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Le Sel. Il interrogea la cadette qui ne cacha pas sa surprise.

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Academic year: 2022

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Le Sel

Un roi avait deux filles en âge de se marier. Il les chérissait tant qu’il voulait éviter de s’en séparer et s’arrangeait pour éconduire tous les prétendants. Un jour, il lui prit la fantaisie de les interroger pour savoir laquelle éprouvait le plus d’affection pour lui. Il fit d’abord appeler l’ainée des princesses.

- Je voudrais que tu m’expliques comment tu m’aimes ma fille ? - Je tiens à toi autant qu’à la prunelle de mes yeux, répondit-elle.

- Très bien, tu peux te retirer, dit-il en l’embrassant.

Il interrogea la cadette qui ne cacha pas sa surprise.

- Pourquoi cette question, père, douteriez-vous de mon affection ? - Réponds, je ne demande rien d’autre.

- Eh bien, vous pour moi comme le sel de mes aliments.

- Hors de ma vue, dit-il en lui faisant signe de sortir, je ne puis tolérer une telle offense.

- Mais père, protesta-t-elle, laissez-moi vous expliquer.

- Je t’ordonne de déguerpir.

Le lendemain, malgré l’avis contraire de ses conseillers, le roi décida de la bannir. La malheureuse prit ses bijoux, deux ou trois robes et des chaussures avant d’éteindre longuement sa sœur qui lui murmura à l’oreille :

- Si notre mère était encore de ce monde, il n’agirait pas de la sorte avec toi. Il a vraiment des réactions surprenantes depuis sa disparition.

Et la cadette quitta le palais où elle était née, sous le regard de l’aînée qui pleurait. Ne sachant trop où aller, elle prit le chemin qui se présenta. Comme elle était jolie et richement vêtue. Elle craignait d’être agressée par de mauvais garçons. Très vite, elle échangea la robe qu’elle portait contre des haillons d’une vieille mendiante qui la prit pour une fée.

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Puis elle passa de la terre sur son visage et défit ses cheveux qu’elle ébouriffa. Enfin elle décida de remuer sans cesse les épaules, comme le font celles que dévore la vermine. Ainsi elle n’attirait pas les convoitises de personne et serait moins vulnérable.

Elle poursuivit sa route, son baluchon sur le dos. Dès qu’elle arrivait dans une ferme, elle proposait ses services pour garder les moutons, les oies, mais on la trouvait trop sale pour l’accepter. Parfois, on lui donnait un morceau de pain, par charité, avant de la chasser.

Au bout de quelques mois elle quitta le royaume de son père et poursuivit son errance dans un autre pays. Elle finit par trouver une grande ferme où l’on cherchait une bergère pour remplacer celle qui était partie la veille. On lui confia un troupeau de moutons. Le premier soir, après le dîner pris en commun avec tous ceux qui travaillaient là, elle jeta discrètement une poignée de sel dans l’âtre.

Ce sel qui avait provoqué la colère de son père, ce sel qui était la source de tous ses maux. Il crépita en brûlant, produisant le même bruit que la vermine quand elle grille.

La maîtresse de maison crût que la jeune fille venait de se débarrasser de quelques poux. Elle lui reprocha sa malpropreté et la gronda. Et dès lors la princesse fut surnommée la pouilleuse.

Un matin où elle devait conduire le troupeau de moutons dans un pré fort éloigné de la ferme, il lui vint l’envie de s’habiller comme naguère.

Elle partit avec le baluchon contenant ses beaux vêtements. Persuadée que personne ne la verrait, elle se lava le visage dans un ruisseau, se dépouilla de ses haillons et enfila sa plus jolie robe.

Le fils du roi, qui s’était égaré en chassant, aperçut au loin la jeune fille. Surpris qu’une bergère fût aussi richement vêtue, il décida de

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s’approcher pour savoir qui elle était. Dès qu’elle entendit le galop de son cheval, la jeune fille prit peur. Elle s’enfuit dans la forêt et s’y cacha. Le prince eut le temps d’entrevoir son visage et il la trouva jolie.

Il dut mettre pied à terre, car la forêt était trop touffue pour y pénétrer à cheval.

- N’ayez pas peur ! cria-t-il. Je ne vous veux aucun mal. Je souhaite juste faire votre connaissance.

Elle resta cachée et ne répondit pas. Au bout d’un moment, il abandonna ses recherches. Pendant qu’il se dirigeait vers la ferme, elle remit ses haillons, puis rejoignit son troupeau qui broutait paisiblement.

Le prince demanda de l’eau à la fermière et se renseigna sur la jolie bergère.

- Jolie ! Jolie ! Je ne crois pas qu’elle le soit vraiment. C’est une pauvrette si sale qu’on l’a surnommée La pouilleuse.

Il crut d’abord à de la malveillance et ne cacha pas sa surprise. Comme la fermière était catégorique, il soupçonna quelque enchantement. Il finit par s’en aller. Le soir, au cours du dîner la fermière raconta la visite du prince et la jeune fille fut la risée de toute la ferme.

Le prince ne cessa de penser à elle. Il fut bientôt pris de mélancolie, perdit l’appétit et se mit à maigrir. La reine s’en inquiéta. De crainte qu’on ne se moquât de lui, il n’osa lui avouer qu’il était amoureux d’une bergère portant un si vilain surnom.

- Que puis-je faire pour t’aider mon fils ? demanda la reine.

- J’aimerais manger du pain blanc préparé par la Pouilleuse qui travaille dans la ferme du Dolent.

Malgré la bizarrerie de sa demande, un émissaire du roi fut envoyé à la ferme pour satisfaire le prince. Pouilleuse n’avait jamais fait de pain.

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Sous la direction de la fermière, elle mit deux livres de farine dans on pétrin. Elle y creusa un petit cratère où elle vida l’eau dans laquelle elle avait fait fondre le sel qu’elle maudissait chaque jour un peu plus. Elle mélangea le tout et ajouta le levain. En pétrissant la pâte, elle perdit sa petite bague, seule bijou qu’elle s’autorisait encore à garder depuis qu’elle travaillait là. Elle fit un gros pain qu’elle laissa monter avant de l’enfourner. Quand il fut cuit, elle le remit à l’émissaire qui attendait à l’extérieur assis sur un banc de pierre.

En mangeant le pain, le prince trouva la bague. Il informa sa mère qu’il épouserait celle à qui appartenait le bijou. Dès le lendemain, la reine en personne se rendit à la ferme, à l’heure du déjeuner. Elle fit essayer la bague aux jeunes filles qui se trouvaient là. Elles avaient toutes des mains de travailleuses et leurs doigts n’étaient pas assez fins pour l’enfiler. La reine s’étonna que la bague n’aille à personne ; C’est alors que le fermier songea à la bergère qui ne mangeait là que le soir.

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- Il manque Pouilleuse, elle ne déjeune jamais avec nous, à cause des moutons qu’elle ne peut laisser seuls, expliqua-t-il. La reine se fit conduire jusqu’à elle. La jeune fille reconnut le bijou et le passa sans difficulté au majeur de sa main droite.

- Mon fils vous attend au palais royal, dit la reine. Il faut partir sans attendre.

La bergère n’accepta de la suivre qu’après avoir ramené son troupeau à la ferme. Elle en profita pour prendre son baluchon.

- Voici celle à qui appartient la bague que vous avez trouvée, mon fils, dit la reine d’un air courroucé.

- On vous aura trompée, mère ! répliqua-t-il. La jeune fille que j’ai vue ne portait pas ces guenilles mais une longue robe brodée d’or.

- Je suis ben celle que vous avez cherchée en vain dans la forêt, prince.

Permettez-moi de revêtir la même robe que ce jour-là.

- Qu’on l’aide à s’habiller, ordonna-t-il. Plusieurs servantes s’occupèrent d’elle. Après l’avoir baignée, coiffée et maquillée, elles firent enfiler la robe de princesse qui se trouvait dans son baluchon. Quand elle reparut, la reine ne put cacher sa surprise. Puis elle sourit, enfin rassurée. Le prince se jeta aux pieds de la jeune fille et lui demanda si elle acceptait de l’épouser.

- Pas avant obtenu le consentement de mon père, répondit-elle.

Elle déclina ensuite son identité et leur conta son histoire. Un ambassadeur fut chargé d’aller demander la main de la princesse. Le roi, après avoir banni sa fille, n’avait pas tardé à regretter sa dureté. Il l’avait fait chercher partout, sans parvenir à la retrouver, et il l’avait cru morte. Il éprouva une joie immense quand il apprit qu’elle était vivante et qu’un prince souhaitait l’épouser. Il quitta son royaume avec sa fille aînée pour assister à la cérémonie. Les deux princesses vécurent un moment de bonheur intense en se retrouvant. Au repas de noce, il ne fut servi au père de la mariée que des mets sans sel. Le monarque mangeait peu et sa fille fit semblant de s’en étonner.

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- La cuisine ne semble pas vous convenir, lui dit-elle.

- Elle était d’une extrême fadeur murmura-t-il en se penchant vers elle pour éviter d’être entendu par les autres convives.

- Ce qu’on vous a préparé à ma demande, père, manque assurément de sel. Vous voyez bien qu’il a une importance capitale et que sans lui, les mets les plus recherchés ne valent rien. Quand je vous ai dit que vous étiez pour moi comme le sel dans les aliments, vous n’avez pas compris le sens de mes paroles. Vous avez cru que je cherchais à vous offenser.

- Je reconnais mes torts, ma fille, et je te demande pardon, dit-il en l’embrassant.

- On lui servit, pendant le reste du repas des plats convenablement salés, qu’il savoura.

La princesse vécut heureuse avec son princesse et le conte ne dit pas s’ils eurent beaucoup d’enfants.

Contes des sages de Bretagne Jean MUZI.

CeltitudeMania

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