• Aucun résultat trouvé

Tendances et tensions de l éducation de la petite enfance au Brésil

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Tendances et tensions de l éducation de la petite enfance au Brésil"

Copied!
11
0
0

Texte intégral

(1)

Revue internationale d’éducation de Sèvres

53 | avril 2010

Qualité, équité et diversité dans le préscolaire

Tendances et tensions de l’éducation de la petite enfance au Brésil

Trends and tension in early childhood education in Brazil

Tendencias y tensiones de la educación de la pequeña infancia en Brasil

Fúlvia Rosemberg

Traducteur : Angela Leitao

Édition électronique

URL : http://journals.openedition.org/ries/915 DOI : 10.4000/ries.915

ISSN : 2261-4265 Éditeur

Centre international d'études pédagogiques Édition imprimée

Date de publication : 1 avril 2010 Pagination : 119-128

ISSN : 1254-4590

Référence électronique

Fúlvia Rosemberg, « Tendances et tensions de l’éducation de la petite enfance au Brésil », Revue internationale d’éducation de Sèvres [En ligne], 53 | avril 2010, mis en ligne le 01 avril 2013, consulté le 20 avril 2019. URL : http://journals.openedition.org/ries/915 ; DOI : 10.4000/ries.915

© Tous droits réservés

(2)

119

Tendances et tensions de l’éducation

de la petite enfance au Brésil *

Fúlvia Rosemberg

L’éducation de la petite enfance brésilienne est un sous-secteur des politiques éducatives et un domaine de pratiques et de savoirs enconstruction quichercheàse dégager d’un passéantidémocratique.Ellefaitpartie intégrante du système éducatif depuis1996.Première étape de l’éducation,ellecomprend lacreche pour les enfantsde moins de trois ans etla pré-escolapour ceuxde quatre etcinqans.Deuxchangementsimportantsontétéapportés récemment: en 2006, le passage de l’âge d’entrée à l’école élémentaire de sept à six ans1; en2009,l’inscription obligatoire etl’assiduitéàlapré-escolapourlesenfantsde quatre etcinqans(Rosemberg,2010).

Le pays et ses enfants

Le Brésil est une république fédérale composée de vingt-six États,un districtfédéral (Brasilia, capitale de la République) et5 565communes.Il est régi par la Constitution fédérale de 1988, adoptée par une assemblée consti- tuante élue au suffrage universel aprèsla dictature militaire (1964-1985).Cette

«constitution citoyenne » a non seulement rétabli la démocratie mais aussi accordé desdroitsàdes segmentsde lasociétéqui en étaientprivésjusqu’alors: les femmes,les noirs, les indigènes, les personnes porteuses de handicaps,les personnes âgées,les enfantset les adolescents.De plus,elle reconnaît que le Brésil est un paysmultiracial etplurilinguistique,incorporantainsi les apports des noirsetdes indigènes aupatrimoine national2.

C’est elle quia institué pour la première fois le droit des enfantsde moins de 7 ans àl’accès à l’éducation en creche et en pré-escola et celui des parentsque leurs enfants soient accueillis et éduqués dans des services de la petite enfance.

*Article traduit du portugais parAngela Leitao.

1.Le systèmeéducatif brésilien comprend deux niveaux:l’enseignement debase et l’enseignement supérieur.

L’enseignement debasecomprend trois étapes:petiteenfance, élémentaire et secondaire.

2.Selon les statistiques de 2008 (IBGE2009),lapopulationbrésiliennecomprend 48,4 % deblancs,42,8 % de métis,6,8 % de noirset 0,9 %d’indigènes.Certainschercheursetactivistesdumouvementnoirconsidèrentcomme noire lapopulation métisse.Seloncette définition,le pourcentage de noirs(50,6%) de lapopulationbrésiliennea dépassécelui deblancs.LeBrésilcompte222ethniesindigènesqui parlent180languesdifférentesetdisposentde 11 % du territoire.Le nombre de personnesquise déclarentindigènesestestiméà700 000.Une partievitenzone urbaine (Luciano,2006).

(3)

120

Le pays s’est alors engagé dans l’élaboration de lois y compris dans le domaine des éducatif,un processus long et semé d’embûches montrantque les consensuspolitiquescamouflaientdesdivergences profondes (Rosemberg, 2009).

Lamise en œuvre d’actions reconnaissantla citoyenneté pour tousetle respect de ladiversitérequièrenten outre des moyensfinancierset un modèle derépar- tition incompatibles avec la crise économique des années 1980 etle modèle dit néolibéral.Les espoirs nés avec lanouvelle constitution ontété en partie déçus pourcequi est de l’objectifde garantirnonseulementdeslibertésdémocratiques (ce qui s’avèrevraisur le plan politique) mais une égalité dechances pour tous.

Le Brésil est donc marqué par une tension qui se reflète dansleschoix politiques et les pratiques de la petite enfance : d’un côté, une législation modernereconnaîtdesdroitsauxenfants,de l’autre,un large éventail d’inéga- lités entre les différents segments sociaux rend difficile,en pratique,lapleine reconnaissance de leur citoyenneté.

Ce décalage entre la loi et la réalité pourrait être expliqué par le fait qu’il s’agit d’un pays pauvre.Cependant,le Brésil n’est pas un pays pauvre mais plutôt un pays qui présente d’énormes disparités économiques et sociales et un grand nombre de pauvres :le pays occupe le 8e rang parmi des puissances économiques mondiales, selon son PIB, mais l’indice de développement humain le relègue au 70erang (0,807), ce qui meten évidence l’ampleur des inégalités sociales (Rosemberg,2005).

Larichesse matérielle et symbolique produite parlesBrésiliensestdonc inégalement répartie entre les différents segments sociaux: le pourcentage de pauvres est plus importantdans les régions Nord et Nord-est, en zone rurale, parmi ceux qui se déclarent noirs,métis ouindigènes,etparmi les enfants.

Ainsi, bien que le nombre d’enfants de moins de 6 ans diminue du faitde la baisse de la natalité etde l’accroissement de l’espérance devie de la population,les indicateurs sociaux restentinsatisfaisants3.

Certains chercheurs affirment que la vie des enfants brésiliens est en netteamélioration depuisdeuxdécennies–tauxde natalité etmalnutrition,par exemple –, mais cela n’a pas fondamentalement changé la place du pays dans le classement mondial et régional ni même eu des incidences sur le profil des inégalités nationales. En effet, selon les estimations de 2008, parmi les 19,4 millions d’enfants de0 à6ans,42,5 %vivaientdansdes familles pauvres (IBGE,2009).

Non seulementles indicesde pauvreté restentélevés et sontplusforts chezles enfants quechezlesadultes,maisencore lesindicateursconcernantles effets des politiques,parexemple l’accès à l’éducation,mettenten évidence des niveauxencore plus bas pour la population rurale de la région Nord, noire et indigène,danslesfamillesaux revenusplusmodestesetpourlesenfantsmineurs.

3. La populationbrésilienne estestiméeà190millionsde personnesavecuntauxde féconditétotal de 1,89 (IBGE, 2009).

(4)

121 Onpeutdonc conclureque la« dette »brésilienneàl’égard desenfants

ne découle pas seulement de l’inégale répartition de revenus, mais aussi de l’inégalerépartition desbénéficesdespolitiques sociales,les dépensesparhabi- tantétantnettementinférieurespourlesenfantsetlesadolescents(IPEA,2008).

Detellesinégalités se maintiennentbienque laConstitutionreconnaisse qu’« il est du devoirde la famille,de la société etde l’État d’assureràl’enfant etàl’adolescent, avecune prioritéabsolue »,desdroits sociaux,laprotection et la liberté (Rosemberg,2009).Ce décalage entre laloi et la réalité marque la petite enfance brésilienne.

Trajectoire contemporaine de l’EPE b résilienne

L’éducation de lapetite enfancebrésilienne,en particulierlacreche,est de nos jours imprégnée de ses origines.En effet,laplus ancienne source où figure le mot creche date de 1879, c’est-à-dire à peine quelques années après l’adoption de la Loi du ventre libre (1871) qui, avantl’abolition de l’esclavage (1888), avait affranchi les nouveau-nés dont les mères étaient esclaves.Quelle destinée leBrésilcomptait-ilaccorderà cesenfantslibresdontlesmèresétaient esclaves ?Laréponse fut donnée parle docteurVinelli:la crèche,une « inven- tion française »,éviteraitl’errance de cesenfants.

Ainsi,entre leXIXesiècle etlesannées soixante-dix,il étaitcommuné- mentadmis auBrésilqu’en dehors des «famillesanomiques »,l’éducation et la prise encharge de lapetite enfance relevaientde lasphère familiale.De loin en loin etfaiblement,il aétéquestion de la confieràl’ensemble de lasociété.Des transformations démographiques,économiques et culturelles ont abouti à la récente révolution de la famille etdu système éducatif brésiliens.

En effet, avec la pleinereconnaissance de leur citoyenneté,les femmes ont vu de nouvelles opportunités se présenterà elles sur le marché du travail.

En 2009, 47,2% des femmes brésiliennes travaillent. De plus, le nombre de femmes seules avec enfants augmente :17,2% (IBGE2009).

Simultanément, avec l’importante diminution du taux de fécondité, les enfants deviennent un bien rare eton peut leur accorderplusd’attention.

L’éducation etles soinsdispenséesparlafamillesontindispensablesmaisinsuf- fisants.Cette famille nouvelle a besoin d’une institutionsociale quiapporte les compléments et l’enrichissement nécessaires.

Lorsqu’on s’est mobiliséauBrésil,dans lesannées soixante-dix, autour de l’éducation de lapetite enfance,il n’existaitpasde modèle établi.Nousavions l’école primaire (àmi-temps)comme éducation de masse,lapré-escola (ou le jardin d’enfants) pourcertainsenfantsdesélites,etlesorphelinatsetlescrèches pourles enfants pauvres.

Pour le système éducatifpublic,la prise encharge d’enfants si jeunes, en particulierdes bébés,est une expériencetoute neuve.C’est lapetite enfance

(5)

122

qui introduit au sein du système éducatif l’idée d’accueilliret d’éduquer ces enfants.Accueillir est-ce aussi noble qu’éduquer? Comment peut-on éduquer desi jeunesenfants? La crèche est-elleune école ?L’éducateurde jeunesenfants est-il ou non un enseignant? Faut-il un diplôme universitaire pour donnerle biberon et langer? Pourquoi le coût par enfant est-il aussi élevé ? De telles questions etbeaucoup d’autres mettent bien en évidence le caractère nouveau et les tensions que cette révolution culturelle et sociale a fait naître depuis l’intégration descrèchesdans lesystème éducatif.

Depuislors,ilyaeu unréel développementde l’éducation de lapetite enfance.En 1971,422 313enfantsétaientaccueilliscontre6,05 millionsd’enfants de0 à6 ans en2008,soit 31,1 %.Toutefois, ce parcours ressemble àune danse au coursde laquelle l’un des partenaires rejette l’autre. Le partenaire rejeté, ce sontlesenfantsde moinsde3 ans,lesbébés.

Quatre grandespériodes marquentl’histoire de lapetite enfance brési- lienne contemporaine. La première, celle des années 1970-1980, correspond à l’instauration de l’éducation de masse de lapetite enfance,selon lescritèresde l’UNICEFetde l’UNESCOpourlespays sous-développésqui préconisaient une pré-escolacompensatoire des «carences » des populations défavorisées, avec le soutien des communautés afin de réduire les dépenses publiques. Les deux programmes mis en œuvre ont été influencés par le contexte de la « guerre froide », s’adressant à des communautés pauvres, potentiellement réceptives à la propagande communiste, d’après la Doctrine de sécurité nationale. Ces programmes ontinstitué une « éducation de la petite enfance pauvre pour les pauvres».Leur objectif étaitlagarde et laprotection de l’enfance (Rosemberg 2005).

Decette période,l’éducation de lapetite enfanceconserve en héritageune structure administrative qui lui est propre au sein du ministère de l’Éducation, l’augmentationspectaculaire desinscriptionsentre 1970et1988 (progression de 802%),le développement de modèles de faible qualité,la création de crèches et de pre-escolas dans les quartiers défavorisés, agréées par l’administration publique,leur décentralisation (passage du fédéralau municipal),le recours à des éducateurs de faible niveau de formation (inférieur au second degré), l’engagementdes nouveauxmouvements sociaux(eten particulierde femmes), la constitution d’un embryon d’expertise nationale, la consolidation d’une double désignation,creche etpré-escola,renvoyantnon pas àl’âge de l’enfant maisàson milieu social.

Ladeuxièmepériodecoïncideavecle processusde démocratisation du pays,lorsqu’est reconnudansla constitution de 1988 le droitàl’éducation de la petite enfance,y compris en crèche,pour l’enfant de 0 à 6 ans (Rosemberg, 2009).L’appellation «creche »aétéconservéeauxcôtésdecelle de «pré-escola» carleterme était relayé parles mouvements sociauxet sonusagerépandudans le pays.La reconnaissance du prolongement du droit universel àl’éducationà

(6)

123 l’enfantde0à6ansademandé de nombreuxeffortsauministère de l’Éducation

qui comptait déjà, à ce moment-là, un nombre significatif de spécialistes nationaux4.Aucoursdecette période ontété élaboréesdes propositions visant àséparerl’éducation de lapetite enfance de l’assistance sociale, à laquelle elle était jusque-là associée.On partaitduprincipe que le système éducatif étaitle plus à même d’assumer les responsabilités de réglementation, fiscalisation, financementetpropositionsdeservices.Cette nouvelleconceptiontendàdéfinir l’institution elle-même comme une entité chargée d’accueillir et d’éduquer.

L’objectif n’est plusde garderetde protéger,maisbien de prendre en charge le développementde l’enfantàtouslesniveaux.En 1995,pourlapremière fois,le système national destatistiquesaprisencompte lesenfantsde0à6anslorsdu recueil d’informations sur l’éducation. La place de la crèche a fait l’objet d’intensesdébatslorsde l’élaboration de lanouvelle loisurl’éducation (LDBEN)5 qui,pourlapremière fois, areconnul’éducation de lapetite enfance comme la première étape ducycle despremiersapprentissages.Aucoursdecette période, on observe une volonté affirmée de faire valoir une conception qui ne fasse aucune différence entre crecheetpré-escoladu pointdevue de l’origine sociale des enfants, du niveau de formation des éducateurs, ni de la responsabilité administrative.Laseule différence admiseatraitàlatranche d’âge desenfants.

Mais le nombre decrèches n’apasaugmenté danslesmêmesproportionsqu’au cours de la période précédente, accentuantainsi ladisparité de l’offre existant entre lesdifférents milieux sociaux.

Latroisièmepériode débuteavecl’approbation etlamise en œuvre de laloiLDBEN(1996).Huitannées sesontécouléesdepuislapromulgation de la constitution dans uncontexte social etpolitique oùle modèle de l’Étatcomme vecteurdebien-êtresocial n’avaitpasencore été misàl’épreuve dunouvel ordre économique mondial.Lamise en œuvre de la LDBEN a lieuau momentoù les conceptions de l’Étatetdes politiques socialeschangentavec lamondialisation de l’économie. Les années quatre-vingt-dix ont également été marquées par l’arrivée de la Banque mondiale parmi les organisations multilatérales qui divulguaientdes modèlesdepolitique éducative,redéfinissantles priorités en termes deréseauxde protectionsociale etdecentrationsurlespluspauvreset surl’enseignement primaire.L’éducation de lapetite enfance a alors connu un momentdetensions :d’uncôté,ona cherchéàplacerles servicesexistants sous laresponsabilité du secteur éducatif6 etd’un autre,on aréintroduitl’ancienne conception de la garde des enfants de 0 à 3 ans, en réactivant des modèles

4. L’association nationale de post-doctorantsensciencesde l’éducationa crééun groupe detravailappelé « enfant de0à 6 ans» (Rocha,1999).

5.Lei de Diretrizes e Bases da Educação Nacional.

6. Exemples :élaboration despremiersprogrammesnationauxpourl’éducation de lapetite enfance;inclusion de la petite enfance dansle plan national d’éducation, avecdesobjectifsqualitatifsetquantitatifs(inférieurspour la crèche).

(7)

124

anciens (crèches à domicile, etc.). Au cours de cette période, une loi a été adoptée, accordantdes moyens exclusivementàl’enseignement secondaire.

Les tensionsobservées sontàl’origine de laréactivation dumouvement socialautourde lapetite enfance :le mouvementInterforumsde l’éducation de la petite enfance du Brésil7 (MIEIB,2001), à caractère national,s’estinvesti dans lamobilisation pour une éducation de la petite enfance démocratique et de qualité,et particulièrementpour l’intégration des crèches dans lesystème éducatif.On observe encore un mouvementpendulaire:d’un côté,oncherche àintégrer lapetite enfance dans les diverses instances du système éducatif,et d’un autre,onassiste àlamenace constante d’exclusion descrèchesdu système éducatif, menace soutenue par le choix de faire plus de « primaire » à la pré-escola.

Cette tension a ressurgi sous présidence de Luiz Inacio Lula da Silva.

Onaproduitdesdocumentsetlancé desprojetsd’importanceréaffirmantainsi les grandes orientations de lapolitique exprimée dans la Constitution:Proin- fantil,destinéàformeràdistance les enseignants de lapetite enfance,élabora- tion d’indicateursdequalité, augmentation substantielle dubudget du ministère de l’Éducation pour la petite enfance (IPEA, 2008). Dans le même temps, certaines initiatives ont renforcé la tendance à exclure les crèches : lors du premiermandatdugouvernementLula,le ministre de l’Éducationaproposé, au lieu d’un plus grand nombre de places en crèche, l’allocation Bolsa pré-escola pour que lesmèresgardentleursenfantsàlamaison.Le ministère (en partena- riatavecl’UNICEF)a«acheté » le programme « Famillebrésiliennerenforcée », destinéàl’éducation desmères,en prélevantdesfonds surlebudgetde lapetite enfance (etnonsurcelui de l’éducation pouradultes), ce qui estcontraire àla législation. Le ministère et d’autres instances gouvernementales se sont tout d’abord opposésaufaitd’inclure lescrèchesdanslanouvelle loi de financement de l’éducationqui fixe un coût national minimum par élève jusqu’à la fin du secondaire.Ce n’estque grâceàune intense mobilisationsociale (Fullgraf,2007), que la crècheapu y être incluse. Malgré tout,le coût d’un enfantencrèche ne correspondqu’à88 % ducoûtd’un enfantde lapré-escola.

L’année2009 marque le débutd’une nouvelle période peu prometteuse pour lapetite enfance avec unamendement qui étend l’obligation scolaire aux enfantsde 4à17ans,rendantlapré-escolaobligatoire.Proposé parl’exécutif et le législatif fédéral,il n’apasété débattuavecles spécialistes,lesmilitantsni les familles maisilaeubonne presse,étantassociéàl’octroi d’importantsmoyens.

Une grande majorité de militants etdespécialistes s’est opposée àuntel chan- gement qui rétablit une scission entre la crèche (le parentpauvre de l’éducation de la petite enfance) et lapré-escola (le parent riche).Cette proposition appa- remmentprogressiste comporte desérieux risques sur le plan symbolique et

7.Movimento InterfórunsdeEducaçãoInfantil noBrasil(MIEIB).

(8)

125 matériel:elle intègre lapré-escola,en écartantla crèche ducycle desapprentis-

sages premiers,les moyens étant alloués exclusivementpour enfants en âge de fréquenterlapré-escolaobligatoireaudétrimentdesplusjeunes8.

La dette de l’éd u ca t ion à l’éga r d de la pe t i t e enfance

S’il estvrai qu’entantque parentsonaimesesenfants,entantqu’adultes on ne reconnaît pas toujours aux jeunes enfants le statut de citoyens à part entière, caroncraint un désengagementhistoriquedès lorsque leursbesoinset droits sontexposés surlaplace publique.Certeslesbébés,prisindividuellement, sontgâtésparleshommespolitiqueslorsdes campagnesélectorales.Cela cesse dèsqu’ils sontaupouvoir.

S’il n’est pas du ressort de l’éducation de la petite enfance d’apporter une solution au problème de ladisparité des revenus,il est souhaitable que la politique éducative veille àne pas reproduire de telles inégalités.Or,laréparti- tion des ressources éducatives n’est pas équitable,l’offre étant inférieure pour les enfantsde moins de3ans.En moyenne,le budgetparenfantetparan pour lapetite enfancebrésilienne estinférieurà ceuxd’autrespayslatino-américains (Argentine, Uruguay, Chili etMexique) et de trèsloin inférieuraubudgetmoyen des pays de l’OCDE(Campos,2006).

L’insuffisance desmoyenspourl’éducation de lapetite enfance peuten partie expliquerle moindreaccèsdesenfantsde moinsde3ansauxinstitutions éducatives,un déficitàpeine dépassé parles jeunesde25ansetplus, âge prévu pourlafin desétudes supérieures(IPEA,2008).

La dette historique de l’éducation vis-à-vis des crèches s’accentue dès lorsque l’on meten évidence le moindreaccèsdes enfants desfamillesles plus pauvres,noiresouindigènes,vivantenzonerurale9,10.En 2008,seuls18,1 % des enfants de moins de 3 ans fréquentaient la crèche et àpeine 10,7 % des enfants desfamilles les plusdémunies (Rosemberg,2010).

Nonseulementle nombre de placesencrèche estinsuffisantetinjuste, maislaqualité decesdernièresestfaible.Lerapportde la commissionUNESCO/

OCDE (Campos, 2006) met en évidence : une situation plus difficile qu’à la pré-escola,eten particulierpour lescrèches communautaires ; une formation des enseignants qui accorde peu d’attention au développement des enfants de moins de3 ans etoffre peudestages encrèche; des activités sont rigides,peu

8. J’ai réaliséune étudesurl’impactde l’obligation préscolaire enAmérique latine. Lesétudesdisponiblesfontétat, entreautres,de l’augmentation desinscritsàl’âge de lascolarité obligatoire,dumaintien desniveauxd’inégalités etde l’augmentation dunombre d’enfantsparenseignant(Rosemberg,2010).

9. La question de l’accèspour touslesenfantsindigènesàl’éducation de lapetite enfance,eten particulieràla crèche,estd’une grandecomplexité. Le débatareprisauBrésil, aveclaparticipation desorganisationsindigènes (CCLFetMIEIB,2004).

10. Voirletableauen fin d’article.

(9)

126

diversifiées,«attachéesàuneroutine pauvrequimèneàl’oisiveté etn’incitepas audéveloppementmoteur, cognitif, affectif, culturel et social »,desorientations curriculaires peudiffuséesetpeumisesen œuvre.

Notre dette vis-à-vis de lapetite enfance se nourrit de la menace qui pèse surle renvoi de la crècheàdes solutionsmiracle,rendant plusdifficile la constructioncontinue deson identité etdecompétencesnationalespermettant d’instaurer des modèles solides d’institution publique d’accueil et d’éducation de lapetite enfance,de qualité etéquitable.Pourquoitantde difficultésàintégrer la crèche dansle calendrierdes politiques éducatives?

Nous manquons declarté quant au statut de la petite enfance dans la sociétébrésilienne,nousne la considérons quecommeune étape préparatoireà lavraievie qui démarreàl’école primaireavecl’apprentissage de lalecture,de l’écriture etducalcul.Nousoublionsalorsque le jeune enfant vit son humanité dans le présent,tout enconstituantlesbases deson avenir.Bien que decourte durée,si on lecompareaux soixante-dixannéesde l’espérance devie,le premier âge de la vie est toute sa vie. Passer huit heures dans une crèche ou une pré- escola où il fait excessivementchaud ou froid, avec des adultes débordés,sans espace en pleinairpourcourir,sans stimuli pour satisfairesa curiosité, avecun déroulement routinierest unesource desouffrance pourn’importe qui.

C’est à cause de ce manque de clarté que nous sommes tombés dans l’écueil de la scolarité précoce qui transforme la pré-escola en antichambre de l’école primaire. Nous acceptons le recul progressif de l’âge d’entrée à l’école primaire et du début de la scolarité obligatoire. Comme le système public d’enseignement est institutionnalisé etque les effectifs diminuent du faitde la courbe des âges,il n’est rien de plus simple que de recycler des places et des enseignants« entrop »,dans uneclasse depré-escolaimprovisée.

L’autre piège est latendance à lafonction « d’assistance » de la crèche, en particulierpourl’accueil desenfantspauvres.Comme le manque de placesest élevé,les objectifs d’expansion semblenthorsd’atteinte etles ressources sociale- ment négociées sont réduites.La solution apparemmentla plus simple a été de faire appel à des modèles incomplets dans l’urgence. Les exemples abondent, parfois souscouvert de « flexibilisation du système » (crèches à domicile,ludo- thèques, allocationsouéducation desmères) encouragéspardesinstancesgouver- nementalesetinternationalespouraugmenterl’offre pardespolitiquesfamilialistes faisantappelauxmèresetaux membresde lafamille dansl’espace domestique.

Celan’estpasnouveau dans l’histoire des sociétésoccidentales.Tout comme la proposition des élites d’éduquer les familles défavorisées.La puéri- culture,l’assistancesociale,l’État,lesÉglises,lesorganisationsphilanthropiques et professionnelles,depuis longtemps,proposentdes solutions miracle de lutte contre lapauvreté grâceaucontrôle moral des «classes dangereuses » parle biais de l’accueil et de l’éducation de leurs enfants.L’histoire brésilienne de la colonisation etde la christianisation en fournitde nombreuxexemples.

(10)

127 Les besoins etles droits de l’enfantetde safamille vontau-delàde la

crèche etde lapré-escola.Latentation est de dirigerles ressourcesde la crèche pour sauver l’enfance brésilienne. Or le bien-être global de l’enfant brésilien exige la mise en œuvre de moyens divers, coordonnés,parmi lesquels compte l’éducation de lapetite enfance maispas seulement.

L’histoire internationale de l’éducation de la petite enfance montre qu’elle n’échappe pas à la logique de production et de reproduction de la pauvreté : les enfants les plus pauvres, même dans les pays développés, ont tendance àfréquenterdes services de moindre qualité. Dansles pays àgrandes disparités sociales,les inégalités qui minent la petite enfance sont encore plus profondes.La tâche est immense car il s’agit de non seulement de faire des projets pour l’avenir mais aussi de corriger les choix du passé, effectués en périodesderestriction desmoyensfinanciersethumains,de moindre mobilisa- tion politique, avecdesconceptionsarchaïques qui ontmenéàune qualité très insuffisante de l’accueil desenfants.

Il estdoncnécessaire de lutterpourdeschangements structurelsetdes moyens suffisantspourles politiquesen faveurde l’éducation des jeuneset très jeunes enfants. Mais pour cela, il est nécessaire d’agir également sur le plan symbolique pourdespolitiques etdes pratiques qui reconnaissentl’altérité des tout-petits.Il est nécessaire de faire apparaître dans l’espace public le jeune enfantet safamille,leursnécessitésetleursdroitspour renforcerle pouvoirde négociation dans les débats sur les priorités des politiques publiques.En tant quechercheurs,il nous revientde «casserl’évidence » desprocessusde natura- lisation d’options historiquesquisonten faitdes constructions sociales.

Taux defréquentationbrut(%) de l’éducation de lapetite enfance, Brésil,1995 et 2008

0 à 3 ans 4à6ans

Caractéristiques 1995 2008* 1995 2008*

Brésil* 5,7 8,1 53,4 79,7

Région lapluspauvre:Nord 5,7 8,4 55,1 72,5

Région laplus riche: Sud-est 8,1 22,0 55,1 82,9

Blancs 8,7 20,6 56,2 81,8

Noirs/Métis 6,2 15,5 50,5 78,2

Zoneurbaine 8,7 20,6 56,2 81,8

Zonerurale 6,2 15,5 50,5 78,2

Familleslespluspauvres

(le 5einférieur) 5,3 10,7 43,1 72,7

Familleslesplus riches

(le 5esupérieur) 17,1 37,0 71,3 93,8

Source:IBGE (2009).*Y comprislapopulationrurale duNord duBrésil.

(11)

128

Bi b liogr a phie

CAMPOS M.M. (2006):Educação Infantil.SãoPaulo, AçãoEducativa, voir:www.

acaoeducativa.org.br.

CCLF/Centro deCultura LuizFreire& MIEIB(2004):Discutindo políticas de educação infantilindígena.Recife, CentroLuizFreire.

IBGE(2009):Pesquisa Nacional porAmostradeDomicílio:2008.Rio deJaneiro, IBGE.

IPEA(2008):Políticas sociais -acompanhamento eanálise.Brasília, IPEA, Caderno 16.

FULLGRAF J.B.G. (2007):O UNICEFea políticade educaçãoinfantil noGoverno Lula.SãoPaulo,thèse, Pontifícia UniversidadeCatólicadeSãoPaulo.

LUCIANO G.S. (2006): O índio brasileiro: o que você precisa saber sobre os povos indígenas noBrasil dehoje.Brasília: MEC/SECAD, RJ:LACED/MuseuNacional.

MEC/INEP(2009):SinopseEstatísticada EducaçãoBásica2008.Brasília, MEC/INEP. ROCHA E.C.D. (1999):Apesquisaem educaçãoinfantil noBrasil:trajetóriarecente e perspectivas deconsolidação de umapedagogia.Florianópolis: NUP/UFSC.

ROSEMBERG F. (2005):“Childhoodandsocial inequalityinBrazil”,inHelenPenn (Org.)Unequalchildhoods.Routledge, Abingdon.

____(2009):La Constituciónbrasileña:otrohito paralainfancia.InfanciaenEuropa, v. 9,p. 10-12.

____(2010):Umatragédia anunciada:pré-escolaobrigatória.SãoPaulo, FCC,mimeo.

Références

Documents relatifs

Cette différence entre les catégories de revenus est statistiquement significative dans plus de la moitié des pays dont les données sont disponibles, en particulier dans ceux où

• Poursuite du travail d’élaboration d’un cadre de français pour la Nouvelle-Écosse afin de soutenir les élèves de français langue maternelle et de français langue seconde,

Ce cours vise à amener l'étudiant à: 1) Acquérir des connaissances reliées aux diverses manifestations d'un développement atypique du langage chez l'enfant (0-5 ans) en

L'objectif du chapitre 8, consacré aux maltraitances dans des internats, dans lesquels sont placés certains des enfants maltraités dans leur familles, est de montrer

Bien que le taux d’incidence dans la population globale et la population scolaire soit en baisse depuis quelques semaines, le ministère de l’Éducation nationale, de l’Enfance et

Avec accès à MonLab et à Multimédia Daphné-Rébecca Arbour ISBN : 978-2-7613-9895-4. Une ressource actuelle pour une nouvelle génération d’étudiants

Dans cet article, nous aborderons dans un premier temps les raisons qui justifient le développement de l'éducation pour la petite enfance sur le continent.Ensuite, nous analyserons

Finalement, Isabelle Deshaies, Jean-Marie Miron et Steve Masson rapportent les résultats d’un projet de recherche qu’ils ont mené afin de combler le vide identifié dans