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Les oiseaux d agrément et d utilité du Moyen Âge à la période moderne

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Academic year: 2022

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Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques

Les oiseaux d’agrément et d’utilité du Moyen Âge à la période moderne

Gaëtan Jouanin

DOI : 10.4000/books.cths.15991

Éditeur : Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques Lieu d’édition : Paris

Année d’édition : 2022

Date de mise en ligne : 10 mai 2022

Collection : Actes des congrès nationaux des sociétés historiques et scientifiques EAN électronique : 9782735509263

http://books.openedition.org Référence électronique

JOUANIN, Gaëtan. Les oiseaux d’agrément et d’utilité du Moyen Âge à la période moderne In : L’animal : un sujet de loisirs [en ligne]. Paris : Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques, 2022 (généré le 13 mai 2022). Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/cths/15991>. ISBN : 9782735509263. DOI : https://doi.org/10.4000/books.cths.15991.

Ce document a été généré automatiquement le 13 mai 2022.

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Les oiseaux d’agrément et d’utilité du Moyen Âge à la période moderne

Gaëtan Jouanin

1 Pour l’archéozoologue que je suis, l’oiseau est bien évidemment un ensemble d’ossements, différenciables, plus ou moins précisément identifiables. Il est également principalement alimentaire. Coq, oie, canard, pigeon, voilà les espèces dont l’origine dans un lot faunique archéologique est claire : l’assiette. Mais qu’apparaissent, après de longs moments à comparer les squelettes de référence, corbeau, héron, bécasse, faucon ou merle et grive, et voilà le malaise qui s’installe. Que viennent donc faire ces volatiles dans cet ensemble ? D’abord, à quoi cela ressemble une bécasse ? Dans quel milieu vit- elle ? Est-elle migratrice ou sédentaire ? Vite ! Une recherche sur internet ou dans un guide ornithologique pour avoir le portrait de l’animal. Puis la question classique : mangée ou non ? Une trace de découpe ! Ouf, sauvé ! Voilà à quoi ressemble la réaction de bon nombre d’entre nous, archéozoologues, lorsque nous rencontrons quelques éléments de la gent ailée n’appartenant pas à la basse-cour.

2 Les historiens, notamment ceux du Moyen Âge, paraissent moins effarouchés par les oiseaux, tellement ceux-ci font partie intégrante de la culture médiévale. Le côtoiement des bêtes à plumes est normal. Elles apparaissent dans les textes littéraires, les bestiaires sont représentés dans les enluminures, les tableaux servent d’exemples, de symboles. Il n’y a qu’à voir le nombre de sujets traités dans les études réunies par Chantal Connochie-Bourgne dans l’ouvrage Déduits d’oiseaux au Moyen Âge1 ou celles réunies par Martine Clouzot et Corinne Beck consacrées aux Oiseaux chanteurs2. Nous mesurons alors les limites de la réflexion archéologique sur cet ordre animal.

Tomber sur un (gros)bec

3 Cet article trouve son origine dans l’étude du matériel faunique mis au jour lors de la fouille de deux secteurs de la cour intérieure du château de Gien. Une équipe du service départemental archéologique du Loiret est intervenue, sous la direction de Mélinda Bizri, en préalable aux travaux de réaménagement extérieur et intérieur du Musée

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International de la Chasse. Parmi les vestiges osseux des contextes des Xe-XIIe siècles, l’identification de deux têtes (crâne et mandibule) de grosbecs casse-noyaux (Coccothrautes coccothrautes) a piqué notre curiosité et notre réflexion, tel l’aiguillon du bouvier stimulant l’animal attelé manquant de vigueur au travail (fig. 1). Il s’agit, à notre connaissance, de la première mention archéologique de cette espèce.

Fig. 1. - Fragments de crânes et mandibules de deux grosbecs casse-noyaux (Coccothrautes coccothrautes), Xe-XIIe siècles, château de Gien.

Photo de grosbec, Jean-Loup Ridou ©.

4 L’interprétation à donner à cette présence était peu évidente. Soit nous options pour une origine alimentaire, soit nous éludions la question en nous contentant de mentionner cette présence, et en nous cachant derrière le manque de comparaisons possibles et l’absence de traces de découpe. Une troisième solution s’offrait à nous, y voir un couple d’oiseaux gardés captifs pour la beauté de leur plumage et la singularité de leur ramage. S’ouvrait alors la question de l’attribution de certaines espèces aviaires à des domaines autres qu’alimentaire, tels l’utilité ou l’agrément.

5 Nous avons donc réfléchi à trois catégories d’oiseaux, l’une utilitaire – les rapaces auxiliaires de chasse – les deux autres d’agrément – le paon, le cygne et la grue d’une part, et les oiseaux chanteurs d’autre part. Si le cas des deux premières catégories est relativement simple à traiter, nous verrons que pour la troisième les arguments demeurent fortement subjectifs.

6 Le premier point que nous souhaitons relever est celui de la fréquence des ossements d’oiseaux au sein du matériel faunique archéologique. Il faut l’avouer, cette fréquence est faible. Les lots osseux sont classiquement composés à au moins 80-90 % d’éléments bovins, porcins et ovins. Cela laisse peu de places aux autres espèces, principalement les équidés, le chien et la volaille. La faune sauvage est peu présente, et parmi elle, les

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oiseaux proches de l’anecdotique. À titre d’exemple, les 52 451 ossements de mammifères et d’oiseaux étudiés par Benoît Clavel dans sa thèse consacrée à l’Alimentation dans le nord de la France entre les XIIe et XVIIe siècles3, n’ont livré que 1 094 éléments d’oiseaux autres que les oiseaux de basse-cour (coq, oie, canard et pigeon domestiques, paon et dinde). Encore faut-il préciser que ce nombre tient compte des vestiges révélés par le tamisage (62 % des restes d’oiseaux sauvages), pratique loin d’être systématique. Ceci étant posé, quels indices peuvent permettre d’identifier des oiseaux dont la détention n’avait pas obligatoirement un but alimentaire.

Un dossier étayé mais de rares cas avérés : les rapaces auxiliaires de chasse

7 Le cas des rapaces est celui qui a fait l’objet du plus grand nombre d’études. De l’article de Prummel en 1997 à celui de Bochenski, Tomek, Wertz et Wojenka en 2015, en passant par celui de Cherryson en 2002, chacun augmente la liste des arguments pouvant suggérer la pratique de la fauconnerie4.

8 Le premier critère pris en compte est l’espèce ou les espèces identifiées. Les ossements appartiennent-ils à un oiseau décrit dans les manuels de chasse au vol ? Cette espèce est-elle présente dans l’environnement du site ? L’identification de restes de faucon gerfaut, espèce du Grand Nord, renvoie immanquablement à l’importation de l’animal concerné. Dans un esprit proche, les besoins écologiques et le comportement de l’espèce identifiée peuvent donner une orientation. L’autour et l’épervier, espèces forestières, ont peu de chance de parvenir accidentellement dans une structure urbaine.

9 Un troisième point est le type de dépôt et la composition des vestiges. Il est difficile d’établir le caractère apprivoisé d’un faucon n’étant représenté que par un seul os issu d’une fosse quelconque. La difficulté tombe lorsque l’individu est complet et isolé dans une structure ou présent dans une sépulture humaine. La présence de pathologies particulières peut révéler le caractère captif d’un oiseau5. Dans le cas d’un ensemble de squelettes, les femelles, généralement plus grandes, plus grosses et plus dociles que les mâles, sont-elles majoritaires ? Les proies éventuelles des rapaces sont-elles présentes dans les assemblages, et leurs os portent-ils des traces de leur prédation ? Enfin, du matériel de fauconnerie, tel que clochette, jets ou gant, est-il associé aux ossements de rapaces ?

10 Autant de critères qui, pris séparément, sont plus ou moins convaincants, la combinaison de plusieurs d’entre eux permettant toutefois une interprétation moins tendancieuse. À notre connaissance, un seul cas est sans ambiguïté, pour le territoire français. Celui de l’ensemble mis au jour au Louvre et étudié par Joëlle Pichon6. Ce lot comporte les restes de pas moins de 8 faucons gerfaut (Falco rusticolus, dont 5 femelles et 1 mâle), 11 faucons pèlerins (Falco peregrinus, 8 femelles et 3 mâles), 1 autour des palombes femelle (Accipiter gentilis) et 18 éperviers d’Europe (Accipiter nisus, 10 femelles et 3 mâles). À Bourges, sur le site de la Grosse Tour, l’affaitage de deux éperviers est fortement suspecté puisque leurs squelettes sont associés à une clochette7.

11 Pour les autres sites à notre disposition, les mentions de rapaces sont rares, celles d’espèces connues comme utilisées en fauconnerie encore plus. Il reste donc difficile d’affirmer l’utilisation comme auxiliaires de chasse de rapaces dont quelques

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ossements ont été identifiés, même sur les sites au caractère privilégié, voire aristocratique.

Plumage et ramage : l’oiseau pour le plaisir des sens

12 Concernant le paon, le cygne et la grue, la difficulté semble moindre. Le paon, originaire d’Asie, ne peut être que domestique. Ses restes ne sont identifiés qu’en milieu privilégié et il n’est pas besoin de beaucoup d’arguments pour admettre que sa présence était d’abord plaisir des yeux. Même si l’oiseau finit régulièrement sur la table des grands, les ossements mis au jour sont ceux d’adultes, ce qui tend à montrer que l’on profitait d’abord de son plumage (et pourquoi pas de son cri) avant de le manger.

Et même une fois sur la table, c’est paré de ses plumes qu’il apparaît lors du vœu du paon de Philippe le Bon, duc de Bourgogne, en 1454. Cette présentation, parée, reste évidemment exceptionnelle et ne doit bien entendu pas être considérée comme la norme.

13 Il semble en aller de même pour le cygne dont certains seigneurs n’hésitent pas à marquer le bec afin de s’en assurer la propriété. Arthur Mac Gregor a clairement mis en valeur cette pratique en Angleterre grâce à une série documentaire permettant de renseigner une période s’étendant du XIIIe au XIXe siècle8. Nous n’irons pas plus loin à ce sujet, l’article de Christophe Cloquier développant le thème pour la vallée de la Somme.

Et que dire du duc Jean de Berry qui en fit l’un de ses emblèmes.

14 Enfin, la grue est celle qui est la moins évidente à identifier comme animal d’agrément.

Comme le paon et le cygne, elle est consommée par les plus riches, mais Baudouin van den Abeele a montré que le motif de la grue, portant parfois une clochette à la patte et se promenant dans un jardin, n’est pas anecdotique dans la peinture flamande du

XVIe siècle9. Poussant l’investigation aux sources écrites, l’auteur a pu montrer que le maintien en captivité de grues, souvent dans une optique cynégétique, était pratiqué en divers points de l’Europe médiévale et moderne. Aussi, il paraît tout à fait possible que certains des individus rencontrés dans les dépotoirs domestiques mis au jour par l’archéologie furent des individus gardés captifs.

15 Maintenant, revenons-en à nos grosbecs casse-noyaux et à leurs congénères chanteurs.

Les ossements de passereaux sont peu fréquents dans les ensembles fauniques. La famille la mieux représentée est celle des corvidés, principalement le corbeau freux et la corneille noire. Ils sont les plus gros gabarits (le grand corbeau excepté) de l’ordre, d’où en partie leur meilleure représentation. Pour ce qui est des grosbecs et des espèces de petite taille, leur présence est fonction de la vitesse de comblement de la structure accueillante, de la finesse de la fouille et, comme nous l’avons dit précédemment, la pratique du tamisage augmente les chances de rencontre. Ceci posé, quelles espèces identifions-nous et lesquelles sont susceptibles d’avoir été gardées captives pour le plaisir de l’œil et de l’oreille ?

16 Parmi les petits passereaux, les plus fréquemment identifiés sont les turdidés : le merle et les grives. La détermination à l’espèce est peu évidente, faute de critères discriminants à coup sûr. Plus rarement sont reconnus les mésanges, étourneaux, moineaux domestiques, alouettes. Toutes ces espèces présentent des caractéristiques de plumage et/ou de chant pouvant justifier leur maintien en cage ou volière.

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Cependant, elles peuvent également toutes être consommées ou bien les proies des rapaces dont nous avons parlé auparavant.

17 Nous avons décidé, pour obtenir une liste d’oiseaux chanteurs ayant les faveurs des populations médiévales et modernes, d’utiliser le travail de Gustave Loisel intitulé Histoire des ménageries édité en 191210. Michel Pastoureau a mis en avant toutes les limites de cet ouvrage, mais il nous a tout de même paru le plus apte à nous fournir la liste d’espèces qui nous intéresse11. Les petits passereaux recensés sont les suivants : alouettes, rossignols, chardonnerets, linottes, tarins, pinsons, étourneaux, grives mauvis, verdiers, serins, roitelets, canaris et mésanges. Nous excluons de cette liste les

« oiselets de Chypre », qu’une lecture trop rapide des textes a fait identifier comme de véritables volatiles par G. Loisel. Il semble en réalité qu’il s’agisse d’une substance utilisée comme parfum à brûler, prenant la forme de petits oiseaux. C’est de cette manière que Jules Guiffrey comprend et décrit ces oiselets dans son introduction aux inventaires du duc Jean de Berry12. Les quelques lignes suivantes ne laissent aucun doute quant à cette identification : Item, une pomme d’argent verépour mectre oisellez de Chippre ou autres fumigacions, ouvrée de pluseurs manières13. Cette précision donnée, nous le voyons, la majeure partie des espèces identifiées dans le matériel archéologique appartient à la liste de G. Loisel. Des critères peuvent-ils être mis en place pour identifier des oiseaux captifs, à l’instar de ce qui a été décrit pour les rapaces et la fauconnerie ? La tâche s’annonce ardue.

18 Le critère du lieu de découverte peut être repris. Nombre de ces oiseaux ne fréquentent pas naturellement les milieux urbanisés. Aussi, leur identification en contexte urbain peut orienter vers le maintien en captivité. Un deuxième critère pourrait être celui du nombre. Toutes ces espèces sont de petites tailles et ne feraient office que d’amuse- bouche si un seul individu était consommé. Même si G. Loisel montre des approvisionnements assez volumineux chez les grands du royaume, nous pouvons penser que chez les nobles et les bourgeois, la possession d’un ou deux spécimens offrait déjà une belle distraction. Un nombre d’oiseaux important pourrait plutôt être interprété comme les reliefs d’un repas.

19 Enfin, l’association de plusieurs espèces pourrait renvoyer l’image de la diversité rencontrée dans une cage ou une volière. Nous le voyons, il est encore plus compliqué d’identifier de menus oiseaux tenus captifs pour le plaisir de leur chant et de leurs couleurs, que de mettre en évidence la pratique de l’affaitage des rapaces pour la chasse au vol.

Le papegaut : l’inconnu archéologique

20 Enfin, nous aimerions mentionner un oiseau fréquemment rencontré chez G. Loisel, mais également dans la littérature médiévale et moderne : le perroquet. Plus précisément, le papegaut régulièrement décrit dans les textes semble pouvoir être identifié à la perruche à collier (Psittacula krameri). Dans son article consacré à l’animal, Patricia Victorin souligne la description toujours identique qui est faite du papegaut : vert avec le bec et les pattes rouges. Il est intéressant de noter que, parmi les textes étudiés par l’auteure, deux donnent une origine géographique différente au volatile. Au

XVIe siècle, dans les Épitres de l’Amant vert, Jean Lemaire de Belges fait venir le Papegaut d’Éthiopie14. Au XVIIIe siècle, dans son Vert-Vert, Gresset donne l’oiseau comme

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originaire d’Inde15. Cela reflète l’aire d’habitat actuelle de la perruche à collier qui s’étend dans les zones tropicales d’Afrique (2 sous-espèces) et d’Asie (2 sous-espèces).

21 À notre connaissance, aucun ossement de l’espèce, ou d’un autre psittacidé, n’a été identifié en France. Dans le reste de l’Europe, nous n’avons recensé que deux cas, tous deux anglais. Le plus ancien concerne deux ossements mis au jour sur le site de Castle Mall à Norwich dans un contexte de la seconde moitié du XVIIe siècle16. L’espèce n’a pu être identifiée, mais la taille de l’animal est équivalente à celle d’un perroquet gris du Gabon (Psittacus erithacus), soit environ 40 cm. Le second exemple est plus récent puisque datant du début du XIXe siècle. Il provient du site de Greenwich, à Londres, pour lequel un reste d’un psittacidé a été reconnu17. Là encore, l’identification au rang de l’espèce n’est pas sûre. L’animal appartiendrait au genre Amazonia et a une taille voisine de l’amazone à couronne lilas, soit environ 35 cm.

22 La seule mention archéologique connue pour le territoire français prend la forme d’un modèle de carreaux de pavement, mis au jour sur le site du château de Mehun-sur- Yèvre (Cher). Ce carreau appartient à ceux que le duc Jean de Berry a commandés à Jean de Valence, artiste-artisan espagnol venu en France à la demande du duc, pour paver les salles de sa résidence berrichonne18. La tête ronde, la forme du bec, la longue queue et le collier ne laissent que peu de doute quant à l’identification de l’oiseau représenté (fig. 2). Il s’agit bien d’une perruche à collier.

Fig. 2. - Fragment et restitution d’un carreau de pavement à la perruche, XIVe siècle, château de Mehun-sur-Yèvre.

Photo et dessin du carreau, Philippe Bon ©, attaché territorial de conservation, Mehun-sur-Yèvre ; photo de perruche à collier, Océane Roquinarc’h ©, MNHN-INPN.

23 Que fait cet oiseau sur les sols du château du duc ? Les espèces animales représentées sont peu nombreuses : l’ours, le cygne, un griffon et cette perruche. Le duc Jean a-t-il déjà vu, voire possédé un tel oiseau ? Cela est tout à fait possible19. Le goût du duc pour les choses rares est connu, et comme tous les grands de son époque, il possède une ménagerie. Le perroquet apparaît dans l’inventaire de 1416 des biens de Jean de Berry, en rapport avec un chandelier :

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« Item, un petit chandelier d’argent veré qui fu deffeu monseigneur d’Estampes, pour servir à la caige d’un papegal, où il a escuçon taillié aux armes de mondit seigneur d’Estampes ; pesant III onces XV esterlins20. »

24 La question qui se pose ici est de savoir si le papegal en question appartenait au duc ou bien au comte d’Étampes. Ce qui semble sûr, c’est que Jean de Valence connaissait bien l’oiseau pour le dessiner avec autant de précision.

25 La question de l’identification des oiseaux d’agrément et d’utilité à partir du matériel archéologique est donc particulièrement difficile. Même dans le cas des rapaces, qui est celui sur lequel les archéozoologues ont le plus réfléchi, la certitude est rarement présente puisque les ensembles tels que celui du Louvre sont loin d’être monnaie courante. Le paon, le cygne et la grue semblent, par leur simple présence, pouvoir être vus comme oiseaux d’agrément avant de passer par la cuisine. La tâche est plus compliquée dans le cas des oiseaux chanteurs, mais mérite que l’on s’y attarde. En désespoir de cause, et pour les plus croyants d’entre nous, pourrons-nous nous tourner vers la Vierge Marie, comme le fit Almodis, noble dame de Pierrebuffière (Haute- Vienne) pleurant son sansonnet échappé, mais qu’elle vît lui revenir après avoir promis un pèlerinage en l’église de Rocamadour (Lot)21.

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NOTES

1. Connochie-Bourgne (dir.) 2009.

2. Clouzot et Beck (dir.) 2014.

3. Clavel 2001.

4. Prummel 1997, Cherryson 2002, Bochenski et al. 2015.

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5. Borvon et Flambard-Héricher 2014.

6. Pichon 1992.

7. Callou et Marinval-Vigne 1999.

8. Mac Gregor 1996.

9. Van den Abeele 2012.

10. Loisel 1912.

11. Pastoureau 1999, p. 23, note 29.

12. Guiffrey 1894, p. CXXXVII.

13. Ibid. p. 91.

14. Victorin 2008, p. 158.

15. Ibid.

16. Albarella et Thomas 2002, p. 35.

17. Rielly 2013, p. 281.

18. Bon 1992, p. 105.

19. Une étude publiée entre la date de rédaction du présent article et sa publication a permis de répondre par l’affirmative à cette question. Jouanin 2020.

20. Guiffrey 1894, p. 51.

21. Albe et Rocacher 2007, p. 197.

RÉSUMÉS

L’oiseau revêt au Moyen Âge et à la période moderne une multitude d’apparences. Il est à la fois alimentaire, décoratif, signe de pouvoir, plaisir de l’oreille et de l’œil. Textes et images sont nombreux à nous révéler l’importance de la gent ailée. A contrario, l’archéozoologie aborde les volatiles principalement sous l’angle de l’alimentation, comme part plus ou moins importante de la diète carnée. À partir de quelques exemples, dont l’interprétation n’est pas toujours évidente, nous nous proposons de réfléchir à l’origine de la présence de certaines espèces aviaires dans les ensembles fauniques archéologiques. Si le caractère décoratif du paon et du cygne reste encore aujourd’hui indéniable, celui de différents petits passereaux, pouvant intégrer le groupe des oiseaux siffleurs, est plus difficile à mettre en valeur. À l’inverse, une grille d’analyse précise permet une meilleure appréciation de la pratique ou non de la chasse au vol sur les sites livrant des ossements de rapaces.

AUTEUR

GAËTAN JOUANIN

Archéozoologue, Centre de Recherche Archéologique de la Vallée de l’Oise, UMR 7209 Archéozoologie, Archéobotanique : sociétés, pratiques et environnements

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