MON ENFANT
SES DESSINS ET
© Editions Universitaires, 1974.
Antoinette Muel
MON ENFANT SES DESSINS ET
LE LANGAGE DES SYMBOLES
Postface de Dominique Vieljeux
« Pour mieux vivre »
Editions Universitaires 10, rue Mayet, 75006 Paris
LES MESSAGES SYMBOLIQUES
Nous sommes entourés de symboles et le domaine de l'ima- ginaire nous enserre de toute part. Nous ne pouvons y échapper.
C'est une domaine complexe dans lequel, l'intangible et l'ima- ginaire rejoigent le concret et l'immédiat par des cheminements mystérieux qu'il est bien difficile d'appréhender. Pourtant, l'enten- dement immédiat par tous de la chose symbolique nous affirme bien clairement qu'il s'agit d'un langage. Rien de comparable à notre langage parlé, mais tout autant moyen de communi- cation et ceci, sur un plan si profond qu'il atteint directement à l'inconscient.
Nous allons donc maintenant, à travers des cas concrets, mettre en lumière divers aspects du symbolisme et de son émer- gence spontanée dans la vie de tous les jours. Emergence en rapport direct avec les conflits inconscients non résolus qui peut même dépasser le psychisme individuel et retrouver les traits spécifiques de l'espèce, analogues en tous lieux et en tous temps.
C'est ce que C.G. Jung nomme l'inconscient archaïque en raison du caractère primitif de ses manifestations. Au préalable, nous situerons le tout premier développement de l'enfant, l'établis- sement de ses relations précoces avec son entourage direct et l'apparition du symbolique dans les rapports établis entre l'enfant et ses parents.
Puis, nous tenterons de dégager, autour de certains symboles précis, les grandes lignes de force permettant de joindre ce qui paraît divisé, d'harmoniser ce qui paraît chaotique, de réno- ver ce qui semble perdu. A travers des cas vécus nous pourrons voir apparaître ce dynamisme interne, incompréhensible à notre intellect jusqu'à ce jour. Les situations décrites, le sont toujours en tenant compte de ce que nous savons de l'enfant. Ses propres paroles sont toujours retranscrites avec les mots mêmes qu'il a employés, avec tout ce que cela comporte de maladresse et d'ignorance de la syntaxe.
Certains dialogues sont repris directement sur cassette lorsque l'enfant a accepté, ou parfois même demandé lui-même l'ins- cription de l'entretien sur bande magnétique.
Le contenu de ces entretiens, noté immédiatement, nous a conduit à développer les symboles suivants :
— Le cercle
— La couleur
— La verticalité (chute et remontée)
— L'eau
— Le souffle (la lettre et le mot)
— La maison
— Le combat (l'agressivité négative et positive)
— Le monstre marin (l'avalement, séjour nocturne)
— La sortie à la lumière
— La délivrance et ses conséquences
— L'arbre
Puis, nous donnerons l'étude d'un cas et sa discussion avant de conclure.
COMPRENDRE CE QUE DISENT NOS ENFANTS
C'est peut-être une entreprise très audacieuse que de vouloir comprendre ce que nos enfants nous disent par leurs dessins, leurs paroles et même leurs actes. Ils vivent dans un monde si différent du nôtre, un monde dans lequel l'imaginaire prime sur le réel, un monde qui ignore la logique, accepte mieux ce qui parle à l'imagination et aux sens que ce qui parle à la raison.
Nous vivons tout près de notre enfant et pourtant que savons- nous de sa vie secrète, qu'a-t-il compris de tout ce qui se passe autour de lui, comment reçoit-il nos paroles et comment comprend-il nos actes ? De toutes les expérience qu'il a vécues depuis sa naissance, qu'a-t-il saisi, qu'a-t-il retenu, oublié ?
Bien souvent il ne semble pas nous entendre, puis tout à coup, fait une réflexion qui nous montre combien son apparente indif- férence cachait une attention aiguë à tous nos propos d'adultes.
Aussi allons-nous tenter de préciser les différentes étapes du développement de l'enfant. Celles-ci nous aideront à comprendre certaines de ses réactions qui parfois nous surprennent. Nous saurons qu'un égoïsme forcené est pour lui une façon normale de s'affirmer en vie devant l'extérieur, puisque son opposition et son entêtement font encore partie de sa façon d'être lui-
même et de le faire savoir à l'entourage ; que vouloir être le roi et le chef n'est pas manquer de réalisme, mais un passage nécessaire à l'établissement de son « moi ».
Et l'évolution se fera lentement et solidement si tout cela est reconnu valable par l'adulte tout-puissant qui prend soin de lui.
LE PREMIER DÉVELOPPEMENT DE L'ENFANT
La première année de l'enfant est de la plus haute importance en ce qui concerne son développement ultérieur. Des recherches systématiques ont eu pour but de comprendre les besoins essen- tiels du nourrisson et la valeur qu'il est bon d'accorder à la satisfaction de ces besoins.
Les premières relations le l'enfant avec le monde extérieur se bornent à ses relations avec sa mère ou avec la personne qui en tient lieu, à notre époque très souvent le père, qui parti- cipe aux soins que réclame le tout petit.
Mais la relation avec la mère est relation privilégiée, les deux êtres, récemment encore confondus en un seul, forment le
« couple symbiotique mère-enfant ». A l'intérieur de ce couple la communication s'établit sur un mode de signaux impercep- tibles à l'entourage, or l'enfant a le plus grand besoin de ces communications. Selon R.A. Spitz, celles-ci « frayent le chemin à tout autre développement pendant la première année de la vie.
C'est l'établissement des précurseurs des relations objectales qui permettra le début des relations avec les choses » (9).
Il se joue donc un jeu très subtil entre la personnalité de la mère et le petit être en voie de formation compte tenu de
son équipement génétique, bien entendu. Ces premières relations apportent une tonalité particulière aux réactions du bébé et ce mode de relations se répétera dans les rapports futurs de l'enfant avec un univers élargi.
Si la mère est équilibrée et chaleureuse, sa seule présence, le son de sa voix, ses gestes suffisent à apaiser le nouveau-né qui trouve sa sécurité dans les signaux affectifs qu'il reçoit d'elle.
C'est par leur qualité, leur constance, leur stabilité que ces signaux assurent à l'enfant son développement, physique et psy- chique, normal. Si ces signaux sont troublés par l'attitude d'une mère angoissée, anxieuse ou même, cela arrive, hostile, l'enfant réagit par des troubles caractérisés. Si, par contre, le compor- tement de la mère est bien adapté à son enfant, celui-ci suit un développement lent et continu, traversant des phases critiques dont Spitz nous dit ceci (10) :
« Mes observations montrent que, pendant ces phases critiques les courants de développement s'intègrent les uns aux autres dans les divers secteurs de la personnalité, ainsi qu'avec les fonctions et les capacités nouvelles issues des processus de matu- ration. Cette intégration a pour résultat une restructuration du système psychique à un niveau plus complexe. C'est un pro- cessus délicat et vulnérable qui conduit à ce que j'ai appelé
" un organisateur " de l'appareil pspchique. »
Spitz ajoute : « Si l'enfant réussit à consolider un organisateur au niveau approprié, son développement peut s'orienter vers l'organisateur suivant. Toutefois, lorsque la consolidation ne se fait pas, le développement de la personnalité de l'enfant sera perturbé. »
Pour le nourrisson, la mère est chaleur et nourriture et c'est par son intermédiaire qu'il reçoit la satisfaction des besoins et pulsions du premier stade psychosexuel, appelé « le stade oral ».
Le premier organisateur, selon Spitz, correspond au passage de cette relation symbiotique et indifférenciée à la perception par l'enfant du visage humain. L'indice de cette perception est l'appa-
Antoinette Muel, psychologue, diplômée de la Société de Graphologie et du Groupement des Graphologues-Conseils, s'est spécialisée dans l'étude de l'écriture des enfants.
Une recherche personnelle lui a permis de mettre au point une méthode de rééducation du geste à travers l'exercice des perceptions sensorielles.
Cette méthode a été expérimentée dans un insti- tut médico-pédagogique pendant trois années.
Un ouvrage, L'éveil de l'esprit chez l'enfant inadapté, préfacé par le Docteur Françoise DOLTO, rend compte de cette expérience et des résultats obtenus.
Dominique Vieljeux, graphologue, diplômée d'ex- pertise en écriture, responsable d'un atelier de peinture pour enfants et adolescents, a postfacé cet ouvrage.
MON ENFANT ET SES DESSINS s 'applique
à montrer, à travers des dessins d'enfant, leurs
conversations et leurs inventions diverses, l'im-
portance de leur vie symbolique dans toutes leurs
productions. Le lecteur, surpris peut-être de la
richesse rencontrée à chaque instant dans les
paroles de ces enfants, sera-t-il conduit à prêter,
à leurs propos, une oreille plus attentive ?
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