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Pourquoi la Lituanie a choisi la francophonie

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Academic year: 2021

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Submitted on 29 Nov 2016

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Pourquoi la Lituanie a choisi la francophonie

Julien Gueslin

To cite this version:

Julien Gueslin. Pourquoi la Lituanie a choisi la francophonie . Courrier des Pays de l’Est, 2001, 1011. �hal-01405381�

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Le miroir de l’Histoire : pourquoi la Lituanie a choisi la francophonie ?

Julien Gueslin, agrégé d'histoire, prépare une thèse à l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne sur «Les relations entre la France et les pays Baltes entre 1920 et 1945»

Il y a plus de 60 ans, la jeune république lituanienne (indépendante depuis 1918) avait déjà fait le choix de la francophonie et il n’est pas inintéressant de se pencher sur les raisons complexes qui le motivèrent, à une époque où le nationalisme allemand lui contestait de plus en plus bruyamment la possession de son principal port, Klaipeda1. Ce contentieux amena une révision profonde de la politique étrangère lituanienne, basée jusque là sur un dogme fondateur : le refus de reconnaître à la Pologne la possession de Vilna2 (aujourd’hui Vilnius, la capitale du pays). Or la France, réservée au début, ne pouvait que soutenir son alliée stratégique de l’Est, ce qui suscita beaucoup de déceptions et de rancœurs en Lituanie. La connaissance que Paris avait de cette dernière était alors très vague et passait essentiellement par le filtre polonais : la Lituanie était vue comme une nation artificielle, créée à la fin du conflit mondial par « le Grand-Etat major allemand » pour restreindre la puissance polonaise. Oubliant le passé -l’union polono-lituanienne initiée en 1386, consolidée en 1569 (union de Lublin) pour ne s’achever qu’avec la disparition de la Pologne en 1795-, et les intérêts économiques et stratégiques pouvant être en jeu, la Lituanie dépendrait alors del’Allemagne et l’Union soviétique, au risque, aux yeux des diplomates français, de balkaniser l’Europe orientale3. En réalité dans cette lutte inégale avec le grand voisin polonais et ne parvenant pas à convaincre les Alliés (France, Royaume-Uni, Italie) de la justesse de sa cause, la Lituanie était contrainte de recourir à l’aide allemande, dont elle était tributaire sur le plan économique, alors que sur le plan culturel, les liens avec les universités, le monde catholique et la démocratie-chrétienne allemandes étaient déjà forts.

Cependant, cette alliance tacite ne pouvait se maintenir que si l’Allemagne renonçait à tout nouveau Drang nach Osten et à un soutien total des Allemands de Klaipeda. A partir de 1932, ce ne fut plus le cas ; dès lors, la Lituanie fut amenée à réviser sa politique.

Quels étaient les atouts de la France ? En tant que principale adversaire de l’Allemagne et championne du droit des peuples et de la sécurité collective (avec la SDN), elle avait un

1 En allemand, Memel, situé près de l’embouchure du Niemen.

2 Occupée par les Polonais (qui l'appellent Wilno) en octobre 1920, puis annexée en 1922, la ville fut appelée

Vilna -de son nom russe- par les Français avant et après 1918, en signe de neutralité. La reconnaissance alliée

de l’annexion polonaise ( mars 1923), déclencha une des polémiques les plus célebres de l’entre-deux-guerres.

3 Il faut noter l’action à contre-courant de quelques Français qui contribuèrent à faire évoluer l’opinion

française : notamment Henri deChambon, directeur de la Revue Parlementaire, l’écrivain Jean Mauclère

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prestige indéniable. En tant que puissance signataire de la convention de Memel (1924), elle pouvait contrecarrer l’action allemande dans le territoire. En outre, l’affaiblissement de l’alliance franco-polonaise et la relative perte de sensibilité lituanienne à propos de la question de Vilna rendaient le rapprochement entre les deux pays moins problématique. Enfin, la Lituanie ayant choisi d’entrer dans l’Entente baltique, le français apparaissait comme la langue idéale pour communiquer avec les voisins lettons et estoniens, même si la concurrence de l’anglais, langue des affaires, était forte.

Le choix du français se révélait donc judicieux sur le plan politique. Mais il serait demeuré artificiel, s'il n’avait pas rencontré l’adhésion d’une partie importante de la société lituanienne. Or, malgré les difficultés et l’éloignement, le rayonnement de la culture française était incontestable : en 1927, sur un total de 14 368 étudiants étrangers en France, 349 étaient Lituaniens, ce qui est considérable eu égard à la taille de la population (à titre de comparaison, à la même époque, il y avait par exemple seulement 192 jeunes Tchécoslovaques et 243 Hongrois). Il suffit de citer les noms du philosophe Emmanuel Levinas, du linguiste Algirdas Greimas, de l’historien d’art Jurgis Baltrusaitis et bien sûr du poète Vladislas Milosz, qui sont devenus par la suite des grands noms de la science et de la culture françaises. Du côté des Arts, des peintres comme Lipschitz, Soutine ou Kikoïne allaient contribuer au succès de l’Ecole de Paris : en 1928 le journaliste et poète lituanien Tyslava créait ainsi une revue artistique cosmopolite, où collaboraient Lipschitz, Cocteau ou Mondrian. De plus, nombre de leurs aînés avaient étudié en Belgique ou en Suisse. Enfin et surtout, ils devaient ensuite, de retour chez eux, constituer la première géneration des élites proprement lituaniennes (jusque là très faibles en nombre) et accéder très rapidement à des postes de responsabilité au sein de l’administration, de la diplomatie ou des différents organes d’information.. Les «Parisiens de Kovno» (Kaunas) contribuèrent ainsi à l’occidentalisation des mœurs par le biais de la culture française et furent des relais fondamentaux pour la diffusion de la francophonie (création d’un public pour les livres et la presse français, multiplication des cours pour les élites intellectuelles et sociales qui voulaient «s’ouvrir au monde» au travers de la langue française). Il ne faut pas sous-estimer également le rôle du catholicisme, dans un pays où le clergé conservait un rôle social d’encadrement important (malgré les tensions entre un régime nationaliste et les partis démocrates-chrétiens soutenus par l’Eglise) et où le prestige traditionnel de la « fille aînée de l’Eglise » restait incontestable.

Cette évolution fut confortée par celle de l’opinion française : la découverte progressive de la culture populaire lituanienne (chants, contes, beaux-arts), la résistance courageuse aux prétentions nazies (en 1935, un grand nombre de nazis memelois furent arrêtés et jugés lors

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d’un grand procés suivi par la presse du monde entier) firent de la Lituanie l’exemple d’un petit Etat défendant son âme et sa culture séculaire. Dès 1934, plusieurs lecteurs français furent envoyés en Lituanie (dont Raymond Schmittlein et Georges Matoré), les dons de livres se multiplièrent, la création d’un Institut français fut planifiée et, en 1937, le souvenir napoléonien réunissait dans une grande exposition Français et Lituaniens.

Cette coopération florissante fut malheureusement interrompue par la dégradation de la situation extérieure, le désengagement français d’Europe orientale et, bien sûr, l’annexion par l’URSS en 1940. Pour la majorité des Lituaniens s’y trouvant, comme aussi aux Etats-Unis, la pratique du français déclina, mais la culture française resta associée à la période de l’indépendance. Il est heureux que ce souvenir ait pu être un facteur du retour du français dans la Lituanie d’aujourd’hui.

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