Risques climatiques et règlementation financière prudentielle
1Ulrich Hege et Frédéric Cherbonnier (Toulouse School of Economics - TSE)
Objectifs et questions de recherche
L’urgence de s’attaquer au changement climatique est aujourd’hui une évidence pour chacun. Dans l’Accord de Paris de 2015, l’ensemble des États membres de l’ONU ont convenu de réduire les émissions de GES.
Mais ils tardent à agir et ne parviennent pas à mettre en œuvre les stratégies climatiques efficaces capables de maintenir le réchauffement de la planète au-dessous de 1,5°C. Devant l’inefficacité persistante des stratégies en faveur du climat, les institutions financières sont de plus en plus sollicitées. Les investisseurs et les marchés financiers sont-ils capables de canaliser des fonds vers les “investissements verts” dans les énergies renouvelables et les économies d’énergie ?
Les institutions financières de développement (IFD) sont à l’avant-garde de ce mouvement. Elles représentent près de 10 % des flux d’investissement mondiaux et sont des acteurs importants dans les investissements énergétiques à long terme. Mais elles sont soumises à des réglementations financières strictes, notamment en ce qui concerne leurs fonds propres. Et comme, en tant que banques publiques, elles peinent à lever des fonds propres supplémentaires, elles doivent savoir s’il est avantageux de réduire les exigences de fonds propres lorsqu’elles prêtent de l’argent pour financer la transition énergétique. Les auteurs, de la Toulouse School of Economics, ont tenté d’apporter des réponses à cette question à travers leur papier de recherche.
U
ne réduction des exigences de fonds propres destinés aux investissements liés au climat permettrait aux institutions financières de développement réglementées d’accorder plus de financements à la transition énergétique. Les auteurs de cet article se demandent à quel moment cette situation pourrait devenir optimale. Ils observent que même dans le cadre de stratégies bas carbone efficaces, les acteurs privés sous-investissent dans la résilience, ce qui appelle des exigences de fonds propres capables de doper ce type d’investissements. Si les stratégies bas carbone sont inefficaces, les exigences de fonds propres consacrés à des investissements susceptibles de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) doivent être abaissés.Méthodes
Cet article élabore un modèle de simulation à la hauteur du défi climatique mondial. Le modèle s’étend jusqu’à 2080 et s’appuie sur des hypothèses couramment utilisées dans les modèles économiques concernant le climat. Il prend en compte l’incertitude liée aux technologies futures dont dépend la transition énergétique, à la demande énergétique future et aux risques climatiques.
L’essentiel
1 Titre original : Carbon Policies and Climate Financial Regulation Cette synthèse est publiée dans le cadre des groupes de travail de l’International Research Initiative on Public Development Banks, et à l’occasion de la 14ème conférence internationale de recherche de l’AFD sur le développement
Consulter le papier de recherche
CARBON POLICIES AND CLIMATE FINANCIAL REGULATION
Risques climatiques et règlementation financière prudentielle Ulrich Hege and Frédéric Cherbonnier (Toulouse School of Economics)
Résultats
Les politiques climatiques doivent essentiellement reposer sur un prix du carbone harmonisé à l’échelle mondiale. Même si des stratégies efficaces en matière de carbone sont en vigueur, la réglementation financière prudentielle a un rôle à jouer. En effet, dans les scénarios climatiques les plus pessimistes, les acteurs privés anticipent les politiques publiques de soutien et ne font donc pas suffisamment d’efforts pour augmenter leur résilience aux effets du changement climatique. Les régulateurs doivent donc dès maintenant s’opposer à cet effet pervers. Ils doivent différencier les exigences de fonds propres pour encourager les investissements en faveur de la résilience aux effets du changement climatique.
L’article aborde ensuite le rôle des régulateurs financiers dans les cas où les stratégies en faveur du climat dans de grandes parties du monde demeurent inefficaces. Dans ce cas, le rôle de la réglementation financière climatique est étendu. Les auteurs montrent que les régulateurs doivent alors faire la différence pour encourager les investissements en faveur de la résilience, mais aussi les investissements verts en faveur de la transition énergétique qui réduisent les émissions de carbone.
Recommandations
L’article défend l’idée selon laquelle les exigences de fonds propres des banques doivent tenir compte de la teneur en carbone des investissements. Les IFD seraient les institutions financières les plus touchées par un tel changement de réglementation.
è Cette nouvelle stratégie doit être mise en œuvre dès aujourd’hui. Les régulateurs nationaux doivent coordonner leurs stratégies.
è Même dans ce cas, actuellement, l’impact de nos recommandations sur les règles relatives au capital serait relativement modeste. Toutefois, les ajustements optimaux en ce qui concerne les exigences de fonds propres doivent être sans cesse mis à jour.
è Si l’accroissement des risques climatiques se poursuit au rythme observé ces trente dernières années, l’impact sur les normes réglementaires deviendra considérable.
L’essentiel
Le programme de recherche « Réaliser le potentiel des banques publiques de développement pour atteindre les ODD » est initié par l’INSE et financé par l’AFD, la Fondation Ford et l’IDFC.
2020 ©AFD