène Farmer Magazine, IAO, Instant-Mag, Mylène Farmer et vous), une section est réservée aux petites annonces entre fans, pour ceux qui recherchent une correspondance, qui recherchent ou qui vendent des objets. La notion de collection est uel ue hose de elle e t p se t d s u’o pa le de M l e Fa e . E e t etie , Justi e, a s, ous o fie u’elle ai e ait pou oi olle tio e e ui se appo te à la ha teuse, ais u’elle ’a pas eau oup d’a ge t, e ui e d les a hats diffi iles, d’auta t plus u’elle a u e aut e passio à la uelle elle o sa e d jà u e pa tie de so budget ; pou le o e t elle se o te te des al u s u’elle a tous, et des poste s.

Nadège, de son côt , ’est pas u e adepte de la olle tio , elle s le tio e ses a uisitio s e fo tio de la p iode u’elle ai e, sa s esse ti le esoi d’a asse le a i u de choses.

38 Voir Annexes 2

39 LE GUERN (Philippe), op. cit., p90

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22 En collectionnant, le fan tente de se rapprocher de son idole : « la collection substitue dans l’esp it des i t ess s l’e t e pe so alisatio d’u e elatio t s i estie affectivement »40, les objets restent parfois sous blister, sont soigneusement rangés. Les fa s so t o s ie ts u’il e s’agit ue d’o jets issus de l’i dust ie, ue la ha teuse e les a même pas effleurés, mais peu leur importe, il les leur faut. Ils ont une sorte de valeur sacrée, ils sont les objets du culte.

3. Les imitateurs

Les imitateurs sont repérables de prime abord à leur look : ils veulent ressembler à leur idole. Leu idole, sou e t ue o e u dieu ou u e d esse, est fo e t l’e e ple à sui e, e te es d’ha ille e t, de oiffu e, de o po te e t, et . Des fa s des Beatles reprenaient les coiffures du groupe, en rupture avec les codes ta lis à l’ po ue41, ils imitaient les tenues de Paul McCartney. En ce qui concerne les admirateurs de Mylène Fa e , ’est ie sû la he elu e ousse ui est à l’ho eu , oiff e e hig o s sophistiqués. Les imitateurs peuvent passer des heures à décortiquer chaque mouvement d’u e ho g aphie d’u lip ou d’u o e t, o e Rodolphe ui a o te sa p e i e e p ie e de la da se, lo s u’il s’e t aî ait à ep odui e les ho g aphies de la ha teuse, u’il a d’a o d t ou o pli u es. Aujou d’hui e ole de da se, il s’a use de la si pli it des ou e e ts u’il a ait alo s du al à ep e d e ; néanmoins, il se e d o pte ue ’est peut- t e à pa ti de là u’il a o e à ai e la da se, do t il eut ai te a t fai e so tie . Il e o aît d’ailleu s u’il ado e ait pouvoir collaborer avec son idole, dans un cadre purement professionnel, non pas dans la relation du fan à son idole. Justine, de son côté, a construit son pseudonyme sur internet en associant le p o de la ha teuse à l’a e de sa p e i e tou e, pou do e « Mylene89 ».

C’est u ph o e assez ou a t pou les fa s, su tout s’ils so t p se ts su les fo u s spécialisés, o et ou e u ot d’u e ha so , ou u e association de mots faisant référence à la chanteuse. La plupart de nos interviewés ne sont pas concernés, et revendiquent presque leur indépendance quant à leur pseudonyme : ils ont leur propre identité, ils préfèrent garder leur prénom ou un dérivé de leur prénom, voire un surnom

u’ils a aie t d jà aupa a a t.

40 LE BART (Christian), op. cit., p187

41 Ibid., p189

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23 Les imitations des chansons sont également très fréquentes, on trouve sur Youtube pléthore de id os d’i di idus ui ep e e t des o eau de la ha teuse a e di e s instruments ; le fan peut alors lier ses deux passions : la pratique de la musique et sa chanteuse favorite.

Noto s ue e tai s o t e o e plus loi ue l’i itatio , ils p f e aient être l’i a atio de la ha teuse : « je voulais être Mylène Farmer » (Rodolphe, 23 ans).

4. Les créateurs

Après ces trois figures dites stigmatisées, nous passons aux formes nobles. Les ateu s so t eu ui o t s’i spi e de l’a tiste pou p odui e quelque chose eux- mêmes. Ils ne sont plus de « simples » imitateurs, ils créent. Philippe Le Guern estime que

« ce que font les fans doit être analysé en termes de productivité et non pas simplement de réception »42, puis u’o sait ue les fa s peu e t devenir des producteurs, en effet, ils ne sont jamais dans la réception passive.43

Pa i os i te ie s, e tai s o t e doss l’ha it du ateu , e a t u log su internet par exemple, pour Pauline, même si elle parle de sa vie, ses expériences personnelles, elle aime ajouter une référence à Mylène Farmer. En revanche, Marlène, qui

42 LE GUERN (Philippe), op. cit., Réseaux, 2009, p38

43 LE BART (Christian), op. cit., p37

Figure 3 : Rodolphe en train de danser. Photo Céline Ruault.

(25)

24 dessi e eau oup, s’inspirait parfois de la chanteuse, quand elle était plus jeune, mais ce

’est isi le e t pas sa p i ipale sou e d’i spi atio . N’ou lio s pas, toutefois, que M l e Fa e ’est pas seulement une chanteuse : elle est également auteur et peintre.

Ainsi, Marlène veut marquer la différence, affirmer sa personnalité, mais malgré tout, le dessin reste un point commun entre la fan et son idole. Cette distanciatio a ue l’e ie d’a oi des e t es d’i t ts diff e ts, de les disso ie . O peut suppose ue ’est u e a i e d’ ite «l’o e dose » qui pourrait survenir à force de toujours faire ou écouter la même chose.

Dans le même sens, Dély prévoit de réaliser un tableau en scrapbooking avec des objets elatifs à la sta u’elle a o se s. M l e Fa e l’i spi e pou so aut e passio , ais oto s epe da t ue le log de D l est o sa e lusi e e t au s ap ooki g, elle ’ fait pas référence à la chanteuse : chaque passion a un moment et un lieu différents pour s’e p i e , e si la jeu e fe e souhaite les u i d s u’elle t ou e a le te ps.

Ce tai s fa s so t dot s d’u g a d tale t et le ette t à p ofit pou ep se te leu idole. Voici ci-dessous deux illustrations réalisées par une dessinatrice, Sabine van Apeldoorn, fan de la chanteuse et dessinatrice professionnelle :

Figure 4 : Réalisations de Sabine van Apeldoorn

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25 5. Les érudits

« L’ udit, ui p te d dominer son sujet par la connaissance »44 : il a recours à des données historiques, il fait preuve d’u se s iti ue à toute p eu e et sait reconnaître les défauts de son idole. Les érudits font figure de spécialistes du sujet, ils se servent de leurs connaissances scolaires, universitaires pour se mettre dans une position quasiment supérieure à la star. Ils peuvent par ailleurs mépriser les autres « catégories » de fans, notamment les groupies, les considérants comme de statut inférieur, presque d’i telligence moindre. Pou a i e à ette positio , il a fallu ue l’i di idu passe pa le p o essus d’app e tissage des i fo atio s, u e a tio e e su le lo g te e, u el investissement.

Philippe Le Guern insiste sur « la désapprobation sociale qui marque le terme de fan »45, là où l’ udit adopte u e postu e sa a te, le fa est i apa le de se aît ise . Ce te e de fa est sou e t i te p t de faço p jo ati e, o e s’il dis ditait i diate e t la personne qualifiée comme telle. Par ailleurs, la question de la culture légitime est posée, peut-il y avoir des érudits parmi les fans de Mylène Farmer ? Est-ce acceptable socialement ? Ca l’ uditio peut o e e tous les do ai es, pas u i ue e t eu ui sont reconnus légitimes.46

Rodolphe e d’u e « collaboration professionnelle qui place la star et son admirateur dans le même monde »47 ; il aimerait beaucoup pouvoir être le chorégraphe, le temps d’u e da se, de so idole, ie ue ette a itio lui semble irréalisable.

6. Les esthètes

Les esthètes ua t à eu , e e di ue t l’i po ta e de la usi ue seule, sa s ie autou . La usi ue suffit pou fai e l’e p ie e du plaisi . Ils ’o t pas esoi de ega de les li ets des al u s, i les li es ou les iog aphies, ils se o te te t d’ oute . Cette approche marque aussi un désintérêt pour la vie privée de la star : le fa ’est pas f ia d des jou au à s a dales, il e eut pas sa oi ui est la sta e deho s de e u’elle fait passer dans sa musique. L’a se e de le tu es, ette faço de efuse ce qui entoure la musique, peut être interprétée comme un « a eu d’i ultu e »48, qui est une manière p jo ati e de pa le de es esth tes, ais o peut gale e t pe se u’ai si ils

44 Ibid. p194

45 LE GUERN (Philippe), op. cit., p166

46 LE GUERN (Philippe), op. cit., Réseaux, 2009, p24

47 LE BART (Christian), op. cit., p197

48 Ibid., p196

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26 revendiquent une « posture purement esthétique »49, ils se concentrent sur l’aspe t artistique uniquement.

Chez nos interviewés, on reconnaît cette figure dans les cas de Pauline et Marlène. Les deux jeunes femmes connaissent très bien le répertoire musical de Mylène Farmer, et bien u’ ta t plus jeu es elles aie t a het des agazi es la o e a t, elles s’e so t à présent détachées, pour ne plus profiter que de la musique.

Un même fan peut revêtir plusieurs figures, tout dépend de son âge, de sa manière de vivre sa passion, et des circonstances ; si on rencontre un fan qui patiente dans une file d’atte te pou u o e t, il au a ide e t u o po te e t diff e t de elui u’o au ait u si ous l’a io s e o t hez lui a e ses pa e ts. Noto s pa ailleu s ue le fa est rarement le mieux placé pour se définir : plusieurs de nos enquêtés à qui nous avons posé la question affirment se considérer comme des « fans modérés », e si, d’u œil e t ieu , es fa s o pa s les u s au aut es ’o t sûrement pas les même notions des

at go ies, puis u’ils so t ie diff e tsda s leu faço d’e p i e leu passio .

III. Chacun sa place

A. Une question de hiérarchie : la collection

Il existe une certaine hiérarchie au sein des fans : elui ui l’est depuis plus lo gte ps, elui ui l’est plus ue les aut es, elui ui a assist au plus grand nombre de concerts, celui qui a la plus grande collection, celui qui est le plus intelligent, etc.

Christian Le Bart parle de « hi a hie des ad i atio s selo l’i te sit de la passio »50, ua d o o e e à de e i fa , o a uie t d’a o d les albums, puis des posters, des agazi es… Qua d la passio se o fi e, o passe à l’ tape des plus g os a hats : les places de concert, les objets dérivés. Chacun en est à un niveau différent dans sa

olle tio , da s sa u te d’o jets.

« La valeur sacrée de la pe so e ado e se t a s et à tout e u’elle tou he (...) et plus la ge e t à tout e ui est e appo t, d’u e faço ou d’u e aut e, a e elle. Ce f ti his e

49 Ibid.

50 Ibid., p80

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27 adoucit la distance entre le fan et la star. »51 Il s’agit de e u lie ph si ue a e la

ha teuse, de s oli ue e t se app o he d’elle.

La collection est quelque chose de très important pour un fan de Mylène Farmer, souvent elle se veut le reflet de son degré de « fan-attitude ». Elle est exposée de manière voyante dans la chambre de l’i t ess Ma l e, a s , les poste s e ou e t les u s, les vinyles sont mis en évidence, parfois même les CD sont accrochés aux murs (Aurélien, 25ans) : il s’agit de o t e u’o est fa , de s’affi e e ta t ue tel. En ce sens, les fans sont particulièrement sujets à la jalousie : pourquoi est-ce cette fille que Mylène Farmer a invitée à monter sur scène, et pas moi ? Pourquoi ce fan est-il plus connu dans la communauté des fans que moi ? Sans parler de la jalousie que suscitent les objets rares : elui ui a ussi à e o te i a de e i telle e t jalous u’il p f e a esse de le di e de s’e « vanter » diront les mauvaises langues). Vincent a pu acquérir un badge officiel de la tou e g â e à u e jeu e fe e faisa t pa tie de l’ uipe avec qui il a fait connaissance ; lo s u’il a e pli u ette a e dote su so log, les fa s l’o t t ait de menteur. Vincent a fait une remarque intéressante : « J’ai pas al de t u s, ais u e collection assez basique pour un fan de Mylène. » Il part du p i ipe ue si l’o est fa de M l e Fa e , ela i duit d’a oi u e olle tio . Il affi e a oi « pas mal de trucs », ais e ’est pas ela ui o t e le ieu so deg d’atta he e t à la ha teuse, puis u’il suppose ue su e poi t il ’est pas différent des autres fans.

Chloé ne se définit pas comme une collectionneuse, même si elle possède tous les albums de M l e Fa e . Elle ous a o te u’elle t l ha geait des e egist e e ts pi ates, et u’à fo e de pe s a e, elle a e pu t ou e des morceaux inédits « qui étaient supe du s à t ou e au d ut, e si ap s ’est de e u eau oup plus fa ile », de plus

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51 Ibid., p188

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