La Lettre du Pharmacologue • Vol. 30 - n° 3-4 - juillet-décembre 2016 | 53
ÉDITORIAL
La femme : une sous-population d’intérêt en pharmacologie
Women: a subpopulation of interest in pharmacological studies
L es praticiens choisissent les traitements appropriés en fonction de facteurs susceptibles d’influencer le résultat thérapeutique et le risque iatrogène : l’âge, les traitements associés, les allergies connues, l’état général, sont classiquement les variables d’ajustement.
Le genre est bien peu pris en compte. Pour autant, hommes et femmes ne sont pas égaux devant la maladie. Les différences biologiques sont oubliées lors des bilans, les différences sémiologiques peu connues des praticiens ; la forte douleur thoracique ressentie par les hommes lors d’un infarctus est seulement traduite, chez 1 femme sur 2, par des douleurs abdominales ou une dyspepsie…
Dans les phases précoces des essais cliniques, les femmes sont peu recrutées pour limiter d’évidents risques de tératogénicité ou de toxicité fœtale. Ce n’est souvent qu’après la commercialisation que les différences en matière de iatrogénie médicamenteuse apparaissent.
Certes, les hommes ont plus souvent l’apanage de certaines pathologies que les femmes : l’autisme, les tumeurs cérébrales, les AVC ischémiques pour les premiers, la maladie d’Alzheimer, la dépression ou l’ostéoporose pour les secondes. Et certains traitements hormonaux sont spécifiquement destinés à l’un ou l’autre sexe.
Nous avons choisi, dans ce numéro de La Lettre du Pharmacologue, de faire intervenir des auteurs femmes sur un sujet féminin par excellence : le rapport bénéfice/risque des traitements hormonaux tout au long de la vie.
Ainsi, contraception, traitements médicamenteux de l’assistance médicale à la procréation, traitements hormonaux de la ménopause, hormonothérapie advjuvante dans les cancers seront successivement évoqués.
Dans la droite ligne de l’étude du rapport bénéfice/risque dans des populations particulières, les résultats de l’étude IPOP conduite en médecine de ville
chez des sujets âgés sont également présentés.
“La recherche scientifique et la médecine ne peuvent plus ignorer les différences biologiques entre les sujets” déclare l’Académie nationale de médecine dans un très récent rapport soutenu par le Pr Claudine Junien, généticienne. Celle-ci souligne l’impact de l’environnement sur nos gènes, dont 30 % s’expriment différemment selon que l’on est un homme ou une femme.
À l’heure de la médecine personnalisée, de la médecine 4P, n’oublions pas de passer à une médecine et une pharmacologie “sexuées” tenant compte des différences biologiques liées au sexe et des contraintes liées au genre.
Pr Pascale Jolliet
Service de pharmacologie, faculté de médecine de Nantes, CHU de Nantes.
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