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Eugène Delacroix. La Liberté guidant le peuple. Icônes de la révolution. Musée des Beaux-Arts de Strasbourg. 16 septembre > 12 décembre 2004

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Texte intégral

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un prêt exceptionnel du musée du Louvre

Musée des Beaux-Arts de Strasbourg 16 septembre > 12 décembre 2004

Service Communication 2, place du Château BP 1049/1050 F 67000 Strasbourg

Tél. 00 33 (0)3 88 52 50 00 Fax 00 33 (0)3 88 52 50 42 www.musees-strasbourg.org

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1. PRÉSENTATION DE L’ÉVÉNEMENT……… P. 1 2. PUBLICATION………. P. 2 3. ÉLÉMENTS BIOGRAPHIQUES……… P. 4 4. ŒUVRES PRÉSENTÉES……… P. 6 5. AUTOUR DE L’ÉVÉNEMENT……… P. 10 6. INFORMATIONS PRATIQUES………. P. 11 ANNEXE : LISTE DES VISUELS DISPONIBLES

1. PRÉSENTATION DE L’ÉVÉNEMENT

Du 16 septembre au 12 décembre 2004, le musée du Louvre prêtera au musée des Beaux-Arts de Strasbourg, à titre vraiment exceptionnel, Le 28 juillet ; la Liberté guidant le peuple (28 juillet 1830), un des sommets de l’art d’Eugène DELACROIX (Charenton-Saint-Maurice (Val-de-Marne), 1798 -Paris, 1863). Cet événement s’inscrit dans la politique du Ministère de la Culture de prêter 22 chefs-d’œuvre du Louvre dans autant de régions. Fidèle à son engagement dans les grandes opérations de démocratisation de la culture, le musée du Louvre s'associe à cette opération, au bénéfice des musées de la Ville de Strasbourg. Le prêt d'œuvres majeures des grands musées nationaux, dont le Louvre, illustre le souci de rendre accessibles les chefs- d'œuvre des collections nationales au public le plus large et sur l'ensemble du territoire et, dans ce cas, au cœur de l’Europe.

En peignant cette gigantesque composition l’année même des événements de 1830, Delacroix ne peignait pas seulement un tableau mais un symbole. Participant lui-même à la révolution qui chassait Charles X, Delacroix a réalisé un mélange de description de la barricade des émeutes (on reconnaît Notre-Dame à l’arrière plan) et d’allégorie. Il a voulu représenter l’union du peuple parisien contre le régime ultra-réactionnaire des Bourbons. Ainsi un ouvrier et un étudiant sont figurés à gauche quand la Liberté / France (torse nu) brandit le drapeau tricolore, rappel de la Révolution de 1789. Enfin, figure impérissable, le « Gavroche » armé de pistolets.

En 1830 le jeune Delacroix, protégé notamment par Thiers, a déjà peint des manifestes (La Barque de Dante en 1822, Scènes des massacres de Scio en 1824, Mort de Sardanapale en 1827) qui en font la figure de proue du mouvement romantique. Il porte à son plus haut point les ferments déjà présents chez son aîné Géricault (1791-1824), auteur en 1819 du Radeau de la Méduse, déjà un tableau politique.

Bien qu’achetée par le gouvernement de Louis-Philippe, roi des Français, cette peinture ne fut pas exposée pendant longtemps, tant sa charge politique empêchait de goûter uniquement ses qualités picturales...

Autour de ce grand tableau, plutôt que d’évoquer sa genèse bien connue, il a paru plus pertinent de souligner sa charge symbolique en présentant deux autres icônes révolutionnaires (celles de 1789 et de 1848) :

- ISIDORE PILS (Paris, 1815 - Douarnenez, 1875)

Rouget de Lisle chantant pour la première fois la Marseillaise chez Dietrich, maire de Strasbourg (Salon de 1849) Strasbourg, musée Historique

- Ernest MEISSONIER (Lyon, 1815 - Paris, 1891) La Barricade (juin 1848) Paris, musée d’Orsay

Le premier événement, qui eut lieu à Strasbourg, montre la naissance du patriotisme républicain autour du chant de La Marseillaise. Quant à l’aquarelle de Meissonier, qui a appartenu à Delacroix, elle rappelle que la lutte révolutionnaire n’est pas toujours exempte de violence.

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2. PUBLICATION Eugène Delacroix,

La Liberté guidant le peuple

Musée du Louvre, Éditions Collection Solo / Éditions de la Réunion des musées nationaux, Paris, 2004

72 pages Prix : 13,50 ISBN : 2-7118-4814-0

Arlette Sérullaz, Conservateur général du Patrimoine, département des Arts graphiques, directrice du musée Eugène Delacroix,

Vincent Pomarède, Conservateur en chef du Patrimoine, chargé du département des Peintures.

Extrait

[…] « La Liberté guidant le peuple, une “icône républicaine”

Acquise par Louis-Philippe à l’issue du Salon pour 3 000 francs afin d’être exposée au Musée royal, alors musée de l’art contemporain installé au palais du Luxembourg, La Liberté guidant le peuple ne fut pas montrée très longtemps, les gouvernants redoutant rapidement l’impact sur le public d’une œuvre qui représentait par nature un tel encouragement à l’émeute, et dont l’image, par ailleurs, avait été diffusée par la gravure dès son apparition. Hippolyte Royer- Collard, alors directeur des Beaux-Arts, le fit mettre en réserve, quelques années à peine après son entrée dans les collections royales, et, dès 1839, son successeur, François Cavé, dont la femme fut tant “appréciée” par Eugène Delacroix, autorisait le peintre à reprendre son tableau.

D’après divers témoignages, ce dernier l’aurait alors mis en dépôt chez sa parente Madame Henri Riesner, dans le petit village de Frépillon ; La Liberté serait restée plus de dix ans dans ce bourg de la banlieue nord de Paris, ne réapparaissant qu’en 1848. C’est pourtant elle qui figure sur l’affiche publicitaire pour Histoire de dix ans de Louis Blanc, publié en 1841.

Depuis quelques temps, Eugène Delacroix, comme le prouvent diverses lettres adressées à la direction des Beaux-Arts, se plaignait de l’état de conservation de son tableau et insistait pour que le gouvernement le présentât à nouveau au Luxembourg. Après que l’on eut envisagé un moment de montrer l’œuvre à Lyon cette année-là, Delacroix la récupérait une nouvelle fois, avant de la confier définitivement, en 1849, au musée du Luxembourg.

Jusqu’en 1855, le tableau fut néanmoins conservé dans les réserves, acquérant progressivement, en raison même de son absence de cimaises, le statut d’œuvre mythique.

Cette année-là, en effet, malgré les oppositions politiques persistantes, nous avons vu qu’Eugène Delacroix a ajouté La Liberté à la liste des trente-cinq chefs-d’œuvre qu’il avait retenus. Et le public parisien pouvait alors redécouvrir ce tableau exceptionnel, qui demeurait ensuite au musée du Luxembourg, rarement exposé, jusqu’en novembre 1874, date à laquelle il fut transporté définitivement au musée du Louvre et présenté en permanence depuis cette époque.

Par son style et son sujet, La Liberté est devenue un des motifs les plus célèbres de l’art français moderne ; en 1924, Maurice Denis choisit de le reprendre pour décorer une coupole du Petit Palais dédiée à l’art romantique et réaliste. Ainsi, ce tableau a influencé de nombreux artistes, des sculpteurs, tel François Rude imposant cette iconographie vigoureuse dans son Départ des volontaires, sculptés sur l’arc de triomphe de Paris, et des peintres, comme Honoré Daumier concourant en 1848 pour l’obtention d’une commande d’un sujet allégorique représentant La République, proposé par le gouvernement de la Deuxième République. Mais c’est véritablement après l’avènement de la Troisième République, après la chute du Second Empire en 1871 et l’abandon définitif des régimes monarchiques, que l’allégorie imaginée par Delacroix allait être régulièrement utilisée à des fins idéologiques diverses, s’identifiant de manière irréversible avec l’idéal démocratique français – puis avec la France toute entière et ses cinq Républiques successives –, et devenant au XXe siècle une véritable “icône républicaine”, popularisée un temps par un timbre et un billet de banque, bien qu’elle ait été initialement

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conçue pour illustrer “peut-être moins la souveraineté reconquise et plénière du Peuple que la Nation réunifiée autour du drapeau de 1792”.1

En 1999, après un voyage “homérique” accompli à bord d’un avion hors du commun conçu pour le transport des objets ou des matériaux de dimensions exceptionnelles, le célèbre “Beluga”, La Liberté guidant le peuple a été exposée durant un mois dans une salle entièrement réaménagée du Musée national de Tokyo. Plus de cent vingt mille visiteurs, respectueux et admiratifs, sont venus rendre hommage à cette “icône” de la peinture française présentée dans une immense vitrine devant laquelle avaient été installés de vastes gradins susceptibles d’accueillir au moins cinq mille adorateurs par jour. Transportée comme une reine dans un avion affrété spécialement pour elle, à bord duquel elle voyagea seule, emballée dans plusieurs caisses et containers en raison de sa réelle fragilité, évoquée par une photographie aux dimensions gigantesques imprimée sur les flancs mêmes de l’avion qui la portait, veillée par toutes les polices du Japon à son arrivée et conditionnée ensuite dans un espace contrôlé électroniquement par d’innombrables détecteurs, La Liberté a changé de statut en la circonstance. Emportés par leur élan, les journalistes japonais n’ont pas hésité à baptiser l’œuvre d’un nouveau nom, The Goddess of Liberty – La Déesse de la Liberté - , qui résumait aussi bien son histoire que sa relation entretenue depuis plus d’un siècle et demi avec tous les publics. Ainsi, après avoir été pour son auteur un épisode historique précis, Le 28 juillet, après avoir été une anecdote, véridique ou enjolivée, des événements de 1830, La Barricade, après avoir été un concept politique précis et républicain, La Liberté, le tableau de Delacroix est devenu un concept universel et quasi religieux : The Goddess of Liberty. Jamais sans doute une œuvre a-t-elle autant échappé à son créateur – preuve définitive de la réussite de celui-ci. Voulue par Delacroix comme un acte de réconciliation entre tous les Français – symbolisé par les trois couleurs du nouveau drapeau français –, mais exécutée aussi comme un hommage rendu au nouveau souverain Louis-Philippe qui avait été imposé par les convulsions des Trois Glorieuses, conçue également comme une allégorie de la volonté farouche du Peuple souverain à assumer son destin, La Liberté guidant le peuple d’Eugène Delacroix est donc devenue tout au long du XIXe siècle un symbole de la République, une allégorie de la Démocratie, avant de s’imposer aujourd’hui comme un mythe universel et intemporel de la Liberté : The Goddess of Liberty. Ainsi idéalisée et intangible, cette liberté demeure pourtant tout à la fois profondément humaine, charnelle et réelle, pierre angulaire d’une composition faite de verticales ascendantes, rythmée par les correspondances subtiles des bleus, des blancs, des rouges et des roses vifs qui donnent à l’harmonie générale du tableau, volontairement assourdie, une vibration particulière. » […]

1Stéphane Guégan, «Du miroir à la liberté: Delacroix peintre libéral», dans La Méduse, n°9, mai 2000, p.3.

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3. ÉLÉMENTS BIOGRAPHIQUES

(extraits de l’ouvrage Eugène Delacroix : la Liberté guidant le peuple, Musée du Louvre/RMN)

1798 Naissance à Charenton-Saint-Maurice, le 26 avril, de Ferdinand-Eugène-Victor Delacroix, fils de Charles Delacroix, diplomate de la Révolution et de l’Empire, et de Victoire Oeben, descendante de la célèbre dynastie des ébénistes de Louis XV.

Eugène Delacroix avait deux frères, Charles-Henry (1779-1849), qui devint général sous l’Empire, Henri (1784-1807), tué à la bataille de Friedland, et une sœur, Henriette (1780-1827).

1805 Mort de Charles Delacroix, qui avait été préfet à Marseille en 1803 et à Bordeaux en 1805.

1806 La famille Delacroix revient à Paris en janvier et le jeune Eugène entre au Lycée Impérial, futur lycée Louis-le-Grand.

1814 Mort de Victoire Oeben. Eugène Delacroix est recueilli par sa sœur Henriette et son beau- frère, Raymond de Verninac.

1815 Entre dans l’atelier du peintre Guérin (1774-1843)

1819 Reçoit sa première commande, La Vierge des moissons (église d’Orcemont, près de Rambouillet).

1820 Théodore Géricault, élève comme Delacroix de Guérin, lui obtient la commande d’une deuxième œuvre religieuse, La Vierge du Sacré-Cœur (cathédrale d’Ajaccio).

1822 Au Salon, Dante et Virgile aux enfers (musée du Louvre). Cette même année, débute son Journal.

1824 Au Salon, Scènes des massacres de Scio.

1825 Voyage en Angleterre.

1827-1828 Au Salon, La Mort de Sardanapale (musée du Louvre).

Publie la même année dix-sept lithographies illustrant la traduction par Alfred Stapfer du Faust de Goethe.

1830 Expose à la Royal Academy de Londres L’Assassinat de l’Évêque de Liège (musée du Louvre), et montre, au mois d’octobre, le Jeune Tigre jouant avec sa mère (musée du Louvre).

1831 Au Salon, plusieurs œuvres majeures, dont Le 28 juillet ou La Liberté guidant le peuple.

Décoré de la Légion d’honneur.

1832 Voyage au Maroc avec la mission diplomatique du duc de Mornay (fin janvier-juillet).

1833 Reçoit la commande de son premier décor monumental, le Salon du Roi au Palais- Bourbon, actuelle assemblée nationale, terminé en décembre 1837.

1834 Au Salon, Femmes d’Alger dans leur appartement (musée du Louvre).

1837 Première candidature à l’Institut. Peint La Bataille de Taillebourg (château de Versailles), commandée par Louis-Philippe.

1838 Début du chantier de la bibliothèque du Palais-Bourbon, achevé en 1847.

1839 Voyage en Hollande et en Belgique.

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1840 Au Salon, La Justice de Trajan (Rouen, musée des Beaux-Arts).

Reçoit en septembre la commande du décor de la bibliothèque du Palais du Luxembourg, actuel Sénat, achevé en décembre 1846.

1841 Au Salon, La Prise de Constantinople par les Croisés, commandée pour le château de Versailles et La Noce juive (toutes deux au musée du Louvre).

1842 Séjour à Nohant chez George Sand.

1843 Publie treize lithographies inspirées du Hamlet de Shakespeare.

1844 Loue une maison à Champrosay, en bordure de la forêt de Sénart.

1845 Fait une cure dans la station thermale des Eaux-Bonnes, au cœur des Pyrénées.

En décembre, mort de son frère, le général Charles-Henry.

1847 Reprend son Journal le 19 janvier.

1849 Chargé de décorer une des chapelles de l’église Saint-Sulpice à Paris, qu’il n’achèvera qu’en 1861.

1850 Reçoit la commande du décor du plafond central de la galerie d’Apollon au musée du Louvre, terminé l’année suivante.

En juillet et août, second voyage en Hollande et en Belgique, suivi d’un séjour en Allemagne.

1851 En décembre, chargé du décor du Salon de la Paix, dans l’ancien Hôtel de Ville de Paris, bâtiment qui fut détruit par un incendie en 1871.

1855 Prépare une rétrospective de son œuvre à l’occasion de l’Exposition universelle de 1855 et peint La Chasse aux lions (Bordeaux, musée des Beaux-Arts), partiellement détruite lors d’un incendie de l’hôtel de ville de Bordeaux en 1871.

1857 En janvier, élu à l’Académie des Beaux-Arts après sept échecs.

S’installe à la fin de l’année au 6, rue de Furstenberg, où il a pu faire construire un atelier (actuel musée national Eugène-Delacroix).

1859 Expose pour la dernière fois au Salon.

1860 La galerie Martinet organise une rétrospective de son œuvre où figure La Mort de Sardanapale.

1861 Inauguration de la chapelle des Saints-Anges dans l’église Saint-Sulpice.

1863 Le 13 août, à 7 heures du matin, meurt dans son domicile de la rue Furstenberg, veillé par Jenny Le Guillou, à son service depuis presque trente ans.

Le 17 août, est enterré au cimetière du Père-Lachaise dans le tombeau qu’il s’est fait construire.

1864 Du 17 au 29 février, vente à l’hôtel Drouot des œuvres de son atelier.

4. ŒUVRES PRÉSENTÉES

Eugène Delacroix (Charenton-Saint-Maurice, 1798 – Paris, 1863) Le 28 juillet ; la Liberté guidant le peuple (28 juillet 1830)

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Huile sur toile / 2, 60 x 3, 25 m Paris, Musée du Louvre

27, 28, 29 Juillet 1830, c’est par une chaleur étouffante que Paris devient la scène de violents combats, ce sont les Trois Glorieuses. Le peuple de Paris lutte pour le départ du roi Charles X mais aussi pour l’instauration d’un régime républicain ; lutte qui débouche sur le règne de Louis- Philippe Ier roi des Français !

Au moment des Trois Glorieuses, Delacroix, déjà célèbre, vient d’avoir 32 ans. Sa participation aux événements reste lointaine : il s’agit plutôt pour lui d’une observation et d’un intérêt marqué, proche de la fascination, de l’artiste face aux événements de son temps. Il a bien ressenti et compris cette aspiration violente de tout un peuple pour la liberté tant politique que sociale.

Delacroix peint son tableau en trois mois. Il est enthousiaste à l’idée de s’attaquer à un sujet contemporain et a la volonté de demeurer le plus proche possible de la réalité des événements pour illustrer le courage du peuple français et la violence des combats dans les rues de Paris.

Nostalgique de la Révolution française et bonapartiste convaincu, Delacroix exalte les vertus du peuple français et peint la réconciliation des Français autour du drapeau tricolore.

J’ai entrepris un sujet moderne, une barricade et si je n’ai pas vaincu pour la patrie, au moins peindrais-je [sic] pour elle. Cela m’a remis en belle humeur.

Lettre d’Eugène Delacroix à son frère le général Charles-Henry Delacroix le 28 octobre 1830.

Delacroix a une ambition intense et des inquiétudes pour l’évolution future de sa carrière compromise par le scandale de La Mort de Sardanapale au Salon de 1828. Il cherche à séduire les nouveaux gouvernants, l’Etat étant un des principaux commanditaires.

Delacroix admirait Le Radeau de la Méduse de Géricault (Salon de 1819), il en a gardé la composition triangulaire et sa violence macabre. En effet, l’œuvre est centrée sur une opposition fondamentale, celle des morts sacrifiés au premier plan et des vivants triomphants, franchissant les barricades dans un nuage de poussière et passant au-dessus du monde des morts. Le blessé, à genoux aux pieds de la Liberté, se situe à la frontière entre les deux mondes, il évoque les souffrances d’un peuple combattant pour son indépendance et son avenir.

Vouloir identifier de manière précise chaque figure apparaît comme un contresens ; « les acteurs » de la Liberté doivent demeurer anonymes, tous les protagonistes sont à la fois « héros et acteurs ». Ils sont des archétypes sociaux choisis pour accompagner cette étrange allégorie qu’est la Liberté. Seule femme du tableau, armée, guerrière et protectrice, elle mène la foule des assaillants. Son costume à l’antique et le bonnet phrygien sont conventionnels et en font une allégorie éternelle que le peintre a mêlé à une scène réaliste contemporaine.

A côté d’elle, un enfant, symbole de la fraîcheur de l’engagement populaire ; il inspira à Victor Hugo, 32 ans plus tard, le personnage de Gavroche des Misérables.

La Liberté franchit une barricade au milieu du feu, elle est escortée par les gamins et les hommes du peuple, ces véritables combattants de Juillet. […] Regardez ce tableau avec soin, il a une grande qualité. C’est de vivre de la vie de 1830, c’est de respirer l’atmosphère chargée de poudre des trois jours, c’est de grouiller sous le soleil de juillet. Ah ! regardez cela : ce sont de vrais pavés, de vrais gamins, de vrais hommes du peuple. Et les soldats, comme ils sont bien tués, voyez le cuirassier du coin. On dit que Delacroix n’a pas voulu faire une Liberté, et la preuve qu’on a donnée, c’est qu’il lui avait mis à la main un fusil et non une pique. Delacroix ne lui a pas mis une pique, parce qu’il n’a pas voulu qu’on la confondît avec la Liberté de 1792. Mais cette Liberté-là n’est pas ma Liberté classique, c’est une fille du peuple qui combat. Sans doute, est-ce que Liberté n’est pas fille du peuple, est-ce qu’il ne faut pas combattre pour combattre la Liberté ?

Alexandre Dumas, Delacroix, Paris, 10 décembre 1864

Initialement le titre de l’œuvre, était Le 28 juillet et comportait en sous-titre la dénomination actuelle, La Liberté guidant le peuple.

Lors de son exposition au Salon de 1831, le tableau reçoit un accueil mitigé, les critiques sont déroutés par l’apparence de l’œuvre. Ce qu’on lui reproche le plus c’est le réalisme des

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personnages. Les plus réfractaires jugent inacceptable et indécent la figure de la Liberté : la nudité du torse, noirci par la poudre, dérange, la pilosité des aisselles, pourtant discrète, choque. Tous ces éléments sont perçus comme des traits de mauvais goût.

Le tableau échappe rapidement à son créateur, il se métamorphose en une œuvre mythique, universelle et éternelle, identifiée avec l’histoire de France au point de devenir une véritable

« icône républicaine ».

Cette œuvre illustre l’enthousiasme du peuple français pour les innombrables révolutions qui l’ont mené vers la Liberté depuis la révolution de juillet 1830 jusqu’à la libération de Paris, depuis les révoltes violentes de 1848 jusqu’au Front populaire de 1936.

L’œuvre est acquise par l’État à l’issue du Salon de 1831 pour être exposée au Musée royal, alors musée de l’art contemporain installé au palais du Luxembourg. Les gouvernants redoutent rapidement l’impact sur le public d’une œuvre représentant par nature un tel encouragement à l’émeute. En 1839, Delacroix reprend son tableau, qui resta alors à l’abri des regards du grand public durant plus de 20 ans, jusqu’à une courte sortie pour l’Exposition universelle de 1855.

C’est en intégrant le musée du Louvre en 1874 que l’œuvre sera présentée en permanence (avec un prêt au Japon en 1999 qui lui avait gagné un très grand nombre d’admirateurs).

Isidore Pils (Douarnenez, 1813 - Paris, 1875)

Rouget de Lisle chantant la Marseillaise (Salon de 1849) Huile sur toile / 0, 74 x 0, 91 m

Strasbourg, Musée Historique (dépôt du Louvre)

Une des jeunes filles accompagnait. Rouget chanta. A la première strophe les visages pâlirent, à la seconde les larmes coulèrent, aux dernières le délire de l’enthousiasme éclata. De Dietrich, sa femme, le jeune officier, se jetèrent en pleurant dans les bras les uns des autres. L’hymne de la patrie était trouvé !

Alphonse de Lamartine, Histoire des Girondins, livre seizième, 1847

Un jeune officier se tient devant un paravent largement éclairé. Le geste plein de flamme, il serre sur son cœur le texte du chant qu’il déclame. Les regards de l’assistance sont tous levés vers lui. L’une des jeunes filles essuie une larme. La mise en scène théâtrale, la gestuelle, les attitudes et les expressions participent au pathétique de la représentation.

Avril 1792 : le 24 ou le 25 avril la nouvelle de la déclaration de guerre arrive à Strasbourg. La ville est aux premières loges face à l’ennemi. Le maire Frédéric de Dietrich regrette qu’il n’y ait pas de chant patriotique pour galvaniser les soldats. Rouget de Lisle, un jeune capitaine en garnison à Strasbourg, compose pendant la nuit un texte avec la musique. Le Chant de guerre pour l’armée du Rhin dédié au maréchal de Luckner et publié à Strasbourg le 7 juillet, deviendra La Marseillaise quand des volontaires de Marseille le chanteront en entrant dans Paris. Le succès est tel que La Marseillaise sera déclarée Chant national le 14 juillet 1795.

C’est à la naissance de La Marseillaise que fait référence le tableau d’Isidore Pils.

Février 1848 : la révolution éclate à Paris, les rues se couvrent de barricades. Louis-Philippe abdique. La IIe République est proclamée en mai. Un grand élan traverse le pays, l’esprit de la Révolution renaît. La Marseillaise est partout à l’honneur : à la Comédie Française la comédienne Rachel la récite en tenant un drapeau tricolore.

L’histoire révolutionnaire fournit de nombreux sujets aux artistes pour le Salon de 1849.

C’est là qu’Isidore Pils présente Rouget de Lisle chantant pour la première fois La Marseillaise chez Dietrich maire à Strasbourg.

Ignoré par la plupart des critiques du Salon, le tableau est acheté par l’Etat pour « disparaître » pendant 27 ans. Il ne sera montré à nouveau au public que lors de l’exposition organisée après la mort de Pils en 1876.

En 1879, la IIIe République refait de La Marseillaise l’hymne national et le tableau est exposé au Luxembourg (le musée d’art contemporain de l’époque) où il connaît un succès extraordinaire.

Copié plus de 400 fois, largement diffusé par la gravure, c’est le tableau le plus célèbre du musée. Il entre au Louvre en 1883 et est déposé à Strasbourg en 1919, après l’armistice.

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Cependant la scène représentée en 1849 par Pils ne correspond pas à la réalité historique (relatée par Madame de Dietrich dans une lettre adressée à son frère). Elle est une illustration fidèle d’un passage de L’Histoire des Girondins de Lamartine, publiée en 1847, qui répertorie les légendes révolutionnaires enrichies de multiples détails.

Le tableau de Pils transpose le fait historique en mythe et en symbole. Reproduit dans la plupart des livres d’histoire il connaît un destin national et appartient à la mémoire des Français.

Cher frère […]. Comme tu sais que nous recevons beaucoup de monde et qu’il faut toujours inventer quelque chose, […] mon mari a imaginé de faire composer un chant de circonstance. Le capitaine du génie, Rouget de Lisle, un poète et compositeur fort aimable, a rapidement fait la musique du chant de guerre. Mon mari, qui est bon ténor, a chanté le morceau […]. Moi, de mon côté, j’ai mis mon talent d’orchestration en jeu, j’ai arrangé les partitions sur le clavecin et autres instruments. […]

Lettre de Louise de Dietrich à son frère, mai 1792

Ernest MEISSONIER (Lyon 1815 - Paris 1891) La Barricade

Juin 1848

Aquarelle, traces de crayon H. 26 ; L. 21 cm

R.F. 51 769

Musée d'Orsay, Paris

Œuvre singulière au sein d'une abondante production faite de portraits, de représentations militaires où « pas un bouton de guêtre ne manquait », et de scènes de genre dans l'esprit de la peinture hollandaise du XVIIe siècle, cette aquarelle reflète une émotion rarement montrée par son auteur. Capitaine d'artillerie dans la Garde Nationale, Ernest Meissonier est témoin lors des affrontements de Juin 1848, du massacre des insurgés d'une barricade de la rue de l'Hôtel de Ville. En 1890, dans une lettre au peintre Alfred Stevens, il décrit son profond attachement à cette œuvre et les circonstances tragiques de son exécution : « Parler de son œuvre et d'en dire tout le bien qu'il en pense n'est pas chose facile pour un artiste ; je n'ai pas à avoir de modestie pour ce dessin et je n'hésite pas à dire que si j'étais assez riche pour le racheter je le ferai tout de suite, même de préférence au tableau ; quand je l'ai fait j'étais encore sous la terrible impression du spectacle que je venais de voir, et croyez-le, mon cher Alfred, ces choses- là vous entrent dans l'âme, quand on les reproduit, ce n'est pas seulement pour faire une œuvre c'est qu'on a été ému jusqu'au fond des entrailles et qu'il faut que ce souvenir reste. […]

je l'ai vue (la prise de la barricade) dans toute son horreur, ses défenseurs tués, fusillés, jetés par les fenêtres, couvrant le sol de leurs cadavres, la terre n'ayant pas encore bu tout le sang . »

Son premier propriétaire fut Eugène Delacroix, ce que Meissonier rappelle dans cette même lettre :

« Delacroix, ce grand artiste qui m'a aimé en fut si frappé dans mon atelier qu'une de mes plus grandes joies devant son émotion a été de la lui donner le soir même. Ce témoignage suprême vous suffit comme à moi, n'est-ce pas ? » .

Dans son journal du 5 Mars 1849, Delacroix écrit : « J'ai été avec Meissonier chez lui, voir son dessin de la Barricade. C'est horrible de vérité, et quoiqu'on ne puisse dire que ce ne puisse être exact, peut-être manque-t-il le je ne sais quoi qui fait un objet d'art d'un objet odieux. J'en dis autant de ses études sur nature ; elles sont plus froides que sa composition…… Immense mérite malgré cela. » Relation plus nuancée, liée à la différence entre une notation quotidienne et un commentaire écrit cinquante années plus tard, années où s'engouffre toute la célébrité de Delacroix. Alors qu'en 1849 c'est Meissonier l'homme célèbre. On voit que Delacroix l'appréciait – il disait même que de tous ses contemporains Meissonier était le plus assuré de survivre – au grand étonnement de Baudelaire qui se demandait comment « l'auteur de si grandes choses jalousât presque celui qui n'excellait que dans les petites ».

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Près d’un an après La Barricade, Meissonier réalise Souvenir de guerre civile, peinture de petit format conservée au Louvre, qui reprend la même scène, mais avec détachement. La méticuleuse attention au moindre détail et la perfection de la finition rappellent ses peintures de genre. Le terrible événement est ainsi réduit à une scène quelque peu morbide, où le raffinement du peintre aboutirait à une étrange négation de l’humanité des personnages et de sa propre émotion.

Considéré comme l'un des plus grands peintres français, Meissonier fut en même temps relégué par certains critiques au rang de « peintre de batailles » ou de « petites choses minutieuses », attirant nombre de mots d'esprits à son encontre dont le plus célèbre est sans doute celui de Degas : « Le géant des nains », faisant allusion à la petite échelle à laquelle il peignait d'ordinaire ses sujets, à ses négligeables imitateurs et à sa petite taille. Cela ne l'empêcha pas de connaître la gloire de son vivant, et même cette certitude de la gloire que donnent une grande fortune et les cotes les plus hautes pour ses œuvres.

Après sa mort il fut très vite catalogué de Pompier, d'Académique, de « Réaliste archaïsant », de peintre bourgeois et réactionnaire. Il n'était pas de bon ton de s'y intéresser. Et l'enthousiasme qu'il suscita chez Salvador Dali dans les années soixante ne fit qu'empirer le discrédit jeté sur son œuvre. C'est l'ouverture du musée d'Orsay qui permit de poser un autre regard sur le XIXe siècle et de redécouvrir, entre autres, l’œuvre de Meissonier.

Acquise justement par le musée d’Orsay en 1997, La Barricade eut dès sa création une place particulière pour Meissonier lui-même et pour la critique. D'un lyrisme tragique totalement inattendu dans son œuvre, elle échappa aux foudres de ses détracteurs car elle révélait un

« autre » Meissonier, permettant de lever l'anathème porté sur l'artiste réactionnaire et anti- révolutionnaire.

Paul Roberts écrit en 1891 : « Un jour, au milieu des pavés, le génie est venu l'effleurer de son aile, le souffle révolutionnaire l'a soulevé, comme transfiguré, et cette page, cette merveille, est éclose du sang des rues. »

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5. AUTOUR DE L’ÉVÉNEMENT Une heure / une œuvre

Jeudis 23 septembre, 7 et 21 octobre, 4 et 25 novembre, 9 décembre à 12h30 et en nocturne

jeudis 30 septembre, 14 et 28 octobre, 2 décembre à 18h30 Un regard autre

Jeudi 18 novembre à 18h30

« La Liberté guidant le peuple»

par Rodolphe Burger, musicien Dialogue des arts

Avec des solistes du Parlement de Musique mardi 16 novembre à 18h30

« Regards sur les révolutions »

(réservation indispensable au Parlement de Musique : 03 88 32 20 13)

Tarif pour les activités en nocturne, entrée du musée incluse : 6 , tarif réduit : 3,80 Il est conseillé d’acheter les billets à l’avance à la caisse du Palais Rohan.

Conférences

A l’Auditorium des Musées (Musée d’Art moderne et contemporain) Jeudi 4 novembre à 20h

« La Liberté guidant le Peuple : l’envers d’une œuvre »

par Vincent Pomarède, conservateur en Chef du Département des Peintures du musée du Louvre Mercredi 8 décembre à 20h

«Etre artiste en 1830 »

par Christine Peltre, professeur à l’Université Marc-Bloch

Accueil des groupes

Pour le confort de la visite, les groupes seront accueillis les matinées et nocturnes hors week- end.

(réservation obligatoire au 03 88 52 50 04 du lundi au vendredi)

Pour des raisons de sécurité, la salle ne peut contenir que 30 personnes en même temps.

Film

La Liberté en voyage

Le réalisateur Thomas Lang prépare un film autour de la mise en place de cet événement. Ce film évoquera la venue de l’œuvre du musée du Louvre aux cimaises du musée des Beaux-Arts de Strasbourg. Il montrera les préparatifs et soulignera le côté exceptionnel de ce prêt.

En partenariat avec la Maison de l’Image et Ecart Production)

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6. INFORMATIONS PRATIQUES EUGÈNE DELACROIX

La Liberté guidant le peuple

un prêt exceptionnel du musée du Louvre 16 septembre > 12 décembre 2004 Musée des Beaux-Arts

Palais Rohan 2, place du Château 67000 Strasbourg tél. : 03 88 52 50 00 Horaires et tarifs

Tous les jours de 10h à 18h nocturne les vendredis jusqu’à 21h Fermeture le mardi

Les musées sont fermés les 1er et 11 novembre Tarif normal : 4 , tarif réduit : 2

Exposition organisée par Les Musées de Strasbourg Fabienne Keller, Maire de Strasbourg

Robert Grossmann, Maire délégué, chargé de la Culture Les Musées de Strasbourg

Directeur des Musées : Fabrice Hergott fhergott@cus-strasbourg.net

Musée des Beaux-Arts

Conservateur : Dominique Jacquot djacquot@cus-strasbourg.net

Service communication des Musées de Strasbourg Marie Ollier, Gwenaëlle Serre, Cathy Letard

mollier@cus-strasbourg.net gserre@cus-strasbourg.net cletard@cus-strasbourg.net

2, place du Château F – 67 000 STRASBOURG Tél. 03 88 52 50 15 Fax 03 88 52 50 42

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