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LES MÈRES CÉLIBATAIRES ET L'INCONSCIENT

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LES MÈRES CÉLIBATAIRES

ET L'INCONSCIENT

(3)

© Éditions Universitaires, Jean-Pierre Delarge, 1980.

I.S.B.N. 2-7713-0185-0

(4)

BÉATRICE lylARBEAU-CLEIRENS 1

LES MÈRES CÉLIBATAIRES ET L'INCONSCIENT

dans l' évolution de la Société contemporaine

« encyclopédie universitaire »

jean-pierre delarge

10, rue May et, 75006 Paris

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SOMMAIRE

1. MOTIVATIONS INCONSCIENTES 11

SPÉCIFICITÉ DU COMPORTEMENT DES MÈRES

CÉLIBATAIRES 15

DÉSIR ŒDIPIEN,

RELATION AU PÈRE OU À L'IMAGE DU PÈRE 19

LE MASOCHISME 24

RÉACTION CONSÉCUTIVE À LA PERTE DE L'OBJET

D'AMOUR 32

RELATION À LA MÈRE ET À SES SUBSTITUTS 38

• IDENTIFICATION 38

• RIVALITÉ, RÉVOLTE ET VENGEANCE 39

• DONNER UN ENFANT À LA MÈRE 42

Un lien homosexuel 42

Une signification symbolique de réparation 43 RECHERCHE DE LA COMPLÉTUDE :

DIFFICULTÉS DU DÉVELOPPEMENT AFFECTIF DE

LA FILLE 47

LES MÈRES CÉLIBATAIRES VOLONTAIRES 54

• LA FUITE DE LA TYRANNIE DU PÈRE OEDIPIEN 54

• RÉALISATION DE L'ENVIE DU PÉNIS ET PEUR DE LA

DESTRUCTION DES ORGANES FÉMININS 56

• FANTASMES PARTHÉNOGÉNÉTIQUES 60

• LES MÈRES CÉLIBATAIRES VOLONTAIRES FÉMINISTES 61

(7)

LA MULTIPARITÉ 67 MOTIVATIONS INCONSCIENTES DE LA MATERNITÉ

DANS LE MARIAGE 69

2. LA RELATION DE LA MÈRE ET DES AUTRES 71 L'AMANT, COMPLÉMENT DU FANTASME DE LA

MÈRE CÉLIBATAIRE 73

. DÉPENDANCE NOUVELLE DE L'HOMME PAR RAPPORT

À LA FEMME 77

• LES MÈRES CÉLIBATAIRES CHEZ LES MUSULMANS ... 78

• Aux ANTILLES 81

LA RELATION MÈRE-ENFANT 83

• LA GROSSESSE 83

• L'ACCOUCHEMENT 90

• LES MÈRES FRAGILES ET DÉMUNIES 94

L'ABANDON DE L'ENFANT OU OFFRIR À L'ENFANT

UNE FAMILLE ADOPTIVE 97

LA CONSTELLATION FAMILIALE ET LA RELATION

À L'ENFANT 108

• LA MÈRE CÉLIBATAIRE FACE À SA MÈRE 108

• L'HOSTILITÉ OU L'IGNORANCE DES MEMBRES DE LA

FAMILLE 110

L'ABSENCE DU PÈRE 116

• ABSENCE DU PÈRE DANS LA VIE DE L'ENFANT 116 LE PÈRE EST UN BIAIS POUR REJOINDRE LA MÈRE QUI

S'ÉLOIGNE 119

LES CONFLITS OEDIPIENS 120

L'AGRESSIVITÉ POSSIBLE 123

L'ABSENCE DE PATERNITÉ ET L'INTÉGRATION SOCIALE 125

• ABSENCE DU PÈRE DE L'ENFANT DANS LA VIE DE LA

MÈRE 128

ABSENCE DU GARDIEN DE LA LOI, PROTECTEUR DES

FANTASMES MATERNELS 128

ABSENCE DU REGARD D'UN PÈRE 130

ABSENCE DU RÔLE DE PROTECTION DE LA FORCE DES- TRUCTRICE PATERNELLE . . . 131

(8)

0 SIGNIFICATION SYMBOLIQUE DE L'ABSENCE DU RI-

TUEL CULTUREL DU MARIAGE 134

0 CERTAINS RETENTISSEMENTS SUR L'ENFANT DES RELATIONS DE LA MÈRE AVEC SON AMANT 136

0 RECHERCHE EN PATERNITÉ 137

LE SENTIMENT DE CULPABILITÉ 142

3. LES MÈRES CÉLIBATAIRES ET LA SOCIÉTÉ 149

TRADITIONS ET MYTHES 151

L'ATTITUDE REJETANTE DE LA SOCIÉTÉ 158

DÉCISIONS LÉGALES ET SOCIALES EN FAVEUR DES

MÈRES CÉLIBATAIRES 164

CONTRADICTION DES RÈGLEMENTS DONT BÉNÉFI-

CIENT LES MÈRES CÉLIBATAIRES 171

CONSÉQUENCE DE CES ATTITUDES SOCIALES

CONTRADICTOIRES 179

AIDE PSYCHOLOGIQUE, MORALE, PROFESSION- NELLE . . . 181 INFLUENCE DES LOIS ET DES MOUVEMENTS CUL- TURELS SUR LE NOMBRE DE NAISSANCES ILLÉGI-

TIMES 183

CONCLUSION . . . 189

(9)
(10)

MOTIVATIONS

1

INCONSCIENTES

(11)
(12)

On peut constater que toutes sortes de motivations consciemment

formulées conduisent un certain nombre de femmes soit à provoquer une

grossesse, soit à accepter sans déplaisir une conception involontaire et

accidentelle. Tel est le cas des jeunes filles qui espèrent de cette manière

accéder au mariage et, effectivement, la plupart obtiennent ainsi

satisfaction ; d'autres espèrent décider leur amant qui leur promet de

divorcer depuis des mois. Les unes commes les autres prennent un

risque en connaissance de cause, prêtes à en assumer les conséquences

si elles ont perdu la partie. Nous connaissons des femmes qui savent que

leur amant n'abandonnera jamais les enfants dont il a la charge, elles

l'aiment profondément depuis plusieurs années et souhaitent porter et

élever un enfant de lui ; le plus souvent leur réussite professionnelle leur

permet de faire face aux exigences financières que cela implique, et la

connaissance de cet homme, en profondeur, leur assure la présence

régulière d'une paternité active pour l'enfant. D'ailleurs, dans certains

milieux, de journalistes ou d'artistes par exemple, il est assez courant

que des hommes comme des femmes ne souhaitent pas vivre dans les

liens traditionnels du mariage, mais souhaitent avoir des enfants

naturels, sans pour autant que le père s'en désintéresse. Enfin, certaines

femmes auraient souhaité se marier, les circonstances et sans doute leurs

problèmes personnels ne s'y sont pas prêtés. A un certain âge,

lorsqu'elles se trouvent enceintes d'un homme qu'elles ne peuvent

épouser, elles gardent cet enfant car elles désirent réaliser leurs souhaits

l1e maternité avant l'âge de la stérilité. Elles gardent toujours le projet

de se marier si l'occasion se présente, pour elles et pour donner un père

à leur enfant. Les joies de la maternité sont multiples et ces femmes les

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recherchent, sans pour autant exclure un père pour l'enfant, ni vivre en état de mère célibataire dans la gène financière et le malaise social.

Cependant, elles se sont en partie laissées entraîner par leur désir de puissance créatrice et leur désir d'affection sans envisager clairement les difficultés sociales, familiales et financières qu'elles auront à surmonter, ni le sort que l'enfant aura sans doute à affronter. De toute façon, ces femmes a demi clairvoyantes sont rares et, le plus souvent, ce sont des raisons inconnues et cachées pour elles-mêmes qui provoquent leur aveuglement partiel. Il existe à notre époque, une autre catégorie de mères célibataires, celles qui le sont volontairement, après une décision délibérée. Ce sont, en général, des femmes féministes de façon assez virulente, qui veulent éliminer l'homme de l'éducation de leurs enfants.

" Elles disent se comporter ainsi, pour protester contre la civilisation patriarcale ; mais elles sont poussées pour agir par un déterminisme inconscient qu'elles veulent ignorer.

Il est intéressant de noter qu'en France le nombre moyen de grossesses illégitimes a été de 1961 à 1965 de 50 400 1 par an ; la loi sur la possibilité légale de la contraception a été votée en 1967 mais le taux des naissances illégitimes s'est cependant accru et de 1971 à 1975 il a atteint en moyenne 61 765 par an. Le pourcentage des naissances illégitimes était en 1965 en France de 5,9; après la loi sur la contraception de 6,4 en 1972 et après la loi sur l'avortement il continuait à s'accentuer et atteint en 1975, 8,9 %. Ceci est d'autant plus marquant que le taux de fécondité a baissé ; le nombre annuel d'enfants vivant pour 100 femmes de 15 à 49 ans a été en 1961 de 8,24 % tandis qu'il a baissé en 1974 jusqu'à 6,45 %. Les mères célibataires vivant seules avec leurs enfants ont augmentées environ de 20 % entre 1962 et 1975 et plus que doublées pour les moins de 25 ans.

De tels éléments mettent en lumière l'impuissance de l'autorisation légale comme celle de la connaissance théorique pour guider les êtres dont la conduite est poussée par des motivations affectives profondé- ment inconscientes.

Nous mettrons aussi en lumière combien les mouvements culturels et sociaux stimulent la réalisation des désirs archaïques les plus profonds en faisant disparaître les censures surmoîques et narcissiques.

Nous avons choisi de centrer notre exploration sur ces motivations

1. Tableaux Démographiques et Sociaux, Marcel CROZE I.N.S.E.E. et I.N.E.D., 1976 et Supplément 1979, pp. 75, 76 et 60.

(14)

inconscientes de la maternité hors mariage, car ce sont elles qui sont les plus cachées et les moins bien comprises.

La puissance des forces de l'inconscient est telle que celles-ci trouvent un moyen de s'exprimer par l'intermédiaire du corps. Le corps parle. Les organes de la reproduction déclament ouvertement ce que la femme refuse de savoir, les organes accomplissent son désir malgré elle et même malgré les obstacles présentés par la réalité. Ceci est vrai, quel que soit le statut social de la femme. Les motivations inconscientes des grossesses involontaires ou de la stérilité des femmes mariées sont extrêmement fréquentes, mais chez elles la lecture du langage du corps n'est pas aussi aisée que chez la femme célibataire. En effet, lorsque les organes de la fécondité de la célibataire prennent la parole, ils transgressent les lois sociales et ils affichent au grand jour la marque très probable de l'inconscient et la puissance du désir ainsi exprimé.

SPÉCIFICITÉ DU COMPORTEMENT DES MÈRES CÉLIBATAIRES Lorsque les jeunes filles deviennent mères en dehors du mariage pour réaliser un vœu inconscient, leur comportement se distingue de façon caractéristique de celui des femmes mariées ou des jeunes filles chez qui la part du hasard biologique ou de la volonté est prédominante. Alors que ces femmes ne feraient jamais le projet consciemment et délibérément d'engendrer un enfant en dehors du mariage, elles agissent de telle manière que cela devient le résultat à peu près inévitable de leur conduite. Leur but inconscient étant d'être enceintes, d'avoir un bébé.

Le rôle de l'homme serait alors le plus faible possible, laissant la place dans l'imaginaire à un père fantasmatique. Dans d'autres cas, la grossesse en elle-même s'impose comme le centre du désir, ou bien encore le bébé existe seulement en tant que représentant symbolique d'un manque, d'une compétition ou d'une autopunition. Dans cette relation au bébé, l'homme en tant que géniteur, que père, n'a pas d'existence, il n'en a pas plus en tant qu'objet d'amour.

Un grand nombre de mères célibataires 3 rencontrent par hasard le

2. Information Sociale 6/7/79.

3. Un grand nombre de cas étudiés par Leontine YOUNG dans Out ofWedlock, 1954.

Mc GRAW-HILL.

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père de leur bébé, dans un train, au café, à l'hôtel, et acceptent un rendez-vous. D'autres ont trop bu à un bal et ont suivi le premier homme venu. L'homme a souvent disparu, ou bien elles ont rompu avant même de se savoir enceintes. Ces jeunes filles ne reconnaissent pas qu'elles sont responsables de leur acte dans une telle situation et se considèrent habituellement comme une victime de la méchanceté ou de l'égoïsme des hommes. Il demeure souvent en elles une distorsion des circonstances qui les ont menées à cette grossesse. Elles pensent avoir été contraintes à l'acte sexuel comme à la négligence de toute contraception. Ce n'est qu'après de longs entretiens qu'elles réalisent peu à peu que leur conduite a encouragé l'homme à un tel comportement. Parfois elles agissent ainsi alors qu'elles ont par ailleurs une liaison, mais ce n'est pas de cet homme familier qu'elles auront leur enfant, ce qui compromet bien souvent leur relation avec lui. Si la grossesse a commencé au cours d'une relation assez régulière avec un homme, celui-ci, par sa personnalité ou son statut, ne peut offrir ni la sécurité, ni l'affection nécessaires à une mère et un enfant, et encore bien moins le mariage. Le choix de leur partenaire les rend victimes d'une situation qu'elles ont elles-mêmes contribué à créer. Parfois, l'homme est prêt soit à reconnaître l'enfant, soit à épouser la mère, mais alors curieusement la femme rompt brutalement avec son amant sous des prétextes difficilement compréhensibles. Elle cesse tout à coup de l'aimer, elle ne veut pas d'un mariage dans ces conditions, elle refuse même d'accepter une pension alimentaire quand le père en offre une.

Elle fuit soudainement, de façon compulsive, comme si elle avait enfin obtenu ce qu'elle voulait et que la présence de l'homme, n'étant plus nécessaire, devenait importune.

L'aspect intentionnel du comportement de ces femmes apparaît dans

un autre domaine, celui de l'emploi des contraceptifs. La plupart du

temps, elles n'y ont pas pensé, bien qu'elles soient bien informées du

risque de grossesse et des divers moyens de se protéger. Elles n'ont pas

plus songé à prendre des précautions qu'à demander à l'homme de le

faire. Certaines invoquent la religion qui interdit la contraception, mais

nous ne sommes pas convaincus par cet argument car la religion interdit

aussi les relations sexuelles hors mariage : pourquoi transgresser la loi

en un point et s'y soumettre en un autre, si ce n'est pour répondre à un

dessein déterminé? D'autres jeunes filles, qui prenaient la pilule depuis

plusieurs mois, ont oublié pendant deux ou trois jours, juste le temps de

boire un peu trop dans une soirée et de se retrouver enceintes d'un

inconnu. Tout ceci se passe en dehors de la volonté consciente et de la

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connaissance du but recherché par leur désir à elles-mêmes précieuse- ment caché. Le vœu doit rester inconscient ou flou et non verbalisé pour qu'il puisse être réalisé.

Ceci est mis en évidence par deux recherches sectorielles. L'une d'elle a été effectuée dans un des établissements maternels de La Croix Rouge en 1976 4. Il y a eu 64 réponses anonymes à un questionnaire, elles montrent que :

— 22,38 % des jeunes femmes avaient arrêté la pilule avant d'être enceintes.

— 69,50 % ont refusé de la prendre ou on oublié de la prendre. Dans l'étude de 114 dossiers 20 % avaient arrêté de la prendre.

Dans l'enquête rapportée par B. Catte5 dans l'étude de l'U.N.I.O.P.S.S. sur 160 sujets, de femmes qui n'ont pas été dans des centres maternels : 33,75 % ont eu des rapports sexuels suivis avec le même homme, les autres des relations seulement de passage. Ce genre de relation favorise les chances de maternité dans le célibat.

— 79,37 % étaient parfaitement renseignées sur la contraception, mais cela ne les a pas empêchées de faire un acte manqué dans ce domaine, acte qui a permis la conception.

A partir du moment où le désir de la femme d'être enceinte malgré son célibat devient clairement formulé, elle devient mère célibataire volontaire, ce qui représente un petit nombre d'entre elles ; elle envisage alors les conséquences de cette naissance : la venue d'un enfant n'ayant pas de relation avec un père, ce qui lui posera des problèmes affectifs et sociaux et, pour elle, une lourde charge financière et une intégration parfois malaisée dans des groupes sociaux.

Nicole désirait violemment un enfant de l'homme qu'elle aimait, mais il ne .voulait ni l'épouser ni reconnaître l'enfant à venir car lui-même était père de sept enfants. Son désir était si fort qu'elle craignait de sa part un acte manqué qui la rendrait enceinte, car elle ne voulait pas en assumer les conséquences. Avec la collaboration de son amant, elle mit tout en œuvre pour ne pas avoir d'enfant. Les moyens contraceptifs ne furent ni négligés, ni oubliés.

4. Sœur MAGDALA : «Des Mères Célibataires aujourd'hui», pp. 37 à 42, in Publication de La Croix Rouge Autre Cap N° 2, 1977, p. 37.

5. «Rencontre avec des mères célibataires à l'extérieur des établissements mater- nels », pp. 227 à 248, in UNIOPSS. Les problèmes de la Maternité célibataire, les réponses institutionnelles, 1979, 283 pages. Recherche de Ramzi Th. GÉADAH.

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Le problème de l'avortement n'est pas envisagé par ces mères célibataires ou, si cela leur est proposé et rendu possible par leur entourage ou leur amant, elles repoussent cette éventualité avec détermination. D'autres, moins sûres de leur attitude, prétendent avoir voulu l'avortement, mais elles n'ont fait aucune démarche pour y parvenir ou ne s'en préoccupent que lorsque la grossesse est trop avancée et qu'il n'y a plus rien à faire qu'à constater le fait accompli.

La loi sur l'avortement a été votée le 17 janvier 1975 ; il y a eu en 1976 quatre fois plus d'avortement qu'en 1975 mais la baisse des naissances légitimes a été de 3,4 % de 75 à 76, plus importante que celle des naissances illégitimes qui n'atteint que 3 %.

Dans l'enquête exposée par B. Catte, que nous venons de citer, 95,25 % des jeunes femmes connaissent la possibilité d'interrompre leur grossesse, mais 89,37 % se sont aperçues qu'elles étaient enceintes avant trois mois et parmi celles-ci uniquement 26,25 % d'entre elles ont envisagé de le faire mais ne l'ont pas réalisé. Nous voyons ainsi que ces quelques données statistiques confirment par le nombre ce que nos patientes découvrent individuellement dans leur psychanalyse.

Leontine Young met l'accent sur certains faits chez ces femmes dont les motivations inconscientes sont puissantes ; plusieurs d'entre elles se sont avérées particulièrement fécondes : le plus souvent, les relations sexuelles ont été très peu fréquentes, parfois se sont réduites à une seule entrevue ; d'autres fois, la conception a eu lieu à une période de cycle où la femme n'est généralement pas fécondable. Ces femmes font, en outre, très rarement des fausses-couches. Leontine Young rapporte que le registre du Booth Memorial Hospital à Boston, sur 900 cas, ne signale qu'une fausse-couche et le registre du Booth Memorial Hospital de Cleveland n'en signale aucune pour une période de deux ans et il en

6. Tableaux Démographiques et Sociaux, op. cit., p. 60 et Chantal BLAYO «Les interruptions volontaires de grossesses en France en 1976 », pp. 307 à 337, in Population N° 2, avril 79.

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est de même pour le Booth Memorial Hospital de New Jersey. Les nausées prénatales sont également rares, voire même inexistantes, nous rapporte Leontine Young, dans son étude sur 400 mères célibataires. En outre, ces femmes, au cours de leur grossesse, jouissent d'un contentement assez peu réaliste. On pourrait s'attendre à des sentiments d'accablement, voire même des tendances dépressives, de l'anxiété face au futur immédiat et à l'avenir plus lointain. Elles ont, en effet, des décisions à prendre, une adaptation aux nouvelles charges qui leur incombent à effectuer. Elles n'y sont en général pas du tout préparées, ni au point de vue moral, ni au point de vue matériel. Cette grossesse est vécue comme une sorte de refuge où elles trouvent un certain apaisement, le passé est accompli et l'avenir n'existe pas encore.

Certaines femmes, dont les grossesses illégitimes sont aussi causées par un puissant vœu inconscient, ne ressentent pas ce soulagement, cette détente procurée par la satisfaction du désir accompli, parce qu'elles réalisent en même temps qu'elles vont être seules, face à une réalité extrêmement pénible. Cette manière de concevoir le présent et l'avenir les entraîne dans une phase dépressive assez prononcée, qui est dans une certaine mesure un signe d'adaptation sociale et de prévoyance des difficultés affectives futures à surmonter.

Le souhait inconscient d'avoir un enfant dans des conditions qui excluent l'homme demeure de façon latente dans le psychisme profond de la femme ; le plus souvent, il faut un événement familial comme la grossesse d'une sœur, son premier départ du foyer familial pour des raisons professionnelles, qui font tomber ses défenses, ou bien encore l'occasion de sa grossesse réveille son souhait endormi qui la pousse à fuir son amant.

DÉSIR ŒDIPIEN

RELATION AU PÈRE OU À L'IMAGE DU PÈRE

Odette a 20 ans. Elle était partie, il y a un an, dans une grande ville de province pour finir ses études et devenir institutrice. Elle revient pour les vacances et, à la fin de son séjour, sa famille s'aperçoit qu'elle en est au sixième mois d'une grossesse qu'elle avait réussi à dissimuler jusque-là. Odette n'est pas effondrée, mais paraît jouir d'un certain

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bien-être intérieur. Elle refuse de donner le nom de son amant. Qui est Odette ? Que s'est-il passé ?

Odette est la seconde d'une famille de sept enfants. Elle a un frère aîné, trois frères cadets. Sa mère est morte lorsqu'elle avait 8 ans, elle s'est retrouvée la seule fille dans un milieu masculin. Son père, paysan peu bavard et peu démonstratif, s'attache beaucoup à la fillette, aime sa présence mais lui parle peu. Quelques années plus tard, lorsqu'elle va atteindre ses 12 ans, son père se remarie et sa femme mettra au monde des jumelles. Odette a perdu sa place dans la vie de son père, elle n'est plus la seule femme de son foyer, la voici face à trois rivales. Les années passent. Odette semble se comporter en jeune fille équilibrée et travailleuse, bien qu'elle exprime extrêmement peu ses sentiments et qu'elle semble timide. Son père se plaint souvent de ses soucis d'argent, sa nombreuse famille lui paraissant une lourde charge. Deux événe- ments viennent rompre la monotonie de cette vie familiale un peu close sur elle-même. Le frère aîné d'Odette se marie et va à la ville, elle quitte le foyer pour la première fois, pour finir ses études.

Elle se lie très rapidement avec un homme nettement plus âgé qu'elle, mais ayant peu de moyens financiers ; par ces deux traits, il ressemble à son père. Ils n'emploient pas de méthodes contraceptives et, de temps à autre, il lui parle de mariage. Dès qu'Odette s'aperçoit qu'elle est enceinte, elle lui cache sa grossesse et rompt toute relation au moment de retourner passer l'été dans sa famille. Elle refuse de donner son nom à son père et de lui signaler son état pour les raisons suivantes : « Je ne veux pas entacher sa liberté, il faut qu'il puisse choisir la femme qu'il veut en dehors de la pression d'une grossesse, ce serait une charge financière trop lourde pour lui. » Elle ne voulait plus jamais le revoir car il ne l'intéressait plus. Ce qu'elle voulait, c'était rester dans sa famille.

En effet, elle a tout fait pour y retrouver la première place, elle a la preuve objective que son père l'aime car il l'accueille et prend soin d'elle ; elle a uevancé sa belle-sœur en étant enceinte avant elle, et là elle a enfin gagné la compétition. En outre, elle a rêvé à deux reprises qu'elle allait accoucher de jumelles. Comme si c'était un enfant de son père vers quoi elle tendait.

Odette a beaucoup souffert lors du mariage de son père, elle s'est sentie abandonnée, et fut terriblement jalouse de ses deux sœurs, dont elle aurait voulu être la mère et continuer à tenir la première place dans la vie de son père. La séparation du milieu familial a réveillé en elle cette angoisse d'abandon, angoisse qui fut accentuée par l'arrivée d'une nouvelle rivale dans la famille. L'angoisse d'abandon fut calmée par

(20)

une relation sexuelle avec un homme plus âgé, substitut du père ; quant à la rivale, cette fois-ci il était possible de la supplanter et ainsi prendre sa revanche. La blessure narcissique du passé va pouvoir être maîtrisée, Odette va pouvoir conduire à bien une grossesse dont le géniteur fantasmatique sera son père, et le géniteur réel, substitut du père momentanément, fut désinvesti et abandonné dès que le désir a été accompli. Odette a obtenu aussi que son père, qui parle peu, manifeste son affection par les seuls moyens qui sont en son pouvoir, c'est-à-dire par des actes. Elle a atteint son but et l'enfant à venir l'intéresse peu.

Le désir d'une grossesse peut être si intense que, par son impulsion, le corps d'une femme, malgré l'absence de relations sexuelles avec un homme, mime les processus de la grossesse ou de l'accouchement avec les moyens organiques dont il dispose.

Le célèbre cas d'Anna 0. 7 en est un exemple. Breuer la soigna de 1880 à 1882. Celle-ci s'attacha dans un transfert profond à son médecin.

A cette épooue, le processus du transfert et son utilisation dans la thérapeutique psychanalytique n'avaient pas été découverts par Freud.

Breuer, d'une part voyant la malade très améliorée et, d'autre part, inquiet de cet attachement, mit fin au traitement. Le soir même, il fut appelé au chevet de la jeune fille qui était en proie aux douleurs d'un accouchement hystérique, lequel mettait un terme à une grossesse imaginaire, expression du souhait inconscient d'être fécondée par Breuer, ou la personne que Breuer représentait dans son inconscient.

Quelques années plus tard, en 1900, Freud soigna une jeune fille, Dora 8. Cette jeune fille repoussa avec brutalité une déclaration de Mr.

K., un ami de sa famille depuis de longues années. Elle s'était documentée sur la sexualité féminine, la grossesse et l'accouchement dans un dictionnaire et, à cette même occasion, avait lu la description des douleurs dans le bas-ventre, dans les cas d'appendicite. Après la scène avec Mr. K., Dora eut des troubles menstruels prononcés et fit un rève ayant la signification d'un fantasme de défloration. Quelque temps plus tard, elle eut une crise d'appendicite avec de violentes douleurs et des règles fortes et douloureuses. Or, le temps écoulé entre la scène avec Mr. K. et la prétendue crise d'appendicite se révéla être 7. Présenté par BREUER et FREUD dans les Etudes sur l'hystérie. C'est en soignant Anna O. que Breuer appliqua pour la première fois la méthode cathartique qui fut à l'origine de la méthode d'association libre de la psychanalyse découverte par Freud.

P.U.F. Paris, 1956, pp. 14 à 35.

8. Cinq Psychanalyses, P.U.F., Paris, 1954, pp. 1 à 91.

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Béatrice Marbeau-Cleirens, maître-assistante à Paris V en maîtrise de Psychologie Clinique, psy- chanalyste, s'intéresse tout particulièrement aux problèmes de la femme, aux manifestations de l'inconscient chez celle-ci et à sa représentation dans l'inconscient des hommes et de la société ; elle a publié « Psychologie des Mères ».

La puissance des forces de l'inconscient est telle que les mères célibataires trouvent par la gros- sesse un moyen de s'exprimer par l'intermédiaire de leur corps : le corps parle.

Béatrice Marbeau-Cleirens recourt à toutes les sources d'information, enquêtes, statistiques, très nombreux cas, législation, pour illustrer la démons- tration analytique.

Béatrice Marbeau-Cleirens explore successive-

ment les motivations inconscientes, les relations de

la mère et des autres - son enfant, l'homme, sa

propre mère - et enfin, les relations de la société à

la mère célibataire, de telle manière que se trouve

éclairé dans toutes ses dimensions cet inconscient

qui a décidé de s'incarner.

(22)

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