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Introduction. 10 / 11 Introduction. ISBN Presses universitaires de Rennes, 2022,

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Texte intégral

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Introduction

sur l’acteur numerique », Christophe Damour, Arnaud Duprat, Hélène Valmany (dir.) Presses universitaires de Rennes, 2022, www.pur-editions.fr

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Dans la continuité de la journée d’étude « Le montage à l’ère/aire numé- rique » qui a eu lieu en novembre 2014 à l’université Rennes 2 et où la ques- tion des répercussions du montage mais aussi du tournage numériques sur l’acteur a surgi à plusieurs reprises, de nouvelles rencontres se sont tenues tout au long de l’année 2018 au sein des universités de Rennes 2, de Caen et de Strasbourg, afin d’interroger spécifiquement certaines conséquences des possibilités techniques du numérique (le trucage informatique avec le morphing, la « greffe » d’un corps virtuel conçu par ordinateur sur l’enre- gistrement d’un mouvement corporel ou facial réel avec la motion puis la performance capture…) sur le jeu et l’analyse du jeu de l’acteur de cinéma.

Ces réflexions ont révélé une série de dichotomies théoriques et méthodo- logiques propres à l’acteur de cinéma, entre prolongement/développement de pratiques déjà en vigueur (en lien notamment avec l’animation et le théâtre) et rupture/renouvellement (comment analyser le jeu de l’acteur quand celui-ci n’est plus, en tant que tel, sur l’écran), que le présent ouvrage souhaite exposer.

Ontologie de l’acteur cinématographique

Dès les années 1920, les spécificités de l’acteur cinématographique ont été recherchées, commentées et interrogées par les cinéastes et les théo- riciens, au nom de l’affirmation de l’indépendance artistique du nouveau médium, et souvent au prix d’un rejet farouche du théâtre, considéré au mieux comme un « ennemi » ou au pire comme son « contraire 1 ». Une conception exclusive d’un « 7e art » qu’a pu défendre Ricciotto Canudo, pour qui « il n’y a aucune analogie profonde, ni d’esprit, ni de forme, ni de modes suggestifs, ni de moyens de réalisation, entre l’irréel fixe de l’Écran et le réel changeant de la scène 2 ». Que l’on ait mis en avant la nécessité pour l’acteur de cinéma de posséder une maîtrise mécanique de son corps et de ses possibles (la notion de « modèle » chez les formalistes russes et Lev Koulechov 3) ou pour le metteur en scène de s’interroger sur le type auquel

Jeu réel, jeu virtuel : le retour des refoulés

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renvoie l’apparence de l’acteur (comme le fait S. M. Eisenstein 4), ou encore que l’on ait vanté l’importance nouvelle du visage, de la moindre expression ou geste discrets, offerte par la proximité de la caméra (à l’instar de Béla Balazs 5), il a rapidement été admis, d’Alfred Hitchcock à Robert Bresson, que le cinéma comme art nouveau réclamait un acteur se différenciant du comédien de théâtre et prêt à faire émerger de nouvelles propositions artis- tiques. Un acteur-créateur donc (l’acteur selon Koulechov doit viser à « être lui-même une œuvre d’art et non pas en produire une 6 »), mais également une créature, tant la technique cinématographique mise à la disposition des réalisateurs (découpage, montage…) permet d’orienter la réception de l’art actoral et même de le modifier, de le recomposer, avec ou sans la complicité de l’interprète.

En même temps qu’il semble ouvrir les possibles du jeu, l’acteur au cinéma peut paraître perdre la maîtrise de son art. À l’orée du xxie siècle, avec l’apparition du numérique et de toutes ses innovations techniques (morphing, raccords invisibles, performance capture…), la dichotomie créa- teur/créature retrouve une actualité. Ainsi, le lieu d’enregistrement de la performance de l’acteur (le « Volume ») apparaît comme un espace de jeu tout entier pensé pour l’acteur, de même que les évolutions de la motion à la performance capture vers des outils permettant d’enregistrer la gestuelle corporelle et les mimiques du visage de la manière la plus précise possible donnent l’impression que l’acteur de cinéma se trouve véritablement au centre du processus de création. Pourtant, ces technologies, qui placent l’acteur dans les mains d’encore plus de collaborateurs (non seulement le réalisateur, le monteur, le chef opérateur mais aussi les techniciens spécia- listes des effets spéciaux) ayant la capacité de modifier une expression ou un regard, et même de départir l’acteur de son enveloppe charnelle, peuvent paraître faire pencher l’acteur du côté de la créature avant peut-être même sa disparition programmée, telle que prophétisée par exemple par Marlon Brando – sans doute un des acteurs les plus emblématiques de l’inventivité actorale au cinéma :

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« Un jour, on m’a numérisé le visage, grâce à un rayon qui tournait autour de moi. J’ai fait plusieurs grimaces, de joie ou de tristesse, tout cela a été enregistré. Un jour les acteurs ne seront plus en chair et en os, mais insérés dans un ordinateur. Vous verrez cela arrivera, ce sera peut- être la fin des acteurs. »

Ces propos prémonitoires énoncés à la fin du xxe siècle – le dispositif semble annoncer le traitement subi par le personnage de Robin Wright dans Le Congrès (Ari Folman, 2013) – illustrent tout particulièrement certaines problématiques actorales liées au numérique. Marlon Brando avait pris l’ha- bitude d’enregistrer sa voix sur des bandes qui seront exploitées dans le docu- mentaire Listen to me Marlon (Stevan Riley, 2015) : on peut ainsi entendre cette déclaration au tout début du film, dans une séquence marquante où on découvre une version scannée du visage de Brando réalisant différentes expressions faciales, pendant qu’un enregistrement de sa voix livre ses réflexions sur l’art de l’acteur tout en déclamant des extraits de pièces de Shakespeare. Les responsables des effets spéciaux qui ont participé à ce film atypique ont fait le choix, vingt ans après, de retravailler les images de scan 3D obtenues avec un logiciel rudimentaire qui n’existait plus, en s’appuyant sur la technologie de la performance capture : un nouveau logiciel (Faceshift), a permis de « nettoyer » les anciennes images de leurs imperfections tech- niques ; et un autre acteur, anonyme, en rejouant en play-back les mimiques de Brando, animait de façon posthume le « masque » digital élaboré avec les traits de la star (qui ressemblait fort à un véritable masque mortuaire) afin d’obtenir des mouvements plus fluides. Des images de Brando en plein monologue avaient auparavant été utilisées dans un film postérieur à sa mort survenue en 2004 : Superman Returns (Bryan Singer, 2006) donnait ainsi déjà à voir une forme hybride entre rushes de la première version de Superman de 1978 tournée par Richard Donner dans laquelle l’acteur avait joué, images d’archives et trucage numérique. Mais dans le film de Riley, si le timbre et l’intonation de la voix de Brando restent facilement identi- fiables, son visage, lui, se résume à une agrégation de particules bleues sur un fond noir.

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Fig. 1a et 1b

Le visage de Marlon Brando scanné dans Listen to me Marlon.

La force visuelle de ces images, dont l’effet a été volontairement créé par les animateurs des années 2010 pour restituer les circonvolutions de la pensée et de la mémoire d’un acteur au crépuscule de sa vie, est assez saisissante, dans la mesure où l’insta- bilité des petits points bleus qui composent le visage

de Brando à la manière d’une mosaïque numérique, produit un « effet- poussière », comme si les pixels étaient balayés par le vent – rappelant par exemple la transformation en sable de l’androïde interprété par Darryl Hannah dans Blade Runner (Ridley Scott, 1982). On assiste ainsi à une véri- table « poétique du numérique » au cinéma, lorsque les scénarios et la mise en scène intègrent les caractéristiques ou les nécessités techniques liées aux nouvelles technologies, de l’effet de clignotement (glitch qu’on retrouve sur de nombreux corps artificiels du cinéma hollywoodien) à la couleur bleue

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qui irradie nombre de films – celle de la peau de Mystique dans la série des X-Men 7 ou des hologrammes de Blade Runner 2049 (Denis Villeneuve, 2017).

Un autre intérêt de cette séquence est d’articuler ces aspects visuels propres au numérique à un paradoxe qui se retrouve au cœur de cet ouvrage : en effet, la prédiction technophile et pessimiste de la disparition prochaine des acteurs et leur remplacement par leurs hologrammes est contrebalancée par un édifiant retour du théâtre (en effet, si le mécanisme enregistreur évacue l’humain, la matière enregistrée demeure une tirade de Macbeth de Shakespeare). Cette confrontation du contemporain (les nouvelles techno- logies) et d’un héritage théâtral révèle la dimension intrinsèquement duelle d’un tel dispositif qui fonctionne par strates, en superposant systémati- quement plusieurs couches, qu’il s’agisse du médium lui-même (théâtre vs cinéma), ou des techniques employées (les couches de maquillage, réel ou numérique – le morphing).

Enfin et surtout, le fait que cette transformation numérique s’opère sur le corps de Marlon Brando est particulièrement éloquent et emblématique de l’acteur à l’ère du numérique, Brando terminant ainsi sa trajectoire acto- rale en poussière numérique, dans une forme dématérialisée, après avoir représenté le corps organique dans toute sa splendeur (il a été, au début des années 1950, le promoteur d’un nouveau style de jeu exhibant la chair et les humeurs corporelles, qui fixera un modèle canonique pour tous les autres acteurs durant plus d’un demi-siècle).

Ce sont donc ces contradictions synthétisées dans cette séquence parti- culièrement éloquente que cet ouvrage souhaite interroger, à partir de l’ob- servation d’un retour de trois « refoulés » actoraux révélés par le numérique : celui de la scène de spectacle, celui du montage cinématographique et celui du corps organique, voire de l’animalité.

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Le retour de la liberté de la scène de spectacle

À l’occasion de la promotion de Pourquoi j’ai pas mangé mon père (Jamel Debbouze, 2015), premier film français tourné intégralement en motion capture, l’acteur et réalisateur rendait compte avec enthousiasme de cette première expérience :

« Encore plus que l’histoire c’est la motion capture qui m’a fait délirer là-dedans. Un plateau de 1 000 mètres carrés, 70 caméras à 360 degrés : une liberté de mouvement totale. J’ai rien contre le cinoche, j’adore le cinoche, mais la MoCap, c’est ce qui se rapproche le plus de la scène. Pour un mec aussi impatient que moi, le cinéma, c’est une torture, un endroit d’attente… Là, ça m’a fait délirer et basculer. Le champ des possibles.

La liberté de mouvement. Y a plus de raccords 8… »

L’acteur décrit ici sommairement le tournage dans le « Volume », cet espace fermé avec des capteurs tout autour qui enregistrent les signaux diffusés par les émetteurs placés sur le corps et le visage des acteurs. Ces derniers y jouent dans un décor inexistant ou très basique, et surtout dans une plus grande continuité car leur jeu est capté à 360o, ce qui met à la disposition du cinéaste tous les axes et toutes les échelles de plan possibles lors du travail de postproduction. L’acteur y trouverait une nouvelle liberté (par rapport à la technique de la prise de vue réelle), comme le stipule Jamel Debbouze, et donc un plaisir renouvelé, selon Robert Zemeckis, réalisateur pionnier de la motion et performance capture :

« J’adore la performance capture. Quand j’en faisais, on me demandait sans cesse en quoi c’était différent de la prise de vue réelle, en termes de mise en scène. Ce n’est pas si différent que cela. C’est juste plus simple, parce qu’il ne s’agit que de direction d’acteurs : toute la technique du cinéma n’intervient qu’après, et de manière parfaitement contrôlée. Donc sur le plateau, il n’y a que vos acteurs et vous, on n’a à se préoccuper de rien d’autre, ni de marques au sol, ni du point, ni de la lumière. Il n’y a que le jeu. Du coup, tous les grands acteurs avec qui j’ai travaillé ont adoré

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cela, qu’il s’agisse de Tom Hanks, Anthony Hopkins ou Ray Winstone, parce qu’ils jouent toute la journée 9. »

Les différences avec le cinéma en prise de vue réelle semblent en effet importantes pour l’acteur : le découpage d’une scène pouvant ne pas être défini au tournage et choisi seulement en postproduction, il jouerait donc sans indication quant à l’axe, à l’échelle de plans, sans même savoir s’il sera hors champ ou non… Il travaillerait également dans la continuité, et non selon un morcellement des scènes déterminé par les différents axes choisis nécessitant des modifications quant à la place des caméras, de l’éclairage, etc. De son côté, le cinéaste, libéré de toutes ces préoccupations techniques, se consacrerait exclusivement à l’acteur et à sa direction.

Ces différences ont incité plusieurs commentateurs à remarquer des liens entre la performance capture et le théâtre, le « Volume » et son espace pouvant être assimilés à une scène de spectacle. Au-delà de la continuité dans le jeu, l’absence quasi-totale de décor est en effet plus fréquente au théâtre qu’au cinéma qui appelle, en règle générale, des décors présents et sollicite plus difficilement l’imagination du spectateur sur leur éventuelle absence. De plus, au théâtre, le comédien ne sait pas quand il est regardé par le spectateur ou juste écouté, à l’inverse, par exemple, d’un champ- contrechamp qui aurait été clairement découpé dès le tournage dans le cas d’un film en prise de vue réelle…

Le numérique et ses possibilités a priori infinies marquent-ils donc vrai- ment l’avènement d’un « nouveau cinéma » ou bien révèlent-ils les puis- sances atemporelles du cinéma du passé ?

Le retour du montage cinématographique

Les outils numériques prolongent certaines réflexions originelles sur l’un des éléments constitutifs de l’art cinématographique : le montage, que celui-ci soit considéré comme l’« essence » du cinéma (depuis Koulechov 10), ou que son importance, tout en étant reconnue, soit minorée (de Bazin 11 à Andreï

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Tarkovski 12), et réactivent par là même une appréhension du montage comme forme cinématographique d’organisation du comportement de l’acteur.

En effet, on peut se demander si le morphing et autres retouches numé- riques ne permettent pas simplement d’accomplir avec plus de fluidité certains effets déjà recherchés aux débuts du cinéma classique hollywoo- dien tel le passage d’un visage à un autre, comme si les moyens offerts par le numérique ne faisaient finalement que rendre possibles des images représentées auparavant de manière insatisfaisante. Pensons par exemple à la duplication des corps ou aux corps « recomposés » qui se situent dans la prolongation des doublures de cascadeurs ; pensons au morphing qui permet enfin des transformations suggérées jusqu’à présent grâce à des plans de coupe ou des fondus enchaînés… (la transformation du docteur Jekyll en Mister Hyde dans le film de Victor Fleming en 1941 qui s’effectuait alors en fondu enchaîné). Plus spécifiquement, le découpage repoussé parfois au moment de la postproduction grâce à la performance capture, ne prolonge- t-il pas la tendance à la couverture d’un George Stevens qui filmait sous plusieurs angles afin d’avoir plus de choix au montage 13 ?

Enfin, si le numérique répond aussi bien sûr à des préoccupations de gain de temps et d’argent, il soulève également une question éthique, celle de la manipulation de l’acteur en postproduction, manipulation qui existait déjà avant lui 14 mais que les possibilités du numérique rendent encore plus invisible et infinie : que reste-t-il de l’acteur quand un cinéaste se livre (avec ou sans son accord) à une manipulation invisible de son travail, en modi- fiant à l’image une expression, un mouvement, la profondeur d’un regard ou même l’expression de la voix ? Ainsi, avec le numérique, ne renouons-nous pas avec « l’acteur-bétail » d’Hitchcock ou « l’acteur-matériau 15 » qui serait plus que jamais une sorte de glaise modelable indéfiniment par le cinéaste ?

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Fig. 2

Sylvester Stallone et Robert De Niro dans Match Retour (Grudge Match, Peter Segal, 2013).

Le retour de l’organique

Nous pourrions alors croire que le corps organique serait voué à disparaître au profit des images de synthèse. Néanmoins, une séquence de Match Retour (Grudge Match, Peter Segal, 2013) illustre à la fois le dispo- sitif matériel et les enjeux théoriques liés à la performance capture. Sylvester Stallone et Robert De Niro y interprètent deux anciens boxeurs rivaux qui se retrouvent après des décennies de brouille dans un studio de performance capture, afin d’y réali- ser des modélisations pour un jeu vidéo : si la séquence s’apparente à un documentaire sur le dispositif (confrontation du corps de l’acteur réel engoncé dans une combinaison synthétique dotée de capteurs et visage muni d’une caméra faciale avec son avatar retransmis simultané- ment sur un écran…), celle-ci met surtout en scène deux corps du cinéma des années 1970 : Stallone et De Niro, représentant chacun un type d’in- carnation « à l’ancienne », qu’il s’agisse du film d’action, du film de boxe ou du travail sur la matière organique (bodybuilding et variations pondérales réelles se retrouvent aussi bien dans la série des Rocky initiée en 1976 par John G. Avildsen que dans Raging Bull de Martin Scorsese, en 1981). Ces corps se confrontent ici au virtuel et permettent un retour du tangible via le saccage effectif de la salle informatique. Si les deux acteurs semblent régler leurs comptes avec la performance capture, la séquence renvoie à la fois au burlesque (la destruction du décor) et aux cascades artisanales, où les mouvements et les impacts sont réels et non numérisés, alors même que le dispositif technique permettrait aux acteurs de ne pas jouer avec des partenaires réels ou de filmer sa partie chacun son tour (ce que souhaitait d’ailleurs le personnage de Stallone afin d’éviter de croiser son rival). Nous

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avons alors l’impression d’assister, pour reprendre la formule employée par Jérôme Momcilovic à propos de la série de films The Expendables 16 également portée par Stallone, à une forme de « revanche de la viande sur les pixels 17 ».

Au cœur de ces confrontations où se joue une rivalité toujours renou- velée entre l’homme et la machine, semble s’esquisser paradoxalement une nostalgie du cinéma du passé, comme si le numérique devait craindre ce

« retour de l’organique 18 ». C’est ce qu’analyse fort justement Momcilovic dans Terminator Genisys (Alan Taylor, 2015), avec un autre corps issu des années 1980, Arnold Schwarzenegger :

« Le vieux T-800 y affronte son homologue à la fois plus jeune (c’est le Schwarzenegger de 1984 mais cloné, là encore, par la palette graphique) et plus vieux (il revient d’un film qui a trente ans) […]. Si la scène est belle, c’est qu’elle joue deux fois la confrontation de deux âges : ceux de Schwarzenegger vieux contre Schwarzenegger jeune, et en même temps le cinéma de 1984 contre celui de 2015 : quand les deux Terminator s’élancent l’un vers l’autre pour se battre, l’intervalle qui se réduit entre eux représente trente ans de cinéma hollywoodien. Mais l’ironie est que le cinéma de 2015 est du côté du Terminator de 1984 (puisque celui-ci est un pur effet spécial) ; tandis qu’à l’inverse, le cinéma de 1984 est avec le Terminator de 2015 (c’est-à-dire avec le vrai Schwarzenegger, qui a vieilli en même temps que lui). D’un côté le corps immortel de Schwarzenegger, embaumé par les effets numériques. De l’autre, son corps actuel, qui a fait le même trajet sans effet spécial 19. »

Cette articulation entre questions méthodologiques et questions onto- logiques se retrouve de manière plus explicite dans l’intrigue du Congrès qui repose aussi sur ce retour de l’organique. Si l’actrice Robin Wright y est scan- née et voit son image rajeunie jouer dans un film qu’elle n’a jamais tourné, Le Congrès, en dénonçant ces images de synthèse comme déshumanisées et presque cauchemardesques, paraît se placer, là encore et comme Terminator Genisys, du côté de l’actrice de chair et de sang. Ne serions-nous pas face à un « nouveau cinéma » qui ne croit pas lui-même en sa toute-puissance et exprime inconsciemment la peur de sa disparition ?

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Présentation de l’ouvrage

À partir de quelques interprétations numériques contemporaines – Andy Serkis dans Les Aventures de Tintin : le secret de la Licorne (The Adventures of Tintin: The Secret of the Unicorn, Steven Spielberg, 2011) ou King Kong (Peter Jackson, 2005), Angelina Jolie ou Anthony Hopkins dans La Légende de Beowulf (Beowulf, Robert Zemeckis, 2007), Denis Lavant dans Holy Motors (Leos Carax, 2012)… –, les contributions réunies au sein de cet ouvrage évoquent ces différents refoulés, apportent des éléments de réponse aux différentes questions soulevées et mettent en lumière les paradoxes liés à l’acteur numérique. En effet, ce dernier resterait créateur au sein d’un cinéma où, tout en semblant entravé physiquement par une technologie lourde (combinaison, capteurs…) et soumis numériquement aux manipu- lations de nombreux collaborateurs de création, il retrouverait une liberté de mouvement similaire à une scène théâtrale ; un cinéma où, alors que le corps réel disparaît à l’écran, il renouerait avec un jeu physique dont l’en- registrement et la restitution à l’image serait l’enjeu ; un cinéma où, enfin, la possibilité de proposer à l’écran des êtres à la plastique retouchée serait comme contrariée par la récurrence thématique dans les intrigues du vieil- lissement du corps et de son caractère organique. Ces paradoxes seraient finalement à l’image d’un cinéma lui-même placé sous le signe de la rupture radicale en ce qui concerne sa création même (là où, contrairement à l’ar- gentique, la postproduction est bien plus importante et décisive), mais qui, finalement, ne fait que réactiver des questions présentes dès les origines du cinéma et prolonger, améliorer dans sa forme une écriture jusqu’alors techniquement perfectible.

Dans une première partie centrée sur une technique numérique (le morphing), les auteurs reviennent à la fois sur son histoire et sur son utilisa- tion permettant l’hybridation de corps et le vieillissement/rajeunissement des acteurs. Réjane Hamus-Vallée envisage le morphing comme héritier du désir de transformation présent dès le début du cinématographe. Quand il est imperceptible dans la modification du jeu (fusion cascadeur/acteur

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ou de deux moments d’un même acteur), le morphing pose la question de la créativité actorale et de sa part auctoriale dans la création du person- nage, face au pouvoir du cinéaste. Cette technique rejoindrait ainsi le vieux fantasme du morcellement et de la recomposition du jeu de l’acteur via le montage, dans la continuité des réflexions de Koulechov et Dziga Vertov.

Pour Flavia Soubiran, la réapparition de héros vieillissants (Blade Runner 2049 ou les derniers Terminator) serait à l’image du cinéma à l’aube de la révolution numérique. Ces personnages opéreraient également un retour à la représen- tation du vieillissement de la star déchue dans les westerns ou les mélo- drames de l’époque classique hollywoodienne. Loin d’y voir un cinéma en passe de se libérer de l’acteur, Soubiran considère que le spectateur perçoit dans la décrépitude de ces héros la promesse de sa propre mort, mais aussi le témoignage d’une humanité face à la prolifération des machines et de la technologie. Enfin, selon Jean-Marie Samocki, la mort serait également présente au fil de la trilogie des Wolverine 20, mais concernerait un morphing en lien avec une esthétique de la survivance et de la déchéance, notamment dans le dernier opus, Logan (James Mangold, 2017). Samocki considère que le morphing au service de cette agonie éternelle qui ressuscite une esthétique classique dans des films célébrant a priori le numérique, dépasse la dispari- tion de l’acteur en mettant en valeur Hugh Jackman, en complexifiant son jeu, en jouant avec des échos biographiques et en lui permettant de faire évoluer sa persona.

Ce dépassement se retrouve chez de nombreux protagonistes se situant entre l’humain et la créature, entre acteurs de chair et corps de synthèse, ou même dans les duos que les acteurs forment avec des partenaires virtuels.

Ces personnages et leur figuration font l’objet de notre deuxième partie où les lectures méta-cinématographiques abondent et vont d’une affirma- tion du pouvoir d’incarnation de l’acteur à sa disparition, d’un hommage rendu aux pouvoirs de la fiction à un discours élégiaque sur le cinéma.

Benjamin Thomas, en s’appuyant sur le film d’animation Ghost in the Shell (Mamoru Oshii, 1995) et son remake américain en live action de Rupert Sanders en 2015 où le rôle principal est tenu par Scarlett Johansson, vise

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à démontrer que les « enveloppes » des créatures numériques ou les corps recomposés numériquement suscitent chez les spectateurs, en raison même de leur statut d’image, un sentiment de matérialité. Chez Sanders, il est demandé à Johansson d’incarner (grâce à son corps, mais aussi grâce à des doublures, aux manipulations de la mise en scène et aux retouches numé- riques) la corporéité d’un personnage lui-même synthétique. Cette rencontre entre prise de vue réelle et numérique déterminerait des changements narra- tifs entre les deux versions : là où, dans le film d’animation, le corps est une prison détestée, dans le film américain, « il compose le sujet tout autant que l’âme », à l’image de ces corps retouchés numériquement qui incarnent autant que toute autre image. Nathalie Bittinger, quant à elle, voit dans L’Odyssée de Pi (Life of Pi, Ang Lee, 2012) une évocation du caractère démiur- gique du cinéaste et des limites infinies de l’illusion cinématographique, grâce au numérique. La fiction interrogerait la façon dont le spectateur se laisse happer par le pacte fictionnel et accepte la créature de synthèse (le tigre) comme un véritable animal grâce au regard que l’acteur pose sur elle.

Par extension, l’œuvre poserait également la question du transfert anthropo- morphique que l’on projette sur l’animal, et enfin du regard du tigre comme pur signifiant de l’énigme que représente la création numérique. La méta- phore revient dans la contribution d’Estelle Dalleu qui émet l’hypothèse selon laquelle l’hologramme, dans Blade Runner 2049, ouvrirait une réflexion sur la place créative de l’acteur à l’ère du numérique. Le corps hologrammique y est jouet technique, malléable, transparent, marchand…, un simple spectre qui a besoin d’un émetteur vivant. Les créatures numériques et les corps de synthèse seraient ainsi un simple reflet de l’acteur. Dalleu interroge : « Est-ce à dire que ça n’est pas l’acteur qui est de synthèse, mais le synthétique qui est acteur puisque relevant d’une manipulation programmable de l’infor- mation ? Et finalement, qui manipule ? » Blade Runner 2049 déploierait une esthétique de la mort et, par extension, de la disparition de l’acteur.

Notre troisième partie interroge plus spécifiquement l’analyse de l’ac- teur numérique à travers des exemples en lien avec la performance capture.

Jacques Demange s’intéresse à l’une des particularités de l’acteur numérique

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(jouer parfois sans partenaire) et se demande à quoi ce jeu sur plateau peut renvoyer. Deux scènes du King Kong de Peter Jackson – remake du film de Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack de 1933 –, où le personnage de Naomi Watts, dans la diégèse, danse sur scène devant une toile peinte puis danse devant la bête sur son île – mais en fait devant un fond vert sur le tournage – peuvent être perçues comme faisant référence à ces nouvelles technologies où le geste scénique de l’acteur est central. Le jeu de l’actrice est même encore plus primordial dans la deuxième scène car la qualité du regard hors-champ de Watts (déjà théorisée par Stanislavski au théâtre) vers King Kong, assure la croyance des spectateurs quant à l’existence de cette bête de synthèse. La performance capture serait ainsi un palimpseste méthodologique car elle conserverait les principes des arts scéniques, en particulier le mouvement, tout en mettant en lumière sa technique et son lieu (la scène). Dans ce rapport à l’immatériel sur le tournage et à la néces- sité de faire croire à son existence via le jeu, Demange perçoit un retour en force du mime chez l’acteur à l’ère du numérique. Benoît Rivière, à partir du travail d’Andy Serkis, part de l’hypothèse selon laquelle « les mouvements de l’acteur qui donnent vie à ces créatures graphiques constituent tout d’abord un rythme singulier, et que ce dernier participe à laisser entrevoir une humanité à un personnage qui en semble dépourvu ». Dans le Tintin de Steven Spielberg, des effets de rimes corporelles mettent en lumière le rythme d’Andy Serkis dans les rôles de Haddock et de son aïeul Hadoque, et permettraient au cinéaste, dans ses nombreux fondus enchaînés entre les deux personnages, de proposer une lecture méta-cinématographique faisant référence au lien, dans la performance capture, entre la créature numérique et l’acteur. La part créative de Serkis est d’autant plus visible quand on compare ces phénomènes avec son jeu dans ses rôles simiesques (de King Kong à César dans La Planète des singes : les origines/Rise of the Planet of the Apes, Rupert Wyatt, 2011), où le rythme qui naît d’une intériorité du personnage, est modifié. De plus, Serkis adapte son rythme à celui de l’acteur qu’il a face à lui, ce qui là encore détermine une écriture filmique particulière visant à mettre en lumière le mieux possible cette correspondance actorale. Au-delà

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de toutes ces modalités, Rivière dégage les caractéristiques d’une partition propre à Serkis, fondée sur une « tension » entre « le repli sur lui-même et le déploiement dans l’espace ». Cette singularité humaine permettrait de dépasser une simple opposition entre films en prises de vues réelles et performance capture. Hélène Valmary se demande ainsi si la méthodologie pour analyser un acteur en prises de vues réelles vaut pour l’analyse d’un acteur en performance capture. La définition d’une persona actorale dans le cas de Serkis serait a priori opérante.

L’ensemble des caractéristiques iconographiques et thématiques de cet acteur reposerait sur une gestuelle et des mimiques récurrentes, sur un jeu avec les yeux qui appelle une insistance sur le regard dans le découpage, sur l’incarnation de ce qu’un personnage de chair est aussi, comme une projec- tion de son inconscient ou de ce qu’il pourrait devenir… Cependant, ces récurrences thématiques aux conséquences esthétiques incitent Valmary à proposer, dans un deuxième temps, un glissement de la persona à l’anima car

« Il s’agit bien […] d’essayer de capturer quelque chose de l’intériorité d’un corps, du souffle qui l’habite. » La performance capture permettrait ainsi, dans la figuration même du personnage, le retour d’un refoulé de l’ac- teur : la part animale qui était pourtant importante dans la formation de Stanislavski ou de Lee Strasberg car, en se débarrassant de son apparence, l’acteur rejoindrait l’intimité de son personnage et de son être. Enfin, pour Simon Daniellou et Jean-Baptiste Massuet, l’objectif est d’interroger, dans la performance capture, la libération du jeu de l’acteur en lien avec la libéra- tion de la mise en scène. La performance capture, en donnant toute l’impor- tance au visage (par rapport à la motion capture), déterminerait une mise en cadre particulière (axée sur le visage, dans la lignée du Star System) et donc un jeu particulier (tenant compte de la mise en cadre) comme dans le cinéma traditionnel. De plus, les deux auteurs insistent sur le fait que, dans le « Volume », les contraintes sont réelles : les repères spatiaux existent, les interactions doivent rester cohérentes, la durée d’enregistrement est limitée à quelques minutes… À en juger par les indications données par Zemeckis sur le tournage de Beowulf, les acteurs seraient contraints par

sur l’acteur numerique », Christophe Damour, Arnaud Duprat, Hélène Valmany (dir.) Presses universitaires de Rennes, 2022, www.pur-editions.fr

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un découpage déjà pensé, comme sur n’importe quel tournage en prises de vues réelles. Cependant, comme le choix du découpage peut être effectué en postproduction de manière plus libre, la phase de la répétition pourrait y être plus importante.

Les textes réunis dans cet ouvrage analysent ainsi la relation entre des techniques numériques, le jeu des acteurs qui s’en emparent, les person- nages (et les personas actorales) qui en émanent et même les récits qui en découlent. Ils interrogent les manières dont ces techniques peuvent induire un nouveau rapport de l’acteur à l’espace, à la caméra et aux partenaires de jeu, dans un mouvement incessant entre retour à des formes (de jeu, d’ana- lyses) traditionnelles et innovations visuelles et scientifiques.

Christophe Damour, Arnaud Duprat et Hélène Valmary

sur l’acteur numerique », Christophe Damour, Arnaud Duprat, Hélène Valmany (dir.) Presses universitaires de Rennes, 2022, www.pur-editions.fr

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Notes

1.

Epstein Jean, « De quelques conditions de la photogénie » (1923), in Écrits sur le cinéma, t. I, Paris, Seghers, 1974.

2.

Canudo Ricciotto, «  L’esthétique du septième art (II) Le drame visuel » (1921), in L’Usine aux images, Paris, Séguier, 1995, p. 64.

3.

Koulechov Lev, «  La bannière du ciné- matographe » (1920), in François Albera, Ekaterina Khokhlova et Valérie Posner, Lev Koulechov. L’art du cinéma et autres écrits, Lausanne, L’Âge d’Homme, 1994.

4.

Eisenstein Serguei, «  Écrits d’Eisenstein (15)  », Cahiers du cinéma, no  225, novembre-décembre 1970.

5.

Balazs Béla, L’homme visible et l’esprit du cinéma, Belval, Circé, 2010 (1924).

6.

Koulechov Lev, op. cit., p. 50.

7.

Interprétée par Rebecca Romijn dans X-Men (Bryan Singer, 2000) ; X-Men 2 (X2, Bryan Singer, 2003) ; X-Men : l’affrontement final (X-Men: The Last Stand, Brett Ratner, 2006) et par Jennifer Lawrence dans X-Men  : le commencement (X-Men: First Class, Matthew Vaughn, 2011), X-Men: Days of Future Past (Matthew Vaughn, 2014), X-Men: Apocalypse (Bryan Singer, 2016), X-Men  : Dark Phoenix (Dark Phoenix, Simon Kinberg, 2019).

8.

Première, no 458, avril 2015, p. 38.

9.

Positif, no 657, novembre 2015, p. 10.

10.

« L’essence du cinéma, le moyen d’obtenir une impression artistique, c’est le montage » (Koulechov Lev, « La bannière du cinéma- tographe », op. cit., p. 42).

11.

« Montage dans lequel on a voulu voir à tort l’essence du cinéma » (Bazin André, « Fin du montage  », Cahiers du cinéma, no  31, janvier 1954).

12.

« Ma conviction profonde est que l’élément fondateur du cinéma est le rythme, et non le montage comme on a tendance à le croire » (Tarkovski Andreï, Le temps scellé, Paris, Philippe Rey, 2014, p. 142).

13.

Cette citation attribuée à James Dean est troublante quand on connaît les moyens de la performance capture : « Stevens n’est pas meilleur que les autres. Seulement, il ne peut pas se tromper. Sais-tu qu’il obtient plus de métrage – de pellicule – que n’importe qui à la Warner Brothers ? Ça me rend malade de voir ces gaspillages, tu sais ? Ils s’amènent tous, le matin, sans plan de travail réel. Et ils s’arrangent, d’une façon ou d’une autre, pour s’en tirer. Stevens a une méthode que j’appellerais le “système du tour de cadran”.

Il prend sa pellicule et filme chaque scène sous tous les angles possibles – tout autour du plateau, d’en haut, d’en bas, d’ici de là – et quand il a fini il se procure le meilleur monteur de la ville. Alors ils passent une année, parfois davantage, à choisir dans des kilomètres et des kilomètres de film les meilleurs plans et les meilleures scènes.

Ils arrangent le tout comme un puzzle. Et quand ils ont fini, surprise ! Un chef-d’œuvre de plus. Comment pourrait-il se trom- per ? » James Dean, propos rapportés dans Bast William, James Dean: A Biography, New York, Ballantines Books, 1956, et repro- duits dans Tailleur Roger, « Le petit Prince et les allumeurs de réverbères », Positif, no 22, mars 1957, p. 58.

14.

«  [Les acteurs] sont dans mes mains au montage, puisque je peux couper, je peux retirer, je peux même allonger les temps qu’ils prennent, je peux les montrer dans une autre dimension que celle qu’ils imaginaient, eux.

[…] On travaille forcément le jeu de l’acteur au montage, mais il faut faire attention à ne pas entrer dans la manipulation. » Propos de Patrice Chéreau cités dans Sojcher Frédéric, La direction d’acteur, Monaco, Rocher, 2008, p. 59-60.

15.

« L’acteur de cinéma est un matériau ; et on le fait souvent paraître à l’écran dans un contexte qui n’accorde aucune place à sa personnalité, à sa qualité d’acteur […] Objet parmi les objets […] sa fonction […] est celle d’un matériau brut » (Kracauer Siegfried, Théorie du film [1960], Paris, Flammarion, 2010, p. 159).

16.

Expendables  : Unité spéciale (The Expendables, Sylvester Stallone, 2010) ; Expendables 2  : Unité spéciale (The Expendables Return, Simon West, 2012) ; Expendables 3 (The Expendables 3, Patrick Hughes, 2014).

17.

Momcilovic Jérôme, Prodiges d’Arnold Schwarzenegger, Paris, Capricci, 2016, p. 239.

18.

Lire par exemple : Chauvin Jean-Sébastien,

«  SF  : la grande peur de l’organique  », Cahiers du cinéma, no 739, décembre 2017, p. 28-29.

19.

Momcilovic Jérôme, op. cit., p. 245.

20.

X-Men Origins: Wolverine (Gavin Hood, 2009) ; Wolverine  : le combat de l’immor- tel (The Wolverine, James Mangold, 2013) ; Logan (James Mangold, 2017).

sur l’acteur numerique », Christophe Damour, Arnaud Duprat, Hélène Valmany (dir.) Presses universitaires de Rennes, 2022, www.pur-editions.fr

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