Figure 1. Diagramme du dysfonctionnement des glandes de Meibomius (d’après Kinoshita S et al. Ocul Surf 2015;13[2]:133-49).
Dysfonctionnement des glandes de Meibomius (DGM) DGM obstructif
DGM hypo- ou hypersécrétoire
Non cicatriciel Inflammation
MRKC
Kératoconjonctivite liée à la meibomite Rosacée oculaire
Kératite phlycténulaire Blépharokératoconjonctivite
Cicatriciel (pemphigoïde, trachome) Non inflammatoire
Syndrome sec (évaporatif)
Chalazion
Maladie de la surface oculaire
Meibomite
Agent infectieux
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Focus
La rosacée oculaire
Ocular rosacea
M. Mercié
(Service d’ophtalmologie, CHU de Poitiers)
U
n dysfonctionnement des glandes de Meibomius (DGM) apparaît fréquemment à la ménopause et au cours de l’andropause, mais son implication est souvent négligée, en particulier chez les enfants, adoles- cents et adultes jeunes, et peut entraîner des retards diagnostiques ou thérapeutiques, source de graves défi - ciences visuelles.Les DGM sont très fréquents et représentent la première cause de sécheresse oculaire, ils constituent une part importante des pathologies de la surface oculaire lors- qu’ils deviennent inflammatoires.
Ces DGM s’intègrent souvent dans le cadre plus global des blépharites qui sont une inflammation des paupières prédominant sur le bord libre. On distingue les blépha- rites antérieures siégeant en avant de la ligne grise et touchant les cils ou la partie cutanée du bord libre et les blépharites postérieures qui concernent les glandes de Meibomius (on parle alors de meibomite) et le versant conjonctival du bord libre. La meibomite est un DGM obstructif inflammatoire (figure 1) .
DGM et rosacée
Les DGM et les blépharites ont une prévalence largement sous-estimée et surviennent le plus fréquemment lors d’une rosacée, qui en est la première cause.
La fréquence d’une atteinte oculaire concomitante à la rosacée est très variable. Le DGM et ses complications oculaires peuvent être isolés sans atteinte cutanée
✔ Mots-clés. Rosacée oculaire • Kératite phlycténulaire • Dysfonctionnement meibomien.
✔ Keywords. Ocular Rosacea • Phlyctenular keratitis • Meibomian gland dysfunction.
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Figure 2. Meibum épais.
Figure 3. Aspect spumeux du meibum.
Figure 4. Télangiectasies marginales.
Figure 5. Blépharite antérieure avec manchon de la base des cils et télangiectasies.
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Focus
dans 25 % des cas. Dans 50 % des cas, seule l’atteinte cutanée est présente, mais des lésions de surface peuvent s’y associer secondairement.
Chez l’enfant, le DGM est révélé par des chalazions réci- divants associés à une blépharo- kératoconjonctivite plus ou moins phlycténulaire (néovascularisation superficielle de la cornée dirigée vers un infiltrat cellulaire cornéen nodulaire).
Physiopathogénie
Au cours des DGM obstructifs, le meibum est trop épais et les glandes ne se vident plus (chalazions). Les bactéries colonisent alors les glandes de Meibomius, entre autres Staphylococcus aureus et epidermidis et Propioni bacterium acnes, et altèrent le métabolisme lipidique initiant la production de lipases permettant la formation d’acides gras libres, à l’origine d’une instabilité du film lacrymal (œil sec par évaporation excessive) et d’une inflammation non spécifique de la surface oculaire aggravée par la libération de toxines et d’antigènes de la paroi bactérienne et engendrant des réactions plus spécifiques d’hypersensibilité et d’acti vation de métallo- protéinases destructrices. Le tout crée un cercle vicieux qui peut devenir catastrophique pour la surface oculaire :
•l’obstruction et l’hyperviscosité meibomiennes favo- risent la prolifération de la flore saprophyte bactérienne.
Leurs lipases dégradent les lipides meibomiens altérant la viscosité (augmentée) du meibum, le cholestérol libre produit favorisant la prolifération bactérienne ;
•le DGM induit une sécheresse évaporative avec une hyperosmolarité qui aggrave à son tour l’inflammation.
Sur le plan clinique, il en résulte une inflammation chronique de la surface oculaire avec conjonctivites et kératites entraînant kératoconjonctivites phlycténulaires et infiltrats catarrhaux.
Signes cliniques
✔
Atteintes des paupières
•DGM et blépharites postérieures : le meibum est patho- logique (figure 2), et la meibo pression libère difficilement ce meibum qui a un aspect louche et visqueux (plutôt rosacé) ou très fluide, abondant et spumeux (figure 3), très irritant (plutôt dermite séborrhéique). Des télan- giectasies marginales autour des méats sont présentes (figure 4).
Figure 6. Phlyctène conjonctivale.
Figure 7. Pannus cornéen inférieur.
Figure 8. Insuffi sance limbique et rosacée oculaire.
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• Blépharites antérieures : collerettes et croûtes de sébum gras au niveau de la base des cils (fi gure 5 plus ou moins infl ammatoires (surinfection staphylo coccique).
✔
Atteintes conjonctivales
• Hyperhémie conjonctivale bulbaire.
• Fibrose conjonctivale sous-palpébrale.
• Conjonctivite phlycténulaire (surtout rosacée du sujet jeune) [fi gure 6] .
✔
Atteintes cornéennes (les lésions inférieures de la cornée sont très évocatrices de DGM)
• Kératite ponctuée superfi cielle peu spécifi que.
• Pannus cornéen (fi gure 7) , voire insuffi sance limbique sévère (fi gure 8) .
• Ulcères ou infi ltrats catarrhaux (fi gures 9 et 10, p. 12) et phlyctènes (fi gure 11, p. 12) représentent les compli- cations immunologiques cornéennes sévères des DGM obstructifs infl ammatoires rencontrées régulièrement lors de la rosacée.
Formes cliniques : rosacée de l’enfant
L’atteinte peut être plus souvent unilatérale que chez l’adulte et mimer un herpès (diagnostic différentiel).
Cette forme a diverses dénominations : blépharo- kératoconjonctivite, kératoconjonctivite phlycténu laire (figure 12, p. 12) ou kératoconjonctivite meibomienne (figure 13, p. 12), mais représente la même pathologie.
La maladie est potentiellement sévère et peut menacer
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Figure 10. Infiltrat catarrhal. Figure 12. Phlyctène débutante.
Figure 11. Phlyctène et infiltrat. Figure 13. Phlyctène plus évoluée.
Figure 9. Infiltrat catarrhal étendu.
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Focus
Figure 15. Perforation de la cornée. Figure 17. Cicatrice post-phlyctène chez l’enfant.
Figure 14. Atteinte cornéenne menaçant l’axe visuel.
Figure 16. Chalazion de la paupière supérieure et kératoconjonctivite phlycténulaire chez l’adolescent.
Images en Ophtalmologie • Vol. XI - n° 1 • janvier-février 2017 13 la vision de l’enfant (figure 14) avec parfois des perfo- rations cornéennes (figure 15) . Un terrain atopique est souvent présent. Les signes cutanés sont très inconstants et volontiers fluctuants par rapport à l’atteinte oculaire parfois marquée.
Les signes oculaires d’appel, qui doivent être très évo- cateurs, sont une blépharite croûteuse, les chalazions récidivants et une rougeur oculaire souvent unilatérale (figure 16) .
La photophobie et la baisse de la vision évoquent une atteinte cornéenne inquiétante et un stade déjà avancé avec kératoconjonctivite phlycténulaire souvent unilatérale potentiellement sévère, dévastatrice, avec des cicatrices, très amblyogène (figure 17) .
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Agenda
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Samedi 25 mars 2017
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Focus
Traitement
L’hygiène palpébrale quotidienne sera à pratiquer à vie : après avoir réchauffé les paupières (fluidifica- tion des sécrétions meibomiennes) avec un gant tiède ou un masque chauffant, le patient doit les masser pour favoriser l’expulsion du meibum, puis rincer les culs-de-sac conjonctivaux au sérum physiologique. Le patients pourra utiliser des larmes artificielles sans conservateurs.
On prescrira de l’azithromycine collyre en cures courtes de 3 jours par mois le plus souvent et une corticothérapie locale, également en cures courtes, sous contrôle ophtalmo logique s’il existe une inflammation de surface sévère avec atteinte cornéenne grave pour passer un
“cap”. La ciclosporine collyre sera utilisée en cas de cortico dépendance et de menace visuelle.
✔
Traitement par voie générale
S’il existe des atteintes cornéennes graves, les tétra- cyclines seront prescrites pour leur action anticolla- génase, antiangiogène et anti chimio tactique des polynucléaires neutrophiles, et pas seulement pour leur action bactéricide.
Chez l’enfant ou en cas de contre-indication, l’érythro- mycine pourra aussi être utilisée.
Conclusion
Les DGM et les blépharites sont probablement les patho- logies de la surface oculaire les plus communément ren- contrées et peuvent s’associer à des pathologies cutanées.
Leur présence ne doit pas être négligée, et leur dépistage précoce permettra d’éviter des lésions graves irréver- sibles de la surface oculaire.
Une collaboration étroite entre dermatologue et ophtalmo- logue permettra une prise en charge optimale de ces
patients. II
M. Mercié déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.
Pour en savoir plus…
• Nichols KK, Foulks GN, Bron AJ et al. The international workshop on meibomian gland dysfunction: executive summary. 52(4):1922-9.
• Société française d’ophtalmologie. Pisella PJ, Baudouin C, Hoang-Xuan T. Rapport 2015 : surface oculaire.
• Suzuki T, Teramukai S, Kinoshita S. Meibomian glands and ocular surface infl ammation. Ocul Surf 2015;13(2):133-49.