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2014: actualités de la lèpre et les lépreux

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308 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 29 janvier 2014

actualité, info

2014 : actualités de la lèpre et les lépreux

Il y a quelques jours, la Fondation Raoul Follereau appelait à la mobilisation avec sa 61e Journée mondiale des lépreux. Qui se souvient de Raoul Follereau (1903-1977) ? C’était un écrivain et journaliste fran-

çais – par ailleurs fondateur d’une œuvre aujour d’hui connue pour lut- ter contre la lèpre et la pauvreté, une œuvre qui promeut l’accès à l’éduca- tion.

Y aurait-il donc, en 2014, une ac- tualité de la lèpre ? «Malgré des pro- grès significatifs, la stagnation du nombre des nouveaux cas, la persis- tance de la contagion, exigent en ef- fet le maintien d’une vigilance et la mise en œuvre d’une stratégie inno- vante pour espérer l’élimination de la lèpre, résume la Fondation. Com- me la plupart des maladies tropi- cales négligées, dépistée et traitée trop tard, la lèpre inflige une double peine : physique et sociale ; invalidi- tés et exclusion.»

Enseigne-t-on encore la lèpre dans les amphithéâtres ou sur la Toile des facultés de médecine ? Chacun sait qu’elle est due au bacille de Hansen également connu sous le nom de Mycobacterium leprae.

On sait moins qui était le Dr Gerhard Henrik Armauer Hansen (1841-1912), bactériolo- giste et dermatologue norvégien. Il découvre son bacille en 1873. On rapporte qu’Hansen était alors atteint de la syphilis, et ce depuis une dizaine d’années déjà. Mais l’important n’est pas là.

Il y a cent-quarante ans, un homme, Han- sen, démontrait pour la première fois au monde une relation de causalité entre un germe microscopique et une entité patholo- gique. La lèpre devenait alors la maladie de Hansen ; Hansen a ainsi laissé son nom à la fois au germe et à la maladie – éponymie fort utile pour qui portait le diagnostic comme pour celles et ceux chez qui il était porté.

Dix ans plus tard, une autre éponymie com- mençait à faire florès à Paris. Eugène Pou- belle était alors préfet de la Seine. L’époque était à l’hygiène.

En Norvège comme partout ailleurs, la lèpre était alors considérée comme une affec- tion soit héréditaire, soit véhiculée par des miasmes d’apparition plus ou moins spon-

tanée. Hansen s’appuie d’abord sur des chif fres. Il descend vers le sud (Bonn, puis Vienne) pour trouver les outils qui lui per- mettront d’asseoir son hypothèse. Puis il ex-

pose sa découverte : son germe est présent dans les tissus des malades de la lèpre. Si- lence relatif de ses pairs.

Hansen persiste. Il offre des échantillons de tissus lépreux à son double confrère alle- mand Albert Ludwig Sigesmund Neisser (1855-1916). Neisser colore la bactérie de Hansen et, dit-on, prétend qu’elle est sienne.

Suit une querelle peu glorieuse dans laquelle Hansen perdit quelques plumes. Pas assez cependant pour ne pas devenir le lépro- logue officiel de la Norvège. C’est heureux : il fera œuvre utile en éradiquant ou presque la lèpre dans son pays. Puis il meurt du cœur quatre ans avant Neisser qui, longtemps après avoir découvert le gonocoque, mourra d’une septicémie ; à Wrocław.

Nous sommes en 2014. La lèpre sévit dans les zones intertropicales, surtout en Asie du Sud-Est. On estime à plus de dix millions le nombre de lépreux dans le monde. Le réser- voir est principalement constitué par les ma- lades : leurs sécrétions nasales contiennent de nombreux bacilles. Voies de pénétration habituelles : respiratoire et cutanée. Incuba- tion longue, entre deux et dix ans. Deux formes cliniques principales. La plus fré-

quente est la tuberculoïde (lésions cutanées dyschromiques hypoesthésiques ; hypertro- phie des troncs nerveux plus ou moins com- pliquée de déficits sensitifs ou moteurs).

Compter aussi avec la lépromateuse, plus grave (lésions cutanées ulcérées touchant la face – visage léonin – les membres et le tronc ; at- teintes muqueuses – perforation de la cloi- son nasale, atteinte cornéenne ou laryngée ; lésions viscérales – ostéite, orchi-épididymite, hépato-splénomégalie). Traitement : associa- tion rifampicine-dapsone-clofazimine. Pas (encore) de vaccin.

Lèpre dans le monde. Source OMS – août 2012. Plus de deux cent mille cas dépistés en 2011. Dont vingt mille enfants de moins de quinze ans. Entre deux et trois millions de lépreux guéris souffrant de séquelles invali- dantes. Plus de quatorze millions de mala des guéris durant le dernier quart de siècle.

2014. Pour aider les pays touchés où elle peut agir, les bénévoles de la Fondation Raoul Follereau œuvrent sur plusieurs fronts. Il s’agit de prévenir les invalidités mais aussi de développer de nouveaux outils via des traitements prophylactiques pour stopper le cercle de la contamination. Il s’agit aussi de travailler sur une question assez troublante : la transmission peut-elle, au-delà de la con- tamination interhumaine, se faire via l’en- vironnement ? Et quid de l’émergence des résistances ? Il s’agit encore d’œuvrer en synergie, à commencer par la lutte contre l’ulcère de Buruli, pathologie ignorée sous nos contrées et touchant, elle aussi, des po- pulations de régions défavorisées sans cou- verture sanitaire.

61e Journée mondiale des lépreux. A cette point de vue

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Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 29 janvier 2014 309 occasion, la Fondation Raoul Follereau a

donné quelques chiffres. 3 € = cent gants d’examen ; 12 € = une paire de chaussures protégeant les pieds insensibles (prévoir deux paires par an) ; 85 € = une bicyclette (pour un lépreux guéri) ; 100 € = un kit de corti- coïdes (chaque infirmier «spécialiste lèpre»

doit en avoir dans son centre) ; 260 € = un tri- cycle (pour handicapé guéri de la lèpre) ; 750 € = une prothèse tibiale ; 1500 € = une prothèse fémorale.

Mais l’actualité de la lèpre, en 2014, c’est aussi le regard que les outils génomiques permettent de porter sur ce fléau. Regard nouveau permis grâce notamment aux tra- vaux du Pr Stewart Cole (Ecole polytech- nique fédérale de Lausanne), président de la Commission médicale et scientifique de la Fondation Raoul Follereau. Dans l’Europe médiévale, la lèpre triomphait et les lépreux devaient se cacher sous la bure, agitaient leurs crécelles. Pour un peu on les entendrait encore. Puis survient ce qui aurait pu passer pour un miracle de la Renaissance. Au virage entre le XVe et le XVIe siècle, le spectre lé- preux recule soudain sur la plus grande par- tie du Vieux Continent. Un événement inex- pliqué. Baisse soudaine du génie infectieux bacillaire ? Le récent séquençage de cinq sou- ches de Mycobacterium leprae (reconstituées à partir de restes humains prélevés dans des sépultures médiévales) permet de commen- cer à comprendre ce qui a bien pu se passer il y a cinq siècles.

Nous découvrons ainsi que le génome des souches médiévales ressemble presque trait pour trait à celui des souches contempo- raines, et le mode d’action bacillaire n’a pas

changé. «Si l’explication du recul de la lèpre ne se trouve pas dans l’agent pathogène, c’est donc bien chez son hôte qu’il faut la cher- cher, explique le Pr Stewart Cole. Son hôte, c’est-à dire nous-mêmes.» L’homme aurait,

«naturellement», développé des résistances ? Toutes les conditions étaient-elles alors réu- nies pour que s’opère un processus de sélec- tion «naturelle» ? L’isolement auquel les por- teurs étaient contraints a-t-il joué ? Et de quelle manière ?

En enquêtant dans les poussières des sépul- tures, les chercheurs en génétique molécu- laires ont découvert en Suède et au Royaume- Uni une souche médiévale presque identique à celle que l’on trouve aujourd’hui au Moyen- Orient. «Nous n’avons pas les données qui nous permettent de savoir dans quelle di- rection s’est répandue l’épidémie. Ce pourrait être les croisades qui ont amené le patho- gène en Palestine, expliquent-ils. Mais le pro- cessus aurait pu se faire dans l’autre sens.»

Au retour des croisades ?

On observera qu’en 2014 la Fondation Raoul Follereau mène sa croisade humani- taire aux côtés de «l’ordre souverain mili- taire hospitalier de Saint-Jean de Jérusalem, de Rhodes et de Malte», souvent abrégé (pour des besoins de communication, mais aussi quelquefois dans des actes légaux ou diplo- matiques) en «ordre souverain militaire de Malte». Ou «ordre souverain de Malte». Ou

«ordre de Malte». On n’en tirera aucune conclusion. Si ce n’est que chez l’homme le pire n’est pas toujours le plus probable.

Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com

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Références

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