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Des temples hindous au "goût pays"

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Academic year: 2021

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HAL Id: hal-02057436

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Submitted on 1 Apr 2019

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Des temples hindous au ”goût pays”

Florence Callandre

To cite this version:

Florence Callandre. Des temples hindous au ”goût pays”. La Réunion : La fierté d’une île, 2007.

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GEO

temples Des hindous au «goût

Les nombreux temples de l’île conjuguent rites populaires «créolisés»

et volonté de retour aux sources indiennes.

Hindous, certes, mais résolument Réunionnais.

L a r é u n i o n

Sous le lambre- quin créole du petit temple de l’Eperon, repose Maryamèn, dées- se hindoue dont la légende dit qu’elle est venue seule, par la mer. a ses côtés, Pandialé et Karli, autres divi- nités populaires.

t e x t e d e f l o r e n c e c a l l a n d r e - P h o t o s d e c h a r l e s d e l c o u r t

pays»

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GEO GEO

C

’est la légende préférée de Maryavan Baba Latchimy, un prêtre hindou réunionnais d’origines tamoule et bengalie. Il raconte qu’au moment d’embarquer sur le navire qui les mena de l’Inde à La Réunion, au

xixe siècle, les fidèles de la divine Mari Amma, déesse de  la pluie qui favorise les récoltes et protège des épidémies, furent bien embêtés. La belle statue de leur Mère était trop lourde pour ce voyage. Ils la déposèrent sur le rivage de la côte du Coromandel, à l’est de l’Inde, et n’emportèrent qu’un kalou (un galet) qui la représenterait sur leur terre d’accueil. Arrivés sur l’île, ils construisirent une paillote,  dans laquelle ils consacrèrent le kalou. Mais, quelque temps plus tard, celui qui conduisait leurs cérémonies fut saisi par l’esprit de Mari Amma : elle dit aux fidèles de courir jusqu’à  la plage de Grand-Fond, aujourd’hui à Saint-Gilles-les- Bains, et de creuser. A leur grande surprise, ils retrouvèrent  la déesse enfouie dans le sable. Elle avait traversé seule l’océan Indien, jusqu’à cette grève de La Réunion où on la  connaît désormais sous le nom «créole» de Maryamèn.

Cette histoire est une jolie métaphore : ici, l’hindouisme a  longtemps survécu loin de son berceau, s’est adapté à sa nou- velle terre avant de chercher un retour à ses sources spirituel- les. Et les temples colorés que l’on voit un peu partout sur l’île sont le reflet de ce voyage entre la «créolisation» de  rites populaires et la «fidélité» aux origines d’une religion. 

Ils sont hindous, certes, mais aussi résolument réunionnais.

Dès 1817, puis après l’abolition de l’esclavage en 1848, les planteurs de canne à sucre de La Réunion se tournèrent

vers l’Inde du Sud, le Kerala, le Tamil Nadu, l’Andhra Pra- desh, mais aussi vers le Bengale pour «engager» à peu de  frais une main-d’œuvre connaissant le travail de la canne.

Les engagés indiens (on en comptait 120 000 en 1885) étaient à l’origine vaïsya, agriculteurs, ou «hors castes» (intoucha- bles), jamais issus des classes sociales supérieures comme  celle des brahmanes. Sur l’île, leurs conditions de vie étaient  tout aussi éprouvantes que celles des esclaves qu’ils rem- plaçaient. La prédominance du catholicisme les freinait dans la pratique de leurs cultes hindous. Ils réussirent pourtant à obtenir le droit de construire des espaces sacrés, «chapel- les» dédiées aux grama devata, les déesses de leurs villa- ges de l’Inde du Sud, Draupadi, Mari Amma et Kali. 

Aujourd’hui, à La Réunion, ces trois divinités sont plutôt  vénérées sous les noms de Pandialé, Maryamèn et Karli. 

Chacune s’identifie aisément à la couleur qui lui est attribuée  de manière courante : le jaune à Pandialé, le blanc à Marya- mèn, et le rouge à Kali. Pandialé est l’héroïne de l’épopée  du «Mahabharata», texte sacré présent à tous les niveaux  des cultures indiennes. C’est en son honneur que, chaque année, de nombreux fidèles de La Réunion marchent sur le  feu. Maryamèn est le nom donné à la déesse dont la tête est celle de Renuka, épouse de Jamadagni, et mère de Parasurama,  un avatar de Vishnou. Présumée pécheresse, elle fut décapitée  sur ordre de son mari et, en voulant lui redonner vie, son

fils «recolla» par mégarde sa tête sur le corps d’une intou- chable. A La Réunion, les engagés évangélisés l’ont parfois  assimilée à la Vierge Marie et, aujourd’hui encore, leurs  descendants organisent des marches sur le feu à son inten- tion. Quant à Karli, elle est une forme guerrière de la sakti,  l’énergie féminine, de Shiva. Parce qu’elle «prend le sang»,  des sacrifices de cabris lui sont offerts chaque année. 

Peu à peu, les descendants des engagés indiens ont acquis  des terres et des commerces, ils se sont enrichis. Dans les années 1950, ils se regroupèrent pour acheter des terrains dans les villes de La Réunion afin d’y construire des temples   plus représentatifs de leur nouveau statut social. Les descen- dants d’agriculteurs ou d’intouchables se détournèrent des déesses rurales, trop paysannes, pour s’orienter vers le brah- manisme que pratiquaient les classes sociales plus élevées.

Ils choisirent ainsi de vénérer Siva Soupramanien, une divi- nité guerrière assimilée au fils de Shiva et Parvati. 

Ce choix d’une divinité très populaire au Tamil Nadu ex- primait aussi un mouvement identitaire de retour aux sources. 

A partir des années 1970, ce que l’on a appelé le «renouveau  tamoul» s’est focalisé sur cette région de l’Inde. Les partisans  de l’«orthodoxie» estimaient que les cultures d’origine s’étaient  appauvries à cause de l’éloignement et de l’insularité. Cer- tains allaient jusqu’à dénigrer les rituels locaux sous le terme  créole de pèlmélaz, dérivé du français «pêle-mêle». Cette  redécouverte de «l’hindouisme indien» fut renforcée par  l’immigration à la Réunion des fonctionnaires restés Français après la rétrocession de Pondichéry à l’Inde, en 1956. A 

Pour ce temple, visible à Beaufonds, dans l’est de l’île, les sculp- tures des niches et les moulures des colon- nes ont été réalisées, selon la norme de l’ar- chitecture sacrée ta- moule classique, par un artiste venu d’inde.

En se métissant, les divinités hindoues ont changé de nom

Le «renouveau tamoul» a d’abord méprisé les rituels locaux

Mari amma, devenue Maryamèn à La réu- nion, est la déesse de

la pluie, celle qui fait pousser les récoltes.

Elle est aussi la dame de la variole, qui pro-

tège ses fidèles des épidémies favorisées par la chaleur. on y dit qu’elle chasse le «mauvais air»…

Le temple Kali Kampal, à Saint-Denis, fut l’un des premiers temples

hindous construits en ville dans les années 1950.

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l’inverse des descendants d’engagés, ceux de Pondichéry  ont maintenu des liens avec le Tamil Nadu. A la Réunion,  leurs femmes relancèrent le port du sari pour aller au temple.

Ils furent aussi les premiers professeurs de langue tamoule et servirent d’intermédiaires lors du recrutement de brahma- nes venus d’Inde pour officier dans les temples urbains. 

L’architecture de ces temples devait symboliser ce «renou- veau» et être conforme aux textes agamiques qui définissent  les règles de fondation et d’orientation pour chaque divinité.

Et c’est au Tamil Nadu que les membres des associations  religieuses réunionnaises ont recruté architectes et sculpteurs pour rénover les édifices. Puisque le brahmanisme est opposé  aux sacrifices d’animaux, les divinités végétariennes furent  privilégiées. Ainsi, dans le temple de Saint-Denis, Karli la  guerrière a laissé place à Kali Kampal, plus respectueuse des  êtres vivants. Elle tient dans la main une canne à sucre, sym- bole de la raison pour laquelle les ancêtres étaient venus.

Les temples hindous de La Réunion portent la marque de cette «créolisation» qui adapte les apports culturels aux  spécificités locales et de la «tamoulisation» qui tend à rame- ner les pratiques vers le brahmanisme végétarien. Mais aujourd’hui, ces forces s’entremêlent : des statues réalisées  par des sculpteurs tamouls sont protégées par un toit de case créole ; des temples rénovés par ces mêmes sculpteurs sont décorés de padon, les peintures sur verre réalisées par des artistes réunionnais qui y représentent des déesses de villages très créoles. La divinité Nargoulan, que le «renouveau ta- moul» écarta d’abord des lieux de cultes réunionnais parce  qu’elle était considérée comme trop «musulmane» (à cause  des sacrifices «halal» qu’elle exige) a retrouvé sa place dans  l’espace sacré, habillée d’un socle décoré de kurdu, élément architectural tamoul. Quant à Hari-Hara, divinité que l’on peut voir dans le temple de Saint-Denis, elle illustre parfaite- ment cette forme de tolérance qu’engendre souvent la créo- lisation : la statue qui la représente est composée d’une  moitié de Vishnu et d’une moitié de Shiva, ce qui est plu- tôt rare en Inde. Là-bas, Vishnu, l’Aryen, symbolise le Nord  et Shiva, le Dravidien, le Sud. Ils sont rarement vénérés  conjointement. Mais Antoine Samourgompoullé, ancien  président du temple, explique que cette sculpture représente  les multiples composantes de la société réunionnaise…

Depuis trois mille ans, en Inde, il faut théoriquement naî- tre brahmane pour être brahmane et porter le cordon sacré des «deux fois nés». Mais à La Réunion, des descendants  d’engagés «formés» dans divers états de l’Union indienne  ont pu accéder au statut de brahmanes. Ils portent ce cordon sacré qui, à La Réunion, est renouvelé une fois l’an par Swami Premananda, le responsable d’un ashram de Saint- Louis. Lui-même est un descendant d’engagé. Il voue un culte à Amma, cette femme née en 1953 dans un village de  pêcheurs de la côte Malabar et devenue une déesse interna- tionalement connue. Désormais, Amma parcourt le monde  à la rencontre de ses fidèles et vient en avion visiter l’ashram  de La Réunion. Il y a cent cinquante ans, Maryamèn était arrivée par la mer. Amma, elle, descend du ciel… L

Florence Callandre

Une divinité qui symbolise la tolérance réunionnaise

Des descendants d’ «engagés»

accèdent au statut de brahmanes

Ce haut-relief du temple Kali Kampal représente le mariage de rama (un avatar de Vishnou) et de Sita, une référence en matière de fidélité dans le couple.

La statue de Hari-Hara exprime la force du métissage réunionnais. Hari, la moitié de Vishnou, à la peau bleue et au vesti jaune, représente le nord de l’inde. Le sud est symbolisé par Hara, la moitié de Shiva, avec le croissant de lune et le Gange dans sa chevelure de yogi.

DR

Florence Callan- dre, chercheur en anthropologie de l’art et de l’environ- nement, enseigne à l’Université de La Réunion. Elle est l’auteur de

«Koylou» sur l’archi- tecure sacrée de l’hindouisme réunionnais.

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