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Texte intégral

(1)

M i g r a t e u r s

ide

pour reconnaître les oiseaux

de passage

UNIL I Université de Lausanne

B i o t e r r o r i s m e Que se

passerait-il si des t e r r o r i s t e s utilisaient

K., des virus?

E n q u ê t e s u r ce scénario de série T V

qui peut devenir une réalité

Psychologie Fans de sports extrêmes, les jeunes prennent volontiers des risques. Mais pourquoi donc?

Beaux-Arts Félix Vallotton, bientôt

l'intégrale

(2)

ÈDITO

People

>

P O U R RÉUSSIR, IL F A U T U N E V I S I O N CLAIRE E T D E S V A L E U R S .

D A N S LES D O M A I N E S A U D I T , T A X E T A D V I S O R Y , V O U S TRAVAILLEZ D E P A I R A V E C LE C O N S E I L D ' A D M I N I S ­ T R A T I O N E T LA D I R E C T I O N D E N O S C L I E N T S . V O U S LES A S S I S T E Z E N M A T I È R E D E C O R P O R A T E G O V E R ­ N A N C E E T D E G E S T I O N G L O B A L E E F F I C A C E D E L'ENTREPRISE. K P M G V O U S OFFRE U N E N V I R O N N E M E N T I N T E R N A T I O N A L P A S S I O N N A N T .

H T T P : / / C A R E E R S . K P M G . C H

Consommateurs de tous Les pays...

C

I est devenu une habitu­

de, presque un réflexe.

L'organisation d'un Forum de Davos ou d'un G8 dans nos contrées déclenche des cortèges de manifestations. Les oppo­

sants à la mondialisation défi­

lent en plus ou moins bon ordre, mais en rangs serrés, pour

réclamer des salaires équitables pour tous, la fin des licenciements dans les entreprises bénéficiaires et davantage d'éthique dans le grand capital.

Difficile de ne pas défendre ces idéaux altruistes, qui sont certainement parta­

gés par une bonne majorité des Suisses.

Du moins en théorie. Mais le sont-ils éga­

lement dans la pratique? A l'évidence pas. A cet égard, le comble de l'absurde a certainement été atteint lors du G8 d'Evian, quand des altermondialistes ont attaqué la station-service d'une multi­

nationale, non loin de Genève, pour y voler des sodas et des cigarettes de mar­

ques américaines.

Il y a plus grave. Car les manifestants anti-G8 ne détiennent pas le monopole de l'inconséquence. En effet, si l'on en croit une étude citée dans ce magazine (c'e<tt en page 42), les consommateurs ne seraient que 11% à s'intéresser à l'ori­

gine des produits qu'ils placent dans leurs caddies quand ils font leurs courses. Une indifférence de l'acheteur occidental qui s'explique peut-être par le sentiment qu'il n'y a rien à faire contre l'armada des industriels.

Jocelyn Rochat Rédacteur en chef

Mais le consommateur est-il à ce point désarmé? Voilà qui reste à prouver. Car nous savons tous qu'il n'y a pas plus sensible à l'évolution de son chiffre d'affaires qu'un chef d'entreprise. Un seul exemple devrait nous ouvrir des hori­

zons nouveaux. La tentative d'introduction des aliments contenant des organismes génétiquement modifiés (OGM) a montré que le lobby industriel n'est pas tout-puissant.

Alors que les multinationales de la chi­

mie et de l'agroalimentaire étaient una­

nimement favorables aux OGM, l'inquié­

tude manifestée par les consommateurs a incité les grands distributeurs à retar­

der leur arrivée sur le marché. La preuve est faite que, quand des clients affichent clairement leurs intentions, ils peuvent obtenir des résultats tangibles.

Les consommateurs de tous les pays ne l'ont pas encore compris, mais ils détiennent la seule arme susceptible de ramener les entreprises à davantage de raison civique. Enfin, s'ils sont capables de s'unir un jour. Que les consommateurs commencent à manger, à boire, à jouer et à s'habiller de manière éthique, et les multinationales s'adapteront. Pas parce qu'elles en ont envie, mais parce qu'elles obéissent aux lois du marché. C'est aussi simple et aussi efficace que cela. Mais c'est juste un peu plus cher.

Jocelyn Rochat

Le grand cormoran apprécie no.t contrée.* durant l'hiver. Celui-là a été photographié au zoo de Bâle, en novembre 2004

Magazine de l'Université de Lausanne :

№ 3 1 , février 2005 Tirage 24'000 exemplaires 48'400 lecteurs (Etude M.I.S Trend 1998) http://www.unil.ch/spul Rédaction:

Rédacteur en chef : Jocelyn Rochat, journaliste au Matin Dimanche

Collaborateurs: Michel Beuret, Pierre-Louis Chantre, Elisabeth Gordon, Giuseppe Melillo, Elisabeth Gilles Photographe : Nicole Chuard, Denis Balibouse

Infographies: Pascal Coderay Photos de couverture : Cormoran: J. Rochat

Bioterrorisme: www.photos.com Ski: www.ripcurl.com

F. Vallotton: Andromède enchaînée, 1925 Collections du Musée d'art et d'histoire de la Ville de Genève

Correcteur: Albert Grun Concept graphique:

Richard Salvi, Chessel Publicité: EMENSI publicité, Cp 132, 1000 Lausanne 7 Tél. 021 729 98 8 1 , fax 021 729 99 08 e-mail: emensi@bluewin.ch Imprimeries Réunies Lausanne s.a.

1020 Renens

Editeur responsable:

Université de Lausanne Marc de Perrot, secrétaire général Jérôme Grosse, resp. Unicom Axel A. Broquet, adjoint Florence Klausfelder, assistante Unicom, service de communication et d'audiovisuel - Université de Lausanne Collège propédeutlque 2 - 1015 Lausann tél. 021 692 22 80

uniscope@unil.ch

A L L E Z S A V O I R ! / № 3 1 F É V R I E R 2 0 0 5 1

(3)

So inmaire.

«Ce dont surtout ded qui achètent Vart Jultttte»

D e V a l l o t t o n à Ffodler, en p a s s a n t p a r A n k e r , A m i e t , G i a c o m e t t i et Eugène B u r n a n d , les e x p o s

consacrées à des artistes h e l v è t e s sont de g r a n d s succès publics. Et les v e n t e s de l e u r s t a b l e a u x s e m b l e n t a v o i r le v e n t en p o u p e . Reste que ce succès a p p a r e n t doit ê t r e relativisé, selon P a u l - A n d r é J a c c a r d , enseignant en h i s t o i r e de l'art à l'UNIL. S o n in- t e r v i e w en page 14

Edito page 1 L ' U N I L en livres page 4 Rendez-vous à l ' U N I L page 6

B E A U X - A R T S

I

F é l i x V a l l o t t o n , ce F r a n ç a i s

d'origine suisse page 8 Ces prochaines semaines sort de presse le Cata­

logue raisonné de l'œuvre peint du Lausannois Félix Vallotton, qui se verra consacrer deux expo­

sitions. C'était l'occasion de s'intéresser à cet artiste qui se trouve progressivement ramené à une helvétitude qu'il n'a pourtant jamais reven­

diquée ni vécue.

P S Y C H O L O G I E

P o u r q u o i les j e u n e s p r e n n e n t

des r i s q u e s page 1 6 Amateurs de sports extrêmes qui sortent des pistes, jeunes urbains qui effectuent des rodéos en voiture, toxicomanes... les conduites à risque semblent de plus en plus nombreuses dans nos sociétés. L'analyse de Monique Bolognini et Ber­

nard Plancherel, deux chercheurs de l ' U N I L .

B A L A D E

U n h i v e r p o u r d é c o u v r i r

les oiseaux d'eau page 2 4

De nombreux promeneurs nourrissent les canards et les cygnes au bord de nos lacs. Ils pourraient profiter de cette promenade charitable pour découvrir la trentaine d'autres espèces qui sont également visibles à cette époque de l'année.

Suivez le guide.

I N T E R V I E W

«Les é v a n g é l i q u e s sont en n e t t e croissance p a r r a p p o r t a u x a u t r e s

Eglises en Suisse» page 54 J ö r g Stolz, professeur en sociologie de la reli­

gion à l'Université de Lausanne, et Olivier Favre, doctorant en sciences sociales et pasteur de l'Eglise évangélique apostolique, s'apprêtent à faire paraître la première étude empirique sur l'évolution du mouvement évangélique en Suisse. Avant-goût.

E C O N O M I E

JnMspwges Ito

I m h o J A n r w a.

"-Wien m

Le c o n s o m m a t e u r se

soucie-t-il de l'origine des p r o d u i t s

qu'il a c h è t e ? page 4 2 Le récent Forum de Davos l'a rappelé: la mon­

dialisation économique et la globalisation néoli­

bérale énervent une large frange de la population.

Le consommateur joue-t-il pour autant son rôle en faisant des achats qui tiennent compte de ses critiques? Ce n'est pas sûr, répond J e a n - C l a u d e Usunier, professeur d'économie à l'UNIL.

A L L E Z S A V O I R ! / № 3 1 F É V R I E R 2 0 0 5

Allez savoir !

E N A P A R L É !

M E D E C I N E

Faut-il a v o i r p e u r de la m e n a c e

b i o t e r r o r i s t e ? page 5 0 Un dangereux virus, qui pourrait arriver dans les mains de terroristes, est au centre de la troi­

sième saison de la série «24h chrono», prochai­

nement sur les écrans de la T S R . M a i s le péril biologique n'est pas pure fiction, et les experts le prennent très au sérieux.

L A V I E À L ' U N I L

Formation continue page 61 Abonnez-vous, c'est g r a t u i t ! page 64

Parlez-moi d

y

argent!

B i b l i s t e e t p r o f e s s e u r à l a F a c u l t é d e t h é o l o g i e d e l ' U N I L , D a n i e l

M a r g u e r a t p r o p o s e u n p a r c o u r s d e r é f l e x i o n p l u r i d i s c i p l i n a i r e c o n s a - c r é à l a s i g n i f i c a t i o n d e l ' a r g e n t . U n p s y c h o t h é - r a p e u t e y p a r l e r a d u l i e n e n t r e a r g e n t e t d é v e l o p - p e m e n t d e l a p e r s o n n e . U n é t h i c i e n y a b o r d e r a les v a l e u r s v é h i c u l é e s p a r l ' a r g e n t . U n é c o n o m i s t e é v o q u e r a s o n r ô l e m o t e u r d a n s l ' é c o n o m i e , e t c . L e d é t a i l d e c e s 1 0 s é a n c e s en page 62

P E R S O N O F T H E

Y E A R

AMERICAN REVOLUTIONARY

George W. Bush, un modèle pour les

«réveillés» suisses?

V

ue d'Europe, l'affaire semblait acquise. En novembre 2004, les Américains chargés d'élire leur nouveau président allaient forcément voter en fonction des opérations militaires en Irak. Et les mensonges utilisés par George W. Bush pour engager son pays dans cette aventure devaient le pénaliser.

Enfin, en principe...

Dans la réalité, la question de l'Irak n'a été décisive que pour 15% des électeurs. Ce sont les sondages effectués à la sortie des urnes qui nous l'ont appris. En revanche, les Américains ont été 19% à se décider en réfléchissant à la menace terro­

riste et en se demandant qui les protégerait le plus efficace­

ment. Ils ont été 20 % à estimer que la situation économique du pays était prioritaire dans leur choix. Et surtout, ils ont été 22 % à affirmer qu'ils avaient désigné leur futur président en fonction de ses «valeurs morales».

Ce qui nous ramène au dernier numéro d'«Allez savoir!», dont la Une était consacrée à «La reli­

gion de George W. Bush». Un

choix judicieux, comme l'ont montré les élections américaines qui ont fait apparaître un pays divisé, un pays où ceux qui vont à l'Eglise plus d'une fois par semaine ont voté Bush à 61 % et Kerry à 3 9 % . Ce qui fait dire à Richard Viguerie, l'une des figures de la droite chrétienne américaine, que «la révolution est en marche. Les valeurs chrétiennes conservatrices ont gagné cette élection.»

Reste à savoir si l'émergence de ces «réveillés», comme on le dit ici, restera limitée aux seuls Etats-Unis. Reste à savoir si ces communautés évangéliques qui parlent en ligne directe avec Dieu et dont George W. Bush est la figure de proue, ne vont pas s'inspirer des succès du président américain pour se pro­

filer dans nos contrées qui comptent de nombreux protestants.

Le sujet était suffisamment important pour que nous y reve­

nions dans cette édition d'«Allez savoir! » par le biais de notre interview (à lire en page 34 et suivantes). Car cette question n'est pas anodine. Au fond, il s'agit tout simplement de savoir si nous aurons un jour, à notre tour, un clone de George W.

Bush au Conseil fédéral.

Jocelyn Roc bat

A lire à ce propos :

Allez savoir! № 30, d'octobre 2004, un numéro déjà épuisé, mais que l'on retrouve sur Internet à l'adresse:

www2.unil.ch/spul/allez_savoir/as30/

pages/religion.html

(4)

L'UNIL en livrer

Enquête sur le

«miracle» chinois La Chine et son «miracle» ne se réduisent pas à la croissance ver­

tigineuse de Shanghai ou de Can­

ton, assure Antoine Kernen. Cet enseignant à l'Institut d'Etudes Politiques et Internationales de l'UNIL a donc effectué une longue enquête de terrain à She- nyang, un bastion industriel de l'ancienne économie socialiste durement éprouvé par le passage à l'économie de marché. Il en a tiré un livre montrant notamment que les entreprises d'Etat, loin de se désengager, restent au centre des réformes de cette économie qui, en fait, demeure «socialiste de marché» en dépit de son nou­

vel affichage. Un éclairage neuf et nuancé sur la révolution indus­

trielle chinoise, qui sera tout aussi lourde de conséquences sur notre monde que le fut la révolu­

tion communiste de 1949. J.R.

C E R I

La Chine vers l'éœnomie démarché

LES PRIVATISATIONS À SHENYANG

<5

«LA CHINE VERS L'ÉCONOMIE DE MARCHÉ. LES PRIVATISATIONS À SHENYANG». ANTOINE KERNEN, KARTHALA, COLLECTION CERI-RECHERCHES INTERNA­

TIONALES, PARIS. 2004, 272 P.

S o c i o l o g i e et littérature

«Pourquoi porter un œil sociolo­

gique sur la littérature? Qu'ap­

porte une science du collectif à propos d'un art où semble domi­

ner la singularité?» se demande Jérôme Meizoz dans son dernier ouvrage, «L'œil sociologue et la littérature». Le Dr ès lettres de l'UNIL y répond notamment que le sociologue de la culture peut faire apparaître la complexité de la littérature, placée au cœur des conflits symboliques dont est tis­

sée la société. Son «œil sociolo­

gique» articule les rapports entre auteur, texte et société permet­

tant de mieux comprendre pour­

quoi un texte a pris telle forme parmi une infinité d'autres formes coexistantes possibles. Un exer­

cice qui porte notamment sur Eluard, les surréalistes, CF.

Ramuz, B. Cendrars et Houelle- becq. J.R.

«L'ŒIL SOCIOLOGUE ET LA LITTÉRATURE, ESSAI». JÉRÔME MEIZOZ, SLATKINE, GENÈVE, 2004. 256 P.

Necker

ET L'OPINION PUBLIQUE

Necker et l'opinion publique

Sous le règne de Louis XVI, le ministre des Finances Jacques Necker fut à la fois l'un des prin­

cipaux théoriciens de l'opinion publique et l'idole de celle-ci. Le livre de Léonard Burnand, docto- rant en histoire moderne à l'UNIL, explore cette étonnante relation en examinant comment Necker a défini l'opinion publique et pour­

quoi il a fait appel à elle, avant de parcourir les multiples sources (chansons, pamphlets, estampes, gazettes...) qui nous éclairent sur la façon dont le Genevois était perçu par ses contemporains. J.R.

«NECKER ET L'OPINION PUBLIQUE», LÉONARD BUR­

NAND, TRAVAUX ET RECHERCHES DE L'INSTITUT BEN­

JAMIN CONSTANT, ED. HONORÉ CHAMPION, PARIS, 2004,125 P.

Mussolini et l'UNIL • Pourquoi l'UNIL a-t-elle attribué des palmes académiques à Benito Mussolini en avril 1937?

Le professeur d'économie Jean- Christian Lambelet a décidé de revenir, en collaboration avec Olivier Robert, sur cet épisode symbolique des rapports entre­

tenus par les dirigeants fascistes des années 30 et certains milieux intellectuels européens. Dans le

Jean-Christian Lambelet DES I'ALMKS ACADEMIQUES

L'ILI K

BENITO MUSSOLINI

L>: IWHTKI K HIIMIHI

tm I.'I MVAANL I>»: I UTAOWT VI M O: I

cas qui nous intéresse, le pro­

fesseur attribue, au terme de son enquête, la responsabilité de cet épisode peu glorieux «à un engre­

nage qui a laissé peu de place aux protagonistes lausannois de l'affaire». J.R.

«DES PALMES ACADÉMIQUES POUR BENITO MUSSOLINI», JEAN-CHRISTIAN LAMBELET, AVEC LA COLLAB. D'OLIVIER ROBERT, ED. L'AGE D'HOMME, 2004,197 P.

iisnm

us mots POUB

Comment parler du sida Enseignant la linguistique et

privat-docent à la Faculté de biologie et de médecine de l'UNIL, Pascal Singy a enquêté auprès des méde­

cins de premier recours pour connaître leurs attitudes dans la prévention du sida.

Un travail qui souligne l'importance du dialogue entre le médecin et son

patient.

Malgré les progrès spec­

taculaires des thérapies, la prévention demeure l'unique moyen d'enrayer

la propagation du virus.

L'échange d'informa­

tions dans l'intimité du cabinet médical joue donc un rôle capi­

tal. Le livre de Pascal Singy veut rendre ses lecteurs attentifs aux limites potentielles d'une mau­

vaise communication. Ainsi, des termes tels que «fidélité», «rela­

tion sexuelle», «coucher avec»,

«fellation», etc., peuvent avoir un sens différent selon le sexe, le vécu, l'éducation ou les convic­

tions religieuses de chacun.

Autant de malentendus que Pas­

cal Singy cherche à éviter. A.B.

«LE SIDA AU CABINET MÉDICAL. LES MOTS POUR EN PARLER», PASCAL SINGY, EDITIONS MÉDECINE &

HYGIÈNE, CHÊNE-BOURG, 2004,137 P.

4 A L L E Z S A V O I R ! / № 3 1 F É V R I E R 2 0 0 5

L'UNIL en livree

Amours a n i m a l e s Photographe animalier hors pair, Daniel Aubort partage depuis longtemps la passion de la faune avec Michel Sartori, directeur du Musée cantonal de zoologie, et Daniel Cherix, conservateur de ce musée et professeur extraordi­

naire au Département d'écologie et d'évolution de la Faculté de biologie et de médecine de l'UNIL.

Noces animales

De ses voyages qui l'ont emmené de rochers ensoleillés de l'île de Rhodes aux étendues glacées du Spitzberg, en Norvège, Daniel Aubort a rapporté plus de 200 photos de préliminaires et d'ébats amoureux d'une centaine d'animaux.

Les coauteurs de cet ouvrage consacré aux «Amours animales», auxquels il faut associer le pro­

fesseur Laurent Keller qui signe la préface, y ont ajouté par leurs commentaires une touche scien­

tifique et des anecdotes sur le comportement ou l'habitat des mammifères, insectes, oiseaux, reptiles ou autres représentants des espèces animales illustrées.

A.B.

«NOCES ANIMALES», DANIEL AUBORT, MICHEL SAR­

TORI, DANIEL CHERIX, COÉDITION DANIEL AUBORT EDI­

TIONS ET MUSÉE CANTONAL DE ZOOLOGIE À LAUSANNE, 2004,132 P., 216 PHOTOS.

Vieillissement cérébral

«Du vieillissement cérébral à la maladie d'Alzheimer» est un ouvrage collectif né de la rencontre de spécialistes de la question qui souhai­

tent apporter un éclai­

rage nouveau sur les méthodes de prise en charge et de réadapta­

tion des malades. Le livre propose une remise en ques­

tion des connaissances et des pratiques relatives aux phéno­

mènes de vieillissement, sain et pathologique. Les dix-huit auteurs offrent notamment une analyse fouillée des difficultés cognitives liées à l'âge. Ils s'adressent tout autant au prati­

cien qui recherche des fonde­

ments théoriques qu'à l'étudiant

AUIOWF DE LO NO*"

^fc DEBOECK

qui désire comprendre comment les connaissances issues de la recherche fondamentale s'arti­

culent avec la pratique. A.B.

«DU VIEILLISSEMENT CÉRÉBRAL À LA MALADIE D'ALZHEIMER. AUTOUR DE LA NOTION DE PLAS­

TICITÉ», PAR FRANÇOISE SCHENK, GENEVIÈVE LEUBA, CHRISTOPHE BÛLA, COLLECTION NEUROSCIENCES &

COGNITION, DE BOECK UNIVERSITÉ

La photographe de presse Nicole Chuard, qui réalise les photos d'« Al lez savoir!» depuis dix ans, a récemment rassem­

blé une sélection de son travail dans une banque d'images ins­

tallée sur Internet. On y retrouve notamment les nom­

breuses photos de profes­

seurs, d'étudiants et de docto- rants de l'UNIL réalisées pour

Les photos d'«Allez savoir!)

le magazine de l'Université de Lausanne.

Cette banque d'images est également alimentée par des sujets hors actualité immé­

diate, destinés à illustrer des articles liés à la vie politique, sociale ou économique. Le fonds sera également com­

plété, semaine après semaine, et des contributions d'autres

photographes de presse vien­

dront enrichir et diversifier l'offre.

Notons enfin qu'il est désor­

mais possible, par ce biais, d'obtenir des versions numéri­

sées comme des tirages papier des photos réalisées. J.R.

HTTP://WWW.NICOLECHUARD.CH

Potocki, une biographie Parce qu'il avait fréquenté son sa­

lon, Madame de Staël l'appelait son

«beau ténébreux». Non content de croiser des lettrés comme Mirabeau et de traverser la France de la Révo­

lution, le comte Jean Potocki s'est encore promené du désert d'Egypte aux steppes du Caucase, pour deve­

nir l'une des figures hautes en cou­

leur du XVIIIe siècle. Passé par la cour du sultan du Maroc, il est éga­

lement devenu conseiller privé du jeune tsar Alexandre Ie r, avant de se suicider en 1815. François Ros- set, qui enseigne la littérature à l'UNIL et à l'EPFL, et qui coédite ses œuvres complètes dont le célèbre

«Manuscrit retrouvé à Saragosse», lui consacre une biographie dépay­

sante. J.R.

«JEAN POTOCKI, BIOGRAPHIE», FRANÇOIS ROSSET ET DOMINIQUE TRIAIRE, FLAMMARION, PARIS, 2004, 506 P.

A chacun son c e r v e a u Et si, selon le vœu même de Freud, la psychanalyse pouvait trouver un appui dans les neu­

rosciences? Et si, réciproque­

ment, celles-ci gagnaient à intégrer leurs découvertes au modèle psychanalytique? Le psychanalyste et professeur de pédopsychiatrie à l'UNIL Fran­

çois Ansermet et le professeur de neurosciences à l'UNIL et à l'EPFL Pierre Magistretti ont cherché à trouver une articula­

tion originale entre ces deux dis­

ciplines souvent présentées comme antagonistes. L'occasion d'explorer les bases biologiques de l'inconscient à travers un nouveau paradigme. J.R.

FRANÇOIS ANSERMET PIERRE MAGISTREITI

À CHACUN SON CERVEAU

PLASTICITÉ NEURONALE ET INCONSCIENT

«A CHACUN SON CERVEAU, PLASTICITÉ NEURO- NALE ET INCONSCIENT», PAR FRANÇOIS ANSERMET ET PIERRE MAGISTRETTI. ED. ODILE JACOB, PARIS, 2004, 280 P.

A L L E Z S A V O I R ! / № 3 1 F É V R I E R 2 0 0 5 5

(5)

Rendez- voué à t'UNIL

Une psychothérapie, c'est efficace?

L'évaluation de l'efficacité des psychothérapies est souvent la cause d'un débat passionné, voire passionnel. Les raisons en sont nombreuses. Peut-être faut-il in­

criminer le paradoxe qui voit des méthodes statistiques basées sur les grands nombres appliquées à des formes de traitement dont

l'esprit, si ce n'est la technique, visent à mettre en évidence la singularité de la trajectoire de vie de chaque patient.

Cette discussion est aussi influ­

encée par des partis pris qui ne sont pas seulement scienti­

fiques. Les études consacrées à l'efficacité des psychothérapies débouchent sur des résultats très intéressants, dont le moindre n'est pas leur recevabilité en fonction des critères de la mé­

decine basée sur les preuves. Ce­

pendant les mêmes résultats démontrent que le processus psychothérapique est de nature complexe et mérite d'être étudié avec encore plus d'attention et de moyens. A.B.

POUR EN SAVOIR PLUS:

Conférence du Professeur J.-N. Oespland, médecin chef au Département de psychiatrie du CHUV, directeur de l'Institut universitaire de psychothérapie, jeudi 17 mars, 14h15, Hôpital de Cery.

Renseignements: S. Lippuner, tél. 021 314 28 41.

Des v i l l e s plus durables

Revoir la forme des villes pour les rendre durables, voilà le thème du cycle de conférences organisées au Palais de Rumine par ArGiLe.

Ces conférences visent à informer à propos des problèmes liés à l'urbanisation en Suisse et en Eu­

rope pour mieux contribuer à aider le développement urbain à devenir durable.

Ce cycle abordera le 24 février la régénération des friches urbai­

nes. Les expériences réalisées dans le cadre du projet Ecoparc, à Neuchâtel, illustreront les im­

plications pratiques d'une telle démarche. L'extension des métro­

poles et sa pression sur l'utilisa­

tion du sol et du paysage seront au cœur de la conférence donnée le 10 mars. Et la semaine suivante sera abordé le thème de l'écolo­

gie industrielle et le métabolisme des territoires urbanisés. A.B.

POUR EN SAVOIR PLUS:

Dominique Guex, tél. 021 693 37 24, Dominique.Guex@epfl.ch Entrée libre.

Santé et migration Créé en 1998, FARMED est un ré­

seau de soins médicaux pour re­

quérants d'asile. Il regroupe des prestataires de santé ambulatoire issus de la Policlinique médicale et universitaire, de l'Hôpital de l'enfance et du Service de gyné­

cologie-obstétrique et plus de 150 médecins installés. De quoi recouvrir l'essentiel de la deman­

de de soins des requérants d'asile et des sans-papiers du canton.

FARMED élargit cette année son offre de formation autant d'un point de vue thématique - les problèmes de santé de tous les migrants-qu'en terme de public, puisque ses colloques sont désor­

mais ouverts à toute personne intéressée. On y abordera le par­

cours des migrants le 24 février.

Le Kosovo sera au centre des interventions du 7 avril. Et l'inté­

gration des spécificités cultu­

relles, sociales et religieuses des migrants dans la pratique des personnels sanitaires seront l'objet du colloque du 2 juin. A.B.

POUR EN SAVOIR PLUS:

Responsables de la formation:

Dr Mario Gehri et prof. Ilario Rossi, tél. 021 314 60 62, ¡lario.rossi@hospvd.ch

1 I I I I I 11 I I I

Le trust s u i s s e est-il eurocompatible?

Le Centre de droit comparé, de droit européen et de législations étrangères de la Faculté de droit et l'Institut suisse de droit compa­

ré ont invité pour cette journée d'études des experts suisses et Institution répandue dans les

pays de tradition juridique anglo- saxonne, le trust désigne la rela­

tion juridique en vertu de laquelle des valeurs patrimoniales sont confiées à titre fiduciaire à une ou plusieurs personnes char- gée(s) de les administrer. En Suisse, de nombreuses sociétés bancaires, des fiduciaires et des études d'avocats sont actives dans ce domaine.

La ratification de la Convention de la Haye pourrait accroître l'at- tractivité de la place financière suisse. Le droit suisse devrait cependant être complété par des dispositions spécifiquement ap­

plicables au trust.

étrangers pour discuter du concept et de la pratique de ce mécanisme.

A.B.

POUR EN SAVOIR PLUS:

Le trust en droit international privé:

journée d'études sur la ratification par la Suisse de la Convention de La Haye du 1e r juillet 1985. Vendredi 18 mars à l'Institut suisse de droit comparé.

Renseignements: B. Angehrn, tél. 021 692 49 11.

Le devoir de sépulture En sacrifiant sa vie pour rendre à son frère les honneurs funèbres dont il avait été privé, Antigone rappelle l'importance du devoir de sépulture. Dans quelle mesure ce motif de la sépulture consti- tue-t-il un paradigme symbolique privilégié pour penser le lien social aujourd'hui? Tel qu'il est figuré dans l'«Antigone» de So­

phocle, ce motif nous aiderait-il à penser et à panser les trauma- tismes collectifs associés aux innombrables cadavres laissés sans sépulture au cours du XXe siècle?

Un colloque, organisé du 19 au 21 mai prochains à Dorigny, se pro­

pose de l'explorer sous l'angle interdisciplinaire. Les différents intervenants tenteront d'éclairer le sujet à partir de leur spécia­

lité: archéologie et histoire ancienne, anthropologie de la Grèce ancienne, paléontologie, philologie, etc. A.B.

POUR EN SAVOIR PLUS:

www.unil.ch/ip ou claude-alexandre.fournier@unil.ch Frais d'inscription: 50 francs.

Gratuit pour ies personnes immatriculées àl'UNIL.

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B E A U X - A R T S

«Une rue à Cognes», 1922, 81 x 65 cm, signé et daté en bas à droite : F. VALL0TT0N.22. Collection Cbristopb Blocher

Félix Vallotton, ce Français

d'origine suisse

'es prochaines semaines sort de presse le Cata- logue raisonné del 'œuvrepeint du Lausannois Félix

Vallotton, qui se verra consacrer deux expositions.

C'était l'occasion de s'intéresser à cet artiste qui se trouve progressivement ramené à une helvétitude qu 'il n 'a pourtant jamais revendiquée ni vécue.

V

oilà maintenant une dizaine d'an­

nées que Félix Vallotton figure dans le quarteron des stars de l'art suisse dont les ventes aux enchères battent des re­

cords de saison en saison. Voilà aussi une vingtaine d'années que le peintre d'ori­

gine vaudoise voit ses œuvres rapatriées en Suisse par ses acheteurs, qui dimi­

nuent implacablement sa présence à l'étranger.

Le phénomène a ses explications (voir notre interview dans les pages suivantes).

Il n'en reste pas moins étonnant si l'on s'attarde sur la biographie du peintre.

Félix Vallotton est bien né à Lausanne,

il n'a jamais renié ses origines, ni rompu ses liens avec son pays. Il est pourtant manifeste que tout au long de sa carrière, son cœur et son esprit, comme sa pein­

ture, battaient d'abord au rythme de la France.

L e ch oc parisien

En 1882, Félix Vallotton a 17 ans lorsqu'il quitte la Suisse pour s'établir à Paris. Rien que de très naturel pour qui veut apprendre son métier de peintre.

Auteur du Catalogue raisonné de l'oeuvre peint de l'artiste, réalisé sous les auspices de la Fondation Félix Vallotton,

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Félix Vallotton, ce Français d'origine suisse B E A U X - A R T S

«Le grand nuage», 1900, 55 x 46 cm, signé et daté en bas à gauche et en bas à droite : F. VALLOTTON. 00. ^ Musée cantonal des beaux-arts, Lausanne

Marina Ducrey relève qu a cette époque, il n'y a en Suisse aucune institution capable de former à l'art pictural : «Les Suisses alémaniques vont se former à Munich et les Romands à Paris.»

Inscrit à l'Académie Julian, l'une des plus cotées de la capitale française, le jeune Vaudois rêve de devenir un grand peintre. Portraitiste avant tout, il arrive avec des références classiques. Comme modèle esthétique, il a notamment Hans Holbein et ses constructions rigoureuses du début du XVIe siècle.

Les p r e m i è r e s années p a r i s i e n n e s

Dès ses premières années parisiennes, Vallotton entre en contact avec l'effer­

vescence avant-gardiste qui agite le mi­

lieu artistique. A l'Académie Julian, il rencontre Edouard Vuillard et Pierre Bonnard, élèves comme lui. Dès la fin des années 1880, ces derniers animent le groupe des Nabis avec d'autres figures de 1 avant-garde comme Paul Sérusier et Maurice Denis.

Imprégnés d'influences symbolistes et orientalistes, ils utilisent des sup­

ports multiples pour leurs créations, et abordent sans complexe les genres les plus divers, de la peinture intimiste à la fresque murale, de la gravure à l'illustration. Vallotton épouse vite ce mouvement. «Ses confrères l'appelle­

ront toujours le Nabi étranger», dit Paul-André J a c c a r d , chef de l'antenne romande de l'Institut suisse pour l'étude de l'art.

Il n'empêche que le peintre vaudois participe au mouvement nabi sansy faire figure de pièce rapportée, malgré la dis­

tance qu'il observe face à certaines pra­

tiques ésotériques de ses amis: «Vallot­

ton était membre à part entière du groupe des Nabis, dit Marina Ducrey, et cette période a été capitale pour l'évolution de son art. »

D e s débuts m i s é r a b l e s

Mais avant l'aventure nabie, les pre­

mières années de Vallotton à Paris ne sont pas très encourageantes. Jusqu'à 25 ans, le peintre vit dans un état de misère finan­

cière intégrale. Il produit beaucoup de portraits, mais ne vend quasiment rien.

La misère est telle qu'il envisage «de tout lâcher pour partir faire fortune en Amé­

rique». Jusqu'au jour où, frappé par une exposition d'estampes japonaises, il se lance dans la gravure sur bois.

Dès le début des années 1890, le suc­

cès public et critique est immédiat. Ses contrastes entre des noirs et des blancs sans nuances, sa manière de s'approprier l'estampe japonaise en la renouvelant, l'humour et le lyrisme aussi de ses scènes, lui apportent rapidement une large noto­

riété. La révélation de ce talent déclenche une carrière de dessinateur pour la grande presse parisienne, puis aussi pour la presse européenne. «Le Cri de Paris», le journal satirique «Le Rire», mais aussi le «Chap book» de Chicago, réclament ses illustrations.

L'ennui suisse

Depuis son départ pour Paris, Val­

lotton a toujours gardé des rapports régu­

liers avec la Suisse. «Il vient périodique­

ment voir ses parents et reste très proche de son frère Paul, qui joue pour lui un rôle comparable à celui que Théo a joué pour Van Gogh», raconte Marina Du­

crey. Il écrit aussi des critiques d'expo­

sitions parisiennes pour la «Gazette de

Marina Ducrey, auteure du Catalogue raisonné de Félix Vallotton

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Lausanne», initie sa série de paysages à Romanel. Et surtout, la Suisse entretient régulièrement des rapports avec lui.

En achetant son autoportrait, en 1896, le Musée des beaux-arts de Lau­

sanne devient la première institution à acquérir un Vallotton. Il expose aussi régulièrement à Zurich, qui lui offre sa première exposition personnelle dans un musée.

Subjugués par sa peinture, les collec­

tionneurs de Winterthour Arthur et He- dy Hahnloser initient un boom de Val­

lotton en Suisse, qui lui permettra de survivre pendant la guerre. En 1913

«L'émoi», 1894,

Gravure sur bois, Musée des beaux-arts de Berne

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Félix Vallottoii, ce Français d'origine suisse B E A U X - A R T S

«Les feux», 1911, 73 x 100 cm, signé et daté en bas à gauche : F. VALLOTTON.il.

Collection privée, Suisse

enfin, après avoir dirigé la fabrique de chocolat Cailler, Paul fonde la Galerie Vallotton à Lausanne. De là, il essaime l'œuvre de son frère jusqu'en Russie.

C o n t e s t é p a r ses p a i r s

Ces rapports avec l'aima mater ne sont cependant pas toujours cordiaux:

«En 1914, lorsque la Suisse l'appelle pour l'exposition nationale, les peintres nationaux déclarent qu'il n'a rien à faire parmi eux; Ferdinand Hodler est l'un des seuls à le défendre, dit Marina Ducrey. Et lorsqu'il séjourne en Suisse, il s'ennuie vite. Il a besoin de l'air de

Paris, de ses boulevards, de ses théâtres et de son esprit d'avant-garde.»

Il faut noter aussi que dans l'ensemble de son œuvre, les sujets situés en Suisse sont en minorité, et que les musées hel­

vétiques, hormis quelques exemples no­

toires, ne se précipitent pas sur ses tableaux de son vivant. Genève achète ainsi son premier Vallotton juste avant qu'il ne meure, en 1925.

P r ê t à faire la G r a n d e G u e r r e A l'inverse, bien que la critique fran­

çaise ait parfois été dure avec sa pein­

ture qu'elle trouvait froide, protestante

et tristement suisse, Vallotton n 'envisage jamais de revenir. Il prend même la natio­

nalité française en 1900 et fait un beau mariage bourgeois avec la fille d'un gale- riste parisien.

Lorsque la Grande Guerre éclate, il devient même «plus Français que jamais, dit Marina Ducrey. Il se propose comme soldat volontaire, ce qu'on lui refuse à cause de son âge. Il bénéficie alors d'une mission de peintre aux armées dont il tirera de grandes peintures de guerre.»

La France lui rendra en partie cet amour du pays adoptif. « En 1931, la pre­

mière monographie écrite en français

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essaie de démontrer que Vallotton n'a jamais fait, en adoptant la France pour seconde patrie, que réintégrer ses racines huguenotes.» Et si l'on ouvre le Robert des noms propres, sa notice commence par «peintre français d'origine suisse»...

U n p e i n t r e a v a n t t o u t

Alors, Vallotton, Suisse ou pas Suis­

se? La question se révèle aussi absurde que de demander aux binationaux de choisir entre l'un de leurs deux passe­

ports. Toujours tiré à quatre épingles, ennemi du laisser-aller, Vallotton était Suisse par sa naissance, sa famille, son enfance, et par sa peinture honnête, sa rigueur du trait, son mépris des artifices.

Vibrant avec les soldats français de la Grande Guerre, membre actif de l'avant- garde parisienne, il était Français par sa formation, son expérience, ses affinités, ses amours, et par sa peinture aussi, tout

entière imprégnée de la liberté de l'esprit parisien. Plutôt que de le considérer sous un angle national, mieux vaut donc le laisser à l'histoire de la peinture, le seul territoire auquel il appartient vraiment.

Pierre-Louis Chantre

Marina DUCREY, avec la collaboration de Katia POLETTI, Félix Vallotton (1865-1925).

L'œuvre peint, Lausanne, Fondation Félix Vallotton, Lausanne/ Zurich,

Institut suisse pour l'étude de l'art (Catalogues raisonnes d'artistes suisses 22), Milan, 5 Continents Editions, 2005, 3 volumes.

«Félix Vallotton - Les Couchers de soleil», Fondation

Pierre Gianadda, Martigny, du 18 mars au 12 juin.

Musée cantonal des beaux-arts, Lausanne, dès le 10 mars 2005.

Ouverture d'une exposition

construite en relation étroite avec la sortie du Catalogue raisonné de Vallotton. On y verra des tableaux de Vallotton (notamment ceux du Musée), mais encore des documents utiles à l'établissement du Catalogue raisonné, en l'occurrence des dessins préparatoires pour telle ou telle toile, des documents inédits tels que le Livre de Raison ou des Carnets de comptes ou de croquis, des manuscrits divers, etc.

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Félix Vallotton, ce Français d'origine suisse B E A U X - A R T S

« Ce sont surtout

des Suisses qui achètenl l'art suisse»

Allez ¿avoir L L'art suisse semble

]e succès public en record de te depuu plusieurs années.

Est-ce une impression tiuperfidei- le ou un phénomène réel ?

De Hodler à Vallotton, l'art suisse semble avoir le vent en poupe. Res- ponsable de l'antenne romande de l'Institut suisse pour l'étude de l'art et enseignant à l'UNIL, Paul-André Jaccard relativise fortement la por- tée de ce succès. Interview.

Paul-André J a c c a r d : Le succès pu­

blic est réel. Les récentes expositions Hodler à Genève et Vallotton à Berne font presque aussi fort que Monet à Zurich.

Et en ce qui concerne le marché de l'art, c'est une évidence. Depuis plusieurs années, l'art suisse bat régulièrement des records. La vente de décembre 2004, chez Sotheby's, a rapporté 5,6 millions de francs. Ce serait leur meilleure vente d'art suisse à ce jour. Mais le marché ne se porte bien que pour quelques stars: Albert Anker, Ferdinand Hodler, Félix Vallotton, Cuno Amiet, et depuis peu Giovanni Gia- cometti. Et même pour chacun de ces peintres, le marché est à deux vitesses.

Quel type d'œuvres a le plus de succès chez chacun de ces artistes ?

Pour Hodler, ce sont surtout les grands paysages qui font sauter les records. Les compositions symboliques et les nus pei­

nent à la hausse, et les études pour les grandes fresques patriotiques restent par­

fois en rade. Pour Amiet, les tableaux d'avant 1914 obtiennent un bon zéro de plus que les tableaux d'après-guerre, dès qu'il ne se frotte plus aux avant-gardes internationales. Les collectionneurs cher­

chent des paysages plutôt que des nus, plus difficiles à mettre aux murs. On le voit pour Vallotton. En 2000, le même jour où un coucher de soleil se vend pour plus de 2,3 millions de francs, un nu ne récolte que 70'000 francs, un autre nu 16'000 francs, et un dernier ne se vend simplement pas.

Au début des années 90. En 1992, un magnifique «Lac de Brienz» de Hodler part pour plus de 850'000 francs chez Sotheby's. Le passage du million se fait quatre ans plus tard quand, dans la même maison, «Le bûcheron» du même Hodler part pour l'350'000 francs. Dès ce moment, ily a comme une émulation entre Christie's et Sotheby's. Christie's réplique en 1997 avec un «Lac de Thoune» de Hodler, vendu à plus de 3 millions de francs. Sotheby's réagit début 1998 en vendant un «Silvaplanersee», toujours de Hodler, à plus de 4 millions. C'est aujour­

d'hui le record mondial pour un artiste

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suisse. On peut noter la même progression pour Vallotton: en 1999, Sothe­

by's vend un coucher de soleil à 735'000 francs, établit un nouveau record à 1,6 million à sa vente de décembre avec un autre coucher de soleil, et l'an­

née suivante, Christie's relève le défi avec «Sur la plage», vendu à près de 3 millions de francs. C'est le record à ce jour pour Val­

lotton. Amiet a passé le million en 2000. Et Gio­

vanni Giacometti pourrait le franchir en 2005.

Ce «Grand Muveran» de Ferdinand Hodler avait été estimé à CHF1 '300'000 -1 '600'OOÛ.

Il a été vendu en 2003pour CHF 1 '534W0par Sotheby's

e que le succès de ces peintres est surtout dû à la concurrence commerciale que se livrent Sotheby's et Christie's ? Le décollage du marché de 1 art suisse va de pair avec l'implantation à Zurich des deux principaux acteurs internatio­

naux, Sotheby's et Christie's, qui appar­

tenaient à la tradition britannique du mar­

ché de l'art, avant de passer toutes deux en mains françaises. Christie's a été reprise par François Pinault, et Sotheby's par le groupe LVMH de Bernard Arnault. Il y ad'énormes intérêts financiers là-derrière.

C'est à qui attirera les meilleurs collec­

tionneurs ou démarchera les meilleurs tableaux, à coup de couvertures de cata­

logue de vente les plus prometteuses. Et puis, il ne faut pas se leurrer: le succès du marché de l'art s'explique aussi par notre secret bancaire, la discrétion des ports-francs et nos particularismes fis­

caux.

Si

•ce qu'il n'y a pas aiutsi une ' * e patrio^' ' Oui. Il faut savoir que 9 5 % des oeu­

vres suisses sont acquises par des collec­

tionneurs suisses. C'est un marché très fragile. Sur les 150 000 millionnaires que compte la Suisse, une petite vingtaine seu­

lement se bat pour avoir un Anker, un Hodler ou un Vallotton au-dessus du mil­

lion. Pour ces collectionneurs, l'art suisse a certainement une valeur identitaire.

Christoph Blocher l'a dit: il apprécie Anker pour son «savoir peindre» minu­

tieux, et pour l'image d'une Suisse labo­

rieuse, paisible, rurale qu'il lui renvoie.

C'est là qu'il y a un décalage entre le mar­

ché de l'art et l'histoire de l'art.

Pour nous, Anker a d'abord construit sa carrière à Paris. Avant d'être réduit à un petit maître bernois, il représente avant tout un grand peintre de genre du XIXe siècle. L'histoire de l'art que nous défen­

dons ne s'intéresse pas prioritairement à la suissitude des artistes suisses. Vallot­

ton a mené sa carrière à Paris, sa pein­

ture n'a rien de lausannois, ou alors c'est de la pure récupération. La suissitude n'est pas un critère de valorisation. Hod­

ler est un géant du symbolisme qui appar­

tient au patrimoine européen au même titre que Miinch ou le premier Mondrian, comme Léopold Robert appartient au néo-classicisme romain ou Bôcklin au romantisme allemand, et le meilleur Amiet est marqué par Pont-Aven puis par l'expressionnisme allemand.

ont-ils donc pas de bons choix

m

Oui, mais pas pour les mêmes raisons.

Pendant que les Vallotton sont rapatriés en Suisse à cause d'un marché plus sou­

tenu ici qu'ailleurs, la diffusion interna­

tionale de Vallotton régresse. La notoriété internationale doit aller de pair avec une exportation de l'art suisse, et ce n'est pour l'heure pas le cas. Il ne suffit pas que Hod­

ler fasse des prix internationaux en Suisse grâce à des collectionneurs suisses, il faut qu'il soit accroché aux cimaises du Met à New York ou de la National Gallery à Washington, ce qu'il mérite incontesta­

blement.

Ils s'y intéressent peu, et pour Hodler, certainement moins aujourd'hui que de

son vivant. Dès 1904, Hodler a bénéficié d'un énorme marché européen, à des prix très élevés. Sa valeur a fléchi dès qu'on l'a emprisonné dans sa suissitude. Hodler et Val­

lotton figurent bien dans quelques grands musées en Europe, mais ce sont des exceptions, et des achats anciens. Il faut tout de même relever que le Musée d'Orsay, il y a quelques années, a acheté un paysage hivernal de Cuno Amiet, complété par un Giovanni Giacometti, mais cette démarche reste unique et sans lendemain.

Il n'y a plus de marché international pour l'art suisse, à l'exception notoire de l'art contemporain : Fischli/Weiss, John Arm- leder, Roman Signer, Thomas Hirsch- horn, Pipilotti Rist sont invités dans les plus grandes manifestations internatio­

nales, et collectionnés dans le monde entier.

artsuufse peut-il alors augmenter sa reconnaissance

ar la voie universitaire ? Il faudrait tout d'abord que l'univer­

sité s'y intéresse. Mais ce n'est pas vrai­

ment le cas. L'enseignement universitaire se fonde sur des artistes labellisés, il repro­

duit des hiérarchies de valeurs qui excluent l'art suisse. Un étudiant en his­

toire de l'art peut très bien terminer ses études sans jamais avoir entendu parler d'art suisse. Et s'il en a l'occasion, il ne persévère pas nécessairement, faute de continuité dans l'enseignement, d'enca­

drement, et surtout parce qu'il a le senti­

ment qu'en termes de carrière, c'est contre-productif. Avec l'introduction du système de Bologne, les départements d'histoire de l'art des universités ro­

mandes déploient des efforts remar­

quables pour établir des collaborations interuniversitaires, interfacultaires, trans­

versales, créent des 3e cycles, des écoles doctorales. Aucun n'a prévu un «master»

en art suisse. C'est paradoxal, puisque les musées offrent des postes où une certaine connaissance de l'art suisse peut être un atout.

Propos recueillis

par Pierre-Louis Chantre

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P S Y C H O L O G I E

Pourquoi

les jeunes prennent des risques

A mateurd de dportd extrêmed qui dortent ded pidted, jeuned urbaine qui effectuent ded rodéod en voiture, toxicomaned... ied conduites à ridque dembient de plud en plus nombreuded dand nod dociétéd. Uanalyde de Monique Bolognini et Bernard Fiancherei, deux chercheurs de l'UNIL.

De récentes statistiques l'ont montré, la Suisse déplore mille accidents de ski par jour de neige

P

lus loin, plus vite, plus haut, plus fort : sous la forme de nouveaux sports extrêmes, d'excès de vitesse ou autres, les conduites à risque se multi­

plient. «Et dans le même temps, nos sociétés tendent à protéger l'individu contre tout, fait remarquer Bernard Plancherel, psychologue à l'unité de recherche du Service universitaire de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent (SUPEA) et auteur avec la sociologue lausannoise Monique Bolognini d'une étude intitulée «Recherche de sensation et prise de risque».

Portant sur les conduites de dépen­

dance, cette recherche parue en 2000 a été suivie de nombreux travaux dont le dernier (2004) s'intéresse à la consom­

mation de substances à l'adolescence (lire encadré en page 23).

D e s r é a c t i o n s c o n t r a d i c t o i r e s

«On interdit le tabac et l'alcool, on se préoccupe de sécurité alimentaire, poursuit le psychologue de l'UNIL et d'un autre côté on assiste au dévelop­

pement de conduites dont certaines sont réprimées, comme les excès de vitesse, et d'autres sont très bien vues.

Les sportifs extrêmes, par exemple, deviennent des héros médiatiques. Tout cela est un peu contradictoire. Peut- être s'agit-il d'autant de tentatives d'échapper à l'ennui.»

Car la tolérance à l'ennui est, en effet, l'une des variables mesurées dans

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(11)

Pourquoi les jeunes prennent des risques P S Y C H O L O G I E

O0V » 7 . « * " L U N D I 2 2 H 0 V

l'étude lausannoise avec la recherche d'aventure, d'expériences et la désin- hibition.

Les h o m m e s plus que les femmes

L'étude menée par les deux cher­

cheurs de l'UNIL confirme par ailleurs que les conduites à risque sont plus fré­

quentes chez les hommes que chez les femmes. La prise de risque serait donc bel et bien une spécificité masculine.

Encore faut-il s'entendre sur le type de risque dont on parle. Certaines conduites comme le tabagisme ou la toxicomanie sont en effet de plus en plus largement adoptées par les jeunes filles. Quant à la consommation d'alcool, elle se modifie chez les ado­

lescentes qui, depuis l'introduction des alcopops, ont rattrapé les garçons.

Plus joyeux : les jeunes filles sont éga­

lement plus nombreuses à pratiquer des sports dit extrêmes même si les aventu­

riers type Mike Horn sont encore rare­

ment des aventurières.

H o m m e au v o l a n t , m o r t au t o u r n a n t !

Quant à «la recherche de vitesse avec des engins motorisés dans un cadre non sportif», qui prend parfois la forme de «rodéo», comme cela s'est produit à Genève et dans le canton de Vaud ces derniers mois, elle reste l'apa­

nage des garçons et a ceci de particu­

lier qu'elle met également en danger la vie d'autrui.

Monique Bolognini, ebeffe d'unité de recherche à l'UNIL

«Femme au volant, mort au tournant»

n'est donc qu'un slogan vide, à ranger au magasin poussiéreux des accessoires du macho de base. «Que des garçons rou­

lent à 200 à l'heure dans les rues de Genève, cela apparaît comme une action choquante et reprehensible. Venant de jeunes filles, c'est inimaginable, fait remarquer Monique Bolognini, auteure d'une thèse sur la différence des sexes face à la santé psychique. Il reste quand même des stéréotypes sociaux qui font que les filles sont conditionnées par leur milieu familial dans leur enfance. Ces comportements sont de toute manière multidéterminés. Facteurs influençant la socialisation du garçon et de la fille et explications de type biologique se conju­

guent pour les expliquer.»

L'attrait du r i s q u e

Justement, qu'est-ce qui fait qu'un jeune fonce à tombeau ouvert dans les rues d'une ville, pratique le benji jum­

ping, ou prenne en montagne des risques qui semblent insensés? «Qu'ils soient réprouvés ou au contraire valorisés socia­

lement, ces différents comportements apportent du plaisir», répond Bernard Plancherel.

Le plaisir, c'est le maître mot de toute l'aventure: «La plupart des jeunes qui adoptent des comportements à risque en tirent une récompense d'abord au niveau de la sensation elle-même et, dans l'après coup, par rapport au défi qui a été relevé, ajoute Monique Bolognini. Dans le cas de la conduite «sauvage», la recherche de sensations, basée sur le plaisir procu­

ré par la vitesse, s'accompagne d'un désir p. 20

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Prévenir mais comment?

Coller des affiches ne suffit pas.

faut désormais cibler la prévention pour obtenir des résultats.

Voici quelques pistes.

ÍI

ertaines évaluations de cam­

pagne de prévention ont mon- le efficacité très modeste, qu'i ise du tabac, de l'alcool ou du ida. Il est donc très important de cibler la prévention, coller des affiches ne suffit pas», constate Monique Bolognini.

«On sait par ailleurs que l'infor­

mation basée sur les conséquences négatives n'a aucun effet, ajoute Ber­

nard Plancherel. Aux Etats-Unis, en matière de tabagisme, on cherche le salut par l'exemple en ayant recours dans les classes à un leader non- fumeur, avec l'espoir que les jeunes vont s'identifier à lui.

La prévention vise maintenant davantage à réinsérer les jeunes, au niveau scolaire ou professionnel, et améliorer l'estime de soi. L'Office

fédéral de la santé publique (OFSP) a lancé récemment un programme qui poursuit ces objectifs. Et à Lausanne, la Maison des jeunes, un foyer pour adolescents, propose, dans un cadre ouvert, diverses activités sans rapport direct avec le contenu des comporte­

ments mais dont le but est aussi la réinsertion.»

Sensibiliser les enfants

La prévention doit également être très précoce: «La consommation de substances est liée à celle de ciga­

rettes. Les jeunes qui commencent à consommer très tôt ont tous fumé des cigarettes au préalable, vers neuf, dix ans, constate Monique Bolognini.

Cela ne veut pas dire qu'en consom­

mant des cigarettes, on devient consommateur de substance mais

c'est un prérequis. Il est rarissime de passer directement au cannabis. Les enfants doivent donc être sensibilisés très tôt à ce genre d'acte «innocent»

qui consiste à fumer une dope de temps en temps.» Enfin, toutes les stratégies qui visent à coordonner les interventions sont les bienvenues.

«Une équipe vient d'être manda­

tée à Lausanne pour travailler dans cette direction, poursuit la socio­

logue. Notre système est tel que de nombreuses institutions et personnes - m é d e c i n , psychologue, éducateur - interviennent en ordre dispersé. Il s'agit d'éviter que le jeune se balade de l'un à l'autre tout en maintenant un comportement qu'on cherche à modifier.»

E.G.

I

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(12)

Pourquoi les jeunes prennent des risques P S Y C H O L O G I E

de compétition et de rébellion contre les normes, du besoin de vivre quelque chose d'exceptionnel et de dépasser des limites dans un but d'affirmation de soi. Sou­

vent, la recherche d'autonomie et d'une prise de distance par rapport à la famille entre aussi en jeu.»

U n besoin

de toute-puissance

A cela s'ajoute parfois le déni du risque, souligné par certains sociologues qui établissent un parallèle entre ces comportements et la posture du héros.

La personne se percevant comme invul­

nérable serait persuadée de sa maîtrise totale et de sa toute-puissance.

On évoque aussi l'ordalie à propos des conduites à risque, une métaphore par­

lante selon Bernard Plancherel : pression fait référence aux fameux juge­

ments de Dieu médiévaux, explique-t-il.

On jetait à l'eau ou au feu des coupables présumés. S'ils survivaient à l'épreuve, ils étaient considérés comme innocents.

Dans le cas des jeunes qui jouent avec la mort pour s'assurer du sens de leur existence, ces comportements sont vus comme une sorte de procédure d'autoen- gendrement, de renaissance.»

U n t r a i t de p e r s o n n a l i t é

Qu'en est-il de la recherche de sen­

sations elle-même? De quoi s'agit-il exac­

tement et pourquoi certains individus sont-ils concernés plus que d'autres?

«Elle correspond au besoin pour un sujet d'obtenir et de maintenir un haut niveau

Bernard Plancherel, psychologue à l'unité de recherche du Service universitaire de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent (SUPEA) de l'UNIL

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de stimulation, explique Monique Bolo- gnini. Le postulat de base est que les per­

sonnes avides de sensations ont un taux peu élevé de production d'adrénaline et de dopamine, entre autres. Ces personnes vont recourir de façon compulsive à des sensations et stimulations afin d'élever

i'activation cérébrale et de la maintenir à un haut niveau. Cela se fera soit par la consommation de substances psycho­

tropes soit par d'autres conduites à risque.»

La recherche de sensations est ainsi vue comme un trait de personnalité assez répandu, qui éclairerait beaucoup de conduites basées sur la prise de risque.

Elle se retrouve dans des comportements aussi divers que la toxicomanie, l'alcoo­

lisme, les désordres alimentaires, les sports extrêmes ou la conduite «sau­

vage».

« S e c u r e s » et «insecures»

Ily aurait donc des personnalités plus enclines que d'autres à la prise de risque du fait de cette recherche de sensations.

«Selon la théorie actuelle de la person­

nalité, le tempérament, une donnée innée, présente deux traits principaux, l'extra- version et l'inhibition, qui correspondent à deux attitudes fondamentales: l'ap­

proche et l'évitement, reprend Bernard Plancherel. Ily a prépondérance de l'une ou de l'autre dans la personnalité. Déjà chez les bébés on parle dans la théorie de l'attachement des individus «secures», ceux qui explorent leur environnement, ceux qui vont vers le monde extérieur, les objets et les autres, et qui sont en recherche de stimulations. On leur oppose les bébés «insecures», qui restent en retrait. Un individu sensible à la récompense est davantage en recherche de stimulation, source potentielle de

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Pourquoi les jeunes prennent des risques P S Y C H O L O G I E

Nos sociétés sont souvent ambiguës à propos de la prise

de risque individuelle: alors qu 'elles stigmatisent les chauffards, elles adulent les vedettes du sport automobile comme Michael Schumacher

récompense. Certains auteurs pensent que 6 0 % de la recherche de sensations seraient génétiques contre 4 0 % seule­

ment qui seraient dus à l'acquis.»

Les différences fille/garçon Quant à la comparaison fille/garçon, les évaluations de jeunes en milieu sco­

laire font apparaître qu'une différence importante demeure : celle qui existe entre les troubles dirigés contre soi et les troubles portés sur l'extérieur. «Les filles ont beaucoup plus de troubles interna- lisés, type dépression et anxiété, que de troubles externalisés ou agis (violence, agressivité, etc.). L'exemple des troubles alimentaires souvent associés à une dé­

pression est parlant : ils sont à 90 % fémi­

nins. Les garçons, eux, sont plus dans

l'agir et les activités dites à risque, con­

sommation de substances, conduites dan­

gereuses ou sports extrêmes», constate Monique Bolognini.

La raison de cet état de fait? «L'édu­

cation et les pressions sur la jeune fille par rapport à son identité et ses chan­

gements viennent accentuer des diffé­

rences dues aux données biologiques. Les garçons sont encore socialisés dans une orientation de prise de risque, de réus­

site et d'efficacité alors que les filles le sont dans une orientation de socialisa­

tion et de sauvegarde de la santé.»

U n p h é n o m è n e de m o d e

Monique Bolognini évoque encore un autre facteur: l'hyperactivité. «On peut imaginer que les jeunes concernés par les

comportements à risque sont hyperactifs ou qu'ils ont manifesté précédemment une forme de troubles du comportement - agressivité, violence, trouble de l'at­

tention, etc. Il s'agirait d'individus qui ne se sentent exister que dans l'agir. Mais il existe une médication contre l'hyper­

activité et l'intérêt commercial en jeu est considérable. Ce trouble a d'ailleurs éga­

lement été associé à la toxicomanie.

Déterminer son importance réelle est donc très compliqué.»

Une chose est sûre, le développement des conduites à risque est typique de nos sociétés occidentales. «Dans tous les domaines, on cherche à repousser des limites dans un mouvement de fuite en avant dont nul ne sait quand et comment il prendra fin», constate Bernard Plan-

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cherel. Pour le psychologue, «l'esprit du temps» n'est pas non plus étranger à cer­

tains comportements «qui s'apparentent à des phénomènes de mode. On ignore pourquoi telle conduite apparaît à un moment donné, comme le jeu du foulard, par exemple. A l'époque, la presse en a peu parlé pour éviter un effet d'entraî­

nement.»

L e risque, c'est une d r o g u e ? Pour une fois, les médias se seraient bien tenus. Ce n'est pas toujours le cas, à en croire Monique Bolognini qui sug­

gère qu'ils ne sont pas innocents dans la multiplication de certaines conduites:

«Un jeune qui fait un rodéo est à peu près assuré que son «exploit» aura un écho dans la presse. Or le besoin d'action spec­

taculaire et la motivation, consciente ou inconsciente, d'impressionner sont une partie de l'aventure.»

Reprehensibles ou non, les conduites à risque seraient-elles addictives ? Pour Bernard Plancherel, «elles le sont dans la mesure où il y a une répétition néces­

saire et un sentiment de sevrage en cas d'arrêt. Or, quiconque pratique intensé­

ment un sport, extrême ou non, le sait:

s'arrêter c'est s'exposer à la morosité et à la déprime. L'hypothèse d'une forme de dépendance à l'effort physique est donc sérieuse.»

Quant à la consom­

mation de substances, Monique Bolognini rap­

pelle que «la Suisse est le pays où proportion­

nellement à la popula­

tion, le taux est le plus élevé en Europe, comme l'ont montré les données de l'Institut suisse de prophylaxie de l'alcoo­

lisme ( I S P A ) . Et ce taux se maintient parmi les plus élevés en dépit de toutes les tentatives de prévention.»

Elisabeth Gilles

Je consomme et alors ?

16 ans en m o y e n n e , ont été suivis pendant quatre ans

La dernière recherche menée au SUPEA par Monique Bolo­

gnini et Bernard Plancherel évaluait la consommation de sub­

stances à l'adolescence dans une perspective longitudinale.

Une centaine de jeunes consommateurs de cannabis, de 16 ans en moyenne, ont été suivis pendant quatre ans.

L'étude a révélé une forme de déni dans la manière dont les jeunes se représentent la consommation. Cette donnée est importante pour les stratégies de prévention. A la ques­

tion de savoir s'ils auraient besoin d'aide pour résoudre leurs difficultés, les jeunes qui avaient des problèmes importants de consommation répétée répondaient par la négative. Ils n'avaient donc pas du tout identifié la consommation comme un problème.

Entre cette banalisation et la perception de l'adulte, le hia­

tus est évident. «Il faut dire que seule une petite proportion de la population consomme de manière régulière et suivie, pré­

cise Monique Bolognini.

Mais ceux-là ne voient pas où est le problème: ils c o n s i d è r e n t que leur consommation n'est ni dangereuse ni risquée. La c o n s o m m a t i o n m o d i f i e donc l'attitude du jeune par rapport à la manière dont il se représente le produit. D'où l ' i n t é r ê t d'étudier la problématique des représentations.»

E.G.

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