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REVUE SCIENTIFIQUE LES TENDANCES DE LA RECHERCHE

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Academic year: 2022

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REVUE SCIENTIFIQUE

LES TENDANCES DE LA RECHERCHE

L'Organisation des Nations Unies, dont le nom plus familier est l'ONU, ne consacre pas tout son temps à la politique internationale ; elle se préoccupe aussi d'éducation, de science et de culture par l'intermédiaire de sa filiale UNESCO. Ainsi elle s'efforce d'améliorer le monde par des initiatives qui s'accommodent de toutes les idéo- logies et ne suscitent pas le veto des deux Grands. En novembre 1958 elle avait décidé d'étudier les tendances principales de la recherche dans le domaine des sciences exactes et naturelles, la diffusion et l'application à des fins pacifiques des connaissances scientifiques, ainsi que les mesures les plus urgentes à prendre pour arriver à ces fins. Ce programme a été développé et l'enquête nécessaire a été confiée au professeur français Pierre Auger, ancien directeur du dépar- tement des sciences exactes à l'Unesco, devenu pour la circonstance son « consultant spécial ». Il en est résulté, ces temps derniers, un gros ouvrage in-quarto de 264 pages (1) qui vaut d'être loué pour son plan original et sa riche documentation.

Nous avons relaté à cette place les efforts renouvelés de YEncy- clopédie française pour instruire le public de l'avancement des connaissances au cours du temps. Les deux entreprises ne sont pas strictement comparables et ne font pas double emploi. D'abord la plus ancienne est le produit d'une collaboration nombreuse de spé- cialistes qui, tout en obéissant à une règle commune, n'en présentent pas moins leur partie selon leur tempérament et leurs convictions propres, pour ne pas dire leurs préjugés. L'œuvre nouvelle n'est le fait que d'un seul auteur et c'est un physicien, ce qui donnerait à penser que les sciences naturelles y sont traitées avec moins de compétence.

Il n'en est rien car M . Pierre Auger s'est borné à rapporter les progrès des sciences différentes comme le fait le vulgarisateur en

(1) Tendances actuelles de la recherclte scientifique, Unesco 1961, Berger-Levrault impri- meur.

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prenant les faits tels qu'ils sont consignés dans les publications de première main et non sans consulter les experts les plus renommés.

Une longue liste de ces références est donnée à la fin de l'ouvrage.

Il ne suffisait donc qu'une excellente culture scientifique générale pour assembler les acquisitions. Si le lecteur pouvait émettre une critique c'est que l'exposé est un peu trop technique et qu'une foule de recherches manquent d'être éclairées dans le langage commun.

On n'en sera pas moins satisfait de la rectitude et de la logique de la composition. Toutes les directions de la recherche et ses derniers résultats sont clairement enregistrés dans les sciences mathématiques, physiques, chimiques, biologiques, médicales, agricoles et alimentaires, dans celles de la terre et de l'espace, des combustibles et de l'énergie.

La recherche industrielle y reçoit une place très importante avec la métallurgie, la chimie, les textiles, l'électromécanique, les moyens de transport, les télécommunications, l'automatisme, le bâtiment et les constructions civiles.

On voit que l'éventail est large. S'il ne comprend pas les sciences psychologiques et à plus forte raison les sciences économiques et sociales, c'est sans doute que l'Unesco a pensé surtout aux besoins matériels de l'humanité qui n'impliquent aucune adhésion à des principes ou à des croyances. Il est impossible et il serait fastidieux d'énumérer le contenu de toutes ces catégories de recherches : la place et aussi la compréhension feraient défaut. La mathématique est devenue le domaine d'un petit nombre d'initiés qui jouent avec les espaces abstraits et les structures algébriques de groupe, pures créations de l'esprit qui n'ont d'autre loi que de ne pas se contredire.

La physique, et même une partie de la chimie qu'elle entraîne à sa suite depuis la découverte de l'atome, se livre à des recherches théo- riques de plus en plus mathématisées et aventureuses. La théorie de la Relativité et des Quanta font depuis des années des efforts inouis pour se concilier sans parvenir encore à nous donner une représentation cohérente du monde. Le principe sacro-saint de cau- salité subit d'étranges interprétations à l'échelle corpusculaire. La multiplicité des particules, leurs interactions et leurs métamorphoses créent de graves embarras aux physiciens. On peut dire que leur dis- cipline est affectée d'une crise permanente dans l'impossibilité où ils sont d'assujettir le réel à la logique des nombres et des figures, de mettre l'univers en équation.

Dans cette description M. Auger fait preuve d'une attitude cri- tique qui n'est guère commune chez les scientistes. Il prend soin de marquer les limites atteintes par la recherche théorique et expéri- mentale et de souligner les insuffiances des hypothèses mises en jeu ou les absences de vérification. Par exemple il rappelle que la théorie de la Relativité générale, qui assimile la gravitation à une force d'inertie dans un espace à quatre dimensions, n'est point encore justifiée malgré quelques succès expérimentaux à l'échelle micro- physique. Pas davantage ne l'est l'hypothèse ondulatoire de la gra- vitation qui suppose l'existence de gravitons, analogues aux photons

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ou quanta de lumière. La pesanteur est toujours aussi mystérieuse qu'au temps de Newton, et l'explication ingénieuse d'Einstein sera peut-être un jour rangée parmi les vieilles lunes. La physique ato- mique, qui semble être un sujet complètement élucidé, pourra être remise sur le chantier à la suite de mesures plus précises. M. Auger constate que le phénomène de la fission nucléaire est loin d'être expliqué. Dans l'ordre instrumental le magnétron, qui a centuplé la puissance du radar, n'est pas très bien compris. N'en est-il pas de même du klystron et du tube à ondes progressives qui l'ont sup- planté ? La catalyse reste une énigme chimique, au point qu'on ne peut préparer des catalyseurs appropriés à tel ou tel effet, etc.

En biologie les tendances actuelles de la recherche sont ambi- tieuses car elles voudraient prouver que la vie n'est qu'une réussite heureuse dans la combinaison spontanée d'éléments matériels. Les phénomènes de la vie doivent donc être étudiés comme des opérations physico-chimiques. « Il apparaît de plus en plus clairement, écrit M . Auger, que c'est la diversité de structure des macromolécules (celles des protéines et des acides nucléiques) toutes formées cepen- dant des mêmes éléments monomères, qui est la source microsco- pique de la prodigieuse diversité microscopique des êtres vivants ».

L'analyse des cellules au miscroscope a permis de reconnaître l'unité de structure de la « matière » vivante et de confirmer la thèse évo- lutionniste qui assigne une souche commune à tous les êtres de la planète. D'ailleurs les génétistes contemporains ont l'espoir par des méthodes purement chimiques de contrarier ou de favoriser l'évo- lution naturelle en modifiant la constitution héréditaire des races et des espèces. C'est la physiologie humaine qui profite le plus de ces recherches nouvelles mais, nous dit notre auteur, elle se tourne beau- coup plus vers la biologie moléculaire et cellulaire que vers l'analyse traditionnelle des fonctions. Sans doute y reviendra-t-elle plus tard quand, assez renseignée sur l'infiniment petit, elle reviendra aux intuitions de Lamarck et aux enseignements de Claude Bernard.

Dans un chapitre préliminaire sur les grands courants de la recherche scientifique en général, M. Auger insiste sur la liaison croissante de la science pure et de la science appliquée. Cette liaison est d'autant plus nécessaire que la correspondance entre les deux n'est plus manifeste comme autrefois. Le chercheur théorique tra- vaille souvent à l'aveuglette sans savoir si le phénomène minuscule qu'il étudie conduira ou non à quelque grande découverte, immédia- tement exploitable. Lorsqu'on parcourt les comptes rendus d'une académie scientifique on est déçu de cette poussière de résultats insignifiants qui ont demandé souvent beaucoup d'ingéniosité, de temps et de moyens sans qu'on puisse deviner le problème auquel ils se rattachent. Et lorsqu'on pressent ce problème on mesure la distance qui sépare cette petite étape du grand but. Les moyens dont le chercheur dispose se sont pourtant accrus en nombre, en qualité, en finesse, en puissance. Comme l'auteur le remarque, l'univers physique de jadis était restreint. Aujourd'hui les conditions

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que procurent les laboratoires sont celles de régions inaccessibles comme le centre des étoiles ou les profondeurs du globe. La sensi- bilité des instruments est arrivée à des limites incroyables ; on le voit dans les récepteurs géants qui enregistrent les émissions hert- ziennes des galaxies et des étoiles, ou dans les procédés d'analyse de traces matérielles impondérables.

Quant à la puissance elle dépasse les bornes qui semblaient fixées par la nature, comme la vision de structures qui échappent au miscroscope optique. Tout ce qui tombe sous les sens a été ramené à l'échelle humaine par des techniques d'amplification et d'enregis- trement empruntées à l'électricité. Les machines ont été rendues automatiques, les forces naturelles ont été asservies, soit par leurs effets mécaniques, soit par les combustions, soit par des différences de niveau ou de température. Non seulement on reproduit chimique- ment les corps naturels dès qu'on connait leur formule mais on en crée tous les jours de nouveaux. On démonte tous les mécanismes de la vie autant qu'ils sont visibles et mesurables, sans en comprendre il est vrai le principe d'animation. Mais il faut laisser travailler la science à sa guise ; elle saura bien changer de voie dès qu'elle aura rencontré assez d'impasses. Elle a encore fort à faire dans la grande avenue qu'elle s'est prudemment choisie.

Puisqu'elle s'est élevée ail plan international par le souci d'uti- liser toutes les intelligences et tous les moyens d'investigation, l'Unesco a jugé utile de compléter cette remarquable enquête par des recommandations sur la politique scientifique des États. Elle les invite à soutenir la recherche de toutes les façons possibles et, d'autre part, à orienter cette recherche vers lé bien-être économique et social de la population. Le malheur est que les fruits de la science sont indifféremment bienfaisants ou malfaisants et qu'accroître sa fécondité et sa puissance peut conduire à exterminer de l'espèce entière. Le moment est hélas bien choisi pour apprécier cette vérité qui avait été depuis longtemps annoncée par les sages.

Mais continuons à nous placer dans l'hypothèse optimiste de l'Unesco : l'arrêt de toute recherche scientifique ne changerait rien aux destins de la planète. Orientons les jeunes vers la carrière scien- tifique ainsi qu'elle le conseille, développons l'enseignement des sciences et des techniques dans les écoles, les collèges, les universités, au risque de compromettre la formation humaniste qui est un frein au dessèchement et à la perversion des connaissances. On nous apprend que les chercheurs scientifiques sont déjà au nombre de deux millions dans le monde. Ils seront bien davantage si les appels nouveaux sont entendus. Qu'on l'approuve ou qu'on le déplore, nous allons vers une civilisation utilitaire pour qui l'accroissement des commo- dités et des jouissances compte davantage que la connaissance désintéressée des secrets de la nature. Elle allongera la durée de la vie sans rendre l'humanité plus heureuse car le bonheur est surtout une conquête morale.

Ce qu'on appelle développer les pays attardés c'est les aider à

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s'industrialiser. Pour cela il faudrait, selon l'Unesco, fonder dans leurs régions les Instituts scientifiques et techniques qui seraient entretenus par des groupes de pays et où des spécialistes étrangers viendraient enseigner. Une autre suggestion concerne les publica- tions. Elles se sont multipliées à un rythme accéléré : au nombre de 10.000 en 1900 elles sont 100.000 à présent. L'Unesco ne trouve pas leurs usages très satisfaisants, d'abord au sujet de la commodité d'emploi des références, ensuite de la classification et l'indexation.

Les revues devraient publier des mises au point de périodicité variable.

Les articles originaux devraient être pourvus de tirages à part pour être assemblés ultérieurement. Ils devraient être traduits en plusieurs langues. Pour éviter les travaux faits en double et le gaspillage des recherches, il serait utile d'instituer un service central de renseigne- ments, quoiqu'on puisse se heurter à des volontés de secret liées à des intérêts financiers. L'Unesco se félicite du développement des Conférences internationales et elle en a donné l'excellent exemple avec celles des radio-isotopes et de la cybernétique. Dans les diverses disciplines la coopération internationale est déjà pratiquée sous forme de Conseils. Elle peut être grandement améliorée même en dehors de l'intervention des gouvernements. Les échanges de professeurs et d'étudiants pourraient se faire par l'intermédiaire d'un Bureau cen- tral. Enfin il est un devoir qui intéresse autant la science théorique que les besoins alimentaires de l'humanité, c'est de conserver et d'améliorer les milieux naturels : atmosphère, eaux douces et salées, forêts, faune et flore indigènes, sols arables. La recherche scientifique joue un rôle éminent dans cette tâche immense et urgente.

Des recommandations particulières suivent ces consignes géné- rales. Elles tracent des programmes de recherches dans certaines disciplines où le travail peut se répartir entre les nations. Les parti- cules de haute énergie, qui exigent pour leur étude des moyens énormes, ont fait l'objet d'une institution européenne : l'accélérateur de Genève dont nous avons parlé dans notre chronique de juillet et qui est encore le plus puissant du monde. L'exemple doit être suivi dans d'autres domaines. La physique des plasmas, base de l'énergie thermonucléaire, doit être étudiée en commun avec les meilleurs spécialistes et non dans des laboratoires particuliers. Le comportement de la matière condensée, cristalline ou amorphe, qui a été pour les physiciens une telle surprise avant d'être mis à profit par les industriels, doit être étudié davantage sous ses aspects méca- niques, électriques, chimiques et nucléaires, aux très hautes pressions et aux très basses températures, en vue d'applications nouvelles.

E n biologie on doit rechercher la constitution et le rôle des grosses molécules dans la structure et le fonctionnement cellulaires. C'est là, assure M. Auger, un des sujets les plus riches de promesses, le pre- mier qui s'impose dans l'étude des phénomènes de la vie. La seconde tendance est l'étude du système nerveux, surtout dans ses relations cérébrales. Il existe déjà une organisation internationale de recher- ches sur le cerveau. L'immunologie n'a pas encore été étudiée à

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fond ; elle doit connaître la structure des anticorps fabriqués par l'organisme pour sa défense et qu'on pourrait reproduire artificiel- lement comme on le fait pour tant de corps organiques même très complexes. Malgré ses étonnantes trouvailles la médecine demande une foule de recherches nouvelles tant au point de vue statistique qu'au point de vue thérapeutique. Le cancer, les maladies du cœur et des vaisseaux, les maladies contagieuses ne doivent plus venir en tête de la mortalité. Les maladies de l'esprit, quand elle dépendent de causes physiologiques, doivent être efficacement combattues et même prévenues. Parmi les atteintes sournoises qui sont portées à notre santé, l'Unesco insiste sur les dangers de la pollution atmos- phérique et les mesures indispensables à prendre pour la réduire à des taux supportables.

Beaucoup d'autres recommandations sont faites dans la même pensée de protection sanitaire et d'économie des richesses, par exemple l'utilisation efficace des produits de la terre dans toutes leurs parties, même celles qui ne sont pas alimentaires, l'augmenta- tion de rendement des protéines végétales, l'amélioration des races d'animaux domestiques, la production d'énergie nucléaire sur une base coopérative, le recours à l'énergie solaire dans les pays chauds, la mise en réserve de l'énergie quand elle ne subit pas une dégradation irréversible, le transport de l'électricité d'un pays à l'autre sous une tension élevée. Ce grand et beau travail d'information et de com- munion internationale mérite tous les éloges. Il tend à déprendre les hommes de leurs égoïsmes nationaux, dans un monde qui se rétrécit et qui s'émancipe à une telle vitesse. Une lacune qui pourra être mise à son avantage : il ne parle point de voyages interplanétaires.

RENÉ SUDRE.

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