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Evitons de créer un statut spécial pour le travailleur de plateforme

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Academic year: 2022

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Evitons de créer un statut spécial pour le travailleur de plateforme

WITZIG, Aurélien, SUBILIA, Olivier

Abstract

Olivier Subilia et Aurélien Witzig, spécialistes en droit du travail, ne sont pas favorables à la création d'un statut spécial pour les travailleurs de plateforme, type Uber. Le premier estime que ces travailleurs conservent en principe la liberté d'un indépendant, tandis que le second considère qu'ils peuvent, selon les circonstances, être économiquement dépendants ou subordonnés.

WITZIG, Aurélien, SUBILIA, Olivier. Evitons de créer un statut spécial pour le travailleur de plateforme. Plaidoyer , 2019, no. 4, p. 6-9

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:142616

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«Evitons de créer un statut spécial

«On ne peut exclure que des travailleurs de plateforme soient économiquement dépendants»

Aurélien Witzig

Olivier Subilia et Aurélien W^itzig, spécialistes en droit du travail, ne sont pas favorables à la création d'un statut spécial pour les travailleurs de plateforme, type Uber. Le premier estime que ces travailleurs conservent en principe la liberté d'un indépendant, tandis que le second considère qu'ils peuvent, selon les circonstances, être économiquement dépendants ou subordonnés.

plaidoyer: La numérisation croissante de l'économie pose de nombreuses questions de droit du travaU. Parmi elles, le statut du travailleur de plateforme.

Présente-t-il, selon vous, les ca- ractérisriques d'un salarié?

Olivier SubUia: Pas forcément. Si on prend lexemple de la plate- forme Uber, un chauffeur n'a pas l'obligation de travailler pour le même employeur. C est parce que

le système fonctionne bien qu'il se satisfait souvent des propositions de cette entreprise. Dans le prin- dpe, son choix est celui d'un indé- pendant, comme l'est celui d'un avocat qui accepte les mandats d'une seule firme.

Aurélien Witzig: II n'existe en effet pas forcément de lien de subordination à. l'égard des en- treprises de plateforme. Mais ce nest pas ce critère, propre à la

conception traditionnelle de l'entreprise fordiste, qui doit pré- dominer exclusivement. Avec l'émergence de nouvelles entités, comme les plateformes, il faut souvent se référer aussi à. la no- don de dépendance écono- mique. Dans la logique du droit du travail, un donneur d'ouvrage ne peut pas occuper en continu les mêmes personnes sans se res- ponsabiliser, sans prévoir notam-

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pour le travailleur de plateforme»

«Le travailleur de plateforme consente en principe la liberté d un indépendant»

Olivier Subilia

ment une protection sociale et un délai en cas de licenciement.

Le a-avaiUear entièrement dé- pendant d'un donneur d'ou- vrage peut dès lors apparaître comme un salarié.

Olivier Subilia: Schémadque-

ment, le critère de la ctépendance économique s'applique tradition- nellement en assurances sociales et celui de la subordinadon en droit privé. Pour savoir si une personne est salariée au sens du Code des obligations, c'est le lien de subor- dinadon qui est décisif: l'obliga- don de se soumettre à des insû-uc- tion et d'exécuter des tâches.

plaidoyer: Un travailleur exerce- t-U vraiment le chok d'un in-

dépendant, quand ses revenus émanent principalement de la même plateforme?

Olivier SubUia: Quand un sys- tème organisé, comme une cen- traie de taxis, distribue du travail à un nombre important de per- sonnes, celles-ci doivent parfois rendre réponse rapidement en effet. Et les conséquences peuvent être lourdes en cas de refus. Mais cela ne fait pas de ces chaufFeurs des salariés. En tant qu avocat, je dois aussi parfois me déterminer ' en très peu de temps quand on me propose un mandat.

AurélienWitzig: On ne peut pas comparer avec la profession d avocat. Quand une plateforme

donne à un preneur d'ouvrage potentiel trois ou cinq secondes pour accepter, par le biais d'un ordinateur, il est difficile de parler d un vrai chobc. Il en va difFérem- ment d'une plateforme qui sert d interface entre des clients et des mandataires, avec plusieurs jours pour proposer un devis et l'accep- ter. La fixation du prbc est un cri- tère important: un travailleur qui n a pas la compétence de le faire na que peu d'indépendaace du point de vue du marché.

Olivier Subilia: Un indépendant

qui prend en franchise un restau- rant appartenant à une chaîne doit respecter les prbc imposés par lenseigne. Ce n est pas parce

Aurélien Witzig 37 ans, Dr en droit, chargé d'enseignement aux Universités de Genève et de Neuchâtel, avocat à Genève,

Olivier Subilia

46 ans, avocat à Lausanne, spécialiste FSA en droit du travail, Dr en droit, ancien vice-président du Tribuna!

des prud'hommes.

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«Quand on dispose de cinq secondes pour accepter, certains se demandent si c'est un vrai chobc»

Aurélien Witzig

qu'on est extrêmement limité dans ses choh; qu'on est un sala- rie. De même, en acceptant les règles rigides imposées par une pl.ateforme, on peut garder un statut d'indépendant.

Aurélien Wltzig: Des franchises ont pourtant été requalifiées en contrat de travail. Quand un franchisé profite, certes, de la ré- putadon de l'enseigne, mais se voit imposer les prk, les horaires, les fournisseurs, etc., il peur arri- ver qu'il ne soit plus un indépen- daat.

plaidoyer; Un postulât* pro- pose un statut spécial pour les travailleurs de plateforme, avec une protection plus étendue que celle des indépendants, mais moins large que celle des salariés. Qu'en pensez-vous?

Aurélien Wltzig: II y a un chobc

politique à faire sur la question de

savoir qui on veut protéger par le droit. Avec la numérisation crois- santé de l'économie, les réflexions vont plutôt dans le sens dune universalisadon de la protection des travailleurs, et non d'une seg- mentation supplémentaire. Cela

compliquerait encore la. qualifica- tion des contrats. De plus, je ne vois pas qui a intérêt à. soustraire un maximum de personnes de la protection du droit du travail, et à fragiliser ainsi le compromis social helvédque. Si on veut reti- rer des garanties financières à. cer- tains, a'oublions pas que cest toujours pour que d'autres en profitent.

Olivier Subilia: Je ne vois pas en quoi le postulât dont on parle ré- duirait la protection sociale. Il vise au contraire à accorder une protection à. des personnes qui, sans être forcément salariées, en ont besoin. Je ne partage pas l avis de ses détracteurs, quand ils disent qu elle ferait perdre à cer- tains leur statut de salarié. C'est un biais de raisonnement basé sur une présomption que toute per- sonne qui exerce une activité pour un tiers serait a pnon un salarié, qui est erronée. De ma- nière générale, quand un risque économique est transféré sur un ders déterminé (ce qui prévaut en droit du travail), c'est une excep- don au principe de base, selon lequel tout individu est, sous l'angle du droit civil, le premier responsable de ce qui peut lui ar- river sur le plan économique et social. Il n'y a pas de raison d'élar- gir cette exception.

* Contenu du postulât

Le posmlat PLR 17.4087 charge le Conseil fédéral d'étudierla

création d'un nouveau statut pour les «travailleurs de plate- forme», en en exposant les avantages et les inconvénients. Ce statut se situerait à mi-chemin entre le salariât et l'indépen- dance. Il of&irait une certaine couverture sociale, toutefois moins favorable que celle d'un salarié. Il pourrait être choisi pour toute nouvelle relation contractuelle. Des critères permet- trsdent de distinguer ce statut des autres, afin que les intéressés puissent bénéficier d'une sécurité suffisante sur le plan juri- dique. Le postulât relève qu'aujourd'hui, en cas de doute, «e est le statut de salarié qui est retenu» avec, pour les intéressés, «une perte de flexibilité» et une «insécurité juridique». Le postulât a été adopté par le Conseil national.

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Aurélien Witzig: Historique- ment, cest au contraire quand on s'est rendu compte que la grande majorité des travailleurs étaient devenus dépendants de donneurs d ouvrages quon a voulu les protéger. Actuelle- ment, 90% des travailleurs ont un statut de salarié. C'est le mo- dèle de l'entreprise fordiste: il est caractérisé par un lien de subor- dmation, mais aussi par une pro- tecdon élevée des employés.

Lentreprise peut prospérer grâce à l'absence de violence sociale.

Veut-on renoncer à cela? Si l on souhaite une société apaisée et prospère, l'histoire nous apprend qu'il faut tempérer la liberté d entreprendre par la protection des plus faibles.

plaidoyer: Au final, vous n êtes pas favorable à la création d'un nouveau statut, tel que le prévoit le postulât susmen- tienne?

Olivier Subilia: Non, car le

droit actuel permet déjà de

considérer des personnes comme indépendantes sur le plan du droit des obligations et comme dépendantes au niveau des assu- rances sociales. Le droit suisse permet d être créatif. Il n est pas besoin d'élaborer un nouveau contrat chaque fois qu'une nou- velle situation se présente.

Aurélien Wrtzig: Je pense aussi qu il faut mieux protéger les tra- vailleurs de plateforme sur la base du droit actuel du travail, qui est assez souple pour cela.

plaidoyer: Plutôt qu'une nou- velle catégorie de travailleurs, e est l'amélioration de la pro- tection des indépendants en général que vous préconisez?

Aurélien Witzig: En efFet, pour ce qui concerne les assurances sociales. Historiquement, c'est ce qui était prévu, avant que dif- férentes assurances en faveur des salariés ne voient le jour de ma-

nière un peu morcelée au cou- rant du XXe siècle. Car les indé- pendants ont davantage de risques de tomber dans la pau- vreté, comme les statistiques le démontrent. Il faudrait en tout cas une assurance accidents et un

deuxième pilier obligatoires

pour tous. Une assurance chô- mage pour les indépendants se- rait par ailleurs dans l'esprit de la Constitution et des conventions internationales.

Olivier Subilia: On peut en ef- fet se poser la question de savoir si la segmentadon actuelle entre salariés et indépendants est tou- jours opportune, car il y a une responsabilité collective en ma- dère d'assurances sociales. Cela dit, pour l'assurance chômage, le

Tribunal fédéral ne prend, pas la

direction de l'universalisauon. Il a plutôt tendance à assimiler un maximum de salariés à des indé-

pendants, du moins lorsque les litiges portent sur des questions de prestations. Car, quand il s'agit de percevoir des cotisa- aons, ces mêmes personnes sont considérées comme des sala- ries... Ce travers est évidem- ment dicté par des raisons finan-

plaidoyer: L'enjeu est aussi la couverture par une convention collective de travail, associée au statut de salarié?

Aurélien Witzig: Bien entendu, quoique tous les salariés ne soient pas protèges par une CCT. Et des indépendants peuvent aussi se regrouper pour négocier. Un syndicat des tra- vailleurs de plateforme est d'ail- leurs en train de se mettre en place au niveau européen.

Propos recueillis par Suzanne Pasquier

«Un chauffeur affilié à une plate-

forme n'est pas obligé d'accepter

une course»

Olivier Subilia

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