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Partir des pratiques familières des enfants

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Partir des pratiques familières des enfants

CAPITANESCU BENETTI, Andreea

Abstract

Rapprocher l'école de l'élève, de sa pensée, de ses conceptions pourrait se révéler une bonne idée a priori. Une idée généreuse parce qu'elle reconnaîtrait le statut de l'enfant en tant que sujet en formation et la culture enfantine. Nous interrogeons ici cette bonne idée et ses limites: partir de l'élève pour l'instruire, oui, parce qu'on ne peut pas partir sans lui, sans son engagement, mais tout en sachant qu'il a la liberté la plus intime de ne pas apprendre, comme le dirait Meirieu.

CAPITANESCU BENETTI, Andreea. Partir des pratiques familières des enfants. Educateur , 2016, juin, p. 29-32

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:85047

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

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Partir des pratiques familières des enfants

Rapprocher l’école de l’élève, de sa pensée, de ses conceptions pourrait se révéler une bonne idée a priori. Une idée généreuse parce qu’elle reconnaîtrait le statut de l’enfant en tant que sujet en formation et la culture enfantine. Nous interrogeons ici cette bonne idée et ses limites:

partir de l’élève pour l’instruire, oui, parce qu’on ne peut pas partir sans lui, sans son engagement, mais tout en sachant qu’il a la liberté la plus intime de ne pas apprendre, comme le dirait Meirieu.

Andreea Capitanescu Benetti, LIFE1, Université de Genève

N

ous le faisons en résonance avec les pédagogies nouvelles et actives. Mais en toute conscience du besoin de les sortir du sens commun por- té par les slogans suivants: partir de l’enfant, par- tir de ce qui fait sens pour l’enfant, partir de ce qui est proche de l’enfant… afin de le mettre en activi- té, pour mieux l’impliquer dans les tâches. Certains peuvent se dire: nous voilà alors dans la vieille ren- gaine selon laquelle il faut mettre l’élève au centre.

Disons que je recycle cette rengaine, en prenant le parti qu’au centre doit se trouver l’apprentissage de l’élève:

l’intérêt pour comment l’élève se confronte à une tâche, s’adapte, fait face, apprend ou non, transfère ou

non. Situant ainsi au centre cet élève aux prises avec des situations d’apprentissages, je propose de ques- tionner ces situations quand l’école les lui offre comme étant familières ou connues.

Que demande le plan d’étude?

Comment mieux impliquer les élèves dans les appren- tissages? Comment les embarquer avec soi? Comment les intéresser à ce que l’école veut leur enseigner? Cette question habite chaque enseignant, quotidiennement, lorsqu’il cherche à planifier ses séquences d’enseigne- ment, ses leçons. Mais que nous dit le Plan d’études ro- mand (PER)?

Les malentendus dans les activités commencent à la crèche…

Des bonnes intentions des éducatrices aux incompréhensions auprès des enfants.

Comment vouloir inclure tout le monde peut être compris par certains enfants comme un signe d’exclusion.

«U

n jour, à 18h30, comme d’habitude, je réceptionne mon fils Bastien de 3 ans à la sortie de la crèche. Mon mari et moi-même lui demandons comment sa journée s’est passée, quelles activités il a faites, s’il a bien joué avec ses copains, si on lui a raconté des his- toires… Bref, les mots et les échanges habituels que nous avons avec nos enfants sortant de l’école ou de la crèche. En échangeant avec Bastien, je vois

qu’il est énervé et se met à pleurer, car il ne veut pas être et aller vivre en Bulgarie. Je le rassure en lui disant qu’il ne vivra pas en Bulgarie, qu’il vit à Genève et qu’il n’y a pas de raison de penser que je vais l’envoyer en Bulgarie. Je lui dis qu’il est suisse, mais avec deux parents d’origines diverses – le papa suisse et une mère de double nationali- té, bulgare et nationalisée suisse –, qu’il n’y a pas de honte à avoir des parents comme ça et je lui

© Gianni Ghiringhelli

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«Dans le PER, il y a tout et tout sur tout!», disent les en- seignants. L’enseignant est donc aux prises avec le PER, et il l’interprète au mieux, en tenant compte aussi de ses priorités et des évaluations cantonales. Dans le PER, la formulation est hybride, car ce texte contient des dis- cours de différents types. On y trouve des savoirs, des compétences à construire chez les élèves, ainsi que des propositions de démarches pédagogiques qui peuvent se révéler difficiles à interpréter. Voyons en quoi le PER nous guide et pointons ce qui nous semble des indica- tions ambiguës.

En étudiant les formulations des objectifs du PER, on peut se demander si un risque de malentendu n’existe pas quant à la prise en compte du vocable «familier»

dans les situations d’apprentissage. Partir des situa- tions familières aux élèves pour viser les objectifs sco- laires fait partie des recommandations du plan d’étude.

Mais que veut dire «situations familières»? Prenons un exemple en sciences humaines et sociales: «Explora- tion du temps vécu par sa famille, par la construction d’un arbre généalogique simplifié (notion de généra- tion), à partir de photographies, de dessins.» Ajoutons:

«Écrire des textes simples propres à des situations fa- milières de communication»; dont une des attentes fondamentales est: «L’élève présente brièvement lui- même, sa famille et ses passe-temps et décrit avec des mots simples quelques objets d’usage quotidien…»

La famille et le familier:

un premier risque de confusion

Pour nous, il est essentiel de comprendre ce que l’on doit faire en tant qu’enseignant lorsqu’il est demandé à l’élève d’«Écrire des textes simples propres à des situa- tions familières de communication».

Comment décliner l’adjectif «familier»? Comment cette indication du familier doit-elle être transposée dans l’activité et la tâche scolaire? Qu’est-il attendu du travail de la part des élèves? Sans réponses à ces ques- tions, il y a là un premier risque de confusion entre «la famille» et «les situations familières de communica- tion». Qu’est-ce qu’un enseignant devrait comprendre

par «une situation familière  de communication»?

L’adjectif «familier» signifie, selon Le Robert, «qui est bien connu; dont on a l’expérience habituelle». Donc, pour l’enseignant, il est légitime d’ancrer les situations scolaires dans des «situations familières de communi- cation», des pratiques sociales connues et répandues et non pas de parler de la famille ou des situations de la famille, ou ce qu’il se vivrait dans la famille de l’élève.

J’alerte donc sur une interprétation qui ferait le passage trop rapide d’une tâche à faire et basée sur des «situa- tions familières de communication dans le monde de l’enfant» à une tâche qui serait de «présenter briève- ment soi-même, sa famille et ses passe-temps». Qui n’a jamais rencontré ce genre de pratiques qui se veulent proches de l’univers de vie des enfants, de leur famille, du type: «Écrivez ce que vous avez fait pendant ces va- cances!», «Décrivez le dernier voyage que vous avez fait en famille», «Nous allons faire un bricolage pour la fête des mères… ou des pères…», «C’est l’heure des ma- mans…». Du coup, les élèves qui n’ont pas le cadre ou le background familial espérés, comment font-ils face aux tâches à exécuter, au risque d’être dans la compa- raison entre copains et de perdre la face? L’école ne les enferme-t-elle pas dans des tâches impossibles, qu’ils ne peuvent pas assumer pleinement? Ne voit-on pas là une fausse bonne idée: celle de partir du familier de l’élève lorsque cela est compris dans le sens qu’il faut aller chercher des éléments uniquement dans sa fa- mille pour réussir les tâches scolaires?

L’explicite et l’implicite

Une deuxième confusion peut exister. Croire que si on part de situations de communication familières dans la vie des enfants, ces situations sont suffisamment expli- cites pour tout le monde. Ne pas voir ainsi que les objec- tifs n’apparaissent qu’en filigrane et sont opaques pour les élèves en difficulté. Les recherches d’ESCOL sont à ce propos instructives. Elles montrent que lorsque les enseignants font des jeux (de maths ou de français par exemple) et ne secondarisent pas les objectifs, à savoir ne posent pas la question explicite: «pourquoi fait-on

donne plein d’exemples pour le rassurer! Mon fils Bastien me répète que Noémie - l’éducatrice de la crèche - l’a mis en Bulgarie et qu’il ne veut pas être en Bulgarie. Je le calme en le rassurant, mais tout en ne comprenant pas très bien ce qu’il veut dire.

Le lendemain matin, nous l’amenons à la crèche et je vais vers l’éducatrice pour essayer de mieux com- prendre pourquoi «Bastien ne veut pas du tout aller en Bulgarie! Et surtout pourquoi il devrait y aller»!

En fait, l’éducatrice a mis en place une activité pour développer l’interconnaissance entre les enfants de la crèche qui viennent de toutes les régions du monde et ainsi elle a installé une carte géographique du monde sur un mur. Elle a fixé des punaises avec les noms des enfants sur la carte. Mais l’échelle de la carte et surtout sa grandeur, n’ont pas permis de

punaiser les noms de tous les enfants sur la Suisse – l’espace devenant trop petit pour mettre autant de punaises! Punaise, alors!

L’éducatrice m’explique que pour s’en sortir prag- matiquement et trouver une place pour chacun sur la carte géographique, elle a aussi demandé d’où ve- naient les parents, de quelle nationalité ils étaient.

Du coup, Bastien lui a dit en toute confiance «que son papa vient de Suisse, que sa maman vient de Bulgarie»! Alors l’éducatrice a réglé son problème de place en mettant la punaise avec le nom de Bastien en Bulgarie. Bastien n’a pas du tout compris… mais les parents que nous sommes encore moins!

L’éducatrice s’est excusée en disant qu’elle n’a pas réa- lisé la douleur de Bastien qu’elle a provoquée et a replacé sa punaise en Suisse. Bastien, soulagé, est

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ce jeu? pour apprendre quoi exactement?», les élèves en difficultés restent dans le jeu pour jouer et n’arrivent pas à dire clairement ce qu’ils sont en train d’exercer, d’entrainer et d’apprendre. Dans ces situations, fami- lières pour certains élèves, mais beaucoup moins pour d’autres, le travail de l’enseignant consisterait à ne pas faire l’économie d’expliciter les objectifs visés, et à faire un travail soigné d’étayage, de secondarisation.

L’habillage didactique familier: un distracteur Une troisième confusion est la distraction que l’habil- lage didactique de la tâche peut apporter. Nous savons par les recherches sociologiques d’ESCOL (Bautier et Rochex, 2009) que les pratiques implicites des ensei- gnants sont au cœur de la production d’inégalités et de l’échec scolaire. L’habillage didactique que les élèves peuvent reconnaître comme familier des situations d’enseignement peut donc être un distracteur face aux apprentissages et être propice à des malentendus. Cer- taines pratiques qui se veulent familières de la vie des enfants (ainsi libellées dans le PER) sont une impasse ou un obstacle majeur dans les apprentissages si elles ne sont implicites et comprises que par les élèves qui ont plus de facilité à entrer dans les tâches scolaires.

Ces recherches, qui étudient les malentendus scolaires dans les pratiques enseignantes qui mettent les élèves en échec, montrent que tous les élèves ne sont pas du tout égaux face aux tâches que l’enseignant donne à traiter. Pour certains élèves, les tâches sont évidentes et «familières» et se travaillent presque par mimétisme

«au sein de certaines familles», la plupart des familles socioculturellement privilégiées et favorisées. Par exemple: mettre la table dans certaines familles de- vient un exercice de mathématiques durant lequel les enfants additionnent, soustraient, font des hypothèses (Bonnery, 2003). Ces pratiques familiales préparent quasi en coulisses aux pratiques dites «familières» de l’école: ainsi aux jeux-exercices de mathématiques dans lesquels, par exemple, les élèves doivent «mettre la table et compter» (l’habillage du problème est exacte- ment le même que celui de la scène vécue à la maison).

D’autres élèves, souvent de provenance plus modeste, se trouvent du coup loin de comprendre ce qui serait et devrait être (plus) familier. Leur background ne leur permet pas de décoder l’attente scolaire, les objectifs qui sont visés dans la tâche et ce qui est attendu qu’ils apprennent dans une tâche qui peut paraître a priori intéressante et sympathique, car reliée à la vie – «la vie de certains seulement»!

Les enseignants restent ainsi parfois dans l’implicite ou dans une pédagogie invisible – font comme si tout le monde était à la même enseigne et comprenait les attentes –, ce qui dans l’exécution de la tâche n’est pas évident pour l’enfant (Bonnery, 2003; 2015). Bon- nery et al. (2015) nous rendent attentifs à cet implicite et alertent sur la nature des supports qui se veulent at- trayants (manuels) et qui mettent en scène la vie enfan- tine. Ils peuvent se révéler être des distracteurs étranges des savoirs à construire.

Du familier à l’étranger 

La quatrième confusion serait de ne plus faire rencon- trer la culture enfantine avec la culture universelle. Le danger serait de rester dans cette culture enfantine et ne pas provoquer la rencontre entre l’élève et le sa- voir au sein des objets culturels qui sont tout autant de

«passerelles pour transmettre le sens de la vie et des apprentissages» (Boimare)2. Car les objets culturels ne se retrouveraient alors que du côté de la responsabili- té familiale et non plus dans les pratiques scolaires. Ce qui serait plus démocratique, ce serait de problémati- ser les préoccupations enfantines pour les amener vers la culture et des savoirs plus distancés et étrangers de l’immédiat de l’enfant ou de sa famille. C’est pour cela que Meirieu préfère faire apprendre à lire aux plus petits sur des phrases de l’Iliade et l’Odyssée d’Homère que sur Papa a perdu sa pantoufle sous le lit. Le savoir s’ac- quiert par la culture et non pas dans un ordre où «les savoirs précèderaient la culture» (Meirieu). Pour que cela intéresse les enfants, il faut travailler «à partir d’ob- jets culturels forts – denses, puissants – qui permettent d’intégrer la nécessité d’accéder aux savoirs et donnent

reparti jouer avec ses petits copains! Et moi, je suis partie au travail songeuse et inquiète de certaines gaffes que l’on peut faire sans en avoir conscience…

Quelques années après, maintenant que Bastien a 8 ans, nous parlons librement en famille des arbres généalogiques de chacun, des ramifications et cela en remontant même dans l’histoire, aux problèmes des réfugiés, des migrations, et ce que cela implique dans ce qui fait que «nous sommes nous et que «je suis qui je suis…».

En tant que parent, je me suis alors posé la question sur toutes ces activités éducatives et pédagogiques dans lesquelles on demande de plus en plus aux en- fants de creuser dans leurs biographies, dans leurs appartenances, dans leurs histoires familiales, et cela dès leurs plus jeunes années de crèche. Pour quoi

faire? Comment le faire sans créer des malentendus, des exclusions? Est-ce que cela était bien utile aux apprentissages et au projet pédagogique que cette crèche-là entendait développer?

Moi, j’ai toujours en tête l’approche de Célestin Frei- net, pédagogue français qui ne voulait pas tout dire aux parents des élèves, mais qui ne voulait pas non plus tout savoir des familles des élèves, afin que les enfants aient la possibilité de grandir et se dévelop- per à l’école, d’être autre, de pouvoir s’affirmer autre- ment que ce qu’on a bien pensé pour eux!» •

Témoignage d’une mère récolté par Andreea Capitanescu Benetti

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Bibliographie

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Bonnery, S. (dir). (2015). Supports pédagogiques et inégalité sco- laires. Paris: La Dispute.

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Quelques références qui donnent une importance particulière à la parole de l’enfant

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Rudduck, J. et McIntyre, D. (2007). Improving learning through consulting pupils. New York: Rouledge.

du sens aux savoirs fondamentaux eux-mêmes»; et cela à partir des supports existants de la littérature, du cinéma, des œuvres collectives. L’école devrait emme- ner les enfants ailleurs, là où ils n’ont justement pas la possibilité d’aller seuls, vers des savoirs universels. Vel- las (dès 1986) souligne que c’est bien cette ligne qui est recherchée par les pédagogues de l’Éducation nouvelle.

Pour conclure: comme toujours, demeurer intel- ligent face à toute injonction

Si partir du familier de l’enfant est compris comme al- ler chercher des informations et des éléments dans les familles pour effectuer le travail scolaire, alors cela pré- sente quelques risques:

– Le risque de compter sur des prérequis incertains pour tous les élèves;

– Le risque pour l’élève de ne pas trouver sa place dans la classe;

– Le risque de ne pas être assez… de ne pas avoir assez… 

– Le risque d’une certaine honte de ne pas être assez…

de ne pas avoir assez. Car n’oublions pas que l’élève vit des milliers d’heures dans l’arène du jugement de la classe et ne peut se soustraire à la comparaison de soi face aux autres!

Le PER anticipe cette question de l’inégalité, surtout lors de l’absence de famille. Il nuance: «Tenir compte du contexte familial des élèves et, si nécessaire, évoquer une famille fictive.» Donc là où la famille n’existe pas, l’enfant devrait l’inventer pour assumer les tâches sco- laires! Et du côté des enseignants, comment imaginer cette famille fictive? Comment la conceptualiser dans une société qui dessine plutôt une pluralité de familles?

Prendre le PER aux mots sur cette question du familier, sans un détour réflexif, aurait comme risque d’enfer- mer les élèves dans des impasses. Prenons l’exemple de l’arbre généalogique: si l’enseignant demande aux enfants d’apporter des photographies familiales afin de travailler sur l’objectif suivant: «Exploration du temps

néalogique simplifié (notion de génération), à partir de photographies, de dessins». Qu’est-ce que les élèves sont censés apporter? Des photos de toute leur famille?

Ont-ils des photos à apporter pour remplir toutes les strates de l’arbre généalogique? Ce travail sur la «notion de généalogie», ne vaudrait-il pas mieux l’effectuer sur des personnages connus dans l’histoire du monde? La généalogie des autres entrant alors en dialogue inté- rieur avec la propre généalogie de chacun des élèves.

Les élèves se posant des questions sur leur propre gé- néalogie, dans leur intimité. On voit bien, évidemment, le manque de garantie que tout ce travail intime se réa- lise vraiment…

En formation d’enseignants, de telles questions se posent, nous analysons les situations de classe, le tra- vail réel des enseignants – leurs intentions dans le travail et ce qu’ils font dans le quotidien des classes, et cela aux prises avec les demandes institutionnelles (le plan d’études, les propositions des moyens d’en- seignement). Nous enquêtons donc avec les étudiants sur ces pratiques ordinaires, telles qu’elles sont vécues et non pas comme des pratiques idéalisées. C’est ain- si que nous cherchons à identifier les malentendus et les paradoxes scolaires dans la complexité de la relation pédagogique et didactique.

Cela nous permet d’interroger la portée de certaines de- mandes scolaires, d’analyser les différents curriculums à l’œuvre (le formel, le caché et le vécu) et les enjeux de mieux connaître l’enfant aux prises avec les apprentis- sages. Ainsi de réfléchir à comment rendre les savoirs à acquérir à l’école familiers à chaque élève pour ne pas l’enfermer dans ses appartenances premières. •

1 LIFE: Laboratoire – Innovation – Formation – Éducation: www.unige.

ch/fapse/life/

2 La culture comme passerelle pour transmettre le sens de la vie et des ap- prentissages avec Serge Boimare et Alain Borer, coformation organisée par Myriam Lavalley et Marie-Dominique dans le cadre du Module d’en- seignement Approches transversales: relations, institutions et diversité des acteurs (Formation des enseignants primaire, Université de Genève).

Kessler.www.unige.ch/fapse/bsep/eat1/partenariat-entre-le-terrain-et-lu- niversite/coformation/

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