• Aucun résultat trouvé

UN CŒUR DE LA TÊTE AUX PIEDS

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "UN CŒUR DE LA TÊTE AUX PIEDS"

Copied!
19
0
0

Texte intégral

(1)
(2)

UN CŒUR DE LA TÊTE AUX PIEDS

(3)

© CURANDERA, 1989

(4)

P. GOUYGOU

UN CŒUR

DE LA TÊTE AUX PIEDS les pittoresques tribulations

de l'abbé Laribe, curé de campagne

PRÉFACE DE DENIS TILLINAC

les Provinciales

Co. Edition CURANDERA/J.M.M.

(5)
(6)

PRÉFACE

Entre Quercy, Périgord et Limousin, l'Histoire a épousé la géographie pour enfanter un pays de cocagne avec bénédiction de la Dordogne proche : le Vicomté de Turenne, dernière entâme féodale au sein du royaume de France, absorbée par la Commune sous Louis XV. Cette contrée latine avec modération, où le caillou blanc du causse se dissimule sous l'herbe corrézienne, fournit les extérieurs du roman du Père Gouygou.

Nous sommes à la fin du siècle 19 ; la République radicale et bourgeoise conforte son emprise sur la vieille France en voie de déchristianisation. En voie seulement : si les notables sont voltairiens, le peuple des campagnes n'a pas rompu avec la foi. Pas encore. Aussi les prêtres et les « hussards noirs » se disputent-ils âprement le contrôle des âmes déboussolées par les vents de l'Histoire.

Dans ce contexte tourmenté, le Père Gouygou évoque les péripéties, démarquées d'une histoire bien réelle, d'une commune de la Vicomté que la République a dé- crétée une et indivisible, contre le bon sens géographique.

GRAMONT, chef-lieu de la commune, est éloignée de FLORAC par plusieurs kilomètres de mauvaise route, et cette distance reflète un antagonisme foncier : FLORAC est catholique, conservatrice ; son « identité », comme disent les cuistres, s'auto-célèbre en processions gran- dioses et autres manifestations de ferveur religieuses.

FLORAC veut un prêtre à temps plein, et un maire.

Elle y parviendra en deux étapes, accédant successive-

ment à la dignité de paroisse, puis de commune. La re-

construction d'une chapelle et la fonte d'une cloche vau-

(7)

dront symbole du droit des floracois à disposer d'eux- mêmes. Entre temps, il aura fallu violer la tradition en votant pour un député radical, après qu'il ait pris l'en- gagement de soutenir les visées irrédentistes au terme de négociations pittoresques.

Happy end, donc — et plus d'un siècle après ce mini- conflit, les deux communes (dont je respecterai l'inco- gnito) continuent de se toiser avec défiance, et de voter différemment — tant il est vrai que sous l'écorce de la modernité, une sève immémoriale nourrit les incons- cients collectifs.

Au-delà de l'intrigue, ce roman vaut par l'étoffe des personnages — et singulièrement du Père Laribe, curé de FLORAC, attachante figure plébéienne qui dément l'image « obscurantiste » répandue par la propagande anticléricale de l'époque. On goûtera, en outre, la façon chaleureuse dont nous est restituée la mémoire d'un arpent de terre française aux heures les plus noires du conflit entre l'Eglise et l'Etat. On entend bruisser la vie campagnarde au rythme de ses saisons, avec ses fêtes in- nombrables, ses personnages drôlatiques, encore médié- vaux par tels tours d'esprit ou de langage. Le corrézien que je suis retrouve avec émotion la tonalité des récits du temps jadis dont me régalait ma grand-mère. En som- me le père Gouygou réhabilite, en nous divertissant, un terroir trop souvent ridiculisé par les marchands de folklore, alors que nous lui devons la part la moins frelatée de nous-mêmes.

Denis TILLINAC.

(8)

J'aime les paysans, ils sont trop ignorants pour penser de travers MONTESQUIEU.

AVANT-PROPOS DE L'AUTEUR Nous nous trouvons dans la Vicomté de Turenne, une des plus belles terres de France aux confins du Limousin, du Périgord et du Quercy. « L'aspect de ce pays, le Limousin, est le plus beau que j'ai vu en France » écrit Arthur Young, en 1792, dans son livre « Voyages à travers la France ». Cette affirmation s'applique plus que partout ailleurs au territoire de la Vicomté.

Le château, par ses ruines altières, surgit d'un piton rocheux et se découpe haut dans le ciel défiant insolemment les siècles comme il défia jadis ses puissants ennemis.

Lorsque de l'esplanade on abaisse son regard sur le paysage proche ou lointain comment ne pas être ébloui.

A l'entour de l'orgueilleuse forteresse s'arrondissent en vagues successives des collines couronnées de bois et sur leurs pentes elles offrent au soleil des champs plantureux, des vergers aux multiples variétés de fruits, des vignes aux cépages enivrants.

Au pied de ces collines de verdoyantes prairies émaillées de fleurs.

La vue embrasse maints villages, hameaux, manoirs, châteaux et sur le proche horizon se découpe le Puy d'Issolud — L'Uxellodu- num de la « Guerre des Gaules » — Là, on ne le dit pas assez, en un ultime sursaut les Gaulois, échappés à Alésia, une dernière fois bravèrent l'impitoyable César. Les défenseurs de cet oppidum de la dernière chance, après un siège mémorable, vaincus par la soif mais non par les armes durent se rendre à César accouru en personne pour en venir à bout et César intraitable fit couper les mains de tous ces valeureux combattants. Depuis dans le pays, une mauvaise bête on l'appelle « César ». Bien plus loin que le Puy d'Issolud par temps clair les monts du Cantal, parfois ennei- gés, apparaissent éblouissants entre ciel et terre.

La vicomté de Turenne fut le dernier grand fief réuni à la couronne sous Louis XV en 1738. Je dis grand fief car elle était mentionnée parmi ces grande fiefs relevant nullement et immé- diatement du roi en sorte qu'en dehors du roi le vicomte ne devait hommage à personne.

Elle jouissait d'immenses privilèges, franchises et libertés qui réduisaient le lien féodal avec la royauté en simple hommage

(9)

d'honneur et de fidélité. Elle ne devait lui verser aucun subside. On y battait monnaie à l'effigie du vicomte, on y jouissait du droit de papier timbrée. En son autonomie elle s'administrait elle-même, le vicomte bien que le seul souverain s'en rapportait aux « Etats de la Vicomté » où se rencontraient des représentants de tous ses sujets. Ces Etats comme il sied dans toute assemblée démocrati- que, se concertaient pour une gestion juste et équitable d'où des charges sociales modérées si bien que les paysans des autres parties du Bas-Limousin imaginaient mille astuces pour élire domicile dans la vicomté. D'où encore l'expression : « Heureux comme un viscomtin ». « Faï vivo Turenno ! » disait-on aussi en patois d'un homme manifestant bruyamment sa joie. « Il fait vive Turnne ! » tellement explosait ce « Vive Turenne » en toutes circonstances au milieu des manifestations publiques.

Sur la fin de l'Ancien Régime les Grands pour se faire hon- neur à la Cour s'endettaient, se ruinaient même. Le Vicomte de Turenne n'échappa nullement à cette quasi nécessité. Pour quatre millions deux cent mille livres il céda sa souveraineté au roi.

En bon Capétien celui-ci fut trop heureux d'intégrer à son royaume cette terre sise au cœur de ses domaines, dernier vestige des lointaines prérogatives des grands féodaux. Ce fut la conster- nation chez les viscomtins qui, faut-il l'avouer, en ces derniers temps se faisaient par trop tirer l'oreille pour acquitter leurs redevances. A cette nouvelle l'un d'eux écrivait : « Le malheur qui vient d'arriver à notre pauvre pays est un coup fatal qui nous fait perdre pour toujours le repos et la tranquillité dont nos pères et nous avons joui jusqu'à présent ».

Sans retard les « gens du roi » ont envahi tous les postes administratifs et financiers. Les traitants ne connaissaient qu'une règle de conduite : faire rapporter toujours plus aux diverses impositions, tant et si bien que dans leurs doléances, en 1789, les viscomtins confiaient aux députés de la sénéchaussée un mé- moire « à l'effet d'être rétablis dans les anciens droits et Etats de la Vicomté ». c'est dans cette vicomté que se déroule cette page d'histoire...

Si les noms de lieux et de personnes ont été volontairement transformés, le récit correspond dans son ensemble à une réalité authentique. Les historiens de la période (fin du XIX siècle) feraient bien, me semble-t-il, de s'en rapporter à de tels « témoi- gnages » pour mieux cerner le tréfonds de l'âme paysanne. Sans nul doute leur récit y gagnerait-il en véracité et en sensibilité.

P. GOUYGOU.

(10)

1

complot chez le notaire

Maître Dubreuil, notaire à Florac, commune de Gramont, attend ce matin-là deux de ses voisins les plus proches.

De long en large, à pas lents, les mains derrière le dos, il va et vient dans la vaste pièce qui lui sert d'étude.

C'est un homme plutôt grand, sec, légèrement voûté. A peine a-t-il dépassé la cinquantaine. Ce qui frappe dans son visage, ses yeux bleus pâles, le plus souvent perdus dans un rêve vague et lointain. Par contre, si tout à coup son regard se fixe dans votre regard vous vous sentez pénétré jusqu'à la moelle des os. Rien ne pourrait l'étonner d'un homme sinon qu'il ne renaisse. Il en a tant vu, tant entendu.

On frappa deux coups à la porte vitrée, celle qui donne sur la petite terrasse au-devant de la maison. « Entrez », cria-t-il. La porte s'ouvre et Baptiste Dufaure, sans plus de façon, pénètre dans le sanctuaire de notre officier ministériel.

(11)

Qui est Baptiste Dufaure ? Un personnage important de Florac.

Imaginez ! Marchand de vin, épicier, tenancier du bureau de tabac et cultivateur, car à Florac, plus ou moins, tout le monde cultive quelques arpents de terre ; bien mieux, quoique Floracois, conseil- ler municipal de la commune de Gramont.

Tous ces titres d'ailleurs n'empêchent pas qu'on l'appelle

« Tistou » à dix lieues à la ronde. Court de jambe, rondelet, une éternelle pipe à la bouche, une casquette batailleuse, tantôt sur les yeux, tantôt sur l'occiput, tantôt sur l'oreille droite, tantôt sur l'oreille gauche, il émaille ses conversations de mots piquants, d'histoires drôles ; il met toujours les rieurs de son côté ; c'est sa force. Il joue facilement de bons tours à ses concitoyens, bons tours pas toujours appréciés, parfois même, qui l'eut cru ?, avec la complicité de maître Dubreuil, pince-sans-rire à ses heures.

— « Frédou n'est pas arrivé ? » demanda-t-il.

— « Non, pas encore, répond évasivement le notaire, mais veuillez vous asseoir. »

Tistou dédaigant les chaises, se carre dans un des deux fauteuils de paille offerts aux clients.

Le maître de céans s'asseoit en face, à la grande table baptisée bureau et se met à feuilleter un dossier. Il attend vers onze heures deux familles pour un arrangement, en d'autres termes pour signer un contrat de mariage.

Tistou tire sur sa courte pipe, regarde ce qu'il a déjà regardé vingt fois. Devant lui la vaste table sur laquelle s'étalent papiers, règle, sous-main, encrier, buvards, cachets, porte-plumes dans un savant désordre. Derrière le notaire accrochées au mur quelques étagères superposées avec des dossiers, des classeurs, des livres, le tout bien empoussiéré. Dans le dos de Tistou d'immenses pla- cards dissimulent l'autre mur. Ces placards recèlent depuis des décades et des décades, dépôt précieux entre tous, les minutes des actes notariés, preuves irréfutables des droits de chacun.

Epinglées de-ci, de-là ; une demi-douzaine d'affiches jaunies par le temps qui exposent à la lecture des braves gens des textes législatifs qu'ils ne lisent jamais.

Un laps de temps s'écoule. Maître Dubreuil tire sur la chaîne d'or de sa montre en or.

— « Depuis combien attend-on ? » demande Tistou toujours prêt à engager la conversation. — « Bientôt dix minutes. »

— « Maître, selon vous, à notre époque, quel est l'instru- ment de torture le plus terrible ? » — « ... »

(12)

— « La montre, maître, la montre. Avec la montre on n'est jamais tranquille ; on ne peut rien faire tranquillement ; on la regarde, on la regarde encore ; elle vous pousse, elle vous pousse encore ; on ne peut jamais... »

Il s'engageait dans une longue traînée de considération quand un coup sec frappé à une vitre de la porte le fit retourner.

« Entrez ! » crie le notaire. Alfred Lapeyre, dit Frédou, entra à son tour.

L'homme contrastait avec Tistou. Haut de taille, épaules larges, il soulève avec aisance-un sac de blé les pieds joints et le jette sur son dos. Il ne sait pas plaisanter, il parle peu par courtes phrases, sans nuance dans ses appréciations, pas assez juge le notaire. C'est un autre personnage important de Florac, boulanger, épicier, mercier, cultivateur évidemment et, comme Tistou, conseil- ler municipal de Gramont, car décemment les Floracois ne pou- vaient pas être absolument évincés du Conseil municipal de la commune.

Les trois notables se serrent la main en silence. Frédou s'assied à côté de Tistou dans le deuxième fauteuil. Tirant à nouveau sur la chaîne de sa montre, regardant l'heure pour apprécier le temps à lui désormais imparti, maître Dubreuil entre sans plus tarder dans le vif du sujet.

— « Vous savez pourquoi nous nous sommes donnés rendez- vous. Je m'applique à résumer la question.

Suivit un long exposé oratoire où il était question ni plus ni moins de séparer la commune de Florac de celle de Gramont. « Le vaste territoire actuel se diviserait en deux : au nord- est, une partie pour constituer la commune de Gramont à propre- ment parlé, et en bas, au sud-ouest, l'autre partie pour constituer la commune de Florac.

Est-ce que je traduis bien vos idées ? » Les deux interlocuteurs opinèrent du bonnet.

— « D'ailleurs, continua le notaire, je suis certain de traduire les aspirations de toute une population frustrée depuis 1789, brimée, humiliée, révoltée par les agissements de la « clique radi- cale » de Gramont et heurtée dans ses sentiments les plus intimes. » Un silence.

— « Je pose alors la question suivante : Que faire pour ériger Florac en commune ? »

Vous ne l'ignorez pas pour ériger Florac en commune il faut atteindre le Ministère de l'Intérieur. Jusqu'ici nos tentatives furent infructueuses. Or il m'apparait qu'en cette année 1885,

(13)

lors des prochaines élections à la Chambre des Députés s'offre une occasion inespérée. Comment ? En votant pour Lebat, notre député radical sortant.

Lebat, si je suis bien renseigné, a des accointances avec le Ministre de l'Intérieur, on le dit même son ami ; si Lebat inter- vient, nul doute, l'affaire s'arrangera selon nos vœux. »

Tistou et Frédou écoutaient, impassibles.

Depuis toujours la Section de vote de Florac met en minorité les députés radicalisants plus que dans les autres communes du canton. Si nous n'intervenons pas Nicaud sortira dans notre section à une écrasante majorité. Mais Nicaud au plan national, dans le contexte politique actuel, ne peut rien pour nous. Sur comme un et un font deux il n'obtiendra jamais l'érection de Florac en commune. »

— « Alors ? » demanda Frédou, vaguement inquiet.

— « Alors je vous propose de rencontrer Lebat et de lui sou- mettre le marché suivant : nous vous promettons de faire voter en votre faveur les électeurs de Florac à la condition que, battu ou élu, vous vous engagiez à faire ériger Florac en commune si vous obtenez la majorité dans notre section de vote.

— « Je ne voterai jamais radical » grommela Frédou.

Calmement maître Dubreuil continua :

— « Vous n'avez rien à craindre, même avec nos voix Lebat ne passera pas. »

Tistou approuva.

— « Donc quel que soit le résultat chez nous le pays n'a rien à y perdre, je le répète. Par contre l'occasion se présente, unique, inespérée, de tout gagner pour Florac. » — « Et notre curé, qu'est-ce qu'il en dira ? » questionna encore Frédou.

— « Il est trop intelligent pour se mêler de cette affaire » répliqua Maître Dubreuil.

— « Alors concluons Rendez-vous pour un prochain mardi, jour où monsieur Lebat reçoit ses électeurs à Rochetaillade. »

Sans attendre de réponse, le notaire congédia ses deux voisins d'une hative poignée de main. Les familles pour le contrat de mariage attendaient sur la terrasse. Tistou et Frédou quittèrent l'étude. Avec les arrivants on se congratula. Tistou, selon son habitude saisit l'occasion de gratifier les futurs d'une plaisanterie. — « Les enfants ne l'oubliez pas, le mariage est une conces- sion à perpétuité. » Les « enfants » esquissèrent un sourire mi-figue, mi-raisin.

(14)

Nos conspirateurs, côte à côte, s'accompagnèrent un bout de chemin. Tistou bourrait sa pipe tout en marchant et, avouons- le il se voyait déjà ceint de l'écharpe de premier maire de Florac.

Frédou gardait un visage fermé et persistait dans un mutisme prolongé. « Réfléchis pas tant, çà rend bête » ; assura Tistou.

Arrivés devant le bureau de tabac ils se séparèrent sans un mot. Chez lui Frédou entra dans la cuisine où sa femme remuait marmites et casseroles.

— « Alors qu'est-ce qu'il t'a raconté le notaire ? »

— « D'abord les femmes, les élections, ça ne vous regarde pas. »

— « Ça ne nous regarde pas ! Ça ne nous regarde pas ! Alors qu'est-ce qui nous regarde ? »

— « Tu veux un curé à Florac ou tu n'en veux pas ? Un vrai curé dans une vraie commune ? »

— « Té pardi ! Je veux un vrai curé dans une vraie commune.

Depuis que vous en parlez, les hommes ! » — « Eh bien ! Il faut voter Lebat. »

— « Miséricorde ! Voter Lebat ? Voter pour un franc-maçon qui veut tuer la religion ! » Le cœur de la Louise du Frédou lui tournait à l'envers.

— « Il faut voter Lebat, je te dis. Et puis d'où sors-tu qu'il est franc-maçon ? »

— « Oui, vous êtes fous, ton notaire, ton Tistou et toi ! »

— « Ma pauvre Louise, je t'explique... »

Frédou, tandis que sa Louise préparait le repas et mettait la table, développa le raisonnement de maître Dubreuil.

La femme comprit-elle ? Ecoutait-elle seulement ? Qui le saura ? Elle marmonnait dans le bruit des assiettes, des verres, des fourchettes, des cuillères : « Ah oui ! Pour avoir un maire et un curé il faut voter Lebat... Pour avoir un maire et un curé il faut voter Lebat... C'est trop fort ! »

Frédou lui rappela le dicton : « Les femmes, quand ça se mêle de certaines choses, çà ne voit pas plus loin, pas plus clair que les taupes. Et encore !... »

(15)
(16)

II

quand Florac devient paroisse

La petite agglomération de Florac, avant la Révolution de 1789, s'abritait tout contre le château de la branche cadette des seigneurs de Saint-Florent. A la Révolution, des Jacobins, le pillèrent et le démantelèrent. Il en reste des pans de murs, et plus particu- lièrement les pans de murs de la chapelle, entourés en partie par des fossés comblés aux trois-quarts.

Cette agglomération possédait sa propre autonomie. Lors de la formation des départements l'ensemble du territoire national est divisé, redivisé et un beau jour Florac, à son insu, tombe sous la dépendance de Gramont, chef-lieu d'une nouvelle commune.

Or cette intégration à la commune de Gramont fut ressentie comme une humiliation inacceptable par les Floracois. D'ailleurs elle s'avérait contre nature à tout point de vue.

(17)

Le bourg de Gramont coiffait un mamelon à l'extrémité nord- est du nouveau territoire communal situation idéale, au Moyen- Age, pour se défendre contre les incursions.

Florac, à l'extrémité sud-ouest de la commune, reposait dans un agréable vallon arrosé par l'eau vive d'un gentil cours d'eau où frétillaient ablettes et goujons. La route départementale emprun- tait ce vallon et traversait le bourg dans sa plus grande longueur.

Grâce à cette route un centre commercial s'y développait chaque jour davantage, les foires y gagnaient en ampleur, la population augmentait chaque année et dépassait à l'heure actuelle la population du bourg de Gramont. Cette dernière constatation accentuait encore entre les deux centres une agressivité latente.

Une mauvaise route reliait les deux localités moyennant un détour de cinq bons kilomètres. Par commodité les Floracois empruntaient un raccourci, espèce de sentier défoncé, boueux, par temps de pluie barré de flaques d'eau, mal dégagé le long des haies, bordé de buissons épineux.

Un saisissant contraste aux divers plans, culturel, politiques, religieux, dressait un mur d'inimitié que le temps épaississait.

Ceux de Florac s'estimaient plus civilisés, plus évolués que ceux de Gramont ; ils se représentaient les gramontois en rustres mal dégrossis : « Ils sortent de derrière les bois » affirmaient-ils.

Et pourtant Gramont se tenait dans le courant républicain, Florac dans le contre-courant conservateur. Les Floracois préten- daient que si les Gramontois votaient républicain il ne fallait pas en chercher la raison dans leur ouverture d'esprit, incapables qu'ils étaient de discerner les méfaits des sectaires radicaux, mais dans de sordides intérêts. « L'oiseau ouvre le bec du côté d'où vient le vent. »

Les gens de Gramont exigeaient la présence d'un curé. Même s'ils l'estimaient, le respectaient, ils nourrissaient à l'égard de la soutane un sourd ressentiment à peine voilé, ce ressentiment que le paysan éprouve souvent, envers les décimateurs de l'Ancien Régime, nobles ou clercs. Maître Dubreuil, caustique, préten- dait, ô combien peu charitablement, que chez eux la crainte de l'enfer l'emportait sur l'amour de Dieu et du Prochain.

Les Floracois souffraient de l'éloignement de l'église, les dévo- tes, bien sûr, mais aussi l'ensemble de la population : les enfants pour le catéchisme, les pratiquants pour l'assistance à la messe ; d'autre part baptême, mariage, enterrements nécessitaient l'orga- nisation de véritables expéditions. Tels les Hébreux soupirants après la Terre promise, les Floracois soupiraient après une église.

(18)

Entre Quercy, Périgord et Limousin, l'histoire a épousé la géogra- phie pour enfanter un pays de cocagne avec la bénédiction de la Dordogne proche, la Vicomté de Turenne, dernière entame féodale au sein du royaume de France, absorbée par la commune sous Louis XV. Cette contrée latine avec modération, où le caillou blanc du causse se dissimule sous l'herbe corrézienne, fournit les exté- rieurs du roman du Père Gouygou.

[...] Au-delà de l'intrigue, ce roman vaut par l'étoffe des personna- ges — et singulièrement du Père Laribe, curé de Florac, attachante figure plébéienne qui dément l'image « obscurantiste » répandue par la propagande anticléricale de l'époque.

[...] On entend bruire la vie campagnarde au rythme de ses saisons, avec ses fêtes innombrables, ses personnages drôlatiques, encore médiévaux par tels tours d'esprit ou de langage. Le corrézien que je suis retrouve avec émotion la tonalité des récits du temps jadis dont me régalait ma grand-mère.

Denis Tillinac

(19)

Participant d’une démarche de transmission de fictions ou de savoirs rendus difficiles d’accès par le temps, cette édition numérique redonne vie à une œuvre existant jusqu’alors uniquement

sur un support imprimé, conformément à la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012 relative à l’exploitation des Livres Indisponibles du XXe siècle.

Cette édition numérique a été réalisée à partir d’un support physique parfois ancien conservé au sein des collections de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt légal.

Elle peut donc reproduire, au-delà du texte lui-même, des éléments propres à l’exemplaire qui a servi à la numérisation.

Cette édition numérique a été fabriquée par la société FeniXX au format PDF.

La couverture reproduit celle du livre original conservé au sein des collections de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt légal.

*

La société FeniXX diffuse cette édition numérique en vertu d’une licence confiée par la Sofia

‒ Société Française des Intérêts des Auteurs de l’Écrit ‒ dans le cadre de la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012.

Références

Documents relatifs

When the number n of data points increases the nearest neighbor of X gets closer to X (this.. has to be made rigorous since X is a random variable).. This result was first proved

Les distributions correspondantes à un téta donné sont Fq et Gq.On utilise les échantillons pour estimer q par une q^ et on utilise alors les distributions Fq^ et Gq^ comme dans

Application : model selection using

Over-fit : High complexity models are memorizing the data they have seen and are unable to generalize to unseen examples...

En utilisant la question précédente, écrire une fonction plus_proches_voisins_naif de type point list -> point*point pre- nant en argument une liste l ayant au moins deux éléments

De plus ce calcul retourne une liste de lon- gueur constante, donc l’appel de plus proche s’effec- tue également en temps constant.. On peut alors appliquer récursive-

Des tours tels que homme de confiance, homme de conviction, homme de terrain, homme de gauche se détachent par leur fréquence au sein de notre corpus, mais on peut s’attendre à

–  Méthode K-NN (plus proche voisin) –  Arbres de décision. –  Réseaux de neurones –  Classification bayésienne