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Le ski en Valais: une affaire de Valaisans? : le rôle des ski-clubs (1900-1939)

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Le rôle des ski-clubs (1900-1939)

IntroductIon

par

neil Beecroft

Mémoire de master en histoire, soutenu à l’Université de Neuchâtel en 2011.

La naissance des ski-clubs en Valais a joué un rôle impor-tant dans la diffusion du ski à travers le canton. Pratique d’origine utilitaire et en provenance des pays scandinaves1, ce sport est dans un premier temps associé à la pratique actuelle du ski de fond. Du côté helvétique, le ski touche tout d’abord, vers les années 1890, les régions de Glaris et du Jura, terrains propices à la pratique nordique. Puis, grâce aux frères Iselin et à la fabrique de ski Jackober, la diffusion du ski prend de l’ampleur.

Sur un plan national, l’armée suisse ne perçoit pas immédia-tement l’importance de ce moyen de déplacement hivernal. Le ski militaire se trouve limité, de façon élitiste, à l’unité du Gothard, dont les patrouilles brillent lors de compétitions à l’étranger. Dans un premier temps, le Club alpin suisse ( CAS ) ne s’intéresse pas non plus à une telle pratique et « n’encourage pas les courses hivernales, véritables tours de force entrepris par pure gloriole »2. Ainsi, pour palier

le désintérêt du CAS ou d’autres organisations, les ama-teurs de ski commencent à se regrouper en associations. Ces initiatives privées débouchent sur la naissance des premiers ski-clubs : à Glaris en 1893, suivi de près par Berne (1900). Du côté romand, La Chaux-de-Fonds ouvre la voie en 1904. L’ Association suisse de clubs de ski (ASCS) est créée la même année afin de coordonner l’activité sur le plan national, la première compétition suisse de ski ayant déjà eu lieu en 1902.

Qu’en est-il de l’introduction du ski en Valais ? De toute évi-dence, nous pouvons situer celle-ci au début du XXe siècle, lorsque les montagnes sont désormais gravies pour le plaisir et pour la joie des descentes, et ne représentent plus un obs-tacle comme par le passé. La pratique du ski se lie véritable-ment à la soif d’aventure, à l’effort et au loisir, trois élévéritable-ments qui définissent le sport à cette époque. Le matériel évolue en conséquence et l’on commence à parler de « ski alpin ».

une affaire de Valaisans ?

1 Pour certains ingénieurs de Suisse alémanique, les Norvégiens ont joué un rôle fondamental dans l’introduction du ski en Suisse, leurs connaissances étant admirées et transmises lors de démonstrations ou d’enseignements. IselIn 1929, pp. 43-52.

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Plusieurs légendes ou récits relatent l’apparition du ski en Valais, que ce soit dans le Chablais, au Grand-Saint-Bernard ou à Saas-Fee. Les plus anciennes traces littéraires témoignent de l’utilisation du ski par les chanoines du Grand-Saint- Bernard, pour le sauvetage hivernal des pèlerins voulant bra-ver le col3. En 1898, les habitants de Zermatt s’étonnent en voyant l’Allemand Wilhelm Paulcke et le Saint-Gallois Robert Helbling partir à l’assaut du Mont-Rose à skis4. Les guides locaux sont cependant vite convaincus par ce moyen pra-tique et rapide de déplacement sur la neige. Un cours est mis sur pied à Zermatt en 1902 ; les premiers ski-clubs valaisans apparaissent à partir de 1907, et les compétitions ne tardent pas. Un certain nombre de questions se posent à propos de la naissance des ski-clubs valaisans. D’une part, le Valais présen-tant une riche diversité sur un plan linguistique, géographique et économique, la fondation des ski-clubs connaît-elle un essor distinct selon les régions ? Peut-on définir des périodes de développement différentes ? D’autre part, quels sont ces grands

acteurs qui participent à la création des ski-clubs, cherchant à propager le ski et à « développer les vallées durant la période hivernale »5 ? De quels milieux sociaux proviennent-ils ? Emanent-ils de grandes et anciennes familles notables ou de toutes classes sociales ? De plus, l’aspect compé-titif devenant important au fil des années, comment les champions sont-ils perçus au sein des sociétés ?

Quant aux femmes, quelle place oc-cupent-elles dans les ski-clubs? Leur place et leur rôle sont-ils différents selon les clubs régionaux, ou bénéficient-elles d’un accueil semblable ? Afin de répondre à ces questions et de suivre l’évolution de la pra-tique du ski en Valais, notre étude s’éche-lonnera de son apparition, au début du XXe siècle, jusqu’à sa « révolution », peu avant la Deuxième Guerre mondiale, lorsque la mécanisation et les premiers remonte-pentes apparaissent, modifiant en profondeur la vision et la pratique du ski.

3 lehner, BIner 1965, p. 153.

4 helBlIng 1898, pp. 378-379.

5 AsCM, 15 novembre 1907. Hospice du Grand-Saint-Bernard, vers 1900-1910. (Jullien Frères, Médiathèque Valais - Martigny)

Skieurs à l’orée de la forêt, Valais, vers 1900. (André Kern, Abbaye de Saint-Maurice, Médiathèque Valais - Martigny)

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FondatIon des skI-cluBs valaIsans

Champéry 1917 St. Niklaus 1909 Zermatt 1909 Martigny1907 Salvan1917 Mayoux 1919 Grimentz 1911 Saas-Fee 1908 Leukerbad 1914 Münster 1919

Figure 1 : Carte du Valais de la « Période 1 » – la fondation des premiers ski-clubs. Une première période débute avec la naissance des ski-clubs valaisans. Des personnages illustres, précurseurs, œuvrent à leur fondation. Fondé en 1907, le ski-club de Martigny fait figure de doyen. Il est suivi de près par celui de Saas-Fee, en 1908, puis par ceux de Zermatt et de Sankt Niklaus, en 1909. En 1911 est fondé le ski-club de

Grimentz, puis celui de Loèche-les-Bains en 1914. En fait, les premiers ski-clubs valaisans apparaissent principalement dans une zone située entre Sierre et Viège. Martigny fait figure d’exception, mais son ski-club rayonne sur un large périmètre : initialement, ses membres proviennent de la Ville et du Bourg6, puis du val

6 Ces quartiers actuels de Martigny étaient alors encore des communes indépendantes.

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7 La Gazette du Valais, 1909, n° 1, p. 2. 8 Idem, 1914, n° 17, p. 2.

9 Confédéré, 1908, n° 11, p. 3. 10 Idem, 1908, n° 100, pp. 2-3.

11 A l’époque, le « challenge » désigne un type de concours où une coupe mise en jeu par un sponsor doit être gagnée ( généralement ) trois fois afin d’être définitivement acquise.

Course de ski dans le val Ferret, 1911. ( Georges Pillet, Médiathèque Valais - Martigny )

d’Entremont ; par la suite, le ski-club touche aussi Sion, le Chablais, le val de Bagnes et même celui d’Anniviers. Ces vallées, de même que celles de Zermatt et de Saas-Fee, sont des régions où l’alpinisme estival prospère déjà. Les change-ments vers un tourisme hivernal s’y opèrent donc plus rapide-ment. Par ailleurs, les guides, directement en contact avec les alpinistes et touristes étrangers, sont souvent les premiers concernés par le ski, désireux qu’ils sont d’étoffer leur profession et de la rendre plus attractive durant l’hiver. Leur rôle dans la création des ski-clubs est ainsi important. On apprend que lors de la constitution du ski-club de Zermatt, parmi les trente futurs membres présents, la plupart sont des jeunes guides7. De même, à Loèche-les-Bains, le ski-club « se compose d’une vingtaine de guides et jeunes gens du village »8. Au début du XXe siècle, les deux ski-clubs valaisans les plus influents sont ceux de Martigny et de Saas-Fee, ce dernier possédant de nombreux membres ressortissants de la val-lée du Rhône, entre Brigue et Sion. Dès le début, Martigny cherche à promouvoir le ski et son club à travers de nom-breux articles publiés dans le Confédéré. En 1908, on y lit le récit d’une première grande sortie à Champéry : « Notre vaillant Ski-Club, l’unique en Valais, déploie une activité réjouissante. Fondé en 1907, il compte déjà 20 membres. Après plusieurs courses à la Forclaz et à Chemin où les débutants eurent l’occasion de faire une connaissance très intime avec leurs lattes et… la neige, nos skieurs se sont lancés les 25 et 26 janvier dans la haute montagne. »9 La même année, le comité publie une véritable apologie du ski, louant ses vertus hygiéniques et utilitaristes. Le but est de recruter de nouveaux membres : « Les adeptes de ce sport augmentent de jour en jour, ce qui n’a rien d’étonnant, du reste : pour le skieur exercé qui dévore l’espace, les distances ne comptent plus à la descente ; est-il doublé d’un bon mon-tagnard, il ira encore à la montée deux fois plus vite qu’un

simple piéton, même muni de raquettes. La pratique du ski est des plus hygiéniques : ce n’est pas là-haut dans cet air pur… et frais que les microbes vous assaillent […][Cependant,] malgré tous ses avantages, ce nouveau sport ne s’implante que lentement en Valais […] mais à ceux que le moindre danger effraie, à ceux-là nous conseillons de rester bien cotés contre le fourneau tout l’hiver, et encore courront-ils le danger de brûler s’ils s’endorment ou, par ces temps dyna-mitards, de sauter en l’air […] Les jeunes gens qui désirent faire partie du ski-club sont cordialement admis. Adresser les demandes à son président : M. G. Couchepin, chimiste, Martigny-Bourg. »10

Rapidement, des concours de ski sont organisés ; les premiers ski-clubs s’affrontent lors de « challenges »11. En 1911, le ski-club Martigny met sur pied une compétition interna-tionale à Ferret. Il invite notamment Saas-Fee, Gryon et le Club des sports alpins de Chamonix à se mesurer dans des épreuves interclubs de fond, de saut et de course d’obstacles ( sans bâtons).

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Journée de ski à Chemin, vers 1910. (Alfred Tissières, Médiathèque Valais - Martigny)

En 1917, la Première Guerre mondiale n’empêche pas le Chablais de se doter de son premier ski-club à Champéry, station déjà prisée par les Anglais. Parallèlement, de l’autre côté des Dents-du-Midi se fonde celui de Salvan, mais dans un contexte différent puisqu’il concerne essentielle-ment des villageois.

A cette période, des concours de ski ont toujours lieu et s’adressent parfois également aux militaires, comme c’est le cas avec le concours de Loèche en 1917. Cette initiative sportive et festive révèle d’autres aspirations liées au ski et à la situation internationale : la formation et l’aguerrisse-ment des jeunes soldats suisses.

Après la fin de la guerre, en 1919, Münster, dans la vallée de Conches, se dote d’une société, dont les activités concernent des concours, de la randonnée sur les hauts sommets environnants, ainsi que des exercices à skis. La même année, un ski-club naît au sein du village anniviard de Mayoux. Le petit village réussit à créer une association où l’amitié, la beauté des paysages et l’effort récompensé par un verre ( ou deux ) prévalent : « A l’instar de tant de localités de notre pays bien mieux placées que la nôtre au point de vue topographique, l’an 1919, des jeunes gens de Mayoux encouragés par quelques essais bien réussis ont décidé la création d’une société de skieurs. Cette société a pour but de développer les forces physiques de la jeunesse masculine au moyen de ce nouveau genre de locomotion. »12 Comme le nombre de membres ne peut pas égaler un ski-club tel que celui de Martigny, les règles associatives y sont strictes : deux exercices de ski par année obligatoires et amendes en cas de non-participation aux assemblées.

En l’espace d’une dizaine d’années, et malgré la Première Guerre mondiale, un réseau de ski-clubs réussit donc à se tisser en Valais, principalement dans un rayon situé sur les hauteurs de Sierre et de Viège, mais avec une forte présence octodurienne et une diffusion progressive du ski jusqu’au Chablais.

le pionnier : le ski-club Martigny (1907)

A la base des premiers ski-clubs se retrouvent toujours quelques personnalités visionnaires, qu’ils soient hommes de grandes familles, hôteliers, guides ou militaires.

Le 15 novembre 1907, dix-sept personnes se réunissent à Martigny dans le but commun de créer le premier ski-club valaisan : « Au café des Trois-Couronnes embrumé par la fumée des pipes et des cigares, les amateurs du

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ski, convoqués par M. G. Couchepin, sont réunis autour de la table ronde. M. G. C. soulève adroitement le ski du pied droit, pirouette sur place. Tables et lampes sont menacées. M. Bochatey qui ne doute pas de l’adresse de ses futurs collègues en ski est en admiration. Après ces exercices salutaires, digestifs, la séance est ouverte par quelques mots de bienvenue de M. G. C. Comment ne pas proposer à la médiation de l’assemblée la jouissance d’une course en commun sur la belle et bonne neige, marche vertigineuse, sensation exquise du danger, de maîtrise de soi-même, pureté de l’air, fraîcheur des sentiments au sein de mère Nature. Le ski-club de Martigny prendra donc racine dès ce soir. Il faut donc penser à l’achat des skis. »13 Ce soir-là, l’engouement est palpable, de même que la volonté de partager les joies de ce sport au sein d’une société. Les personnes réunies proviennent de différentes professions libérales. Les Couchepin, famille bourgeoise de Martigny, sont bien représentés : Georges, surnommé « Whymper »14, chimiste, assume la présidence ; Jules fait partie des membres fondateurs.

Les activités initiales du club se dirigent vers deux horizons distincts : les courses et les compétitions. Les premières, sous forme de sorties en montagne, se font principalement dans la région : Forclaz, Chemin, puis val Ferret. Lors d’une sortie au Grand-Saint-Bernard, en 1908, les membres se lient d’amitié avec le guide légendaire Maurice Crettex, qui entre ainsi au ski-club Martigny, en compagnie d’autres voisins de Champex. Des premières hivernales, comme l’Aiguille-de-Javelle en 1909 et le Grand-Combin en 1911, sont ensuite organisées à ses côtés. En touchant les hauts du val d’Entremont, notamment par la location d’un chalet à la Neuvaz de 1912 à 1919, une section du ski-club de Martigny se forme à Orsières (1913). Désormais, le ski ne fédère plus seulement les milieux bourgeois de la plaine,

mais également les habitants montagnards. Il réussit à réunir des individus issus de différents milieux sociaux, tous passionnés de glisse.

La deuxième activité du club concerne les compétitions. Les meilleurs coureurs se rendent à Chamonix ou à Bretaye. Le ski-club organise tout d’abord des concours internes, avant de mettre sur pied, de 1911 à 1914, un concours international avec des épreuves de ski de fond et de saut. En 1911, il fait appel à un Norvégien pour arbitrer la compétition et demande la participation du célèbre magasin de sport Och Frères de Lausanne ; de son côté, la compagnie ferroviaire Martigny-Orsières offre un challenge et des rabais pour le transport des coureurs. Le ski-club de Martigny consolide encore son élan précurseur et son esprit d’ouverture, puisqu’en 1911 il est ravi d’accueillir en son sein une première femme, Mlle Marguerite Rausis de Martigny-Bourg.

Les difficultés de la Première Guerre mondiale mettent un terme aux concours, mais en 1918, la guerre et la mobili-sation touchant à leur fin, le ski-club tente de reprendre du poil de la bête en organisant un cours de ski d’une semaine au chalet de la Neuvaz. Quelques jeunes étudiants en profitent. L’ engouement des membres connaît toute-fois assez rapidement un second ralentissement. De 1919 à 1922, trois ans de léthargie se succèdent, sans véritables assemblées. Mais le club survit et un nouveau comité, mis en place en 1926, le redynamise. Les Simonetta, grande famille octodurienne, y jouent un rôle clé. Edmond puis Albano, premier directeur de l’Infirmerie du district de Martigny, se succèdent à la présidence du club. Celui-ci conserve sa mission première qu’est la promotion du ski : « Notre club a contribué largement au développement du ski dans toute la région en favorisant la création de la plupart des clubs des environs : Champex, Ferret, Bagnes, Verbier, etc. »15

13 ASCM, réunion de fondation du vendredi 15 novembre 1907.

14 Edward Whymper est l’alpiniste britannique (1840-1911) qui a réalisé la première ascension du Cervin, en 1865.

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20e anniversaire du ski-club de Martigny, La Fouly, 1927. (Georges Pillet,

Médiathèque Valais - Martigny)

Sous les auspices du ski-club de Martigny, l’Association des clubs de ski du Valais romand (ACSVR) naît en 1928. L’ objectif est de canaliser l’enthousiasme débordant de toutes parts, chaque club organisant ses propres concours. Au début des années 1930, de nouveaux chalets sont loués par le ski-club : celui de Bovine et celui de la Forêt à la Forclaz. D’autres projets, tels que la construction d’un chalet à Verbier, fleurissent, mais se fanent prématurément pour des questions financières. Les difficultés financières durant cette période de crise poussent finalement le ski-club à instaurer un nouveau système d’admission pour faire face aux membres ne remplissant pas leurs devoirs de sociétaires, notamment en ce qui concerne les cotisations :

deux parrains, membres reconnus du ski-club, doivent garantir l’admission de nouveaux membres et le verse-ment en cas de non-paieverse-ment.

Par la suite, deux présidents influents se succèdent à la tête du ski-club. De 1931 à 1942, Charles Henri tient les rênes et poursuit de façon plus prononcée la nou-velle dynamique du club. Il instaure différentes commis-sions ( sportive, chalet, soirée ). Oscar Darbellay ( son successeur à la présidence ) organise un service de cars au départ de Martigny et assure le transport des skieurs le dimanche vers les champs de ski valaisans : « Les cars, nouveau moyen de transport, nous permettaient, sans trop de risque de panne, d’aller nous exercer sur les pentes de Thyon, de Montana, de Villars ou Verbier. Je dis bien sur les pentes, car les pistes n’existaient pas encore. »16 Les admissions affluent : le club compte 137 membres en 1932 et 164 deux ans plus tard. C’est la grande époque des concours, de la compétition, des challenges. Le style change : le « ski alpin », avec la des-cente et le slalom, prend progressivement le dessus sur le « ski nordique » ( ski de fond et saut ) et sur le « ski- alpinisme ». Arnold Lunn17, par ailleurs passionné par la Suisse et le Valais, surtout par Morgins, Zermatt et Montana, en est le grand acteur sur le plan international. En une saison, le ski-club de Martigny organise trois concours : le Challenge Couchepin, la Coupe de Verbier (qui deviendra ensuite la Coupe Sport-Hôtel) et le Challenge Pellaud à Chemin. En 1934, on fait même appel à Otto Furrer18, roi Zermattois de la descente, pour dispenser des cours au ski-club. La technique des membres en est immédiatement améliorée : « Ce fut à ce

16 Confédéré, 29 novembre 1957.

17 Sir Arnold Henry Moore Lunn (1888-1974) fut un skieur, montagnard et écrivain. Il fut l’instigateur du ski alpin sous sa forme actuelle et fonda notamment l’Alpine Ski Club (1908), le Kandahar Ski Club (1924) et organisa en 1922 la première course de ski alpin. Par la suite, il lutta pour l’introduction du ski alpin comme discipline olympique.

18 Otto Furrer : médaillé aux championnats du monde, aux Jeux olym-piques de Saint-Moritz de 1928 et vainqueur de la course Kandahar ( mise sur pied par Lunn ) à trois reprises.

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cours que les Martignerains apprirent réellement à utili-ser leurs planches. Après trois jours d’entraînement on ne reconnaissait plus nos skieurs, tant leurs progrès étaient grands. Furrer avait réussi à leur enlever le complexe de la pente. »19 Les années qui suivent confirment les bons contacts que possède le ski-club. D’autres figures emblé-matiques du ski valaisan, comme le Sédunois Fernand Gaillard (chef technique de l’AVCS) ou le Verbiérain Marcel Michellod ( fondateur de l’école de ski de la sta-tion ), transmettent également leur savoir aux skieurs octoduriens.

Oscar Darbellay, issu d’une famille réputée de Martigny et figurant parmi les plus importants photographes va-laisans, succède en 1942 à Charles Henri à la présidence du club. Son époque est marquée par la construction du chalet de Bovinette. Egalement membre du Club alpin et du Rotary Club, Oscar Darbellay préside une époque transitoire vers la mécanisation et vers une autre vision et pratique du ski, définissant la limite de cette étude : « Dès le début de l’ère des remontées mécaniques, la pratique du ski voit ses adeptes augmenter d’année en année. Les peaux de phoque se mitent dans les armoires et les skis de fond deviennent la nourriture des cirons : le ski de piste est roi. »20 Cette époque coïncide avec le décès de Georges Couchepin : « Avec lui, disparaissait toute une époque de la vie du Ski-Club, une époque de pionniers montagnards, autant que skieurs, plus durs à la fatigue et plus près aussi de la nature, de ceux qui ne craignaient pas de se lever tôt le matin et de faire de longues marches seulement pour aller contempler un lever de soleil. Après lui la piste fut reine et on ne connut plus guère la griserie de tracer dans la neige poudreuse aux cristaux crissant le long des lattes de belles arabesques s’entrecroisant dans la forêt clairsemée de mélèzes roux. »21

ski et tourisme chablaisien :

le ski-club « dents-du-Midi » (1917)

Créé dix ans après celui de Martigny, le ski-club de Champéry naît dans une optique quelque peu différente de celui de Martigny. Au XVIIIe siècle, Champéry et le val d’Illiez subsistent économiquement grâce à l’agriculture et au service étranger. Dès la moitié du XIXe siècle, grâce à l’arrivée des Anglais, séduits par ce village situé face aux Dents-du-Midi, le tourisme estival prend son essor. On parle alors d’« industrie des étrangers »22. La station compte une dizaine d’hôtels au début du siècle suivant ; le plus grand, la Dent-du-Midi (futur Grand-Hôtel) compte jusqu’à 400 lits et quarante-six employés. Inspiré par Davos, qui développe son tourisme hivernal depuis plu-sieurs années, Champéry décide, en 1905, de garder ses hôtels ouverts durant toute la période hivernale.

La luge et le patinage divertissent les touristes jusqu’à l’arrivée du ski. Celui-ci s’introduit à Champéry via les étrangers : « Plusieurs des nôtres s’y sont mis après avoir vu à l’œuvre un Américain. Ils se sont procuré un modèle et ont fait leurs skis eux-mêmes. Je vois encore Edmond Clément pliant les lattes à la vapeur, rabattant les étriers, je nous vois encore sur la pente avec un immense bâton entre les jambes en guise de frein… Quelle époque ! »23 Ces propos sont ceux de Joseph Cook-Smith, Anglais, membre du CAS section Genève et pionnier du ski champérolain. Grand passionné de la région, il entretient de nombreux liens avec le ski-club et publie des articles à ce sujet dans l’Alpine Journal, revue anglaise de l’Alpine Club. A partir de 1911, Isaac Clément, guide et vice-président fondateur du ski-club, l’accompagne dans des excursions vers les différentes dents, en compagnie d’un autre guide réputé, Henri Gex-Collet. Ensemble, ils réalisent la première ascen-sion hivernale de la Haute-Cime.

19 Confédéré, 29 novembre 1957. 20 skI-CluB MArtIgny 1982.

21 Confédéré, 4 décembre 1957.

22 groB 1996.

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24 CléMent, Cosey 2004, p. 59.

25 CourthIon 1913, p. 7.

26 skI-CluB ChAMpéry 1978, p. 1.

Skieurs du club «Le Chamois», Morgins, 1921. ( Morgins, Médiathèque Valais - Martigny ) Dès ses débuts, la station de Champéry montre sa ferme

intention de se distinguer de Montana ou de Leysin, terreau des sanatoriums : « Au début du XXe siècle […] l’effort porte surtout sur les sports d’hiver. Une place de curling, des patinoires ou encore des pistes de luges, tout est mis en œuvre pour séduire les amateurs d’exercice. La municipalité refuse toutes les demandes visant à installer des sanatoriums afin d’assurer à la station une image de villégiature saine et dynamique. »24 L’ arrivée du train en 1908 donne un réel coup de fouet au succès de la station : « Le chemin de fer d’Aigle à Monthey et à Champéry […] a rapidement contribué au développement de la vogue hivernale de cette station plutôt fréquentée jusque-là au cours de l’été. Cette facilité d’accès par tous les temps, l’intimité et le charme de ce site enclos dans le sein des montagnes, à proximité de grands

rendez-vous d’étrangers tels que Montreux, Vevey, Evian, Lausanne, Genève, tout concourt à faire de Champéry un séjour d’altitude idéal. Il faut dire que la localité et les établis-sements dont elle dispose sont aména-gés pour tous les sports et menus de l’hiver. »25

Les Champérolains confirment leur image sportive en créant en 1910 la Société des sports de Champéry ; la moitié des sièges du comité sont oc-cupés par des personnes de l’extérieur. L’ année suivante naît la Société des sports d’hiver. Œuvres d’hôteliers, ces deux sociétés organisent des compéti-tions de luge, de hockey, de patin et de ski durant l’hiver 1913-1914. C’est dans ce contexte qu’est fondé en 1917

le ski-club « Dents-du-Midi » de Champéry. De grandes familles sont à l’origine de sa fondation : les Défago, Clément, Exhenry ou Berra sont bien implantés et occupent en effet de nombreux postes clés au sein de son comité. Etonnamment, vu le contexte touristique, les étrangers ne font pas partie des membres ordinaires : « La jeunesse de Champéry désireuse de donner un dé-veloppement plus grand aux sports d’hiver a créé à cet effet sur la proposition de diverses personnes compétentes ledit Club. »26 Cependant, et cela souligne les liens avec les sociétaires, ils peuvent tout de même participer aux sorties du club moyennant une finance de deux francs par course. Cette entente cordiale entre le ski-club et les touristes est encore davantage soulignée lors de la nomination de Joseph Cook-Smith en qualité de membre honoraire en 1926.

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La pratique des sports d’hiver, notamment le ski, subit à Champéry, depuis nombre d’années une crise. A cela, il y a plusieurs raisons dont les principales sont :

a) faible altitude de la station ;

b) manque de pentes favorables orientées au nord ;

c) difficultés d’accès aux beaux champs de ski situés plus haut ;

d) manque complet de confort si l’on désire pique-niquer en course ou passer la nuit à une altitude plus élevée […] Actuellement tout a changé. Les stations d’hiver se sont mul-tipliées, la concurrence a augmenté entre elles, on a partout créé des facilités de transport, routes, pistes, câbles, chemins de fer de haute montagne, etc. Sur toutes les places les plus favorables aux excursions, là s’est construit, par les clubs ou par l’initiative privée, des cabanes genre Club Alpin, et même des hôtels ou restaurants. La mentalité du skieur a grandement évolué, elle aussi. On recherche les grands espaces, les excursions en haute montagne, et, par-dessus tout, toutes les commodités possibles28.

27 ASCC, 2 décembre 1937. 28 Idem, 28 février 1935.

29 Idem, 29 octobre 1935. La différence du nombre de sociétaires entre le ski-club

de Martigny et celui de Champéry est toutefois impor-tante : en 1935, les membres avoisinent les deux cents à Martigny, alors qu’à Champéry ils ne sont que vingt et un, et vingt-sept deux ans plus tard. Différentes raisons peuvent expliquer une telle situation, notamment la concurrence de Morgins, voisin de Champéry déjà bien développé. Cette station est en effet prisée par le Public School Alpine Sports Club de Lunn et possède son propre ski-club, « Le Chamois », depuis 1921. De plus, dans les années 1930, d’autres associations de ski apparaissent sur les hauteurs et dans la plaine montheysanne.

Comme à Martigny, les activités principales du ski-club de Champéry concernent les courses, vers les hauts du domaine actuel des Portes du Soleil, et les concours. Dans l’entre-deux-guerres, la proximité avec les Savoyards est bénéfique : les sorties se font souvent en France (Morzine, Chamonix), de même que les concours.

Sur le plan fédératif, le ski-club de Champéry n’adhère à l’ASCS qu’en 1923. A la fin des années 1920, il devient aussi membre de l’ACSVR. Entre 1929 et 1935, Henri Gonnet préside le club et participe activement au développement de l’école de ski de la station, qui réunit plusieurs membres du club en tant que moniteurs. Il se rapproche également de la Société de développement (SD), afin d’unir leurs forces pour une cause commune.

En 1937, un tournant s’opère : le ski-club se sentant da-vantage proche de la région lémanique que du Valais, il s’affilie à l’Association romande des clubs de ski et non à l’Association valaisanne, nouvellement créée. Il se justifie comme suit : « 1. Les communications ferroviaires de notre région sont toutes dirigées vers Aigle-Lausanne. 2. Les rela-tions sont beaucoup plus développées avec les associarela-tions sportives et touristiques de la région du Léman que du Valais. »27 Elle revient pourtant sur sa décision en 1942.

Parmi les grands événements de la vie du ski-club de Champéry, il faut mentionner la construction de la cabane de Planachaux en 1935. Cette année-là, le ski-club adresse une lettre au Conseil bourgeoisial de Champéry afin d’ob-tenir des subventions ; il y expose les problèmes des années 1930, la concurrence, le développement et le changement de la pratique qui nécessite de nouvelles orientations.

Différents acteurs se trouvent sur la liste de souscrip-tion en faveur de la construcsouscrip-tion de la cabane de Pla-nachaux,devisée à 15 000 francs29 : des hôteliers, la SD, des Anglais et d’autres clubs extra-cantonaux. Les intérêts du ski-club sont visiblement multiples : personnels, mais également liés à la pratique du ski et au développement du tourisme. De son chalet à Gstaad, Joseph Cook-Smith enverra une lettre au ski-club afin de s’excuser de ne pou-voir participer à l’inauguration : « Quel plaisir j’aurais eu,

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Le téléphérique de Champéry, 1947. (William Bordigoni, Médiathèque Valais - Sion, collections spéciales)

s’il m’était possible de passer encore quelques heures avec vous tous à Planachaux, où j’ai passé tant d’heures heureuses avec Isaac Clément quand j’étais plus jeune.30» Chose remarquable, la cabane accueille plus de mille nuitées sous son toit la première année. La mobilisation de la Deuxième Guerre mondiale modifie la donne, l’occupa-tion par les militaires n’étant pas toujours sans complica-tions. En 1939, un projet de téléphérique, esquissé à la fin des années 1920 mais non concrétisé faute de moyens financiers, voit le jour : « Un projet de téléphérage, moyen non seulement de maintenir la station, mais de la dévelop-per et de la porter à la hauteur des exigences actuelles, est discuté. Le meilleur moyen d’y arriver, c’est la construc-tion de ce téléphérage qui amènera ainsi, sans fatigue, les nombreux clients, jusqu’au milieu de nos montagnes, soit pour l’été, mais surtout pour l’hiver où les skis sont maintenant à l’ordre du jour. »31 Son initiateur n’est autre que Denis Berra, président du ski-club de Champéry de 1925 à 1926 : « Un pionnier du tourisme champérolain, Denis Berra, promoteur du premier téléphérique romand, est de cette lignée de grands citoyens de la station cham-pérolaine qui, grâce à leur clairvoyance des choses et des événements, ont ouvert Champéry au tourisme. Seul ou presque, il s’est attelé à cette tâche afin de doter la sta-tion d’un moyen d’atteindre les pâturages de Planachaux et surtout de permettre au tourisme hivernal naissant de se développer. »32 Une fois en service, le téléphérique influence grandement la vie du ski-club, « l’obligeant à se mettre encore davantage au service du mouvement tou-ristique. L’ organisation de nombreux concours internes, pour hôtes de la station, pour groupements de l’extérieur, accapare le comité et les membres. »33

On le voit, le ski-club « Dents-du-Midi » de Champéry évolue de façon distincte de celui de Martigny, les enjeux d’une station étant visiblement différents de

ceux d’une ville. Les nombreuses interactions avec les touristes amènent d’autres nécessités et la proximité avec la frontière française pendant ou après la guerre engendrent d’autres rapports.

30 groB 1996, pp. 43-44.

31 ApC, Téléphérique de Planachaux.

32 Nouvelliste, 1961, n° 31, p. 15. 33 Ibidem.

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l’hégéMonIe du haut-valaIs (1922-1929)

(OWSV) en 1923. Les résultats aux compétitions attestent de sa suprématie.

Ce développement dans le Haut-Valais permet au canton de combler son retard sur le plan national. En 1921, on assiste ainsi à la première victoire valaisanne dans un champion-nat suisse qui se déroule à Adelboden34. Trois ans plus tard, la consécration a lieu aux Jeux olympiques de Chamonix : la patrouille militaire zermattoise, composée des frères Si les années 1920 sont marquées par une phase latente

dans le Bas-Valais, dans le Haut-Valais, au contraire, les ski-clubs connaissent un rayonnement important. De 1922 à 1923, Viège, Täsch et Brigue fondent leurs propres socié-tés sportives. La pratique du ski s’étend des hauteurs de Zermatt, Saas-Fee, Loèche ou Münster vers la plaine et aux portes de la vallée de Conches. De plus, le Haut-Valais, en avant-gardiste cantonal, fonde l’Oberwalliser Skiverbandes

My-Combe 1929 Bagnes 1927 Trient-Finhaut 1925 Orsières 1929 Viège 1922 OWSV 1923 ACSVR 1928 Vercorin 1924 Brig 1923 Täsch 1923 Hérémence 1923 Evolène 1922 Val-d’Illiez 1929 Daviaz 1927 Nendaz 1927

Figure 2 : Carte du Valais de la « Période 2 » – les ski-clubs fondés durant les années 1920.

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35 Briger Anzeiger, 1925, p. 59. 36 Nouvelliste, 1973, n° 39, p. 19. 37 Idem, 1924, n° 6, p. 3. 38 skI-CluB DAvIAz 1978.

39 Orsières était en effet une sous-section de Martigny depuis 1913. 40 skI-CluB vAl-D’IllIez 2004, p. 7.

41 AsCC, 27 novembre 1942. Alphonse et Simon Julen, d’Alfred Aufdenblatten et de

Gottfried Perren, décroche la médaille d’or. Cette pa-trouille connaît de nombreux succès et ouvre la piste à d’autres skieurs valaisans.Ce sport est désormais pratiqué même en été. Le ski-club de Zermatt organise un concours sur le Theodulpass, où il se mesure au ski-club italien de Valtournanche dans des épreuves de fond et de saut35. Dans le Bas-Valais, de 1919 à 1927, le calme règne. Seuls trois nouveaux ski-clubs sont recensés : Evolène en 1922, Hérémence en 1923 et Trient-Finhaut en 1925. Cette période coïncide avec la période creuse du ski-club de Martigny, tout proche de disparaître, et il est probable que cette phase sonne aussi le glas d’autres ski-clubs. Le val d’Hérens, dont les hauts sommets sont prisés par l’alpi-nisme, voit donc le ski s’y structurer plus tardivement que les vallées haut-valaisannes et anniviardes. Les clubistes hérémensards se rendent plusieurs fois à Sion « aux cours de télémark donnés par maître Leuzinger, à l’Hôtel du Cerf. Chaque membre devait participer au moins à deux cours de ski par mois sous peine d’être puni d’une amende de deux francs. »36 Camille et Basile Bournissen, tous les deux guides, font partie des membres les plus connus du ski-club d’Hérémence.

En 1924, le Nouvelliste mentionne un concours de ski à Vercorin, organisé par le ski-club « Réveil de Vercorin »37. Celui-ci fusionne finalement avec le ski-club « L’ Edelweiss » de Chalais en 1935, pour fonder le ski-club Vercorin- Chalais : un moyen de survivre.

Le renouveau du ski dans le Bas-Valais arrive en 1927, date à laquelle Nendaz, Daviaz et Bagnes voient les amateurs de ski se fédérer. Ces villages n’ont pas encore été touchés par le rayonnement du ski. Verbier et Nendaz n’étant pas en-core des stations, ces régions sentent le besoin et l’envie de fonder un ski-club. Daviaz, en dessus de Saint-Maurice,

appartient au même modèle que Mayoux dix ans plus tôt : celui d’un petit village possédant un ski-club local. Neuf jeunes se réunissent dans une laiterie : ni protocole, ni comité, ni moyens financiers, seule la parole fait foi38. Au début, ils rencontreront l’hostilité de la population, qui les perçoit comme de mauvais garçons pris de folie.

En 1929, les habitants de Martigny-Combe, Orsières et Val-d’Illiez désirent également fonder une société qui soit rattachée à leur propre commune, et non plus être membres des ski-clubs de Martigny ou de Champéry39. A Val-d’Illiez, la première assemblée connaît de nom-breux rebondissements liés à la politique. Marius Défago réunit l’assemblée fondatrice, mais est destitué sur le coup, accusé de vouloir amener la jeunesse à gauche (les statuts prévoient que seuls les hommes dès 16 ans peuvent en être membres). L’ influence de la religion et de la politique se fait vivement sentir dans ce village. On peut d’ailleurs lire sur la page de titre du premier carnet protocolaire, daté de 1929 : « Club de skieurs conserva-teurs Edelweiss Val d’Illiez »40. Les changements prennent parfois du temps : treize ans après la fondation du ski-club Val-d’Illiez, une copie des statuts champérolains est deman-dée par le club, les siens étant « à l’état plutôt embryonnaire et cartilagineux »41.

Ainsi, en l’espace de dix ans, le Haut-Valais se structure sur un plan régional. Ses compétiteurs brillent sur le plan national et international, ouvrant de nouvelles perspec-tives aux coureurs valaisans. Le Bas-Valais, quant à lui, connaît un creux, mais il reprend des forces à la fin des années 1920, notamment avec la création de l’Association des clubs de ski du Valais romand (ACSVR), sous l’impul-sion de Martigny. Certaines zones qui n’avaient pas encore été touchées par le ski ont à présent leur propre ski-club. Le ski poursuit donc sa percée dans l’ensemble du canton.

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l’envolée du skI et sa structuratIon cantonale (1930-1939) AVCS 1934 My-Bourg 1935 Chamoson 1938 Ravoire 1931 Reppaz 1938 Verbier 1932 Lourtier 1934 Bovernier 1938 Fully 1937 Riddes 1935 Saxon 1935 Sion 1931 Bramois 1937 Nax 1932 St-Martin 1932 Crans 1934 Montana 1930 Sierre 1938 Chippis 1936 Eischoll 1935 Visperterminen 1938 Gspon 1934 Simplon 1932 Brig-Glis 1933 Termen 1933 Riederalp 1934 Monthey 1935 Choex 1939 Morgins 1936 St-Maurice 1939

Figure 3 : Carte du Valais de la « Période 3 » – les ski-clubs fondés durant les années 1930.

Malgré la crise économique, les années 1930 sont marquées par un développement du ski valaisan dans de nombreux domaines : deux fois plus de ski-clubs sont fondés durant cette troisième période, des structures stables se mettent en place au niveau cantonal et national, les ski-clubs se dotent de cabanes, lieux de sport où règne l’esprit de camaraderie. De plus, vers la fin des années 1930, les débuts de la mécanisation s’opèrent,

engendrant des changements dans la pratique et la vision du ski. Que ce soit dans le Haut-Valais ou dans le Bas-Valais, les réflexions concernant les remontées mécaniques sont analogues : « Mögen es Schwebebahnen, Funis oder Skilifts sein, etwas muss gemacht werden, damit wir den fremden Besuchern unsere so herrlichen Walliser Skilandschaften durch diese neuzeitlichen Beförderung-sart erschlietzen und zugänglich machen können. »42

42 Briger Anzeiger, 1938, n° 11. Traduction : Que ce soit des ascenseurs, des funiculaires ou des remontées mécaniques, quelque chose doit être entrepris pour que nous puissions offrir et rendre accessibles

aux visiteurs étrangers, grâce à ces moyens de transport modernes, nos merveilleux champs de ski valaisans.

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avalanche de nouveaux ski-clubs

De 1907 à 1929, c’est-à-dire durant les deux premières périodes analysées précédemment, on recense la création d’une vingtaine de ski-clubs, qui sont toujours existant aujourd’hui. De 1931 à 1939, une augmentation nette se produit : près d’une trentaine de ski-clubs voient le jour. Le ski touche désormais la quasi-totalité du canton, et toutes les grandes villes ( Monthey, Martigny, Sion, Sierre, Brigue ) possèdent leur propre club. Du coup, les ski-clubs rayonnent sur une zone moins large que Martigny et Saas-Fee durant la première période.

Le ski s’infiltre dans des vallées encore épargnées. La ré-gion sédunoise comble son retard ; des ski-clubs y pro-lifèrent sur la rive gauche du Rhône. Sion (re)naît en 1931 avec de nombreux hommes en vue, tels Henri Leuzinger, Fernand Gaillard ( futur membre du comité de l’Interassociation suisse pour le ski ( IASS ) ) ou encore

Ski dans les Mayens-de-Sion, vers 1920. (Augustin de Riedmatten, Médiathèque Valais - Martigny)

Joseph Grichting, qui marquent l’histoire valaisanne du ski. Saint-Martin et Nax suivent l’année suivante, puis Bramois en 1937. Les régions moins bien cotées pour l’alpinisme et le ski que Zermatt, Champéry, Anniviers ou Bagnes réussissent tout de même à se démarquer. Le ski ne se veut plus forcément lié à l’ascension d’un dif-ficile sommet hivernal ou à un concours. On le pratique désormais également comme simple divertissement, dans des zones moins raides, moins spectaculaires, tels les mayens de Thyon ou de Nax. Le ski perd son côté élitiste et touche le grand public. Certes, les skieurs de la région sédunoise pratiquaient déjà auparavant (en étant membres soit du ski-club de Martigny, soit du CAS), mais ils étaient peu nombreux : « Les gamins que nous étions avant la Première Guerre mondiale, “ skiant ” sur des douves de tonneau améliorées, ne pouvaient pas imaginer le déve-loppement que prendrait, avec les années, la pratique du ski. »43 A Nax, « le skieur de cette époque ne connaissait que les vêtements pouvant se porter aussi bien lors de la conduite d’une luge de bois, qu’au déroulement d’une partie de skis »44. A Bramois, parmi les premiers partisans du ski, on trouve Hans Zaugg, directeur de la Brasserie valaisanne, qui joue également un rôle dans la diffusion du ski à Nax, puisqu’il y possède un chalet et y skie avec ses amis du CAS de Sion. A noter que le ski garde aus-si toujours sa pratique purement utilitariste : « Le postier Joseph Panchard partageait les joies de la glisse avec le facteur Eugène Follonier de Mase. C’était en 1928 déjà. »45 Plus haut, à Saint-Martin, deux ski-clubs naissent : « Maya » en 1930 et « Lona » en 1932 (ils fusionneront en 1970). Les cours de ski y sont sérieux : « Toute arrivée tardive ainsi que toute révolte ou parole grossière à l’égard des moniteurs, pendant l’exercice, seront passibles d’une amende de 1 franc. »46

43 skI-CluB sIon 1981, p. 7.

44 FAvre, BIner 1982.

45 skI-CluB BrAMoIs 1987, p. 9.

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En suivant le Rhône en direction de Martigny, toujours sur la rive gauche, les ski-clubs de Riddes et de Saxon viennent compléter le tableau en 1935. Les clubistes louent des cabanes, organisent de nombreux concours et cours de ski aux mayens. Le ski-club de Saxon, « La Luy », connaît un développement rapide. Il est déjà membre de l’ASCS en 1936 et possède son organisation pour la jeunesse ; en 1940, il inaugure sa propre cabane malgré la mobilisa-tion ; l’année suivante, il compte « 72 membres actifs et 45 membres passifs »47. En face, de l’autre côté du Rhône, le ski-club de Chamoson, fondé en 1938, est bien seul sur la rive droite ; ses membres skient dans les mayens qui lui appartiennent ou sur ceux d’Ovronnaz.

Dans la région martigneraine, Ravoire crée son propre ski-club en 1931, peu après Martigny-Combe : « Les jeunes ont été enthousiastes et beaucoup ont donné leurs noms comme membres de ladite société ; également de grandes personnes ont voulu nous aider. »48 Des personnes de la plaine en font aussi partie. Pour rendre la pratique du ski plus agréable, le ski-club loue deux chalets à l’Arpille, champ pro-pice au sport et qui bénéficie d’une vue imprenable sur la vallée du Rhône. De son côté, Martigny-Bourg pos-sède un groupe de skieurs, appelé « Satuce », dès 1938. Celui-ci sera transformé en ski-club un peu plus tard. Fully, comme Chamoson, fait partie des rares ski-clubs de la rive droite. Des jeunes passionnés par le ski y fondent le ski-club « Chavalard » en 1937. Malgré les difficultés financières de l’époque, « ces jeunes sportifs [...] purent néanmoins pratiquer leur sport favori. Ils échangèrent leurs douves de tonneau contre des skis en frêne avec des fixations “ Alpina ”, revêtirent des pantalons norvégiens et les mémorables “ Windjack ” complétèrent l’équipement. »49 Quand l’argent vient à manquer, les Fulliérains fabriquent leurs propres skis, qu’ils revendent ensuite à des amis, « qui payaient soit avec du jambon, soit avec du pain ( cuit, bien sûr, au four banal ). Ces échanges étaient bienvenus car nous vivions à cette époque, les pénibles années de crise. »50

En remontant la Dranse en direction de Bagnes, il faut tout d’abord signaler le ski-club Bovernier, créé en 1938.

47 Nouvelliste, 1941, n° 290, p. 7.

48 Carnet de fête du cinquantenaire du ski-club Ravoire 1981.

49 skI-CluB Fully 1987.

50 Ibidem. Concours de saut, Finhaut, 1938-1939. ( Oscar Darbellay, Médiathèque Valais - Martigny )

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Etonnamment, Verbier ne se dissocie du ski-club de Bagnes qu’en 1932, pour créer son propre club. Il faut dire que la station connaît un essor touristique tardif par rapport à d’autres stations comme Zermatt, Champéry ou Crans-Montana, où le développement et les moyens de transport sont bien plus avancés. A Bagnes, les débuts du tourisme au XIXe siècle concernent essentiellement la période estivale et l’impressionnante région de Fionnay, avec ses premiers hôtels au milieu de montagnes escar-pées. Ainsi, dans la première partie du XXe siècle, Verbier n’est encore qu’un vaste cirque lié à l’agriculture : « Il existe encore dans notre beau Valais quelques rares et belles stations qui n’ont pas été contaminées par les excès d’un tourisme extravagant, qui ne voit qu’un seul but : la commodité et le luxe ridicule, déplacé dans le cadre modeste de nos paysages [...] Il faut que Verbier reste Verbier ! On sait que cette charmante station est desservie depuis le village de Verbier, point terminus de la route automobile, par un chemin défectueux disons-le par un “ raidillon ”. »51 Vers la fin des années 1930, des struc-tures telles que la SD et le ski-club cherchent à dynamiser la station. L’ arrivée des premières installations mécaniques et de la route jusqu’à la station engendre un boom specta-culaire au début des années 1950 : Verbier va combler son retard en un temps record.

Plus haut, en direction de Fionnay et de Mauvoisin, le cas de Lourtier est bien différent. Le ski-club « Grand- Combin » est créé en 1934, dans la discrétion d’un petit village. De l’autre côté du Combin, un autre petit village, Reppaz, fonde le ski-club « Grand-Saint-Bernard » en 1938. Dès ses débuts, celui-ci doit compter avec les difficultés liées à la mobilisation, mais il survit et réus-sit à organiser un concours en 1940. Il fonde même une

troupe théâtrale en 1943, qui réunit un public fidèle et enthousiaste d’une année à l’autre. Le ski-club contribue de cette manière également au développement de l’activité culturelle de son village et de sa région.

Dans le Chablais, Monthey fonde son ski-club en 1935, suivi par Choëx en 1939. La ville attire notamment des membres issus du ski-club « Edelweiss » du Val d’Illiez. A Choëx, les tenanciers des cafés et d’autres établissements touristiques profitent de se mettre en avant dans une plaquette, chaque ski-club possédant un « stamm »52 ont lieu les assemblées, les débats, la mise sur pied des projets, le partage des souvenirs et les apéritifs. Choëx, comme ses voisins chablaisiens, cultive une fraternité avec les Savoyards. Enfin, Saint-Maurice, terre de l’Abbaye et de la stricte éducation catholique, fonde son ski-club en 1939.

Du côté de la région sierroise, si la rive gauche connaît un développement précoce au début du XXe siècle, Chippis, localité plus industrielle que touristique, suit seulement en 1936. L’ année précédente, Sierre s’était déjà dotée d’un ski-club, fondé à l’Hôtel Arnold. Le propriétaire de l’éta-blissement, Henri Arnold, personnage d’influence, en est le premier président53. Armand de Chastonay, bourgeois d’une grande famille, en est membre et généreux dona-teur. Joseph Grichting, président du ski-club de Sion et membre du comité de l’AVCS, prend également part à l’assemblée fondatrice et y prodigue de précieux conseils. Deux femmes font aussi partie des membres fondateurs. Dans les hauteurs, la station de Montana, plutôt orien-tée vers les sanatoriums, ne voit se mettre en place des ski-clubs qu’en 1930 à Montana et 1934 à Crans. On trouve bien des mentions de ski-clubs dans les années 1920, mais ceux-ci disparaissent probablement, avant de

51 Nouvelliste, 1944, n° 167, pp. 3-4.

52 Le « stamm » désigne un lieu, généralement un bistrot ou un local, où un groupe ( politique, associatif ou partageant une passion commune ) se réunit régulièrement afin de discuter ou prendre des décisions liées à un sujet particulier.

53 Henri Arnold est également cofondateur de la confrérie de l’Ordre de la Channe œuvrant pour le vin valaisan.

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renaître. Montana-Vermala est pourtant une station déve-loppée au début du XXe siècle : elle possède déjà un golf lorsqu’un funiculaire y arrive, en 1911. Arnold Lunn aime s’y rendre et y organise, cet hiver-là, la première course Roberts of Kandahar54. La station doit cependant réaliser d’importants efforts pour réussir à acquérir, vers la fin des années 1920, un statut sportif : des compéti-tions de ski- et motoski-jöring55 sont organisées sur le lac de Grenon pour les habitants et hôtes de la station, ainsi que des courses de bob et de ski ; un tremplin de ski est érigé en 1925 au Parc et un autre en 1929 à Vermala ; la SD de Crans est mise sur pied en 1928 ; un système de funi-luge apparaît en 1929, et les premiers téléskis du Mont-Lachaux sont installés en 193656.

Dans la partie germanophone du canton, la région de Brigue se développe avec, sur ses hauteurs, le ski-club « Fletschhorn » de Simplon en 1932, suivi de celui de Glis et de Termen en 1933. Simplon-Dorf organise son premier concours en 1933, mené plusieurs années de suite par les familles Zenklusen et Arnold. La Deuxième Guerre mondiale et la mobilisation entravant l’organisa-tion des concours de ski, la région de Brigue encourage d’autres actions sportives durant ces années : la société de gymnastique du Haut-Valais voit le jour, la piscine de Brigue est inaugurée. Ces différents projets apportent une impulsion remarquable à la région. Sur la rive droite du Rhône, Riederalp a l’idée de créer son propre ski-club en 1934. Plus bas dans la vallée, Eischoll fonde le sien en 1935. Un enfant du pays, Aloïs Brunner, charpentier de profession, y ouvre la première fabrique de skis de la région. Toujours à proximité de Viège, les ski-clubs

Nouveau ski-lift de Montana-Vermala, vers 1935. (Eric Hermès, Médiathèque Valais - Sion, collections spéciales)

54 lunn 1953, p. 61.

55 Epreuve où le skieur est attelé derrière un cheval ou, par la suite, accro-ché derrière une moto. Des récits et des photographies rendent compte de cette pratique notamment à Montana et au lac de Champex.

56 « Program of sport activities during the season 1935-1936 », in Revue de Montana Vermala, 15 novembre 1936 ; « Moto-skijöring », idem, 15 février 1931.

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Gspon et Visperterminen sont créés en 1934 et 1938. Les nombreux clubs évoqués dans ce chapitre se mettent en place sur un laps de temps bref. La pratique du ski se démocratise, et plusieurs régions comblent leur retard en la matière. Des ski-clubs existent désormais sur la quasi-totalité de la rive gauche du Rhône. En revanche, la rive droite et la vallée de Conches, sauf quelques exceptions, résistent encore à ce phénomène.

sion, le ski-club de la capitale et la fondation de l’avcs

Le 12 janvier 1931, l’assemblée constitutive du ski-club de Sion, attendue depuis de nombreuses années, notamment par l’avocat Henri Leuzinger, a enfin lieu : « Les applau-dissements qui saluent cette nomination montrent à quel point H. Leuzinger a l’estime des skieurs sédunois qui se rappellent qu’en toute occasion l’idée de former un groupe de skieurs a été fermement défendue par lui. »57 Vingt et une personnes sont présentes, dont trois femmes. Joseph Grichting est nommé président, et une femme, Antoinette Defabiani, siège au comité en tant que membre adjoint. Fernand Gaillard, horloger, devient rapidement un per-sonnage incontournable de ce ski-club. Il est « désigné amicalement le pape du ski, pour son activité de moni-teur, instructeur samaritain, perfectionniste du matériel, inventeur de la luge de secours “ Gaillard-Dufour ” »58. Signalons également la présence d’un autre grand horloger de la capitale, Otto Titzé, ainsi que celle d’Otto Furrer, qui dispense des leçons de slalom au club. En 1933 débutent les fameux cours des Bonnets rouges, qui initient d’innom-brables Sédunois et Valaisans aux joies et techniques du ski. Ils connaissent un rapide succès et font la réputation du club.

Très dynamique, le ski-club s’inscrit auprès de l’ASCS dès sa première année d’activité. Après deux ans, il compte déjà 107

membres59. Il participe aussi activement au développement touristique de sa région. Sous son impulsion, Sion décroche même le titre de « place de sport » en 1933.

Un projet occupe tout particulièrement les esprits au début du club : la construction d’un tremplin aux Mayens-de-l’Hôpital. Malgré les soucis financiers et tech-niques ( l’ingénieur Reinhard Straumann, spécialiste et chef du saut à ski à l’ASCS, le critique ), le tremplin est bâti et donne lieu à un concours le 25 février 1934 ; des coureurs nationaux sont présents. Comme les problèmes s’enchaînent, un second tremplin, cette fois de plus pe-tite taille, est envisagé peu après aux Mayens-de-Sion. Ces infrastructures laissent tout de même une dette de 3000 francs au ski-club, qui mettra des années à la rembour-ser, par le biais de lotos, bals ou même de souscription de parts nominatives de l’emprunt. Par chance, la cabane de Thyon, construite par les soldats du 6e régiment, apporte du baume au cœur des membres du ski-club sédunois. Ceux-ci s’y rendent régulièrement et sont accueillis cha-leureusement par le gardien, Camille Favre.

Le développement du ski-club de Sion est tout autre que celui de Martigny ou de Champéry. Dépourvus de modèles, les premiers ski-clubs doivent faire leurs expé-riences, connaître des fluctuations. Les structures sont alors celles d’amateurs ; la joie et le partage de la glisse prévalent. Le club sédunois naît donc à une période où un chemin a déjà été tracé par les précurseurs, où il est possible de reprendre des fondements déjà éprouvés. Henri Leuzinger, membre du ski-club Martigny à ses débuts, est ainsi heureux de pouvoir partager ses expé-riences et prodiguer de précieux conseils au ski-club de Sion, en qualité de président d’honneur. Rapidement, Sion met en place des commissions et un service de cars est assuré. Il devient à son tour un modèle pour d’autres ski-clubs (Vex et Sierre lui demandent notamment ses statuts).

57 ArsCs, 12 janvier 1931. 58 skI-CluB sIon 1981, p. 10.

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En 1934, il organise l’assemblée des délégués de l’Asso-ciation suisse et, en 1936, il s’allie à Hérémence, Vex et Veysonnaz pour fonder l’Association régionale du Centre, dont les buts sont notamment de mettre sur pied un concours régional et « de relever le vrai sentiment sportif pour le développement du ski dans le Centre »60.

A l’initiative du ski-club de Sion, le ski se structure finale-ment au niveau cantonal, après s’être organisé sur un plan local, puis régional. L’ Oberwalliser Skiverbandes, créée en 1923, et l’Association des clubs de ski du Valais romand ( ACSVR ), fondée en 1928, ne peuvent en effet éviter divers problèmes sur le plan compétitif : les clubs fixent des dates pour les concours sans nécessairement consulter les autres ; pour s’inscrire aux concours nationaux, les Haut-Valaisans doivent faire des qualifications dans l’Oberland Bernois, alors que les Bas-Valaisans doivent passer par l’Associa-tion romande, l’ACSVR regroupant des clubs non affiliés à l’Association suisse61, ce qui lui enlève sa légitimité. Cette situation débouche sur la création de l’Association valai-sanne des clubs de ski ( AVCS ) en 1934. Celle-ci reprend les statuts de l’Association romande, en les adaptant au Valais. Ils sont établis en deux langues par Joseph Grichting, président du ski-club de Sion. Joseph Imseng, également propriétaire d’un magasin de sport à Brigue, et Hilaire Goumand de Finhaut complètent la commission technique. Le 21 octobre 1934, en présence de neuf clubs, l’AVCS est donc officiellement fondée62, et le ski-club de Montana-Vermala est chargé d’organiser la première course cantonale. Tous les clubs désireux de devenir membres de l’AVCS doivent être affiliés à l’Association suisse.

L’ AVCS est créée dans une période charnière, à la suite de la fondation de l’Interassociation suisse en 1932. Pour le canton, son rôle est autant sportif qu’économique :

« La constitution de ce groupement a comblé une lacune que l’on déplorait depuis longtemps. Tant au point de vue sportif qu’économique. [...] Les sports d’hiver, le ski en particulier, se sont généralisés dans une telle mesure que la situation de l’industrie hôtelière s’en trouve modifiée ou tout au moins subit fortement leur influence [...] C’est grâce à l’initiative de la Société suisse des hôteliers, et non à celle des milieux sportifs spécialisés, que l’on doit la créa-tion et – avec la collaboracréa-tion de l’Office nacréa-tional suisse de tourisme – la vulgarisation des écoles suisses de ski qui jouent actuellement un rôle énorme [...] Si nous voulons attirer en Valais notre part des contingents de sportifs hivernaux, il faut que, de notre côté, nous développions le ski en Valais et que nous fassions connaître nos possi-bilités en hommes aussi bien qu’en terrains. [...] L’ activité de l’association s’est manifestée cet hiver déjà dans des do-maines variés : divulgation de la méthode suisse, formation technique, propagande, cours, concours, etc. »63 Un article similaire est publié dans le Confédéré en 1935. Il s’adresse aux pouvoirs publics et à la population valaisanne, en mettant en avant les allégresses et bénéfices qu’engendre la pratique du ski, ainsi que l’importance de l’AVCS pour le canton : « En ces temps de crise, tout travail utile dans le sens de la collectivité est un acte de patriotisme et de solidarité. Le sport qui apporte la joie et la santé à ceux qui le pratiquent peut apporter à d’autres de précieux secours. »64

L’ Association valaisanne est certes mise en place tardive-ment, elle connaît cependant un essor rapide et ambitieux dès ses débuts. Seize ans plus tard, en 1950, elle compte déjà septante clubs.

Si avant la fin de la Première Guerre mondiale, les pion-niers du ski fondent les premiers clubs, les années 1920

60 ArsCs, 4 octobre 1936.

61 Lors de l’assemblée des délégués en Valais, l’ASCS en profite pour se faire davantage connaître « au sein de petits clubs de plaine qui vont jusqu’à ignorer [son] existence ». ArSCS, 5 octobre 1933.

62 « Constitution de l’Association valaisanne des clubs de ski », in ArSCS, Recueil de correspondances, 21 octobre 1934.

63 Almanach du Valais 1936, pp. 79-81. 64 Confédéré, 1935, n° 94, p. 1.

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voient naître des structures régionales, et les années 1930 accordent au ski une place plus importante au sein de la société valaisanne, non seulement en tant que sport, mais également sur le plan économique. Tout cela conduit aux premières remontées mécaniques, suite logique du processus.

développeMent dIsseMBlaBle entre la rIve gauche et la rIve droIte du rhône

En nous penchant de manière plus approfondie sur l’ori-gine géographique des ski-clubs ( voir ci-dessus les trois cartes des périodes 1, 2 et 3 ), nous constatons que la grande majorité d’entre eux se situent sur la rive gauche du Rhône, bien que la rive droite soit plus peuplée. Sur cin-quante ski-clubs recensés entre 1907 et 1939, seuls huit sont localisés sur la rive droite, c’est-à-dire 16 %. Peu d’études historiques et sociologiques existent sur cette différence entre les deux rives, mais quelques postulats peuvent être avancés. Au niveau climatique tout d’abord, la rive gauche, moins ensoleillée de par son orientation nord-est, offre une meilleure neige, et ce à des altitudes plus basses. D’ailleurs, à cette époque, il est d’usage de redescendre en skis jusqu’en plaine à la fin de la journée, chose moins faisable du côté droit du fleuve. Plusieurs membres du ski-club Martigny relatent qu’ils enlevaient fréquemment leurs skis en ville, au retour de Chemin, « où les descentes jusqu’à Martigny-Bourg étaient fort intéressantes »65, ou du col de la Forclaz, en passant par les champs de Martigny-Combe. De même, lors de sorties à Champex, les skieurs longent les gorges du Durnand jusqu’aux Valettes : « La descente s’effectua par le vallon du Durnand. De Champex à Champex-d’en-Bas, les

sapins chargés de neige de la base au sommet offraient un spectacle qui ne laissait personne indifférent. Les mon-tagnes brillaient sous la neige et l’atmosphère était d’une clarté exceptionnelle. Les conditions pour cette descente jusqu’aux Valettes furent les meilleures. »66 Le ski-club de Sion témoigne du même usage : « Après la descente traditionnelle de la cabane aux Mayens, via les Collons, le Renard et la Tranchée des Dames, [le groupe] prolongeait au gré de l’enneigement par les Agettes, parfois jusqu’à Sion. »67 Sur la rive droite, Sierre tente bien de créer une piste de-puis Montana jusqu’en ville, mais elle n’est ouverte qu’une seule fois : « L’ entretien de la piste Montana-Sierre incombait aux membres de l’époque. Les efforts furent fournis en vain pour l’ouverture de la piste qui ne put être utilisée qu’un seul dimanche. Que d’efforts pour si peu de plaisir ! »68

Les différences géologiques entre les deux versants ont aussi leur importance. En 1912, le Dr Henri Wuilloud, ingénieur agronome et par la suite professeur à l’EPFL, présente au Département de l’intérieur du Canton du Valais un rapport intitulé Les alpages de la rive droite du Rhône, de Sion à Saint-Maurice. Il y développe les diffé-rences entre les deux versants. D’un point de vue géolo-gique, « au lieu des montagnes en général vastes et peu rapides des Alpes valaisannes, sur les formations rocheuses cristallines, c’était cette fois-ci les terrains arides des Alpes bernoises à formations calcaires. Les pâturages sont plus secs, souvent entrecoupés de grandes parois de rochers, caractéristiques de cette formation ; la flore éga-lement est moins riche et moins fine. »69 Les conditions d’exploitation, les pâturages et les infrastructures sont éga-lement moins bien soignés sur la rive droite. Preuve en est l’état des voies de communication : « Au lieu de grandes vallées profondes, à rives relativement douces, ce ne sont maintenant que des gorges étroites, déchirées dans les

65 Confédéré, 22 novembre 1957. 66 Le Rhône, 9 février 1942. 67 skI-CluB sIon 1981, p. 11.

68 skI-CluB sIerre 1985.

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rochers, et que longent des sentiers très raides conduisant aux passages alpestres, qui nous relient aux cantons de Vaud et Berne. [...] La clef des améliorations est, et restera toujours, pour les alpages comme pour toute chose, les bonnes voies d’accès et les bons chemins de dévestiture sur le pâturage lui-même. »70 Cette dernière phrase traduit la différence essentielle entre les deux rives et démontre l’importance fondamentale des voies de communication, car ce qui prévaut pour les alpages prévaut également pour le ski qui s’y pratique et pour le développement des vallées et du tourisme.

Au début du XXe siècle, la rive gauche, berceau de l’al-pinisme (avec Saas-Fee, Zermatt, les vallées d’Annivers et d’Hérens), possède déjà un certain nombre d’infrastruc-tures qui lui permettent de développer plus facilement et rapidement la pratique du ski. A l’inverse, ni Dorénaz dans le Bas-Valais, ni Ovronnaz, Savièse, Anzère dans le Valais central, ni le Lötschental, ni bien d’autres localités de la rive droite ne sont équipées pour fonder des ski-clubs dans les années 1930. Ceux-si seront mis sur pied dans les années 1940, voire 1950, lorsque les moyens de transport et les systèmes mécaniques seront plus développés. Deux exceptions notables doivent toutefois être signalées : Montana et Loèche-les-Bains. Montana se dote d’un funi-culaire dès 1911 et développe des sanatoriums ; Loèche-les-Bains choisit de développer ses célèbres et anciens bains thermaux ( l’hydrothérapie est à la mode au XIXe siècle ).

Quoi qu’il en soit, la plupart des ski-clubs de la rive droite étant fondés après 1941, ils ne participent pas à l’époque pionnière du ski.

les skI-cluBs haut-valaIsans

Le Haut-Valais occupe une place prépondérante dans la diffusion du ski. Dès 1908, des ski-clubs s’y forment. Les stations de Saas-Fee, Zermatt et Loèche-les-Bains cherchent à promouvoir leur offre hivernale. En 1912, la revue Erziehungsfreund der Walliser Jugend fait paraître un ar-ticle intéressant et quelque peu prophétique en son genre :

« Welschen praktischen Wert hat der Skilauf für die Gebirgsbevölkerung von Oberwallis und inwieweit verdient derselbe Beachtung und Förderung durch die Schule ? »71 L’ auteur loue les mérites du ski pour la jeunesse et la popu-lation montagnarde. Primordial pour le soldat du 89e ba-taillon de montagne, ce moyen de transport hivernal facilite également les déplacements quotidiens (église, école, etc.). Il profite aussi aux autochtones car, parallèlement au métier de guide, d’autres emplois se créent dans le domaine tou-ristique, dont celui de professeur de ski : « Gesundheit und Arbeitsfreunde holt man sich billig in Gottes freier Natur. »72 Saas-Fee fonde le deuxième ski-club valaisan (1908), juste après Martigny. Sur les seize membres fondateurs du ski-club Allalin, huit sont des Supersaxo, dont le plus connu, Oskar « der Skikönig von Saas », est guide et professeur réputé. Les membres se réunissent à la maison d’Augustin Supersaxo (Hôtel du Glacier). Parmi eux se trouve Ambros, guide et entrepreneur du Grand Hôtel Bellevue, qui com-manda en 1904, pour son hôtel, une douzaine de paires de skis à la maison Fritsch & Cie à Zurich. Gustav Walty, de Davos, fait aussi partie des membres fondateurs. Professeur de ski à Saas-Fee, puis à Zermatt, il sera le spécialiste des épreuves nordiques au sein de l’ASCS.

70 WuIllouD 1912, p. 4.

71 Erziehungsfreund der Walliser Jugend, janvier 1912, p. 26. Traduction : Quelle valeur pratique le ski a-t-il pour les populations

de montagne du Haut-Valais, et dans quelle mesure l’attention et le soutien à son sujet doivent-ils être appuyés à l’école ?

72 Ibidem. Traduction : La santé et les camarades de travail se trouvent à bon marché dans la libre nature du bon Dieu.

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Marcel Kurz nous offre un témoignage éloquent de son périple à Saas-Fee : « Saas ! C’est bien loin me direz-vous. C’est très loin, en effet, et d’un accès peu commode. Pas de voie ferrée, pas de voiture postale, tout juste un chemin muletier, suivant les caprices de la Viège et malmené par l’hiver. Mais, une fois là-haut, quelle solitude et quelle tranquillité. Et quel accueil surtout ! Je me réjouis chaque fois de serrer la main du vénérable montagnard, Augustin Supersaxo, qui vous attend sur le seuil de sa porte et vous introduit si simplement dans son antique demeure [...] Au reste, toute la maison est remplie de braves gens. Désirez- vous un guide ? un porteur ? Papa Supersaxo

en-tr’ouvre la porte et appelle ses neveux : Oscar, Othmar, Heinrich, et voilà trois gaillards, robustes, entreprenants, la face toujours souriante, et toujours prêts à partir. Or, des guides pareils, vous en trouverez peu dans tout le Valais : hommes intelligents dont les efforts tendent à vulgariser le ski et à l’appliquer sur les glaciers, ils ont pris la peine d’explorer les montagnes en hiver pour pouvoir y conduire les touristes. »73

A Saas-Fee, la première saison de ski date de 1902. L’Hôtel du Glacier, qui cite dans son livre d’hôte « Eröffnung der ersten Skisaison »74, accueille Victor de Beauclair de Zurich et Albert Weber75. Ce ski-club revêt un profil sérieux, compétitif, mais aussi amical, puisqu’il reçoit en son sein

de nombreuses personnalités valaisannes et helvétiques. Il marque sa suprématie lors des premières courses valaisannes. Au concours international de Ferret, il rem-porte à chaque fois le challenge interclubs et les autres disciplines, ne laissant que des miettes à ses adversaires. Pour étayer son dynamisme, le ski-club organise en 1925 le premier cours de professeurs de ski cantonal, sous la conduite d’Oskar et d’Othmar Supersaxo ; quatre ans plus tard, il met sur pied l’Oberwalliser Skirennen. Il connaît son apogée en 1948, lors des Jeux olympiques de Saint-Moritz, où sa patrouille militaire obtient la médaille d’or.

Le ski-club Zermatt sur le glacier du Théodule, vers 1910. (André Guex, Médiathèque Valais - Martigny)

73 kurz 1925, pp. 257-258.

74 Walliser Bote, 1983, n° 35, p. 9.

75 Victor de Beauclair : grand alpiniste membre du ski-club de Zurich, sa tombe se trouve à Zermatt. Albert Weber : du ski-club de Berne et capitaine au Gothard, président de l’ACSC à ses débuts.

Figure

Figure 1 : Carte du Valais de la « Période 1 » – la fondation des premiers ski-clubs.
Figure 2 : Carte du Valais de la « Période 2 » – les ski-clubs fondés durant les années 1920.
Figure 3 : Carte du Valais de la « Période 3 » – les ski-clubs fondés durant les années 1930.

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