R EVUE DE STATISTIQUE APPLIQUÉE
M. J. C. B ASTIDE
Estimation et mesure du niveau acoustique continu équivalent
Revue de statistique appliquée, tome 36, n
o3 (1988), p. 5-14
<http://www.numdam.org/item?id=RSA_1988__36_3_5_0>
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5
ESTIMATION ET MESURE DU
NIVEAU ACOUSTIQUE CONTINU ÉQUIVALENT
M. J.C. BASTIDE
Institut National de Recherche et de Sécurité 30, rue Olivier
Nayer
75680 Paris cedex 14avec la
précieuse
collaboration de MM. J.J. BARBARA et P. TASSI Rev.Statistique Appliquée,
1988, XXXVILe bruit compte
parmi
les nuisances industrielles lesplus répandues.
Ainsil’enquête
nationale sur les conditions de travail réalisée en 1984 révèle
qu’un
salarié surcinq
ne peut entendre à son poste de travail une personnequi
luiparle
normalement; un sur trente d’entre-eux
souligne qu’il
nepourrait
entendre même si son interlocuteur élevait la voix.Conséquence
de cette
exposition,
lesstatistiques
de l’année 1985publiées
par la Caisse nationale de l’assurance maladie dénombrent 1269 surdités reconnues au titre des affectionsprovoquées
par les bruits et inscrites au tableau n° 42 des maladies
professionnelles.
Face à cette situation et à l’intention d’en
prévenir
lesrisques,
le décret du 10 décembre 1977 et la directiveeuropéenne
du 12 mai 1986 fontobligation
pour lesentreprises
deplus
de trois cents salariés de faire
apparaître
dans leur bilan social le nombre de ceuxexposés,
defaçon régulière
et habituelle à leur poste de travail, à des niveaux sonores moyens excédant quatrevingt cinq
décibelspondérés
A(85 dBA)
ou cent quarante décibels crête(140 dB)
enl’absence de
pondération.
Le
problème
de l’évaluation del’exposition
au bruit et par voie deconséquence
celui dela mesure ou de l’estimation du niveau
acoustique
continuéquivalent qui
la fonde sont donctrès
largement posés.
Mots clés : Mesure des niveaux sonores,
Exposition
au bruit.1.
Rappels :
définitions et notationsN.B. La
terminologie employée
dans cequi
suit fait référence à l’ensemble desnormes relatives au vocabulaire de
l’acoustique
etplus particulièrement
à la normeNF X 06-902 relative à la
statistique,
vocabulaire dessignaux
aléatoires.Le bruit est une vibration de l’air
qui
se propage et provoque une variation de sapression.
Cette variation depression
engénéral
infime vis-à-vis de lapression atmosphérique
estappelée pression acoustique
et c’est à ellequ’est
sensible notreappareil
auditif.Le niveau de
pression
sonore du bruitexprimé
en décibels est mesuré à l’aided’un sonomètre. Pour tenir
compte
de lasubjectivité
de l’ouïehumaine,
cetappareil peut
être muni d’un filtre depondération
A et les mesuress’expriment
alors endécibels
pondérés A (dBA).
6 M 7.C. BASTIDE
Le niveau de
pression
sonore, dont nous noteronsL(t)
la valeurinstantanée,
apour
expression :
où :
p(t)
est la valeur instantannée de lapression acoustique
po est la
pression acoustique
de référence(2 10-5 Pa).
Dans
l’air,
le niveau depression acoustique
estégal
au niveau d’intensitéacoustique,
10
19/ //0,
où/0
est l’intensitéacoustique
de référence(Io
=10-12 w/m2 ).
Afin de
simplifier
l’écriture nous noteronsV(t)
lapuissance rayonnée
instan-tannée du bruit considéré soit :
Considérée à
partir
du niveau depression
sonore cettequantité s’exprimera
indifféremment :
ou
Log
10 ,avec a
=Log 10 ,
dont une valeurapprochée
est a =0, 230.
Le niveau
acoustique
continuéquivalent
ouLeq
est défini pour unepériode
de
temps [OT ], généralement
de 40heures,
comme le niveauglobal
de lapression
sonore d’un bruit
permanent
dui donnerait la mêmeénergie acoustique
que le bruit à caractère fluctuant observé au cours de cettepériode;
soit donc :d’où :
avec
Compte
tenu del’amplitude
de lapériode d’observation,
des contraintes liées à l’immobilisation desappareils
de mesures et à une affectationoptimale
deceux-ci,
cette
grandeur, caractéristique
calculée du bruitétudié,
devra être estimée. Cette estimation sera obtenue leplus
souvent en transformant par la relation(2)
unestimateur de la
puissance rayonnée
moyenneexprimée
en(3).
Leproblème posé
demeure alors essentiellement celui du choix de
l’estimateur,
du nombre et de lastratégie
des observations à réaliser.ESTIMATION ET MESURE DU NWEAU
ACOUSTIQUE
72. Estimation du niveau
acoustique
continuéquivalent a)
Méthoded’échantillonnage
du bruitDivers estimateurs de la
quantité K(T) précédemment
définiepeuvent
être élaborés àpartir
des méthodesclassiques
d’estimation d’uneintégrale.
Nous neprésenterons cependant
ici que l’estimateur obtenu lors d’unéchantillonnage
des
périodes
d’observations(~ti)
du bruit pourlesquelles
est mesuré le niveauacoustique
continuéquivalent Leq¡ .
Lénergie acoustique rayonnée
au cours de lapériode (~ti).
se déduit immédiatement de cette mesure
(voir (1))
par la relation :Nous noterons donc T =
(~ti) (i
=1, N )
unepartition
de l’intervalle detemps [0, T ]
et 7r unplan
desondage
défini sur T par lesprobabilités
d’inclusion7r(ti)
strictementpositives.
Lestimateur de
Horvitz-Thompson
deK(T ),
associé auplan
desondage
1r, estsans biais et a pour
expression
où :
1(ti)
est la variable aléatoire indicatrice del’appartenance
à l’échantillon de l’élément(Ati)
de T.La variance de cet estimateur
dépend
naturellement duplan
desondage
7r misen oeuvre.
Un contexte
particulier
intéressant pour l’étude est alors le suivant :2022 T
découpage
à pas constant de lapériode [0, T] ;
T = N ’ At2022 7r
plan équiprobable
sans remise de taille fixe n.En notant cp l’échantillon obtenu des intervalles de
temps
associés aux mesures,il vient :
et
où
est la durée totale d’observation du bruit
(To
= n -Ot)
8 M. J.C BASTIDE
est la
puissance rayonnée
moyenne au cours de lapériode (At)
et
désigne
la variancethéorique
despuissances rayonnées
moyenne pour chacune despériodes
d’observation de durée(At).
Remarque
Lorsque
lespériodes
d’observation du bruit ont une durée Ot brève ou bienlorsque l’énergie acoustique rayonnée V (At)
au cours de lapériode (Ot)
est obtenuepar sommation de
Riemman,
onparlera
demicro-échantillonnage
du bruit.b)
Estimationbayesienne
ou modélisation du bruitNota : le
qualificatif bayesien
n’est iciemployé
que pour sonacception
propre à la théorie dessondages.
Lestimateur
précédemment présenté
se situe dans le cadre d’uneapproche
déterministe du bruit.
Cependant
leproblème
del’acousticien,
outre celui de la mesure, est lié àl’interprétation
du niveau de bruitéquivalent
obtenu. En effet les mesures réalisées teljour
ou telle semaine de l’année doiventpouvoir, compte
tenu des
règlementations, s’interpréter
comme des valeurs moyennes valides sur deplus longues périodes.
Ceci amène àproduire
certaineshypothèses
derégularité
du
phénomène
étudié ou une modélisation du bruit telle que celle d’un processus aléatoireergodique
et stationnaire parexemple.
Compte
tenu de la définition du niveauacoustique
continuéquivalent
lamodélisation la
plus simple
que l’onpuisse
formuler consiste dans le fait de considérer que lesénergies acoustiques
mesurées résultent d’un bruitstable;
soitdonc :
où: 1 est un terme aléatoire tel que :
indépendants
dès queles intervalles de
temps (At)
et(At’)
sontdisjoints
Compte
tenu de cettemodélisation,
lespériodes
d’observations(Ati)
du bruit étantd’amplitudes
variables et issues de la mise en oeuvre d’unplan
desondage
1r, lemeilleur estimateur de la
puissance rayonnée
moyenne du bruitK(T)
est alors celuides moindres carrés
généralisés,
soit :Cette
expression généralise
celle obtenue en(5)
pour l’estimateur de Horvitz-Thompson
dans le cas d’unsondage
élémentaire.ESTIMATION ET MESURE DU NIVEAU
ACOUSTIQUE
9La variance de cet estimateur
peut
être calculée et vaut :c’est-à-dire :
Cette variance
prend
encompte
deux causesd’erreurs aléatoires :
e l’une
provenant
duplan
desondage
7r mis en oeuvre :Ce terme d’erreur est identifiable à celui obtenu en
(6)
dans le cas dusondage
élémentaire. En
effet,
sous leshypothèses (M),
il est aisé de vérifier que :et donc
.
l’autre,
additive à laprécédente,
est associée à la formation même du modèle :Cette erreur est celle
qui
résulteraitd’une
observation continue sur unepériode [0, T]
du bruit étudié.Elle traduit le
risque
associé àl’hypothèse bayesienne
ou encore au fait que lesmesures sont effectuées le
long
d’unetrajectoire particulière
des niveaux sonores.Cet estimateur
KB
deK(T )
est celuiqui
fonde leplus généralement
l’estimation duLeq
et cela pour les raisons suivantes :2022 il est
obtimal lorsque l’hypothèse bayesienne
est vérifiée2022 il conserve de bonnes
propriétés
et demeure enparticulier asymptotiquement
sans biais
lorsque
cettehypothèse
n’est pas satisfaitele la connaissance du
plan
desondage
7r n’est pas nécessaire à sa mise en oeuvre. Leplan
des mesures à réaliserpeut
donc être laissé à la discrétion desopérateurs compte
tenu des contraintes liées au terrain. Il demeure toutefois souhaitable que les mesures soientréparties
sur toute lapériode
du fait d’unrisque
d’erreursd’échantillonnage importantes.
Lexpression
associée de l’estimateur duLeq
est la suivante :10 M. J.C BASTIDE
où
Leq
est le niveauacoustique
continu mesuré pour lapériode (Ati).
Remarque :
JSi on note
1/At
la vitessed’acquisition
de l’information sur les niveaux depression
sonoreL(t)
et n le nombre de mesures effectuées au sonomètre de ceux-ci(n
=T0/~t),
l’estimateurprécédent
pourra dans le cas d’un microéchantillonnage
du bruit
s’exprimer
de lafaçon
suivante :avec :
où
0-2 (V (t))
est la variance despuissances rayonnées
instantanées.c)
Estimation soushypothèse gaussienne
Comme nous l’avons
indiqué
auparagraphe précédent,
le bruit est leplus
souvent
représenté
sous la forme d’un processus aléatoire. Nous admettrons donc ici que le processusz)
est stationnaire etergodique.
Laquantité K(T)
définie en(3) s’exprime
alors comme la moyennetemporelle
de ce processus dont onsait,
sousces
hypothèses, qu’elle
est identifiable à sonespérance mathématique.
Nous admettrons de
plus
que le processusL(t)
des niveaux depression
sonoreest lui-même stationnaire et
gaussien
de moyenne m et de variance03C32.
Sous ces
hypothèses
le processusV(t)
=exp(aL(t))
estLog gaussien
d’oùK(T )
=E(V(t))
Compte
tenu de la relation(2)
et de la valeurapprochée
retenue pour a(a
=0, 230)
on déduit la valeur du niveau
acoustique
continuéquivalent :
Il est donc
possible
pour cette modélisation du bruit et sous réserve del’hypothèse
d’une distribution
gaussienne
des niveaux depression
sonore de formuler un nouvelestimateur du
Leq (T)
soit :avec
L
etS 2
estimateurs usuels des moyenne et variance des niveaux depression
sonore.
La variance de cet estimateur
peut
alors être aisément calculéepuisque,
s’agissant
d’une distributiongaussienne,
les estimateursL
etS 2
sontindépendants
11 ESTIMATION ET MESURE DU NIVEAU
ACOUSTIQUE
et de variance
respective :
où n est le nombre de mesures effectuées des niveaux de
pression
sonore instantan-nés.
d’où
Pour un examen
plus précis
de cet estimateur onpeut
sereporter
à l’étude de MM.BENARD et CASTEL citée en
bibliographie.
3. Dimensionnement des
échantillons
Nota : Dans ce
paragraphe
et pour des raisons de commoditésd’écriture,
nousnoterons indifféremment
eU
ouexp(U) l’exponentielle
de U.Les estimateurs
précédemment présentés
deK(T)
sontasymptotiquement gaussiens.
Il est doncpossible
de construire un intervalle de confianceasymptotique
pour
K(T )
deprobabilité
1 -0.
Nous nous réfèrerons dans cequi
suit à l’estimateurKB qui
demeure leplus
communément utilisé et nous noteronsKmax
etKmin
lesbornes de l’intervalle de confiance obtenu. Celles-ci sont définies par :
Lors d’un
micro-échantillonnage
dubruit,
cecipeut
encore s’écrire :où :
. n est le nombre
équivalent
des mesures réalisées des niveaux depression
sonore*
t{3(n - 1)
est la valeur seuildépassée
avecprobabilité /?/2
par un T de Student àn - 1
degrés
de liberté.De cet intervalle de confiance on déduit en transformant par la relation
exprimée
en(2)
celui associé auLeq
et dont les bornes sontrespectivement :
Cet intervalle de confiance n’étant pas centré sur l’estimation du
Leq,
nousappellerons précision
son étendue notée x :12 M. J.C BASTIDE
Chercher un niveau de
précisionx
donné au seuil deprobabilité 1 -,3
fixé pour l’estimation duLeq (T)
revient donc à satisfaire la relation suivante :en notant
’Y(V)
=03C3 (V) E(V),
le coefficient de variation depuissances rayonnées
instantanées cette
inégalité
s’écrit :La résolution de cette
équation
conduit alors à définir le nombreéquivalent
minimal de mesures nécessaires comme le
plus petit
entier n satisfaisant àl’inégalité :
Il est
possible
àpartir
de cette relationd’élaborer,
pour différents seuils deprobabilité
1 -/?,
une table donnant le dimensionnement(nombre
ou durée desobservations)
utile de l’échantillon àprélever compte
tenu de laprécision
souhaitéeet des
caractéristiques
du bruit observé. Un extrait d’une table au seuil 1-(3
= 95 %est
proposé ci-après.
Notons encorequ’une
table ainsi construite futproposée
dès1975 par James C. Rock lors d’un
congrès européen d’acoustique.
Remarque
Si les niveaux de
pression
sonoreL(t)
suivent une loi de GaussN(m, u),
alorsles
puissances rayonnées V(t)
sont distribuées selon une loiLog-normale.
Leurcoefficient de variation
03B3(V) s’exprime
donc àpartir
del’écart-type u
des niveaux depression
sonore selon la formule suivante :13 ESTIMATION ET MESURE DU NIVEAU
ACOUSTIQUE
Tableau donnant le nombre de mesures à effectuer dans le cas d’un
micro-échantillonnage
des niveaux depression
sonore(Extrait
de table au seuil 1 -(3
= 95%)
Estimateur du niveau
acoustique
continuéquivalent :
La durée des observations s’obtient en
multipliant
leur nombre n parAt, caractéristique temporelle
du sonomètre utilisé.2022
cr (L) :
écarttype
des niveaux depression
sonore(cas gaussien)
2022
03B3(V) :
coefficient de variation despuissances rayonnées (cas
nongaussien).
Nota : La
précision
del’appareil
de mesure utilisé est additive à celleindiquée
de l’estimateur.
Exemple
d’utilisation de la table1)
Soit un bruitpossédant
une distributiongaussienne
des niveaux depression
sonore d’écart
type (1(L)
= 4dB;
ladétermination,
avec uneprécisionx
= 1dB,
duLeq
associé nécessitera alos la réalisation de 391 mesures de ces niveaux.2)
Soit un bruit dont la distribution des niveaux depression
sonore est nongaussienne
etpossédant
un coefficient de variation despuissances rayonnées 03B3(V)
=2, 397 ;
ladétermination,
avec uneprécision x
= 2dB,
duLeq
associé nécessitera alors 432 mesures des niveaux depression
sonore.14 M. J. C. BASTIDE
Bibliographie
[1] BÉNARD
et CASTEL(Mars 1987).
- L’évaluation du niveauquotidien d’expo-
sition sonore par une
technique
demicro-échantillonnage
et sa validation ex-périmentale
en milieu industriel.Préventique,
n° 13.[2]
C. GOURIEROUX(1981).
- Théorie dessondages.
Economica.[3]
INRS(1987).
- Dossier Bruit. Editions INRS ED 696.[4]
Ministère duTravail,
del’emploi
et de la formationprofessionnelle (1985).
Bilan en 1984 des Conditions de travail. Documentation
Française.
[5]
J.C. ROCK(1975).
2014 On the evaluation of hazardous noise environments.Dans : Recueil des communications du 1er
congrès européen d’acoustique,
29-9 au14.10.1975
(Fase 1975). Lannion, GALF, département
"Etudes ettechniques acoustiques", pp.605-610.
[6]
E. ROUBINE(1970).
2014 Introduction à la théorie de lacommunication,
tomeII,
Signaux
aléatoires. Masson et Cie.Textes
officiels
etnormatifs :
Arrêté du 12 août 1975 : Méthode de mesure des niveaux sonores en milieu de travail en vue de la
protection
de l’audition - JO du 12 octobre 1975.Le bilan social. Textes d’intérêt
général,
n° 77-235 - JO du 10 décembre 1977.Directive n°
86/188/CEE
du Conseil des communautéseuropéennes
du 12mai 1986 : Protection des travailleurs contre les
risques
dus àl’exposition
du bruitpendant
le travail -J.O.C.E.,
n° L.137 du 24 mai 1986.Norme NF S 31-084 : Méthode de mesurage des niveaux sonores en milieu de travail en vue de l’élaboration du niveau
d’exposition
sonorequotidienne
destravailleurs - AFNOR Août 1987.