546 Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 7 mars 2012
actualité, info
Dr Christian Danthe Rue de l’AnciennePoste 61 1337 Vallorbe
cdanthe@worldcom.ch
Prévenir l’épidémie des démences (1)
Pas un jour, ou presque, sans que l’on rap
pelle au plus grand nombre la fatalité an
noncée de notre temps : l’augmentation crois
sante de la durée moyenne de l’espérance de vie se paie d’un bien lourd tribut : l’aug
mentation parallèle (et tout aussi spectacu
laire) de la prévalence de ces démences bien spécifiques qui sont dites «liées à l’âge».
Une véritable épidémie, nous diton, qui me
nace des pays hier encore qualifiés d’indus
trialisés. Un autre trait médiatique récent consiste à faire comme si toutes ces démen
ces, présentes et à venir, étaient des mala
dies d’Alzheimer. C’est aller bien vite en be
sogne comme le rappelaient, il y a quelques jours, sous les ors parisiens de la vieille Aca
démie (française) de médecine, les Prs Hu
gues Chabriat et MarieGermaine Bousser (Service de neurologie, Hôpital Lariboisière, Université Paris Diderot).
On estime généralement aujourd’hui que la prévalence des démences chez les sujets de plus de 65 ans approche les 7% et que si les deux tiers d’entre elles correspondent bien à une maladie d’Alzheimer (MA), le tiers restant est d’origine vasculaire. «Dé
mence vasculaire (DV)», donc, pour ne plus dire vascular dementia. «Il s’agit là d’un dé
clin cognitif sévère de cause vasculaire, ré
sument les Prs Bousser et Chabriat. Mais il s’agit en fait d’un syndrome hétérogène aux nombreuses variétés étiopathogéniques : lé
sions ischémiques souscorticales multiples, accident vasculaire cérébral (AVC) siégeant en zone cognitive stratégique, infarctus cor
ticaux multiples, hypoperfusion cérébrale chro nique, angiopathie amyloïde…».
Classiquement, ces démences vasculaires sont de survenue ou d’aggravation brutale
après un ou plusieurs AVC et elles compor
tent un déclin cognitif de type souscortical.
Elles s’opposent ainsi à la démence corticale progressive qui caractérise la MA. Toutefois, des travaux récents (incluant notamment les données issues de l’imagerie cérébrale) ont montré que cette opposition classique n’avait en réalité plus vraiment lieu d’être. Les dé
mences liées à l’âge sont le plus souvent mixtes, avec une synergie entre les lésions de la maladie d’Alzheimer et (au minimum) des facteurs de risque vasculaire, puis des lésions cérébrales silencieuses et (au maxi
mum) des AVC cliniquement par
lants. «Il en résulte qu’en raison de l’absence actuelle de traitement préventif de la maladie d’Al zhei
mer, la meilleure prévention de la démence en général est bel et bien la prévention des AVC, soulignent les Prs Bousser et Chabriat. Celle
ci est basée essentiellement sur le traitement précoce des facteurs de ris que vasculaire, et notamment de l’hypertension artérielle.»
Dans ce contexte, il n’est pas inutile de rappeler ce que signi
fient précisément les termes, fré
quemment utilisés, de «démence»
et de «déficit cognitif vasculaire» (ou vascu- lar cognitif impairment), ce dernier réunissant l’atteinte cognitive mineure (mild cognitive impairment vasculaire ou MCIV) ainsi que les formes plus sévères.
Démence. Ce diagnostic est porté sur la base d’un déclin des fonctions cognitives par rapport à un état antérieur. Ce déclin con
cerne au moins deux domaines cognitifs et il est suffisamment sévère pour altérer les activités de la vie quotidienne. Le diagnostic de démence est d’autre part basé sur une évaluation cognitive qui doit porter sur au moins quatre domaines : fonctions exécutives, mémoire, langage, fonctions visuospatiales.
Noter enfin que les altérations des activités de la vie quotidienne sont indépendantes des séquelles sensorimotrices de l’événement vasculaire cérébral.
MCIV. Il inclut les quatre soustypes du MCI : amnésique ; amnésique associé à l’at
teinte d’autres domaines ; atteinte d’un do
maine non amnésique ; atteinte de plusieurs domaines non amnésiques. La classification est ici basée sur une évaluation cognitive qui doit porter sur au moins quatre domaines :
fonctions exécutives, mémoire, langage, fonc
tions visuospatiales et sur un déclin cogni
tif par rapport à un état antérieur portant sur au moins un domaine. Enfin, les activités de la vie quotidienne sont normales ou légère
ment altérées indépendamment de la pré
sence de symptômes sensorimoteurs.
Le concept de déficit cognitif vasculaire avec ses deux principaux degrés de sévérité, le MCIV et la DV, a été récemment repris et adopté par un groupe de travail internatio
nal sous l’égide de l’American Heart Asso
ciation, de l’American Stroke Association et de l’American Academy of Neurology. Vou
loir les séparer serait oublier que les affec
tions dégénératives et les affections vascu
laires cérébrales sont toutes deux à la fois fréquentes et liées à l’âge. «Ce serait aussi oublier que les neurones, les cellules gliales et les vaisseaux cérébraux – collectivement réunis au niveau de l’unité neurovasculaire – sont indissociables, soulignent les deux auteurs de la communication. En effet, cette unité qui est impliquée dans le maintien de l’homéostasie au niveau microenvironne
ment au sein du tissu cérébral apparaît pro
avancée thérapeutique
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Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 7 mars 2012 547 qu’à la moelle rouge de nos épiphyses spon
gieuses. Ils se montrent tellement carencés en logique élémentaire que nous avons acquis à notre insu l’inconscience d’engager notre pouvoir, notre honneur et la confiance accor
dée à notre statut privilégié sur une double proposition intriquée : Une affirmation sans preuve contenant en son sein une négation sans fondement du type :
«Je soussigné docteur X, certifie que Mon
sieur Z est en parfaite santé, et que rien ne s’oppose médicalement à la pratique de sa charge.»
En d’autres termes, il n’est pas malade se
lon le modèle biopsychosocial de l’OMS, donc il est en état complet de santé physi que, psychique et sociale. Vous sousentendez par là aussi posséder une idée claire de son intimité, dont vous ignorez l’essentiel. Cela implique entre autres qu’il n’est pas censé ni la connaître ni l’affirmer par luimême sans re
quérir à mon expertise, c’estàdire à mon mensonge, et sans ma caution de représen
tant assermenté de l’Autorité (en France, l’Or
dre des médecins, subordonné au pouvoir monarchique). Comment peuton encore pré
tendre être en bonne santé sociale dans ces conditions de violence en faveur d’une telle performance et de telles normes ? Paradoxe du menteur !
Le patient malgré lui 1 est un livre éclairant et pondéré, bien documenté et argumenté qui
contraste avec le coup de gueule qui pré
cède. Son message s’adresse à la médecine occidentale dans son ensemble. Son auteur, notre collègue Laurence de Chambrier, a dé
crit, d’un point de vue critique, un système qu’elle connaît. Elle participe ainsi à une inter
rogation salutaire (dont nous sommes tous capables) sur la généralisation de l’abus du
«certificat médical de bonne santé» et sa poli
tisation implicite. Sa protestation sur le fond rejoint parfaitement la mienne. Elle dénonce la démesure menaçante du pouvoir médical.
Elle nous annonce les dérapages qui nous ex
poseront à des bavures monumentales dans un avenir proche. Voici un extrait de sa qua
trième de couverture.
«De tout temps la médecine a voulu faire croire qu’il était possible de prévenir la mala
die et même la mort. Cet abus permet au Mar
ché de la santé de proliférer à l’infini. Puisque
nous mourons toujours autant. Mais audelà de la marchandisation de la santé, la méde
cine qui, autrefois avait pour but de soulager, soigner, guérir, exerce maintenant un pouvoir sans limite à des fins de plus en plus obs
cures. Alors qu’elle était au service de l’hu
main, elle en a pris possession. Désormais elle contrôle, régule, le surveille. Personne n’y échappe.
L’exemple du certificat de bonne santé il
lustre bien l’absurdité du système tentaculaire qui s’est développé : aujourd’hui, l’homme n’a plus le droit de dire "je suis en bonne santé".
Le médecin doit en témoigner à sa place en produisant un certificat signé. Cela veut dire que nous vivons dans une société où tout in
dividu est considéré comme malade jusqu’à preuve du contraire.»
Le docteur Knock ou le triomphe de la mé
decine était un chapelet de gags jusqu’à au
jourd’hui. Mais dès maintenant, par le relais des lois et des pratiques avec l’approbation des marchés, le médecin jadis aristocrate de
vient lui aussi un esclave grec. Or nous n’avons pas encore atteint le creux de la vague, nous n’avons pas encore touché le fond. Personne ne s’indigne contre le fait qu’il est l’artisan de sa propre aliénation. Un livre à lire et à médi
ter pour une vision à plus long terme d’une so
ciété plus libre.
1 De Chambrier L. Le patient malgré lui. Paris : éditions l’Harmattan, 2011.
fondément altérée dans sa structure et sa fonction, non seulement dans les DV mais aussi dans la MA. Il résulte de ces deux fac
teurs une intrication entre altérations neuro
nales primitives et secondaires à l’atteinte vasculaire aboutissant à une démence quali
fiée de "mixte", beaucoup plus fréquente, notamment chez les sujets âgés, que les for
mes dites "pures" de MA et de DV.»
L’IRM est l’examen de choix pour étudier les lésions cérébrales observées dans les di
verses variétés de démence vasculaire : in
farctus corticaux uniques ou multiples de grande taille, petits infarctus patents clinique
ment ou silencieux, hémorragies cérébrales macro ou microscopiques, hypersignaux de la substance blanche, atrophie corticale. «De nombreuses études ont montré que, même en l’absence d’AVC, la présence d’infarctus silencieux, d’hypersignaux de la substance blanche, et de microsaignements, ainsi que
le volume et la progression des hypersignaux étaient corrélés au risque de démence, pré
cisent les Prs Bousser et Chabriat. Ces lé
sions ne sont toutefois pas spécifiques, puis
que les infarctus silencieux, les hypersignaux et les microsaignements peuvent être pré
sents dans la MA. A l’inverse, l’atrophie hip pocampique, signe précoce de la MA, peut être d’origine vasculaire, sou
lignant une fois de plus l’in
trication des facteurs dégénératifs et vascu
laires dans la pathogénie des démences.»
Parmi les facteurs de risque d’AVC, ceux qui, présents à l’âge moyen de la vie, ont une relation prouvée avec le risque de démence sont l’hypertension artérielle, le diabète, l’hy
percholestérolémie et l’augmen tation de la protéine C réactive (CRP). La relation semble moins solidement établie pour le tabac, l’al
cool ou l’obésité. De tous les facteurs, c’est l’hypertension artérielle qui a l’imputabilité la plus forte. Et la pression artérielle systo
lique ambulatoire sur 24 heures serait un marqueur de risque de déclin cognitif en
core plus sensible que celle mesurée chez le
médecin. Des travaux récents suggèrent par ailleurs que la présence de marqueurs du vieillissement (l’augmentation d’épaisseur intimamédia de la carotide com mune, la ri
gidité aortique, l’athérome extra ou intra
crânien) serait corrélée aux lésions cérébra les silencieuses d’origine vasculaire et au déclin cognitif.
Pour les Prs Bousser et Chabriat, la décou
verte de la cause – ou souvent des causes – associées telles que la fibrillation atriale, l’athé
rome et les maladies des petites artères chez les sujets âgés – est essentielle à la mise en place de mesures de prévention secondaire, afin de tenter d’éviter un nouvel AVC, fac
teur déterminant de l’aggravation de la dé
mence.
(A suivre)
Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com
… la meilleure prévention de la démence en général est bel et bien la prévention des AVC …
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