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Fortunat et l'épigraphie

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Fortunat et l’épigraphie Robert Favreau

Edmond Le Blant a soulevé, dès les premières pages de son premier volume des Inscriptions chrétiennes de la Gaule1 une question de fond : comment l’épigraphiste doit-il considérer les grands lettrés de l’Antiquité tardive et du Moyen Age qui ont composé un certain nombre de leurs écrits dans le style épigraphique ? Il a pris position en publiant les poèmes de Venance Fortunat qui peuvent se rattacher à l’épigraphie, épitaphes ou consécrations d’églises principalement : « En joignant aux inscriptions chrétiennes de la Gaule les épitaphes composées par Sidoine Apollinaire et par Fortunat, je ne crois pas, écrit-il, sortir du cadre purement épigraphique de mon travail... ». Il est certain que la plupart de ses Epitaphia sont des compositions épigraphiques, car elles comportent des expressions que l’on trouve dans les inscriptions. Il n’écartait de son recueil que l’épitaphe de Vilithute, qu’il classait, en raison de sa longueur - 160 vers -, dans la catégorie des éloges funèbres, tout en rappelant que l’on connaît des inscriptions fort longues, tels les 119 vers de celle de Csarine.

Il y joignit quatre textes, trouvés dans un manuscrit de la Bibliothèque d’Alexandre Petau, et qu’il pensait attribuables, en raison de leur style, à Fortunat2.

Jean-Baptiste de Rossi a adopté la même attitude que son ami E. Le Blant dans l’introduction de son volume consacré aux sylloges épigraphiques3 : beaucoup des compositions poétiques de Fortunat sont « manifestement destinées à des monuments », et tout le livre IV est consacré aux épitaphes. « Venantius Fortunatus habendus est inter auctores primarios litteraturae, ut ita dicam, epigraphicae christianae ». Et de fait Rossi a rencontré les œuvres poétiques de Fortunat regroupées dans un manuscrit de la Bibliothèque nationale (latin 13048), l’épitaphe de l’abbé Victorien intégrée dans une anthologie hispanique du VIIIe siècle4 un texte destiné à l’église Saint-Laurent de Rome conservé dans un manuscrit réunissant des inscriptions romaines5.

Camille Jullian a inclus dans le second volume des Inscriptions romaines de Bordeaux en 1890 deux épitaphes d’évêques de Bordeaux et une pièce sur la basilique Saint-Martin édifiée par l’évêque l’évêque Léonce Frank6. Xaver Kraus, la même année, a compris deux pièces de Fortunat sur la basilique de Saint-Georges et le baptistère de Mayence dans sa publication sur les inscriptions chrétiennes de Rhénanie7, et Emile Huebner a inséré l’épitaphe de l’abbé Victorien dans ses Inscriptions chrétiennes d’Espagne8, ce qu’après lui reprendra José Vivès9.

Face à cette belle unanimité des auteurs de recueils épigraphiques, quelques voix se sont élevées. Gaston Boissier écrit ainsi en 1890 : « Fortunat ne manquait pas l’occasion de la dédicace d’une église ou de la mort de quelque personnage important pour composer une de ces pièces de vers qui devaient lui mériter quelque reconnaissance... Mais comme on ne sait si ces fades compliments ont été jamais placés sur une église ou sur une tombe, il me paraît d’une saine critique de les laisser dans l’œuvre de l’auteur et de n’en pas grossir inutilement les recueils épigraphiques10. Wilhem Meyer estime, en 1900, que la plupart des poésies de Fortunat sont des œuvres de circonstance11 et Pierre de Labriolle en 1921 juge que les épitaphes de Fortunat étaient «

1 Inscriptions chrétiennes de la Gaule antérieures au VIIIe siècle, t. I. Provinces gallicanes, Paris. 1856, p. 4 et suiv.

2 Ibid., p. 316-321, nos 218-221.

3 J.-B. De Rossi, Inscriptiones Christianae urbis Romae septimo saeculo antiquiores, 11-1, Rome, 1888, p. XLVIII-XLIX.

4 Ibid., p. LI et p. 294.

5 Ibid., p. 153.

6 C. Jullian, Archives municipales de Bordeaux. Inscriptions romaines de Bordeaux, Il, Bordeaux, 1890 (inscriptions chrétiennes).

7 F.X. Kraus, Die alrchristlichen lnschriften der Rheinlande von den Anfängen des Chrisrenthums am Rheine bis zur Mitte des Achten Jahrhunderts, Fribourg-en-B, 1890, nos 45 et 46, p. 26.

8 E. Huebner, Inscriprionum Hispaniae Christianarum supplementum, Berlin, 1900, n° 389, p. 73.

9 J. Vives, Inscripciones cristianas de la Espana romana y visigoda, Barcelone, 2e éd., 1969, n° 283, p. 87-88.

(Monumenta Hispaniae sacra. Serie patristica, vol. II. Biblioteca historica de la Biblioteca Balmes. Serie II. vol.

XVIII).

10 Journal des savants, année 1890, p. 274 (compte rendu de l’ouvrage de C. Jullian).

11 Cité par l’abbé D. Tardi, Fortunat. Étude sur un dernier représentant de la poésie latine dans la Gaule mérovingienne, Paris, 1927, p. 51-52. Tardi se range, au contraire, dans le camp des défenseurs de Fortunat, « épigraphiste ».

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destinées à être lues plutôt qu’à être gravées »12, Hippolyte Delehaye trouve trop longue - 132 vers - pour « avoir été conçue pour être gravée sur les murs de la cathédrale de Tours » une inscription, que Le Blant a publiée dans son recueil, tout en la subdivisant en huit numéros, et en reconnaissant que la première partie qui comprend 92 vers, n’a « peut-être été transcrite qu’en partie sur les murs du saint lieu ». Le même H. Delehaye pense en revanche qu’un autre poème de Fortunat In cellula sancti Martini a « toutes les allures » d’une inscription13.

Alors « Fortunat épigraphiste »14 ou simplement habile et facile versificateur ? Les jugements resteront divers selon l’appréciation que l’on portera sur les poèmes, sans pouvoir être tranchés définitivement puisqu’on ne dispose pas, comme pour le pape Damase, d’exemples d’œuvres de Fortunat qui aient été effectivement gravées ou peintes de son temps. Le problème n’est, cependant, pas seulement là ; il est aussi de savoir si l’œuvre de Fortunat a des rapports avec l’épigraphie, ou si l’épigraphiste peut s’en désintéresser et en laisser l’étude aux seuls historiens et littéraires ?

L’argumentation selon laquelle Fortunat aurait composé, sur commande, des poèmes qui allaient être inscrits sur une nouvelle église ou servir d’épitaphe à quelque noble personnage, repose presque uniquement sur les « formes épigraphiques » qui abondent dans les 63 pièces « épigraphiques décomptées par E. Le Blant et H. Leclercq, qui découpent en huit parties une pièce présentée sous un seul numéro par l’éditeur des œuvres de Fortunat, Frédéric Leo15. Cette même pièce comporte, en effet, sept morceaux distincts, qui illustrent sept scènes de la vie de saint Martin, et qui ne comportent que 10 (deux scènes) ou 4 vers (cinq scènes). Écrite pour l’église de Tours que vient de rénover son évêque, Grégoire de Tours, elle peut avoir été effectivement peinte sur les murs de Tours. Une autre pièce composée pour la cellule de saint Martin, in cellula comme le fait remarquer H. Delehaye, et non in cellulam comme a publié F. Leo, a été écrite à la demande de Grégoire de To urs16. C’est la seule pièce qui mentionne une « commande

», elle comporte en son premier vers une apostrophe au passant, Qui celerare paras, iter hue deflecte, viator, qui est assurément une caractéristique de l’épigraphie. D’un autre côté elle compte 24 vers, et est écrite dans un style élégant, fort éloigné de la concision habituelle en épigraphie. En revanche on pourrait facilement en détacher le premier ou le dernier distique, ou utiliser l’avant-dernier distique en changeant le nom.

Les autres pièces, en particulier le livre IV qui est entièrement consacré à des épitaphes, prêteraient à de semblables observations: il est facile d’en retenir un ou deux vers, certaines formules sont très proches de l’épigraphie, voire directement épigraphiques, Hocjacet in tumulo, Hoc recubant tumulo... membra, Condita sunt tumulo... membra, mais elle se prêtent rarement à une utilisation complète, tant par l’élégance ou la préciosité de la langue que par la longueur habituelle des pièces : si l’on retient l’énumération de H. Leclercq de 63 pièces épigraphiques, 15 ont de 4 à 10 vers, 24 de 12 à 20 vers, 24 de 22 à 92 vers et on doit rappeler que l’épitaphe de Vilithute a été écartée par Le Blant et rangée par lui dans la classe des éloges funèbres en raison de sa longueur. Par ailleurs Fortunat connaît bien non seulement les auteurs de l’Antiquité classique - on sait qu’il a été formé à Ravenne17- mais les premiers versificateurs chrétiens, Sidoine Apollinaire, Coelius Sedulius, Arator, Prosper d’Aquitaine, Juvencus, auxquels il fait de nombreux emprunts qu’a relevés Manitius dans l’édition de Fr. Leo18. Plutôt que de vouloir à tout prix que les pièces aient ou n’aient pas été inscrites de son temps, on peut aussi retenir l’hypothèse que l’on s’est volontiers adressé à Fortunat pour lui demander des compositions métriques dans lesquelles on savait qu’il excellait, ou encore que Fortunat, de lui- même a composé avec la facilité qu’on lui connaît des pièces de circonstance, mais que dans l’un comme dans l’autre cas on n’a pas dû emprunter l’intégralité de ses compositions, mais plutôt un vers, un distique, une expression, comme lui-même l’avait fait pour ses devanciers.

12 P. De Labriolle, Histoire de la littérature latine chrétienne, Paris, 1921, p. 657.

13 H. Delehaye, Mélanges d’hagiographie grecque et latine, Bruxelles, 1966, « Une inscription de Fortunat sur saint Martin », p. 207 ; Le Blant, op. cit., nos 185-192, p. 247-253; Delehaye, op. cit., p. 210-211.

14 H. Leclercq, « Fortunat épigraphiste et liturgiste », dans Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, V-2, Paris, 1923, col. 1982-1997.

15 Venanti Honori Clementiani Fortunati presbyteri italici opera poetica, éd. Fr. Leo, Berlin, 1881, livre X, pièce 6, p.

234-238 (M.G.H., A.A. tomi IV pars prior).

16 Ibid., 1, 5, p. 9-10 : rogante Gregorio episcopo.

17 Reginon Chronicon, éd. G.H. Pertz, Hanovre, 1826, p. 548 : ln Ravenna nutritus et doctus, (M.G.H, SS, 1).

18 Index III : « Poetarum priorum loci expressi a Fortunato », p. 132-137 du t. IV pars posterior, paru en 1885.

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« L’influence de Fortunat fut considérable... C’est lui que les poètes carolingiens ne H

cesseront d’imiter en empruntant leur forme aux classiques de l’antiquité », écrit Bezzola19. Effectivement les œuvres de Fortunat sont très appréciées par les poètes de la fin du VIIIe et du IXe siècle. Paul Diacre20 et Alcuin21 consacrent chacun une épitaphe fort louangeuse à l’évêque de Poitiers, Ermold le Noir. Candide, moine de Fulda, Raban Maur, Walafrid Strabon, Florus de Lyon, Wandalbert de Prüm, les auteurs des Carmina Cenomanensia et des Carmina Salisburgensia22, citent expressément Fortunat qu’ils classent parmi les grands poètes latins.

L’abbé de Saint-Denis, Hilduin, dans sa lettre à Louis le Pieux en introduction à sa vie de saint Denis, rappelle que Fortunat, vir prudens et scholasticissimus, est l’auteur d’une très belle hymne en l’honneur du saint23. Hincmar de Reims dit que Fortunat était si connu par ses qualités de poète qu’il était sollicité par beaucoup de grands de son temps24. Reginon, abbé de Prüm, parle de la naissance de Fortunat, de son éducation, de sa venue à Tours puis à Poitiers et le qualifie de poeta in Galliis insignis, in arte grammatica sive rhetorica seu metrica clarissimus25. Flodoard cite les 38 vers composés par Fortunat sur l’évêque de Reims Egidius26et indique que l’auteur était tenu, en Gaule, comme remarquable dans l’art poétique27. Aimoin de Fleury mentionne Fortunat, in rhetorica metricaque famosus, comme l’auteur de vies et de passions de saints ainsi que de poèmes élégants écrits pour ses amis ; il cite en particulier un poème pour les noces du roi Sigebert et de la reine Brunehaut28, et ajoute qu’ayant eu par hasard entre les mains le recueil des poèmes écrits par Fortunat à ses amis, il a admiré son éloquence et son affabilité29. Odorannus de Sens mentionne les mêmes vers sur Sigebert et Brunehaut, et reproduit l’épitaphe de la reine Theudechilde I30 et les vers sur la reine Theudechilde II31, œuvres de ce Fortunat, « homme d’une très grande éloquence, célèbre dans presque toute la Gaule », et s’exprimant de « façon très élégante »32. Sigebert de Gembloux mentionne dans ses Chroniques l’italien Fortunat comme un poète qui brilla en Gaule33, et donne une liste de ses œuvres, poèmes pour ses amis, vie de saint Martin en quatre livres, hymnes, etc., qu’il composait avec autant de douceur que d’éloquence34. Encore au XIIIe siècle Vincent de Beauvais rappelle l’éclat du poète, cite le premier vers de l’épitaphe que lui consacra Paul Diacre, donne l’état de ses œuvres hagiographiques et cite en exemple un vers de Fortunat : Pauper in angusto regnat, habendo Deum35.

Fortunat continuera à être mis au premier rang des poètes à l’époque moderne, et après une louange excessive, connaîtra au XIXe siècle une critique trop négative, avant de faire l’objet de jugements plus nuancés. Mais, pour ce qui concerne notre objet, il est incontestable qu’au Moyen

19 R. Bezzola, Les origines et la formation de la littérature courtoise en Occident. (500-1200). Première partie. La tradition impériale de la fin de l’Antiquité au XIe siècle, Paris, 1950, p. 74 (Bibl. de l’Éc. des Hautes Études. Sc. hist. et philol., 286e fasc.).

20 Paul Diacre, Historia Langobardorum, II, 13, éd. Bethmann et Waitz (M.G.M., SS. rerum Langobardicarum) ; Poetae Latini aevi Carolini, 1, éd. E. Duemmler, Berlin, 1881, p. 56-57 (M. G.H., Poetarum Larinorum medii aevi, 1), p.

56-57 ; Corpus des inscriptions de la France médiévale. 1. Poitiers, éd. R. Favreau et J. Michaud, Paris et Poitiers, 1974, n° 30, p. 33-35.

21 Poetae Latini aevi Carolini, I, p. 326 ; Corpus des inscriptions de la France... cit., n° 45, p. 48.

22 Poetae Latini aevi Carolini, II, p. 5, 95, 157, 262, 508, 567, 623, 637 (MGH, Poeratum Latinorum medii aevi, II).

23 PL, 106, col. 20.

24 PL, 126, col. 125 : metricis versibus insignem.

25 Reginon, Chronicon, éd. G.H. Pertz, MGH, SS, 1, Hanovre, 1826, p. 548.

26 Opera poetica, III, n° 15, p. 68-69.

27 Flodoard, Historia Remensis ecclesiae, éd. J. Heller et G. Waitz, MGH. SS, 13, Hanovre, 1881, p. 448 ; Flodoard a aussi utilisé la vie de saint Rémy attribuée à Fortunat dans ses Annales (éd. Ph. Lauer, Paris, 1905, p. XIII-XIV (Collection de textes pour servir à l’étude et à l’enseignement de l’Histoire).

28 Opera poetica, I. VI, nos 1 et 1a, p. 124-130.

29 Aimoin de Fleury, Historia Francorum, 1. III, c. 13, PL, 139, col. 702.

30 Opera poetica, I. IV, n° 25, p. 94-95. (31).

31 Ibid., I. VI, n° 3, p. 134-135.

32 Odorannus de Sens, Opera omnia, éd. R.-H. Bautier et M. Gilles, Paris, 1972, p. 78-79 (Sources d’histoire médiévale publiées par l’Institut de recherche et d’histoire des textes).

33 Sigebert, Chronica, éd. L.C. Bethmann, MGH, SS, 6, Hanovre, 1844, p. 319.

34 Liber de scriptoribus ecclesiasticis, c. XLV, PL, 160, col. 558.

35 Vincent de Beauvais, Speculum historiale, livre 21, chapitre 126, Douai, 1624, p. 858. Le vers cité vient d’un poème sur la virginité (Carmina, VIII 3, Opera poetica, éd. Leo, p. 93).

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Age il est tenu pour un des plus grands poètes. Et nous savons par ailleurs que Fortunat fut, depuis une époque ancienne vénéré comme saint36. Pour l’une et l’autre raison il était normal qu’on imite son œuvre et qu’on y fasse des emprunts.

On trouve dans les inscriptions médiévales, de nombreuses expressions employées par Fortunat dans ses œuvres poétiques. Les emprunts sont rarement au niveau d’un vers entier ou de plusieurs vers. Le plus développé se rencontre en Angleterre, où, vers 700, le roi de Wessex Ine aurait fait graver sur l’église de Glastonbury qu’il reconstruisait, 26 vers copiés, à quelques adaptations ou variantes mineures près, sur deux poèmes de Fortunat, le premier pour l’église de Nantes (vers 1-12 et 17-20), le second pour une église de Paris (vers 17-21)37. Le Blant prend argument de ce long emprunt pour estimer que nous avons, dans les poèmes de Fortunat pour Nantes et pour Paris d’incontestables inscriptions murales38. Mais les textes complets correspondent à 58 et 26 vers, et l’exemple de Glastonbury montre surtout que les emprunts se sont faits par choix de quelques vers, adaptations, modifications, plutôt que par des copies intégrales. Au reste l’exemple de Glastonbury doit être fortement relativisé. Le récit de Guillaume de. Malmesbury sur l’antiquité de l’église de Glastonbury a fait, en ce passage, l’objet d’interpolation par un scribe ultérieur.

L’inscription supposée est, en fait, un pastiche (légèrement modifié) de deux poèmes de Venance Fortunat que Guillaume ne connaissait pas » 39. Plutôt qu’une inscription gravée effectivement vers 700 à Glastonbury, il faut donc voir ici une composition littéraire témoignant à la fois du succès de Fortunat encore après la seconde moitié du XIIe siècle, et du renom qu’il avait comme « épigraphiste ».

L’apostrophe au passant caractéristique de l’épigraphie tumulaire, et qu’a utilisée à diverses reprises Fortunat, a conduit à des emprunts incontestables d’auteurs d’épitaphes au poète du VIe siècle. L’exemple le plus évident est le premier vers de l’épitaphe consacrée par Fortunat au fondateur et premier abbé du monastère de Asan,40 saint Victorien, mort en 558 : Quisquis ab occasu properas hue, quisquis ab ortu :41 le vers, inspiré peut-être de Malachie (I, 11) est reproduit tel quel en tête de l’épitaphe de Crescentius, à Saints-Côme-et-Damien à Rome en 101042. Sous une forme très proche Quisquis ab occasu venis hue, vel quisquis ab ortu43 il ouvrait aussi, à Gorze, l’épitaphe de Chrodegang, évêque de Metz, mort en 766, mais cette épitaphe de 20 vers n’est connue que par des manuscrits et n’ a peut-être jamais été effectivement inscrite. Elle est, en tout cas, le fait d’un auteur qui connaissait bien les œuvres de Fortunat auxquelles il a emprunté plusieurs expressions, egregium meritis, pontificalis apex, norma salutis, terram dat terrae. Du domaine de l’épigraphie littéraire est évidemment l’épitaphe composée par Théodulfe d’Orléans pour le tombeau du pape Hadrien, qui emprunte les deux premiers vers de Fortunat pour l’abbé Victorien44.

Une autre apostrophe « épigraphique » de Fortunat a inspiré le début de trois épitaphes de papes. Son poème pour la porte d’un oratoire à Artanne, près de Tours, commence par : Quisquis ad haec properas venerandi limina templi45. On retrouve le premier hémistiche dans les

36 Baudoin de Gaiffier, « S. Venance Fortunat, évêque de Poitiers. Les témoignages de son culte », dans Analecta Bollandiana, t. LXX, p. 262-284.

37 Guillaume Camden, Britannia, sive florentissimorum regnorum Angliae, Scotiae, Hiberniae et insularum adjacentium..., Londres, 1607, p. 165.

38 E. Le Blant, Inscriptions chrétiennes de la Gaule... , I, n° 198, p. 261-264 (Nantes) n° 208, p. 295-300.

39 The Early History of Glastonbury. An Edition, Translation and Study of William of Malmesbury’s « De antiquitate Glastonie Ecclesie » par John Scott, Bury St Edmunds, 1981, p. 94-97 et n. 89, p. 199.

40 Asàn, diocèse de Huesca, aujourd’hui Barbastro, Aragon ; le monastère a disparu au IXe siècle.

41 Fortunat, Opera poetica, Carmina, IV, 11, p. 87.

42 V. Forcella, Iscrizioni delle chiese e di altri edificii di Roma dal sec. XI ai giorni nostri, IV, Rome, 1874, n° 144, p. 63 ; A.

Silvagni, Monument a epigraphica Christiana saeculo XIII antiquiora quae in Italiae finibus adhuc exstant. I. Roma, pars 1, Rome, 1943, pl. XVIII, 4 ; Die lateinischen Dichter des deutschen Mittelalters. V. Die Ottonenzeit, par K. Strecker et N.

Fickermann, G. Silagi et B. Bischoff, Leipzig/Berlin/Munich, 1937-1979, p. 342.

43 Poetae Latini aevi Carolini, 1, p. 108.

44 Ibid., p. 490, vers 23 et 24; le premier vers est légèrement modifié : Quamquis ab occasu properans vel quisquis ab ortu. On a gardé l’épitaphe effectivement gravée pour Hadrien.

45 Fortunat, Opera poetica, Carmina, X, 5, p. 234.

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épitaphes de Benoit III, en 85846, QUISQUIS HUC PROPERAS ... , et de Nicolas Ier, en 86847, QUISQUIS AD HAEC PROPERAS... , à Saint-Pierre du Vatican. Le premier vers de l’épitaphe de Serge IV en 1012 à Saint-Jean de Latran peut avoir pris pour modèle le vers de Fortunat pour Artanne ou un autre vers du même pour Saint-André de Ravenne48 QUISQUIS AD HAEC TENDIS SUBLIMIA LIMINA TEMPLI49.

Ce que l’on retrouve le plus souvent, dans les inscriptions médiévales, ce sont des expressions qu’a déjà employées Fortunat. Une recherche systématique exigerait de traiter par l’informatique les œuvres poétiques de Fortunat. J’ai simplement confronté une lecture attentive des pièces de Fortunat à caractère épigraphique avec les concordances informatiques de l’ensemble du corpus épigraphique français pour les VIIIe-XIIIe siècles. J’ai ainsi repéré un peu moins de 80 expressions de Fortunat utilisées dans des inscriptions. Il s’agit soit de fin d’hexamètre (22), soit de premier hémistiche (29), soit de fin de pentamètre (11), soit d’expressions situées dans le corps du vers (16). Fortunat utilise régulièrement le distique élégiaque, ce qui donne encore plus de facilité d’emprunt dans la mesure où le premier hémistiche d’un hexamètre ou pentamètre peut aussi être utilisée comme second hémistiche d’un pentamètre, pour peu que Fortunat y ait employé deux dactyles, ce qui, dans les emprunts repérés se rencontre une quinzaine de fois. Ainsi Fortunat parle-t-il de pontificalis apex pour un évêque en début d’hexamètre pour Léonce de Bordeaux, en fin de pentamètre pour Chronopius de Périgueux50. L’expression est de même en fin de vers dans l’épitaphe de Chrodegang, évêque de Metz, en 766, à Gorze, en début de vers dans celle d’Ebroïn, évêque de Poitiers en 85851. Fortunat place en seconde partie de pentamètre une formule qui semble bien être de son invention, promptus ad omne bonum52. Elle est employée dans la même situation en 1110 à la cathédrale de Rouen dans l’épitaphe de l’archevêque Guillaume53 mais en premier hémistiche d’un hexamètre vers 1199 pour l’évêque de Limoges de Cahors54. Dans l’épitaphe de Chronopius, évêque de Périgueux, Fortunat indique que « son esprit demeure dans les cieux » - spiritus astra tenet -, qu’il fut d’excellente naissance mais plus noble encore par son mérite - nobilior merito -, qu’il jouit désormais d’un jour sans fin – sine fine dies. La première expression se trouvait à Saint-Eusèbe de Verceil55, et a été reprise dans l’épitaphe de l’archevêque Ansegise à Saint-Pierre-le-Vif de Sens en 88356, le deuxième est retenue par Odorannus de Sens en 10 l 557, la troisième se trouve à Lyon58 et à Pontigny en 115159. Les emprunts ont généralement été faits de la sorte : ceux qui avaient à composer une inscription métrique s’inspiraient de poètes en renom, prenaient ici une expression, là une autre, selon les nécessités de la métrique, et la convenance de leur propos.

L’étude des expressions utilisées par Fortunat dans ses pièces métriques et que l’on rencontre dans les inscriptions permettraient aussi de mieux cerner la connaissance des œuvres de Fortunat en

46 J. B. de Rossi, Inscriptiones Christianae... , Il, p. 214.

47 H. Marucchi, Éléments d’archéologie chrétienne. Notions générales, Paris/Rome, 1899, p. 252 ; du même,

Basiliques et églises de Rome, Paris/Rome, 1902, p. 131 (photo) ; A. Silvagni, Monumenta epigraphica christiana. 1, Roma, pl. II, n° 7.

48 Fortunat, Opera poetica, Carmina, 1, 2, p. 8 : Quisquis ad haec sancti concurris limina templi.

49 Le Liber pontificalis, éd. L. Duchesne, II, Paris, 1955, p. 267. Ph. Lauer, Le palais de Latran. Étude historique et archéologique, Paris, 1911, p. 147 (avec photo). A. Silvagni, op. cit., I, pl. IV, n° 3.

50 Fortunat, Opera poetica, Carmina, l, 15, p. 16, et IV 8, p. 84.

51 Corpus des inscriptions de la France médiévale. 1. Poitiers, n° 25, pp. 26-27. Pour Chrodegang, voir supra note 43.

52Fortunat, Opera poetica, Carmina, Il, 11, p. 11. Il fabrique un vers de très proche facture pour l’évêque de Chartres, ibid., IV 7, p. 84.

53 Histoire littéraire de la France, IX, Paris, p. 499-500 ; The Ecclesiastical History of Orderic Vitalis, vol. II, éd.

Marjorie Chibnall, Oxford, 1978, p. 172.

54 Corpus des inscriptions de la France médiévale. II (4ème fascicule). Limousin, éd. R. Favreau et J. Michaud. Poitiers, 1978, p. 210.

55 E. Dichl, lnscriptiones latinae Christianae veteres, 1, Berlin, 1925, n° 1050, p. 201; Rossi, lnscriptiones Christianae urbis Romae..., II, p. 314.

56 Gallia Christiana, XII, col. 27.

57 Odorannus, Opera omnia, éd. Bautier et Gilles, p. 270.

58 Diehl, op. cit., I, n° 46, p. 13.

59 Histoire littéraire de la Fronce, Paris, XII, 1869, p. 410 ; abbé Lebeuf, Mémoires concernant l’histoir_e civile et

ecclésiastique d’Auxerre el de son ancien diocèse, 1, réimpr. Marseille, 1978, p. 314-315. L’épitaphe est l’œuvre de Simon Chèvre-d’Or.

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France et dans l’ensemble de l’Occident. La première approche réalisée ici conduit, par exemple à penser que les poèmes de Fortunat étaient connus à Vienne en Dauphiné aux Xe-XIIIe siècles, car on trouve une dizaine d’expressions de Fortunat dans des inscriptions de la cathédrale, de Saint-Pierre et de Saint- André- le-Bas60. On voit bien aussi des expressions du poète du VIe siècle utilisées en Allemagne et en Italie.

Ici se pose une autre question. Les emprunts que l’on repère dans les inscriptions médiévales ont-ils été faits directement aux œuvres de Fortunat, ou sont-ils passés par l’intermédiaire des poètes qui ont abondamment utilisé Fortunat, à l’époque carolingienne et encore au XIe ou au XIIe siècle, pour des compositions métriques à caractère épigraphique ? Il faut aussi tenir compte de ce que Fortunat a procédé comme tous les poètes du Moyen Age, c’est-à-dire qu’il a lui aussi largement emprunté aux poètes de l’Antiquité classique ou aux poètes chrétiens de l’Antiquité tardive. C’est ainsi que sur les 78 emprunts repérés, 47 semblent devoir être attribués à Fortunat lui-même, tandis que 31 se trouvent dans des auteurs antérieurs, pour moitié classiques comme Virgile, Horace, Ovide, Lucain, Stace, etc, pour moitié chrétiens comme Coelius Sedulius, Juveneuseus, Arator, Prosper d’Aquitaine etc61.

L’édition des oeuvres de Fortunat dans les Monumenta Germaniae historica comporte un index des emprunts faits à Fortunat par les poètes carolingiens, index dû à Manitius62. On peut aisément l’enrichir par le recours au répertoire métrique d’Otto Schumann et par la lecture des œuvres réunies aujourd’hui d’heureuse façon dans les Poetae Latini aevi Carolini. Tel quel, l’index de Manitius montre les nombreuses citations de Fortunat chez Alcuin, Angilbert, Théodulfe, Ermold le Noir, Raban Maur, Walafrid Strabon, Florus de Lyon, Milon de Saint- Riquier et dans bien d’autres auteurs moins connus ou dans des œuvres anonymes. Quelques exemples permettront d’illustrer cette chaîne des emprunts poétiques. L’expression arce poli se trouve dans l’épitaphe de Vilithute composée par Fortunat63. Martial l’emploie déjà au Ier s. et Orientius et Avianus au Ve s. Elle figure dans l’épitaphe de la noble Demetrias à Saint- Pierre de Rome au milieu du Ve s., et dans la mosaïque de Saints-Côme-et-Damien à Rome au temps du pape Félix IV (526-530)64. Alcuin l’utilise à seize reprises, Théodulfe à trois et elle est aussi chez Florus de Lyon, Sedulius Scotus, Hincmar. Raban Maur s’en sert pour l’épitaphe qu’il compose pour lui-même65, l’expression est dans une inscription de Worms qui rappelle la fondation d’une abbaye de femmes par l’empereur Louis le Pieux66. Elle apparaît aussi dans le rouleau mortuaire de Mathilde, abbesse de la Trinité de Caen, morte en 111367, et Baudri de Bourgueil l’emploie également dans l’un de ses poèmes68. Comment savoir par quel canal cette expression est venue à la connaissance de tel ou tel de ces auteurs? L’expression coetibus angelicis qui forme le premier hémistiche dans un poème de Fortunat69 n’est pas indiquée dans les auteurs qui lui sont antérieurs. Elle forme le second hémistiche d’un pentamètre dans l’épitaphe de Pierre, évêque de Pavie, en 73770, et elle se trouve dans des inscriptions d’Arles en 883, de Vienne en 887, de Paris en 1130; les rouleaux des morts de Guifred comte de Cerdagne en 1050-1051, et de Mathilde abbesse de la Trinité de Caen en 1113, l’emploient quatre fois71. Mais pour tous ces emplois de la fin du IXe au début du XIIe siècle, la source est-elle Fortunat, ou les poètes qui l’ont copiée à la fin du VIIIe et au IXe siècle, Alcuin,

60 Ces expressions sont les suivantes : coetibus angelicis, cum judex venerit orbis, eximius meritis, florum flos, petit astra, raptus ab orbe, rege superna, nulli... secundus et nemo secundus, le duce.

61 Ce calcul est fait à partir du très précieux Lateinisches Hexameter-Lexikon. Dichterisches Formelgut von Ennius bis zu Archipoeta d’Otto Schumann, Munich, 1979-1986 (Monumema Germaniae historica, Hilfsmiuel, 4, 1-6).

62 Fortunat, Opera pedestria, éd. Bruno Krusch, Berlin, 1885, p. 137-144.

63 Fortunat, Opera poetica, Carmina, IV 26, p. 98 Leo, cf. aussi XI 5, p. 260.

64 O. Marucchi, Epigrafia cristiana, Milan, 1910, n° 450, p. 415 et n° 451, p. 416 ; Diehl, op. cit., 1, n° 1765, p. 343;

n° 1784, p. 349 ; et aussi n° 55, p. 15.

65 F. Kraus, Die chrislichen inschriften der Rheinlunde. II. Die chrislichen Inschriften von der Mit te des achlen bis zur Mitte des dreizehnten Jahrhunderts, Fribourg-en-Brisgau et Leipzig, 1894, n° 220, p. 98 (Mayence, St-Alban).

66 Ibid., n° 181, p. 82.

67 Rouleaux des morts du IXe au XVe siècle, par Léopold Delisle, p. 185.

68 Baudri de Bourgueil, Les œuvres poétiques, éd. Phyllis Abrahams, Paris. 1926. p. 78, n° 83.

69 Fortunat, Opera poetica, Carmina, VIII 3, p. 181.

70 G. Panazza, Lapidi e sculture paleocristiane e pre-romaniche di Pavia, dans Arce del Primo Millenio... (Congrès tenu à Pavie en 1950), p. 263, n° 74.

71 Rouleaux des morts..., éd. Delisle, p. 79, 185, 239, 259.

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Théodulfe, Florus de Lyon, Raban Maur? A quel poète chrétien Fortunat a-t-il emprunté le pastor ovile, qu’il emploie quatre fois, Paulin de Nole, Paulin de Périgueux, Coelius Sedulius, Arator72. Et les auteurs des inscriptions qui reprennent la formule, à Metz en 855, à Saint- Evroult en 1126, à Elne en 1186, à Paris en 1203, ont-ils cherché leur inspiration chez les premiers poètes chrétiens, ou bien chez Fortunat, ou bien chez Alcuin, Théodulfe, Walafrid Strabon, Sedulius Scotus, Ermold, Flodoard, ou encore, après le milieu du XIe siècle, chez Odorannus de Sens, qui tous reprennent l’expression ?

Une étude complète des rapports entre Fortunat et l’épigraphie exigerait une systématisation à laquelle cette première approche ne prétend pas, et une ampleur qui ne convient pas au cadre d’un article. Je voudrais, cependant, proposer quelques conclusions à partir de la lecture

« épigraphique » de Fortunat à laquelle je me suis livré à l’occasion de cette rencontre.

Fortunat a composé une partie notable de son œuvre dans une forme épigraphique, à laquelle est consacrée notamment tout le livre IV de ses Carmina. Il appartient sans conteste à la famille de ceux qui ont fait de l’épigraphie un genre littéraire, tels que, après lui, Eugène de Tolède, Alcuin, Micon ou Raban Maur, Odorannus de Sens ou Foulcoie de Beauvais, Hildebert de Lavardin ou Baudri de Bourgueil. La forme métrique est fort appréciée jusqu’au XIIIe siècle. Elle suppose une excellente connaissance du latin, à une époque où le latin parlé se dégrade progressivement avant d’enfanter les langues vulgaires. Elle qualifie donc les meilleurs lettrés. Mais il manque encore une étude générale sur cette « épigraphie littéraire ».

Que l’on ait demandé la composition d’inscriptions à ces lettrés capables d’écrire de bons vers classiques, c’est une certitude. On le sait expressément pour Fortunat. Que ces poèmes épigraphiques aient dès lors été intégralement gravés ou peints, n’est pas sûr. Dans le cas de Fortunat on ne peut pas assurer que telle ou telle de ses compositions épigraphiques ait été effectivement reproduite en entier dans une inscription.

L’emprunt se fait rarement par vers entiers, mais se pratique de la façon la plus courante pour des moitiés de vers ou des expressions de deux ou trois mots. C’est la façon de faire entre poètes. Même un Théodulfe qui réclame Fortunat comme l’un de ses grands maîtres, ne copie pas un vers entier, mais change un mot, une tournure qui laisse l’emprunt évident mais évite la copie intégrale.73. Raban Maur, qui procède de la sorte, va un peu plus loin, en intégrant avec des changements minimes dans son épitaphe de l’archevêque Otger, six vers de Fortunat, empruntés à la Vie de saint Manin et à deux épitaphes: ils forment les vers 5-7, 10, 11-12, de son épitaph,e qui comporte quatorze vers74. Dans les seules pièces de Fortunat à caractère épigraphique, on peut retrouver, par une simple lecture, près de 80 expressions reprises dans des inscriptions. Le jour où l’on aura traité l’œuvre complète de Fortunat par les moyens informatiques et où l’on disposera de recueils complets d’inscriptions médiévales, on chiffrera peut-être les emprunts à Fortunat par centaines.

Fortunat a été énormément copié à l’époque carolingienne, comme on peut le constater grâce à la publication presque complète des œuvres poétiques de cette période dans les Monumenta Germaniae historica. L’étude des poètes du IXe siècle qui remettent en honneur l’Antiquité classique et s’emploient tous à composer des vers latins classiques, suppose une bonne connaissance de l’œuvre de Fortunat, qui a régulièrement servi de référence poétique classique à cette époque.

Il n’est pas possible de savoir si les auteurs d’inscriptions ont pris telle ou telle expression chez Fortunat lui-même, ou directement chez les auteurs classiques ou les premiers poètes chrétiens

72 L’expression est aussi dans une inscrip1ion chrétienne donnée par Diehl, Inscriptiones... ,1, n° 987, p. 185.

73 D. Tardi, Fortunat ..., p. 277-279.

74 Poetae Latini aevi Carolini, 11, p. 238-239.

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qui avaient inspiré Fortunat, ou chez les poètes qui ont suivi, en particulier à l’époque carolingienne, et qui ont lu et imité Fortunat de façon si privilégiée. Mais il est indéniable que l’œuvre de Fortunat a servi, directement ou indirectement, de vaste réservoir d’expressions métriques pour les auteurs d’inscriptions affrontés à la nécessité de composer leurs textes en vers, chaque fois qu’ils devaient rédiger l’épitaphe d’un grand personnage ou simplement établir une inscription soignée.

Pour l’épigraphiste l’étude de l’œuvre de Fortunat s’impose d’autant plus que cet auteur a joui d’une constante renommée au Moyen Age, et que de plus il a été vénéré comme un saint, ce qui renforçait encore l’autorité qu’on lui attribuait.

Fortunat ne peut être rangé, de façon certaine, parmi les auteurs d’inscriptions. Mais il est de première importance pour l’épigraphie, et par ses pièces à forme épigraphique, et par les multiples emprunts qui ont été faits de façon continue, directement ou indirectement, à son œuvre poétique.

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