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Reconstitution de la dynamique du carbone du sol sous prairies issues de la déforestation de la forêt amazonienne : étude d’une chronoséquence en Guyane française

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Academic year: 2021

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Submitted on 6 Jun 2020

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Reconstitution de la dynamique du carbone du sol sous

prairies issues de la déforestation de la forêt

amazonienne : étude d’une chronoséquence en Guyane

française

Camille Dezecache

To cite this version:

Camille Dezecache. Reconstitution de la dynamique du carbone du sol sous prairies issues de la déforestation de la forêt amazonienne : étude d’une chronoséquence en Guyane française. Biodiversité et Ecologie. 2012. �hal-02806869�

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Reconstitution de la dynamique du carbone

du sol sous prairies issues de la déforestation

de la forêt amazonienne : étude d’une

chronoséquence en Guyane française

Camille Dezécache

Rapport de stage – M2 « Sciences et Politiques de l’Environnement »

Maîtres de stage : Vincent Blanfort (CIRAD),

Sébastien Fontaine et Catherine Picon-Cochard (INRA UREP)

Responsables de master : Luc Abbadie et François Ravetta (UPMC),

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Page 2 sur 34 Le projet CARPAGG (CARbone des PAturages de Guyane et Gaz à effet de serre), co-financé par le Fonds européen de développement régional (Feder PO 2007-2013) et le Cirad, est coordonné par l'UMR SELMET (Systèmes d'Elevage en milieux Méditerranéens et Tropicaux), et associe les unités INRA UREP (Unité de Recherche sur l'Ecosystème Prairial) de Clermont-Ferrand, INRA URZ (Unité de Recherches Zootechniques) des

Antilles et l'UMR ECOFOG (Ecologie des Forêts de Guyane).

Ci-dessus : Prélèvements de sol sur un site de forêt à Cacao (haut) et site de prélèvement sous prairie à Sinnamary dans l’exploitation Bergère (bas).

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Remerciements :

A l’issue de ces six mois de stage, je tenais à remercier particulièrement mes maîtres de stage Vincent Blanfort, Sébastien Fontaine et Catherine Picon-Cochard pour la confiance qu’ils m’ont accordée et pour leur gentillesse et leur bonne humeur autant dans la vie quotidienne qu’au travail, à Clermont-Ferrand et à Kourou. Merci à Clément Stahl pour sa présence sur le terrain lors des intenses (et parfois éprouvantes) journées de prélèvements sous le soleil et la chaleur de Guyane et pour ses précieuses corrections lors de la rédaction de ce rapport. Merci aux éleveurs guyanais de nous avoir accueilli sur leur exploitation et sans qui cette étude n’aurait pu se réaliser : M. Crisan Araujo, M. et Mme Bergère, M. et Mme Burban, M. Melchiade Dolor, M. Jean Mornand et Mme Camille Chaix, M. Maurice Porrineau, M. Alex Rimbaud, M. Giraud, M. Moua. Merci enfin à Kwasie, Onoefe et Stéphane, les ouvriers du CIRAD qui étaient présents avec nous sur le terrain, et à toutes les personnes que j’ai pu croiser à l’UREP et qui ont rendu ce séjour si instructif et agréable. Ce stage a été pour moi une très bonne expérience qui m’a permis d’avoir un aperçu du travail scientifique depuis la phase de terrain jusqu’à la phase de rédaction des résultats, en passant par le travail de laboratoire. Il m’a également permis d’entrevoir les richesses de la forêt amazonienne et de découvrir une région du monde qui m’était encore inconnue et que j’aurai la chance de pouvoir de nouveau parcourir durant l’année à venir.

Résumé :

Cette étude est le résultat d’analyses effectuées après deux campagnes de terrain en Guyane française, en 2011 et 2012, qui ont abouti à l’établissement d’une chronoséquence composée de 5 sites de forêts témoins et 23 sites de prairies âgées de 6 mois à 41 ans permettant de reconstituer la dynamique du carbone (C) du sol sous prairies issues de la déforestation de la forêt amazonienne. Des corrections effectuées sur la masse de terre fine des échantillons et sur leur teneur en argiles a permis de prendre en compte les spécificités pédologiques de chaque site et les particularités propres aux écosystèmes naturels et anthropisés afin de rendre tous les sites étudiés comparables entre eux. Par ailleurs, le C hérité des forêts d’origine a également été pris en compte. Les résultats montrent une tendance générale à la hausse du stock de C du sol sous prairies âgées, avec un décollage 25 ans après leur mise en place. Les prairies âgées de 20 ans et plus possèdent un stock moyen de C du sol corrigé pour une profondeur de 1 m supérieur aux forêts témoins et aux prairies de moins de 20 ans. Les analyses isotopiques montrent que le stock de C issu des espèces en C4 (graminées) ne cesse d’augmenter depuis la mise en place des prairies. A l’inverse, le C issu des espèces en C3 diminue jusqu’à 20 ans après la mise en place de ces prairies et s’accroit fortement après 25 ans. Ce décollage pourrait s’expliquer par le maintien d’une couverture dominante en graminées, et probablement par le développement important de certaines adventices sur les prairies âgées. Cette étude confirme le rôle que pourraient jouer les prairies dans la lutte contre le changement climatique et dans la recherche d’une agriculture plus durable en permettant le stockage de matière organique garantissant une fertilité accrue sur le long terme et une capacité de séquestration de C importante.

Abstract :

This study is the result of analyses carried out after two field campaigns in French Guiana, in 2011 and 2012, which have led to the establishment of a chronosequence of 5 reference forest sites and 23 6 month to 41 year old grassland sites. This was made in order to reconstruct the soil carbon (C) dynamics under grasslands resulting from the deforestation of the Amazonian rainforest. Adjustments made to the mass of fine soil from the samples as well as their clay content enabled us to take into account the specific soil characteristics of each site, as well as the natural and anthropized ecosystems’ peculiarities in order to allow the comparison between each studied site. Moreover, the C inherited from the forests of origin was also taken into account. These results indicate an overall increasing trend of the soil C stock under old grasslands, with a high increase after about 25 years of pasture. The average soil C stock for grasslands of 20 years and more (for a depth of 1 m) is higher than that of the reference forests and of grasslands of less than 20 years old. Isotopic analyses determining the origin of the stocked C show that the soil C derived from C4 plants is constantly increasing since the grassland is planted, contrary to the soil C derived from C3 plants which is decreasing during the first 20 years after deforestation and then greatly increasing after 25 years. This increase in total soil C might be explained by the persistence of C4 grasses and probably by the development of some other C3 plants. This study confirms the potential role of grasslands in the mitigation of climate change and in the search for a more sustainable agriculture allowing the storage of organic matter for improved soil fertility on the long run and a high C sequestration potential.

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Table des matières

Remerciements : ... 3

Résumé : ... 3

Abstract : ... 3

1. Introduction ... 6

1.1. Stockage de carbone dans le sol, apports dans la lutte contre le changement climatique et intérêt agronomique ... 6

1.2. Présentation du projet CARPAGG ... 7

1.3. Etat de l’Art et premiers résultats du projet CARPAGG ... 8

1.4. Objectif du stage ... 9

2. Matériels et méthodes ... 10

2.1. Caractéristiques générales de la Guyane française... 10

2.2. Echantillonnage des sites ... 10

2.3. Protocole de prélèvement ... 10

2.4. Prétraitement des échantillons en vue des analyses ... 11

2.5. Analyses effectuées ... 11

2.6. Calcul des stocks de C bruts ... 11

2.7. Corrections effectuée sur la masse de terre fine et la teneur en argiles ... 11

2.8. δ13C et détermination de l’origine du carbone ... 11

2.9. Analyse de la contribution des stocks de C issus des plantes en C3 et C4 au stock total de C ... 12

3. Résultats ... 13

3.1. Résultats bruts concernant les principaux déterminants du stock de C du sol ... 13

3.2. Prise en compte de la dynamique du C sous forêts ... 16

3.3. Bilan des corrections effectuées ... 17

3.4. Stocks de C bruts sous forêts et sous prairies ... 17

3.5. Effet des corrections sur le stock de C du sol : exemple des forêts témoins ... 19

3.6. Chronoséquence générale corrigée ... 20

3.7. Comparaison des stocks de C corrigés ... 20

3.8. Origine du carbone... 22

4. Discussion et perspectives ... 24

4.1. Dynamique observée du C du sol ... 24

4.2. Capacité des prairies à compenser une part de la perte de C induite par la déforestation ... 24

4.3. Importance de la prise en compte du tassement du sol ... 24

4.4. Pédogenèse et localisation des stocks de C ... 25

4.5. Contribution des plantes en C3 et C4 à la hausse du stock de C du sol observée dans la chronoséquence ... 25

(6)

Page 5 sur 34

4.7. Hypothèse d’une sélection des prairies au fil du temps ... 26

4.8. Critiques méthodologiques ... 26

5. Conclusion ... 28

Bibliographie ... 29

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1. Introduction

1.1. Stockage de carbone dans le sol, apports dans la lutte contre le

changement climatique et intérêt agronomique

Le sol représente, après les océans et les réserves d’énergie fossile, le troisième plus important stock de carbone (C) planétaire. Sur une profondeur de 1 m, le sol constitue en effet une réserve de 2500 Pg de C (= 2500.1012 kg), bien supérieure aux stocks contenus dans l’atmosphère (760 Pg de C) et la biomasse (560 Pg) réunis (Lal, 2008). Le devenir de ce carbone est donc un enjeu majeur dans le cadre de la lutte contre le changement climatique. La libération d’immenses réserves de C stockées dans le permafrost (presque la moitié du stock total de C du sol (Schuur, et al., 2009)) lors d’une éventuelle fonte des glaces arctiques pourrait contrebalancer toute tentative de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). D’un autre côté, la capacité du sol à stocker du C suscite un espoir de mettre au point des techniques efficaces de lutte contre le changement climatique.

Les méthodes abiotiques de séquestration sont les plus souvent évoquées, notamment la séquestration géologique de carbone. Ce sont des méthodes coûteuses et encore en développement, autant en ce qui concerne les capacités techniques que le volet réglementaire et l’analyse des risques potentiels. Les méthodes biotiques (séquestration naturelle du carbone par les écosystèmes), elles, présentent une capacité de stockage finie mais sont plus économiques et utilisables immédiatement et sont donc une méthode viable autant techniquement qu’économiquement pour lutter contre les émissions anthropiques de carbone responsables du réchauffement climatique (Lal, 2008 ; Chung, et al., 2009).

La séquestration de carbone dans le sol n’a pas uniquement un intérêt dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique. La matière organique du sol (MOS) étant essentiellement composée de carbone, un stockage de carbone dans le sol impliquant une hausse de la teneur en MOS agirait positivement sur la fertilité du sol et sur d’autres paramètres tels que la diversité des invertébrés ou l’efficacité de l’utilisation de l’eau par les plantes (Robertson, et al., 2005). Une hausse

de la productivité induite par la hausse du stock de carbone du sol a été démontrée dans des monocultures (Lal, 2004) et fait l’objet d’un intérêt tout particulier dans l’étude des sites de

terra prêta, d’origine amérindienne et aux sols

très riches en carbone (Woods, et al., 1999). Cet aspect est d’autant plus important en zones tropicales où les méthodes traditionnelles de culture sur brûlis entraînent une chute très rapide de la fertilité des sols, obligeant à respecter des périodes de jachères de 5 à 25 ans après seulement 1 à 3 ans de culture (Glaser, 2007). Ces méthodes, utilisées durant des millénaires par les populations précolombiennes, ne sont plus durables dès lors que les densités de population augmentent. Une dégradation s’observe également en prairies puisque 20% des pâturages dans le monde sont considérés comme dégradés (Steinfeld et al., 2006). Le maintien d’une fertilité élevée sur le long terme

est indispensable afin d’éviter le cercle vicieux de la dégradation des sols tropicaux (voir fig. 1), un des moteurs de la déforestation de nouvelles surfaces par les exploitants.

Figure 1 - Cercle vicieux de la perte de matière organique du sol : enjeux agronomiques et sociaux (d'après Lal, 2004)

Dégradation du sol et perte de nutriments Perte de matière organique du sol Insécurité alimentaire, malnutrition Emissions de CO2 et autres gaz à effet de serre Déclin de la productivité de la biomasse

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1.2. Présentation du projet CARPAGG

Ce stage s’inscrit au sein du projet CARPAGG (CARbone des PAturages de Guyane et Gaz à effet de serre), projet coordonné par l'UMR SELMET (Systèmes d'Elevage en milieux Méditerranéens et Tropicaux). Il associe notamment l’unité INRA UREP (Unité de recherche sur l'Ecosystème Prairial) de Clermont-Ferrand, l’Unité INRA URZ (Unité de Recherches Zootechniques), l'UMR ECOFOG (Ecologie des Forêts de Guyane) et l’UR BSEF (Biens et services des écosystèmes forestiers tropicaux) qui ont participé à cette étude.

L’objectif principal de ce projet est de produire des connaissances sur la dynamique du C sous prairie après déforestation et de définir des indicateurs visant l’aide à la décision pour la gestion des pâturages dans l’optique d’une gestion plus durable des prairies. Un double aspect de la durabilité est pris en compte : le stockage de carbone dans les prairies contribue à la lutte contre le changement climatique, et le maintien de la fertilité (le stockage de C implique un stockage de matière organique dans le sol) permet d’exploiter plus longtemps une même parcelle ce qui limite le recours à des déforestations supplémentaires dans le but de maintenir ou d’augmenter les productions animales. En complément, afin d’effectuer des bilans GES (Gaz à effet de serre) complets à l’échelle de la parcelle, CARPAGG analyse également les flux de protoxyde d’azote (N2O) et de méthane (CH4) en système herbager.

La Guyane constitue un point de rencontre de nombreux enjeux scientifiques et sociaux à la fois locaux et globaux qui en font un site d’étude particulièrement intéressant. La population guyanaise enregistre une croissance très forte (entre 1996 et 2006 la croissance démographique y a été 10 fois plus forte qu’en métropole1). Suivant les scénarios, on prévoit qu’elle atteindra 400 000 à 600 000 personnes en 2030 (INSEE, 2007) contre seulement environ 230 000 aujourd’hui. Cette forte croissance démographique impose la nécessité de nouveaux débouchés économiques pour la population. Autre particularité, entre 2000 et 2010, la Surface Agricole Utile (SAU) a augmenté de 8% ; la Guyane est le seul département français dans cette situation de forte croissance de la SAU (Agreste, 2011), ce qui impose de soutenir le développement agricole dans un contexte de promotion du développement durable. Recouverte à plus de 90% par une forêt tropicale humide parmi les plus préservées et riches en biodiversité au monde, la Guyane fait face à des problématiques communes avec le reste de l’Amazonie : protection de la biodiversité, lutte contre le changement climatique, impact de la déforestation (même si elle reste très limitée en Guyane, et que la tendance est à la diminution du taux de déforestation dans un pays comme le Brésil (Assunção, et al., 2012)).

Le contexte scientifique guyanais est par ailleurs très favorable à ces études du fait de la préexistence de nombreux dispositifs étudiant la dynamique du carbone en forêt (Guyaflux pour les flux et bilans de CO2 en forêt, Guyafor en ce qui concerne les stocks de C aériens, etc.) réunis au sein de l’Unité Mixte de Recherche « Ecologie de forêts tropicale de Guyane » (UMR Ecofog) qui regroupe des chercheurs de l’INRA, du CIRAD, du CNRS, de l’Université Antilles-Guyanes et d’AgroParisTech. Avec le projet CARPAGG, un nouveau dispositif a donc été mis en place pour suivre les stocks et flux de C et de nutriments (N, P) dans les écosystèmes prairiaux actuellement en développement en Guyane, même si l’écosystème forestier reste clairement dominant à l’échelle du département.

Le projet CARPAGG est original en ce qu’il combine deux approches très différentes. Deux sites sont équipés de tours à flux (fig. 2) mesurant les échanges gazeux (H2O et le CO2) entre les prairies et l’atmosphère, permettant ainsi d’obtenir des valeurs de flux nets de C pour ces sites de référence (une prairie de 4 ans sur l’exploitation ETVM [Elevage et Tourisme Vert de Macouria] et une prairie âgée de 34 ans dans l’exploitation Bergère, commune de Sinnamary). Des prélèvements de sol, racines et végétation ont également été effectués sur ces mêmes sites afin d’établir de façon précise leurs stocks de C du sol et mettre en évidence certains mécanismes du stockage de C dans le sol. De nouveaux prélèvements sont prévus dans environ 7 ans afin de faire le lien entre l’évolution des stocks de C mesurés dans le sol et les mesures de stockage net de C effectuées par les tours à flux tout au long de cette période.

D’un autre côté, la dynamique du C du sol est reconstituée par l’étude d’une chronoséquence regroupant des prairies d’âges différents mais toutes issues de la déforestation de la forêt primaire, ceci à l’échelle du littoral guyanais. Les études de chronoséquences sont bien moins lourdes à mettre en place que le

1 Site internet de l’INSEE : http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?reg_id=25&ref_id=13417

Figure 2 – Détail du capteur d’une tour à flux utilisée pour le projet CARPAGG (Photo : V. Blanfort)

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Page 8 sur 34 dispositif mentionné ci-dessus et sont donc privilégiées dans de nombreuses études, notamment lorsqu’il s’agit de reconstituer la dynamique du C lors de changements brutaux d’écosystèmes (qu’ils soient climatiques ou induits par l’Homme comme ici) et sur le long terme (Drake et al., 1993 ; Wardle et al., 2004 ; Stevens et al., 1970).

1.3. Etat de l’Art et premiers résultats du projet CARPAGG

La gestion des prairies est considérée par le GIEC comme un des leviers d’action dans la lutte contre le changement climatique (IPCC, 2000). La capacité des prairies à stocker du C de façon durable dans leur sol est en effet bien documentée, notamment en milieu tempéré où la conversion en prairies de terres cultivées pourrait permettre de stocker jusqu’à 25 tC/ha supplémentaire dans le sol (Soussana et al., 2004). Il est également important d’évaluer cette capacité des prairies à stocker du C en milieu tropical où les conditions climatiques et pédologiques sont très différentes, et surtout dans un milieu où la mise en place se fait souvent au détriment de la forêt primaire, au contraire des milieux tempérés. L’hypothèse du projet CARPAGG est qu’en milieu tropical, de même qu’en zone tempérée, les prairies peuvent stocker du C dans leur sol sur le long terme et compenser une part des émissions de C provoquées par la déforestation (fig. 3).

En Amazonie, où 70% des surfaces déforestées ont été converties en pâturages (Steinfeld et al., 2006), la question de la dynamique du C du sol est majeure puisque les forêts équatoriales sont l’écosystème continental renfermant le plus de C, plus de 300 tC/ha au total dans leurs parties aériennes et dans le sol (Blanc et al., 2009), dont une grande partie est perdue lors de la déforestation. Se pose alors le problème de la capacité des prairies à compenser au moins une part des émissions de C induites par la déforestation en séquestrant du C dans leur sol. Au Brésil, alors que dans certaines régions comme le Cerrado la forêt fait souvent place à des cultures de soja (Margulis, 2004), la conversion de forêts naturelles en prairies est fréquente particulièrement dans les Etats du Pará et du Rondônia (Da Silva et al., 2009) qui concentrent de nombreuses études sur des prairies issues de la déforestation de la forêt amazonienne.

Les résultats de ces études de chronoséquences en Amazonie brésilienne sont variables. Chez Desjardins et al. (2004), la comparaison du stock de C sous forêt et sous prairie de 10 ans conclut à une diminution faible du stock de C lors de la conversion de la forêt en prairie (de 81 tC/ha à 77 tC/ha). Da Silva et al. (2009) observe au contraire une hausse de la teneur en C et du stock de C du sol sous prairies âgées de 10-12 ans par rapport à la forêt naturelle, mais la profondeur étudiée est très faible (10 cm). Une autre étude de deux chronoséquences conclut à une hausse significative du stock de C sous prairies par rapport à la forêt d’origine pour l’une, et une absence de différence significative dans l’autre cas (De Moraes et al., 2002). Dans tous les cas, ces études mentionnent l’importance des paramètres pédologiques dans la dynamique du C du sol sous prairies et soulignent la grande difficulté à étudier des chronoséquences étant donnée la variabilité des sols étudiés (De Moraes et al., 2002). Ces études reposent sur des prélèvements à l’échelle de l’exploitation agricole mais ne proposent pas d’évaluer la dynamique du C du sol à l’échelle d’un territoire.

Plusieurs études mentionnent également une hausse de la densité apparente du sol pour les horizons superficiels lors de la conversion de la forêt en prairie, ainsi qu’une hausse de la densité apparente du sol sous prairie avec le temps (Da Silva et al. 2009 ; Desjardins et al., 2004). Ce tassement attribué au poids des animaux et aux cycles séchage-humidification sous prairie (Da Silva et al., 2009) engendre une hausse de la densité apparente du sol avec l’âge suite à la déforestation. Les différences de pratiques agricoles pourraient également faire varier le taux de compression des différents écosystèmes (De Moraes et al., 2002). La hausse de la densité apparente du sol semble plus importante pour des sols peu argileux (Desjardins et al., 2004). Ce tassement est constaté et mesuré dans ces études, mais aucune correction n’est apparemment apportée au stock de C, alors qu’une hausse de la densité apparente du sol pourrait favoriser une surestimation du stock de C du sol.

Lors d’une première campagne de prélèvement pour le projet CARPAGG, en 2011, une chronoséquence allant de 0 à 41 ans et incluant 4 sites de forêts primaires et 17 prairies a été constituée (Ponchant, 2011). Cette étude combinait deux approches : à l’échelle de l’exploitation, comme dans les études mentionnées ci-dessus, des micro-chronoséquences permettaient de comparer la dynamique de C du sol pour des sites ayant subi des pratiques agricoles similaires. Ces sites étaient ensuite regroupés au sein d’une chronoséquence générale rendant possible la reconstitution de la dynamique du C du sol à l’échelle du littoral guyanais. Les calculs de stocks de C ont mis en évidence une tendance à la hausse du stock de C du sol sous prairies, particulièrement pour les plus âgées d’entre elles (plus de 25 ans depuis la déforestation), alors que pour les plus jeunes aucune grande tendance n’était observable. Ces résultats permettaient de confirmer la capacité des prairies à stocker du C de façon durable, cependant peu de prairies très âgées (la déforestation

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Page 9 sur 34 datant de 1978 et 1970) avaient pu être sélectionnées lors de l’échantillonnage. Une autre limite avait également pu être mise en évidence : les caractéristiques pédologiques des sites prélevés étaient très variables, rendant difficile une comparaison des stocks de C entre sites, puisque ces variables (notamment la teneur en argiles du sol) déterminent fortement la dynamique du C (Desjardins et al., 2004).

A la lumière de ces limites, une seconde campagne faisant l’objet de ce stage a donc été envisagée pour 2012 afin de compléter la chronoséquence débutée un an plus tôt en prélevant davantage de prairies âgées et de mieux prendre en compte la variabilité des sols étudiés.

Figure 3 - Schéma récapitulatif de l'hypothèse de base du projet CARPAGG sur le stockage de C sous prairies (Blanfort et al., 2010)

1.4. Objectif du stage

Ce stage s’est déroulé suivant deux axes correspondant aux deux approches du projet CARPAGG : 1) Une première partie, objet de ce rapport, visait à compléter la chronoséquence débutée en 2011 en prélevant du sol dans davantage de prairies âgées de 30 ans et plus afin de confirmer la tendance à la hausse du stock de C du sol sous prairies âgées. Puis, tenant compte de la variabilité pédologique des sols étudiés (variabilité des teneurs en argiles, mais également des densités apparentes de terre fine), il paraissait nécessaire de mettre en œuvre diverses corrections permettant de comparer au mieux les stocks de C des différents sites de forêts et de prairies prélevés.

2) Par ailleurs, le prélèvement et l’analyse de sols issus des sites de référence (-prairie jeune : ETVM [Elevage et Tourisme Vert de Macouria], commune de Macouria ; -prairie âgée : exploitation Bergère à Sinnamary ; -forêt primaire témoin : station expérimentale Guyaflux à Paracou, commune de Sinnamary) constituait l’objectif secondaire de ce stage dont les résultats ne sont pas mentionnés dans ce rapport.

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2. Matériels et méthodes

2.1. Caractéristiques générales de la Guyane française

Les prélèvements ont eu lieu le long du littoral guyanais, mince bande de terre concentrant la quasi-totalité de la population du département (fig. 19, en annexes). Le climat y est de type tropical humide, avec une température moyenne annuelle de 26,5°C et un gradient de température faible entre le jour et la nuit ainsi qu’entre les différentes saisons. Le climat guyanais est marqué par la succession de 4 saisons : une grande saison des pluies (fin mars à mi-août), une grande saison sèche (mi-août à mi-novembre), une petite saison des pluies (mi-novembre à fin janvier) et une petite saison sèche également appelée « petit été de mars » (février à mi-mars). La pluviométrie annuelle est forte mais varie beaucoup au cours de ces saisons, avec des périodes d’engorgement permanent des sols et des périodes d’importantes sécheresses. Durant la grande saison sèche, il est assez fréquent d’enregistrer une pluviométrie inférieure à 100 mm par mois voire inférieure à 50 mm pour certaines années très sèches (Bonal et al., 2008 ; Stahl et al., 2011) contre plus de 500 mm par mois durant la grande saison des pluies. Cette pluviométrie est variable également le long de la bande côtière : elle diminue vers l’ouest en direction de Saint-Laurent du Maroni (2000 à 2500 mm/an) et augmente vers l’Est dans la direction de Cayenne pour atteindre un maximum de 4000 mm/an). Les sols du littoral guyanais sont de type ferralitique (Freycon et al., 2010 ; Bonal et al., 2008).

2.2. Echantillonnage des sites

Voir fig. 20, en annexes, pour le récapitulatif des sites de prélèvements pour la chronoséquence. Les sites sont regroupés entre eux et classés par âge croissant lorsqu’ils font partie d’une même micro-chronoséquence. Les sites présentés en haut du tableaux participent à la chronoséquence générale mais ne font pas partie de micro-chronoséquences.

2.3. Protocole de prélèvement

Les prélèvements de sol ont été effectués sur une profondeur d’1 m (qui concentre plus de 90% de la biomasse racinaire aussi bien en forêt qu’en prairie (Humbel, 1978 ; Jackson et al., 1996) et où se produit la quasi-totalité de l’activité biologique) à l’aide d’une carotteuse

motorisée à percussion2. Un extracteur manuel permet ensuite d’extraire la gouge du sol (fig. 21, en annexes). Les prélèvements ont tous eu lieu en zones collinaires, en haut de pente, afin de retrouver une topographie similaire à celle des sites de référence (ETVM, Bergère et Paracou). 8 carottes ont été prélevées pour chaque prairie sur 2 transects parallèles de 30 m de longueur et séparés de 10 m (fig. 4). 3 horizons ont été distingués : 0-20 cm, 20-50 cm et 50-100 cm. Une première correction de ces horizons a été effectuée sur place au moment de leur extraction de la

gouge : considérant que les horizons 0-20 et 20-50 pouvaient être tassés durant le carottage, leur longueur a été ajustée d’après un coefficient de compression mesuré sur la longueur totale de la carotte effectivement prélevée.

La végétation herbacée aérienne a également été prélevée avant chaque carottage sur une surface de 60 x 60 cm (8 prélèvements par site) à l’aide d’une mini-tondeuse, après qu’un relevé botanique ait été effectué sur cette même surface de prélèvement. Les résultats des relevés botaniques et des analyses de végétation aérienne ne sont pas présentés dans ce rapport.

Un prélèvement sur 1 m (5 horizons de 20 cm chacun) a été effectué à la tarière à main pour chaque site afin d’établir une pédothèque.

2 Cobra TT, Eijkelkamp, The Netherlands.

Figure 4 - Plan de prélèvement pour les sites de la chronoséquence

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2.4. Prétraitement des échantillons en vue des analyses

Les prélèvements de sol ont été tamisés et conditionnés dans les installations CIRAD et INRA du campus agronomique de Kourou. Le sol a été tamisé à 4mm après une période de séchage à l’air libre d’environ deux jours, ce qui a permis de séparer la terre des éléments grossiers (cailloux, etc.) et des racines. L’ensemble de ces éléments a été séché à l’étuve à 60°C pendant 48h, puis pesé séparément. Un échantillon composite de terre tamisée de 700g a été préparé pour chaque site de la chronoséquence et pour chaque horizon à partir des 8 prélèvements effectués par site. Il est constitué du mélange des échantillons tamisés à 4mm d’un site, proportionnellement à leur masse sèche (le sol a été prélevé directement dans les sachets, sans coupages successifs du sol).

La suite des traitements des échantillons a été réalisée à l’INRA UREP de Clermont-Ferrand. Le sol a été tamisé plus finement à 2mm (tamiseuse mécanique), afin de séparer la terre fine (Ø < 2mm) des refus (petits cailloux). Une partie de cette terre fine (environ 100 g) a été prélevée par coupages successifs du sol (méthodes des quartages) afin d’obtenir des sous-échantillons représentatifs de l’échantillon composite destinés aux laboratoires d’analyses. Ces sous-échantillons ont soit été envoyés directement au Laboratoire d’Analyses du Sol (INRA d’Arras) pour les analyses physico-chimiques, ou broyés en vue des analyses de teneurs en C et N, et des analyses isotopiques (Pôle isotopie, Plateau Technique d’Ecologie Fonctionnelle de l’INRA de Nancy). Un sous-échantillon de 400g prélevé directement dans l’sous-échantillon composite sans coupages successifs a été lavé à plusieurs reprises sur un tamis de 200µm afin d’en extraire la Matière Organique Particulaire (MOP). Ceci a permis de séparer les 3 compartiments du sol : terre fine, MOP et racines. Les MOP et les racines ont été broyées au broyeur à bille, puis envoyées au pôle isotopie de l’INRA de Nancy pour les analyses des teneurs en C, en N et les analyses isotopiques.

Les échantillons de végétation aérienne, pesés séparément, ont ensuite été regroupés pour chaque site afin de former un échantillon composite représentatif d’environ 200g. Après passage au broyeur à bille, un sous-échantillon de la végétation de chaque site a été pesé puis envoyé au laboratoire d’analyses (analyses %C, %N et δ13C : Pôle isotopie, INRA de Nancy).

2.5. Analyses effectuées

La fig. 22 en annexes récapitule les analyses effectuées sur ces 3 compartiments et la végétation aérienne, ainsi que les prétraitements qu’ont subis les différents échantillons.

2.6. Calcul des stocks de C bruts

La teneur en C obtenue à partir de la terre fine broyée permet d’établir le stock total de C par hectare de chaque site. Le volume de la gouge étant connu, il est possible de calculer la densité apparente de terre fine (masse de terre fine par horizon / volume de la carotte par horizon) dans les trois horizons de chaque carotte. Multipliée par sa teneur en C, la densité apparente de terre fine permet de calculer un stock de C pour chaque horizon de chaque carotte qui, rapportée à la surface de l’hectare, permet d’obtenir un stock de C par hectare (exprimé en tC/ha) pour chaque horizon et pour chaque site.

La somme du stock de C par hectare de chaque horizon permet d’obtenir le stock de C total par hectare sur une profondeur d’1 m. Les deux principaux déterminants du stock de C considérés ici sont donc la masse de terre fine de l’échantillon considéré et la teneur en C de cette terre fine.

2.7. Corrections effectuée sur la masse de terre fine et la teneur en argiles

Afin de faciliter la compréhension et de rendre compte au mieux des raisons qui nous ont poussés à effectuer certaines corrections, celles-ci sont expliquées en même temps que les résultats qui les justifient.

2.8. δ

13

C et détermination de l’origine du carbone

Le mécanisme de la photosynthèse n’est pas identique pour toutes les espèces végétales. On peut distinguer la photosynthèse de type C3 (le premier composé enzymatique formé lors du cycle de Calvin comporte 3 atomes de C), cycle le plus fréquent avec 85% des espèces végétales chlorophylliennes (Frontier, et al., 2008) et que l’on trouve notamment chez les arbres. Le cycle en C4 (le premier métabolite synthétisé lors du cycle de

(13)

Page 12 sur 34 Calvin est composé de 4 atomes de C) caractérise en particulier les graminées tropicales adaptées à des conditions élevées de température et de sécheresse (op. cit.). Chaque type de photosynthèse discrimine de façon différente le 13C (isotope stable naturel du 12C) par rapport au 12C 3. Ce fractionnement isotopique plus ou moins fort (le cycle en C3 est plus discriminant vis-à-vis du 13C que le cycle en C4) aboutit à une signature isotopique différente pour le C stocké par les arbres des forêts primaires étudiées (δ13C ~ -27‰) et par les graminées tropicales en C4 issues de la prairie ayant remplacé la forêt (δ13C ~ -11‰). L’analyse isotopique nous permet donc pour chaque site de calculer un stock de C issu de la forêt et un stock issu de la prairie.

Un système de deux équations permet d’obtenir le stock de C à priori issu de la forêt et celui nouvellement stocké par la prairie :

Ctot correspond au stock de C total du sol, Cf le stock de C à priori issu de la forêt et Cp le stock de C à priori issu de la prairie (en tC/ha). Cf et Cp sont les deux inconnues. Atot est l’abondance isotopique du 13C dans le sol de la prairie étudiée. Af et Ap sont les abondances isotopiques du 13C dans les racines de la forêt de référence pour la prairie considérée et de la prairie étudiée respectivement, car ce sont les racines qui injectent dans le sol du C au rapport isotopique qui les caractérise. Cette équation est issue d’un modèle très simple reposant sur l’hypothèse que le couvert végétal de la prairie est parfaitement stable dans le temps. Or la prairie est elle-même un système dynamique qui évolue dans le temps : lors de son installation elle est en général une monoculture de plantes en C4 (Brachiaria sp. en particulier) mais avec le temps des espèces en C3 peuvent s’installer (un repiquage ou un resemis sont alors envisageables). Afin d’éviter toute confusion, on parlera plutôt de C issu des plantes en C3 (qui peuvent être les arbres de la forêt ou des plantes adventices, noté C-C3) et de C issu des plantes en C4 (noté C-C4).

La formule utilisée pour calculer le stock de C-C4 est la suivante :

2.9. Analyse de la contribution des stocks de C issus des plantes en C3 et C4

au stock total de C

Afin d’évaluer la contribution au stock total de C corrigé des stocks de C issus des plantes en C3 et C4, un modèle linéaire simple (de la forme Y ~ λA + ρB, Y étant la variable expliquée, ici le stock total de C corrigé du sol ; A et B les variables explicatives, ici les stocks de C issus des plantes en C3 et en C4 ; et λ et ρ des coefficients) a été réalisé avec le logiciel R. La décomposition de variance (variance partitioning) effectuée à l’aide de ce même logiciel (fonction « varpart() » du package « vegan ») permet ensuite d’évaluer la part de la variance totale du stock de C corrigé du sol attribuable à chaque variable explicative.

3 Site Internet de l’INRA de Nancy :

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3. Résultats

3.1. Résultats bruts concernant les principaux déterminants du stock de C du

sol

3.1.1. Teneurs en C sous forêts et sous prairies

La teneur en C varie peu pour les sites de forêts Bf, Df et Mf : elle oscille autour de 20 gC/kg de terre fine pour l’horizon 0-20, 9 gC/kg pour l’horizon 20-50 et 4 gC/kg pour l’horizon 50-100. Les sites FCa et Rf se détachent au contraire largement de ces trois autres sites : leurs teneurs en C sont deux à trois fois supérieures à celles des autres sites pour tous les horizons (fig. 5).

Figure 5 - Teneur en C du sol des 5 sites de forêts témoins (en gC/kg de terre fine). Les différentes couleurs symbolisent chacun des 3 horizons distingués (0-20 cm, 20-50 cm et 50-100 cm). Ce graphique permet d’observer la diminution de la teneur en C du sol avec la profondeur et montre une grande différence entre deux groupes de forêts : les sites Bf, Df et Mf possèdent une teneur

en C faible alors que les sites FCa et Rf montrent une teneur en C très élevée.

La grandeur des écarts-types lorsque l’on compare les moyennes des teneurs en C sous forêts (5 sites), sous prairies jeunes (moins de 20 ans, 12 sites) et sous prairies âgées (plus de 20 ans, 11 sites) confirme cette grande variabilité des teneurs en C sous forêts mais également sous prairies (fig. 6, ci-dessous). En moyenne, quel que soit l’horizon considéré, les teneurs en C sont supérieures sous forêts par rapport aux prairies, et les teneurs en C sont supérieures sous prairies âgées par rapport aux prairies jeunes. Cependant, les différences ne sont pas significatives entre forêts et prairies. Elles sont significatives pour les horizons 0-20 et 50-100 entre les prairies âgées et les prairies jeunes (p-value < 0.05, test de Student).

(15)

Page 14 sur 34 Figure 6 - Comparaison de la moyenne des teneurs en C de la terre fine (gC/kg de terre fine) pour chaque horizon sous forêts,

prairies âgées de moins de 20 ans et prairies de 20 ans et plus. Les forêts possèdent une teneur en C du sol supérieure aux prairies (différence non significative). Les prairies âgées présentent une teneur en C significativement supérieure aux prairies

jeunes pour les horizons 0-20 et 50-100.

3.1.2. Variabilité de la masse de terre fine

Les masses de terre fine pour chaque horizon sont très variables entre sites, avec des densités apparentes de terre fine variant fréquemment du simple au double. En particulier, les masses moyennes de terre fine en forêt sont inférieures à celles des sites de prairies (fig. 7). La différence est significative pour tous les horizons (p-value < 0.05, test de Student).

Figure 7 - Comparaison des masses moyenne de terre fine des échantillons prélevés sous forêts (vert) et sous prairies (gris foncé) pour chaque horizon. Les barres d'erreur indiquent les écart-types. Les astérisques précisent le niveau de significativité

(p-value) de la différence observée (‘**’, 0.01 ‘*’ 0.05). Les masses de terre fine moyennes des échantillons prélevés en prairies sont supérieures à celles des sites de forêts pour tous les horizons (différence significative).

(16)

Page 15 sur 34 Cette différence de masse de terre fine peut s’expliquer, outre la variabilité

des éléments grossiers du sol, par un tassement du sol sous prairies et au contraire un gonflement du sol sous forêts par le travail des racines des arbres ou le dépôt superficiel d’un humus très aéré et non piétiné. Par ailleurs, un tassement peut avoir lieu lors du prélèvement à l’extrémité de la gouge, autant en prairie qu’en forêt. Il est probable que le bord incurvé de la gouge puisse tasser le sol en profondeur et l’empêcher d’être prélevé (fig. 8, flèches à l’extrémité inférieure de la carotte) ce qui pourrait expliquer une part de la différence entre les masses de terre fine décrite ci-dessus. La masse de terre fine doit donc être standardisée pour tous les sites afin de ne pas pénaliser les forêts peu tassées par rapport aux prairies (tassement différencié dû aux caractéristiques propres des écosystèmes) et de faciliter la comparaison des sites plus ou moins tassés lors du prélèvement car le tassement naturel ne dépend pas uniquement du type d’écosystème mais également des caractéristiques pédologiques de chaque site (Desjardins et al., 2004).

Considérant que les horizons superficiels avaient été prélevés dans tous les cas, les différences de masses de terre fine ont d’abord été corrigées en ajoutant ou en retirant une part de la terre fine à l’horizon 50-100 afin d’obtenir une même masse de terre fine sur 1 m pour tous les sites. Dans un second temps, les différents horizons

sont eux-mêmes corrigés afin d’obtenir une même masse de terre fine par horizon pour tous les sites, en conservant la masse de terre fine totale égale. Les différents horizons ne renvoient alors plus à une profondeur déterminée mais à une masse de terre fine donnée.

3.1.3. Variabilité de la texture des sols

La texture des sols étudiés est elle aussi très variable, aussi bien entre sites qu’entre les différents horizons d’un même site. Elle varie de limono-sableux (teneurs en sables proches de 75%) à argileux (teneurs en argiles de plus 60%). Etant donnée la forte relation positive rencontrée entre la teneur en argiles de la terre fine et la teneur en C de cette terre fine (fig. 9) ou le stock de C dans l’horizon de sol considéré (résultat non présenté), la teneur en argiles de chaque site a été corrigée afin d’obtenir des stocks de C correspondant à une teneur en argile moyenne identique pour tous les sites.

Figure 9 - Relation entre la teneur en argiles de la terre fine (g/kg de terre fine) et la teneur en C de cette terre fine (gC/kg de terre fine) pour tous les sites de prairies et de forêts et chaque horizon.

Figure 8 - Tassement du sol en profondeur lors du prélèvement.

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3.1.4. Relation entre masse de terre fine et teneur en argiles

Une relation négative a été observée entre la masse de terre fine et la teneur en argiles pour tous les horizons (fig. 10). Il existe également une relation négative entre masse de terre fine et teneur en C pour tous les horizons (résultats non montrés).

Figure 10 - Relation entre masse de terre fine et teneur en argiles pour l'horizon 0-20

3.2. Prise en compte de la dynamique du C sous forêts

La forêt naturelle est, tout comme la prairie, un système dynamique capable de stocker du C dans son sol. Les mesures effectuées par la tour Guyaflux (station scientifique de Paracou, Guyane française) ont estimé que la forêt stockait 1,6 tC/ha/an en moyenne de 2004 à 2007 (Bonal et al., 2008 ; Siebicke, com. pers.), dont 0,9 tC/ha/an dans la biomasse aérienne

(Rutishauser et al., 2010). Par soustraction, on estime donc qu’environ 0,7 tC/ha/an se retrouve stocké dans le sol, une estimation de stockage de C dans le sol supportée par des études sur d’autres forêts tropicales (Zhou et al., 2006 ; Luyssaert et al., 2008). Ces observations signifient que les prairies jeunes ont hérité d’un stock de C plus important que les prairies âgées (qui ont donc été déforestées plus tôt) dont la forêt d’origine a eu moins de temps pour stocker du C (voir schéma explicatif, fig. 11). La correction effectuée sur les stocks de C a consisté à les normaliser en prenant pour référence les prairies les plus jeunes (ayant donc hérité d’un stock de C-C3 issu de la forêt plus important).

Figure 11 - Schéma explicatif : Evolution du C issu de la forêt (C-C3) en fonction de l'âge des prairies

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3.3. Bilan des corrections effectuées

Trois corrections ont donc été effectuées sur les stocks de C calculés : 1) d’abord les stocks de C ont été corrigés afin d’obtenir une même masse de terre fine pour chaque horizon et pour tous les sites ; 2) puis ces stocks de C ont eux-mêmes été corrigés par la teneur en argiles (la référence prise en compte étant la teneur en argiles moyenne pour chaque horizon) ; 3) enfin la dynamique du C sous forêts a été prise en compte en ajoutant au stock de C total corrigé une quantité de C (qui aurait été stockée par la forêt) proportionnelle à l’âge de chaque prairie (0,7 tC/ha x âge).

Ci-dessous, les stocks de C bruts sous forêts et sous prairies sont d’abord mentionnés (partie 3.4), avant d’aborder l’effet des corrections.

3.4. Stocks de C bruts sous forêts et sous prairies

Les données concernant les stocks de C bruts des différents sites de forêts témoins sont présentés ci-dessous (fig. 12). De la même manière que les teneurs en C, les stocks de C bruts du sol des sites Bf, Df et Mf présentent une faible variabilité avec un stock de C moyen sur 1m de 80,7 ± 4,9 tC/ha. Le site Rf possède un stock de C brut supérieur (111,9 tC/ha), notamment dans l’horizon 20-50 dont le stock est 80% supérieur à ceux des trois sites précédemment évoqués. Le site FCa possède le stock de C brut le plus élevé (148,3 tC/ha), avec un stock de C par horizon supérieur à tous les autres sites pour tous les horizons. La différence est notoire dans l’horizon 50-100 cm (stock de C brut plus de deux fois supérieur à tous les autres sites pour cet horizon).

Toutefois, les stocks de C mesurés pour chaque site varient beaucoup moins que ce qu’aurait pu laisser attendre la très forte variabilité des teneurs en C observées (fig. 5, partie 3.1.1). Ceci s’explique par les relations négatives observées entre masse de terre fine et teneur en argiles, et entre masse de terre fine et teneur en C (voir fig. 10 partie 3.1.4)

3.4.1. Répartition du C dans le sol

De un tiers à plus de la moitié du stock de C mesuré sur 1 m se concentre dans l’horizon superficiel, de volume moindre mais très riche en C (fig. 12). Les horizons 20-50 et 50-100, bien qu’ayant des teneurs en C faibles, représentent de par leur volume une réserve de C élevée (en moyenne près de 60% du stock total de C).

Figure 12 - Stock de C du sol par hectare (en tC/ha) des sites de forêts témoins. Les différentes couleurs symbolisent chacun des 3 horizons distingués (0-20 cm, 20-50 cm et 50-100 cm), le total correspondant au stock de C du sol cumulé sur 1 m.

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3.4.2. Comparaison des stocks de C sous forêts et prairies

La comparaison des stocks de C moyens sur 1 m sous forêts, prairies de moins de 20 ans et prairies âgées de 20 ans et plus donne un résultat différent de celui observé pour les teneurs en C (fig. 6). Les prairies âgées présentent le stock brut moyen de C le plus élevé (fig. 13). La différence est non-significative avec les forêts mais significative avec les prairies de moins de 20 ans (test de Student, p-value = 0,016). Les forêts présentent un stock de C brut cumulé sur 1 m supérieur aux prairies de moins de 20 ans, cette différence n’étant pas significative.

Figure 13 - Comparaison des stocks de C brut moyens du sol cumulés sur 1 m pour les forêts témoins, les prairies de moins de 20 ans et les prairies âgées de 20 ans et plus. Les lettres a et b renvoient à la significativité des différences entre sites.

ab b

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3.5. Effet des corrections sur le stock de C du sol : exemple des forêts témoins

En moyenne, la correction effectuée par la masse de terre fine provoque une hausse du stock de C moyen sur 1 m sous forêts de plus de 20 tC/ha par rapport au stock brut mesuré (fig. 14 à droite). Le stock brut est présenté en noir et le stock corrigé par la masse de terre fine en gris clair). Cependant, après ajout de la correction sur les teneurs en argiles, la hausse du stock de C sur 1 m observée lors de la correction par la masse de terre fine est amoindrie, et le stock moyen sur 1 m sur forêt n’augmente plus que de 8 tC/ha par rapport au stock brut calculé initialement. En effet, les sites FCa et Rf ont vu leur stock de C augmenter fortement lors de la correction par la masse de terre fine (ils avaient des masses de terre fine brutes très faibles) mais ils ont ensuite été très affectés par la correction effectuée sur les teneurs en argiles en raison de leur forte teneur brute en argiles.

Au total, les deux corrections effectuées ici provoquent une hausse du stock moyen de C des forêts témoins et permettent de diminuer la variabilité inter-sites du stock de C, en témoigne la diminution de l’écart-type calculé de 27 tC/ha pour les stocks bruts à 21 tC/ha pour les stocks corrigés par la terre fine et la teneur en argiles (résultat non présenté).

Figure 14 - Effet de la correction par la masse de terre fine et de la correction combinée par la masse de terre fine et la teneur en argiles sur les stocks de C cumulés sur 1 m sous forêts (tC/ha). En noir sont montrés les stocks de C bruts, en gris clair les stocks de C corrigés par la masse de terre fine, et en gris foncé les stocks de C corrigés à la fois par la masse de terre fine et la

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3.6. Chronoséquence générale corrigée

La chronoséquence générale corrigée (fig. 15) regroupe tous les sites de prairies étudiés lors des campagnes 2011 et 2012 dont les âges varient de 6 mois à 41 ans (les sites de forêts ne sont pas présentés ici). Le stock de C correspond au stock de C du sol cumulé pour chaque horizon et corrigé par la masse de terre fine, la teneur en argiles ainsi que par la dynamique du C sous forêts. Durant les deux premières décennies suivant la déforestation, le stock de C cumulé sur 1 m varie peu par rapport au stock initial mesuré chez les prairies très jeunes. Il faut attendre 25 ans environ pour observer un véritable décollage du stock de C du sol.

Les différents horizons montrent des dynamiques du C du sol sensiblement différentes : alors que dans l’horizon profond la hausse du stock de C est lente mais continue dans le temps, les stocks de C sont beaucoup plus variables les premières années pour les horizons 20 et 250. C’est essentiellement dans ces horizons 0-20 et 0-20-50 que le « décollage » du stock de C se produit après 25 ans.

Les stocks de C atteints après 30 ans sont particulièrement élevés : 4 sites montrent des stocks de C cumulé sur 1 m supérieurs à 150 tC/ha.

Figure 15 - Chronoséquence générale corrigée montrant la reconstitution de la dynamique du C du sol cumulé pour chaque horizon (tC/ha). Le stock corrigé intègre les corrections par la masse de terre fine, la teneur en argiles ainsi que la dynamique du

C sous forêts. Les triangles noirs indiquent les stocks de C du sol pour l’horizon 50-100 cm de chaque site, les ronds blancs les stocks de C pour la profondeur 20-100 cm et les ronds noirs les stocks de C pour la carotte entière (1 m).

3.7. Comparaison des stocks de C corrigés

La fig. 16 ci-dessous compare les stocks de C moyens sur 1 m bruts (partie gauche de la figure) et corrigés par la terre fine et la teneur en argiles (centre de la figure), puis par la terre fine, la teneur en argiles et le C hérité des forêts témoins conformément à la correction évoquée au 3.2 (partie droite de la figure) pour les forêts témoins, les prairies de moins de 20 ans et les prairies âgées de 20 ans et plus.

Dans les trois cas, le stock de C moyen sur 1 m le plus élevé est trouvé sous prairies âgées de 20 ans et plus, et en second rang on retrouve les sites de forêts témoins.

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Page 21 sur 34 Dans le cas de la correction par la terre fine et la teneur en argiles uniquement (Correction TF+A), la différence est significative entre les forêts et les prairies de moins de 20 ans, et entre les prairies de plus de 20 ans et celles de moins de 20 ans. Elle n’est pas significative entre les forêts et les prairies de 20 ans et plus.

Dans le cas de la correction par la terre fine, la teneur en argiles et la dynamique du C sous forêts (Correction TF+A+C-C3), la différence n’est plus significative entre les forêts et les prairies de moins de 20 ans mais demeure significative entre les prairies de plus de 20 ans et celles de moins de 20 ans. Une autre différence importante est que, suite à cette correction complète, le stock de C moyen des prairies de 20 ans et plus est significativement supérieur à celui des forêts témoins.

Figure 16 - Comparaison des stocks de C bruts et corrigés pour les forêts témoins, les prairies de moins de 20 ans et les prairies de 20 ans et plus. "Correction TF+A" correspond à la correction par la terre fine et la teneur en argiles. "Correction TF+A+C-C3"

correspond à la correction par la terre fine, la teneur en argiles et la dynamique du C sous forêts. Suite à cette dernière correction, on observe une différence significative du stock de C entre prairies âgées et forêts témoins.

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3.8. Origine du carbone

L’analyse du δ13C du sol et des racines des sites étudiés permet de déterminer l’origine du C stocké dans le sol au cours du temps. Le stock de C sur 1 m issu des plantes en C4 (graminées prairiales) augmente de façon quasi-linéaire au cours du temps (fig. 17). Le stock de C issu du C-C3 hérité de la forêt mais également des plantes en C3 (légumineuses et adventices) évolue de façon très différente. On observe une décroissance au cours des 20 premières années suivie d’une augmentation importante sur les prairies âgées de plus de 25 ans. Un patron similaire s’observe pour tous les horizons pris séparément (résultats non présentés).

Figure 17 - Origine du C du sol des sites de la chronoséquence. Le stock de C a été corrigé par la masse de terre fine, la teneur en argiles et la dynamique du C sous forêts. Il correspond au stock cumulé sur 1 m. En noir, on observe l'évolution du stock de

C issu des plantes en C4 (C-C4), et en bleu le stock de C issu des plantes en C3 (C-C3 hérité des forêts ou des plantes adventices).

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Page 23 sur 34 Les résultats du modèle linéaire simple présenté au 2.9 confirment l’importance de la contribution au stock total de C du stock de C issu des plantes en C3 observée dans le graphique ci-dessus. La dynamique du C-C3 explique 55% de la variance du stock de C total contre 42% pour le C issu des graminées en C4.

De la même manière, l’étude du δ13C des racines des sites étudiés permet une reconstitution sur le long terme de l’évolution de leur couvert végétal (fig. 18). Durant les premières années suivant la déforestation, la présence de nombreuses racines mortes héritées de la forêt (signature C3) ainsi que des racines issues des graminées prairiales (signature C4) donne un signal isotopique intermédiaire C3/C4. Les prairies d’âge compris entre environ 10 et 30 ans possèdent elles un signal racinaire C4 très marqué. Par la suite, dans les prairies âgées, le signal isotopique des racines tend à nouveau vers un signal intermédiaire C3/C4, traduisant un envahissement de la prairie par des plantes adventices.

Figure 18 - Evolution temporelle du δ13C des racines des sites de prairies étudiés. Le δ13C est donné en ‰. Un δ13C proche de

-29‰ traduit la présence de racines de forêt ou d'adventices alors que des valeurs proches de -13‰ traduisent la présence de racines issues des graminées en C4 de la prairie.

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4. Discussion et perspectives

Seule la chronoséquence générale a été présentée dans ce rapport afin de permettre une description de la dynamique du C sur le long terme incluant tous les sites étudiés. Pour une description détaillée des différentes micro-chronoséquences, voir Ponchant (2011).

4.1. Dynamique observée du C du sol

Le stock de C du sol du sol semble stagner durant plus de deux décennies avant d’augmenter fortement dans notre étude. Cette situation contraste avec les observations faites dans Desjardins et al. (2004) où les prairies semblent montrer une hausse du stock de C du sol et de la teneur en C du sol dès les premières années suivant la déforestation.

Les graminées prairiales (C4) stockent de façon continue du C dès les premières années suivant l’installation de la prairie. Nous n’observons pas de plateau sur notre gamme d’échantillonnage qui inclut des prairies âgées de jusqu’à 41 ans.

En parallèle, le stock de C issu du C-C3 hérité de la forêt et des plantes en C3 (légumineuses et adventices) est décroissant durant les 20 premières années du fait de la décomposition et des pertes diverses (lessivage, …) de C du sol de la forêt initiale. Puis sur les prairies âgées de plus de 25 ans, le stock de C issu du C-C3 montre une forte augmentation probablement liée au développement plus marqué des espèces adventices et/ou des légumineuses durant cette période (ainsi qu’à la correction par le stock de C hérité de la forêt).

4.2. Capacité des prairies à compenser une part de la perte de C induite par la

déforestation

La comparaison des stocks de C du sol bruts sur 1 m a montré que les prairies âgées possèdent un stock de C du sol supérieur aux forêts témoins. Cependant la différence est non significative du fait de la forte variabilité entre sites.

Une fois les corrections effectuées par la masse de terre fine et la teneur en argiles, et la dynamique du C sous forêts prise en compte, le stock de C du sol des prairies âgées est significativement supérieur à celui des forêts témoins. Ce résultat permet de conclure que les prairies âgées, en stockant plus de C dans leur sol que la forêt d’origine, peuvent effectivement compenser une part des pertes de C induites par la déforestation en plus de participer au développement de l’élevage en Guyane.

Toutefois, il s’agit bien ici de bilans de C du sol ne prenant pas en compte les émissions d’autres gaz à effet de serre (CH4, N2O) induits par l’élevage et qui peuvent fortement contrebalancer l’efficacité des prairies en tant que puits de C (des études sont en cours dans le cadre du projet CARPAGG au sujet de ces GES).

4.3. Importance de la prise en compte du tassement du sol

La hausse de la densité du sol provoquée par un tassement lors de la conversion de la forêt en prairie est observée dans certaines études mais non prise en compte (Da Silva et al. 2009 ; Desjardins et al., 2004). Le fait de ne pas prendre en compte ce changement induit un biais pénalisant le stock de C du sol des forêts par rapport aux prairies. Les modifications des caractéristiques du sol induites par la transition entre écosystèmes doivent être considérées afin de permettre une comparaison pertinente entre ces différents écosystèmes. Ces mêmes études mentionnent également un plus fort tassement sous prairies âgées que sous prairies jeunes, d’où l’existence d’un biais non seulement entre forêts et prairies mais également entre prairies jeunes et prairies âgées.

Le raisonnement est le même que dans les études concernant la comparaison des stocks de C entre des cultures avec travail du sol et des cultures sans travail du sol. Puisque le labour induit une diminution de la densité du sol et que le non-labour favorise au contraire un tassement du sol, de nombreuses études raisonnent en masse de sol prélevé et non en volume afin de ne pas biaiser la comparaison des stocks de C de ces sols (Powlson et al., 2012).

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4.4. Pédogenèse et localisation des stocks de C

La relation négative observée entre masse de terre fine et teneur en argiles (fig. 10, partie 3.1.4) peut s’expliquer par une plus faible masse volumique des sols argileux (1000 kg.m-3 < ρ < 1500 kg.m-3)par rapport aux sols sableux (1400 kg.m-3 < ρ < 1700 kg.m-3).

Par ailleurs, il est possible que cette relation traduise l’existence de deux phénomènes distincts de pédogenèse : d’un côté, une roche mère fractionnée en certains endroits très localisés pourrait participer à la formation de beaucoup d’argiles (forte dégradation de la roche mère) tout en maintenant une masse de terre fine faible (puisque le sol est essentiellement composé de cailloux). De l’autre, un fractionnement plus homogène mais moins intense ferait augmenter la masse de terre fine mais avec une teneur en argiles plus faible.

La forte teneur en C des sols argileux est donc contrebalancée par une plus faible masse de terre fine (masse non corrigée). En résumé, dans le calcul de leur stock de C brut, des sols sablonneux seront plutôt limités par leur teneur en C alors que des sols argileux seront plutôt limités par leur masse.

Un déterminant supplémentaire du stock de C n’a pas été pris en compte dans les corrections. Le calcul du stock de C brut du sol tient en effet compte de la quantité de cailloux présents dans le sol, qui fait diminuer la densité apparente de terre fine du sol, donc le stock de C brut. Or nous avons standardisé la masse de terre fine pour tous les sites, ce qui revient à considérer que la quantité de cailloux est elle-même égale pour chaque site. Il aurait été plus réaliste de standardiser la masse totale du sol de chaque site (incluant la terre fine et les cailloux). Cependant, la correction par la masse de terre fine seule possède l’avantage de permettre une comparaison des stocks de C entre sites écartant la forte variabilité locale des masses de cailloux du sol.

4.5. Contribution des plantes en C3 et C4 à la hausse du stock de C du sol

observée dans la chronoséquence

L’étude de la contribution au stock de C total du sol des plantes en C3 et en C4 montre que le décollage du stock de C total corrigé après 25 ans est plus expliqué par une hausse du stock de C issu des plantes en C3 que par une hausse du stock de C issu des graminées prairiales, même si ce dernier stock croît également.

En surface, cette hausse du stock de C issu des plantes en C3 est très probablement liée à l’envahissement des prairies âgées par des plantes adventices en C3 (envahissement confirmé par l’étude du δ13C racinaire sur ces sites et les observations floristiques sur le terrain). Cependant, l’hypothèse d’une meilleure conservation du stock de C hérité de la forêt d’origine ne peut être complètement écartée notamment pour les horizons profonds dont le C a un temps de résidence de plusieurs milliers d’années (Fontaine et al., 2007). Par ailleurs, l’ajout de C hérité de la forêt fait augmenter les stocks de C issus de plantes en C3 pour les prairies les plus âgées, même si une hausse du stock de C-C3 s’observe également sans correction de ce stock de C hérité de la forêt.

Une étude plus approfondie des espèces végétales présentes à l’échelle de la parcelle pourrait permettre de confirmer le rôle de la diversité biologique ou de certains groupes fonctionnels (les légumineuses notamment) dans la séquestration de C dans le sol. En effet les différentes espèces sont présentes sous formes de patches qui se déplacent dans le temps, et la signature isotopique d’un sol constitue une donnée intégrative prenant en compte les espèces présentes sur le lieu et à la date du prélèvement mais aussi les espèces qui étaient présentes les années précédentes. Certaines études montrent en effet un effet positif du dépôt d’azote (donc de la présence de légumineuses) sur la séquestration de C dans le sol (Bowden et al., 2004 ; Sierra et al., 2005 ; van Groenigen et al., 2006 ; Bradford et al., 2008). La hausse continue du stock de C issu des plantes en C4 alors même que la proportion de plantes en C4 semble diminuer dans le temps avec la colonisation de la prairie par des plantes adventices (fig. 18) peut être liée à la présence accrue de ces légumineuses.

Cependant, face à cette diversification des espèces prairiales avec l’âge de la prairie, il est important d’étudier si cette diversification n’entraîne pas une dégradation de la qualité du fourrage, car le rôle de la prairie comme puits de C ne doit pas aller à l’encontre du rôle principal des prairies comme sources d’aliments pour le bétail.

L’objectif pourrait consister à établir des indicateurs de gestion des systèmes pâturés visant le maintien d’un couvert herbacé dominant (graminées et légumineuses) apte à fournir une production fourragère suffisante pour les productions animales et compatible avec la présence d’espèces non fourragères mais ayant un rôle clé dans le stockage de C du sol.

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