• Aucun résultat trouvé

DE L'ORANGERIE CARNAVALET

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "DE L'ORANGERIE CARNAVALET"

Copied!
9
0
0

Texte intégral

(1)

DE L'ORANGERIE A C A R N A V A L E T

Dans son Journal, à la date du 18 janvier 1890, Edmond de Concourt parle d'une collection de tableaux anglais récemment admirée : « ... Il y a parmi ces toiles, dit-il, un Turner : un lac bleuâtre éthéré, aux contours indéfinis, un lac lointain, sous un coup de jour électrique, tout au bout de terrains fauves. N... de D... ! ça fait mépriser l'originalité de quelques-uns de nos peintres originaux d'aujourd'hui. »

Lorsque'je visitai, i l y a quelques semaines, à l'Orangerie, la « rétrospective » du grand paysagiste anglais organisée par le Comité des Beaux-Arts de Londres et la Direction des Musées de France, je n'avais pas encore relu ce texte, dont je merrap- pelai surtout, à vrai dire, le juron. Celui-ci m'avait étonné de

la part du « maréchal des Lettres ». A la vue de tant de mer- veilles et qui encore aujourd'hui rendent sceptiques quant aux prétendues nouveautés et trouvailles de maints peintres, j'éprou- vai aussitôt qu'il pouvait constituer dans la bouche de tout hon- nête homme un hymne un peu brusque de reconnaissance vers Celui qui, de temps en temps, dispense à des artistes, pour la joie de nos yeux et de notre cœur, le pouvoir de réfléchir en leurs œuvres un rayon de sa Lumière.

Si un tableau est l'une des choses qui ont entendu dire le plus de bêtises, ainsi que l'assurait Théophile Gautier, i l est également l'une de celles qui ont fait écrire le plus d'absurdités, voire de non-sens. Pour entretenir un lecteur, à bon escient', sur l'art pictural, i l faut une grande assiduité auprès de ce que le vieux Goncourt appelait en son style particulier « la chose peinte », sans parler d'une divination naturelle. Assiduité dont

(2)

peu de littérateurs ont bénéficié ; divination que peu ont pos- sédée. Tour un Baudelaire nous parlant en termes si justes d'un Delacroix, nous révélant la modernité et la grâce d'un Constan- tin Guys, combien, jadis et naguère, de chroniqueurs de « sa- lons » e£ d' « expositions » nous prônant des Pierre Grassou, à grand renfort de phrases creuses et d'expressions d'atelier mal digérées ! Mais enfin chacun a bien le droit d'avoir son impression, même de la formuler, pourvu que ce ne soit pas d'un ton pédant. En conséquence, je me crois autorisé à dire l'enthou- siasme avec lequel je me rangeai à l'éclatant avis exprimé il y a soixante ans et cité tout à l'heure.

À la veille de sa mort, Corot soupira : « J'espère bien que l'on peindra dans le Paradis ! » Déjà, durant toute sa carrière d'ici-bas, il avait peint « dans le ciel ». Moins que Turner déci- dément. -

Le plus souvent, pour le magique paysagiste anglais exis- tait-il en ce monde autre chose que le ciel et l'eau qui le dédouble

et le vent qui lisse l'azur ou boucle le nuage,? Au passage de cet Ariel, c'est à croire que fondait, inutile, le sol où « le père Corot » plantait tout de même, et solidement, son chevalet. Là où « le père Corot », les yeux clignés d'amour devant le firma- ment, mariait la fumée de sa pipette blanche aux fumées des labours et de l'habitat humain, c'est à croire qu'un phénomène de lévitation emportait Turner, corps et âme, dans un vide adorable. Un vide fait de réverbérations et de songes, d'où parfois, se Souvenant de sa condition terrestre, i l ne redescen- dait prendre un fugitif point d'appui qu'à l'avant de la barque de pêche en danse parmi les flots irisés, à la courbe de la voile gonflée par une course de régates, à la pointe de l'arbre immergé dans les ors écumeux du couchant.

Encore un coup, j'entends ne point ici m'ériger en Zoïle ide la peinture. Je me garderai d'avancer que peut-être, après Turner, les « impressionnistes » inventèrent moins qu'on nous l'a dit et répété ; que, par exemple, les « nymphéas », les

« meules », les « cathédrales » de Monet doivent beaucoup à

« Hurrah pour le baleinier Erèbe », à « Via Mala » ; que même telles imaginations fantastiques d'Odilon Redon paraissent

(3)

s'être souvenu de ce « monstre marin » que Turner arrache aux abîmes du cauchemar et amène vers nous , terrible et terri- fié, dans les volutes blondes d'une marée matinale. Egalement, je me garderai de magnifier la virtuosité d'un pinceau capable de figurer tout, jusques aux choses a voisinant le mystère que d'aucuns nomment le néant et dont l'écrivain Hazlitt disait que le maître de Chelsea faisait « des peintures très ressemblantes », sans soupçonner qu'en son aveugle méchanceté i l formulait de la sorte le plus bel hommage susceptible d'être adressé à ces visionnaires que sont les artistes de génie.

Moins que d'un peintre, je me permets ici de parler d'un poète ; je me plais à louer une âme encdre plus qu'un regard miraculeux et qu'une main enchanteresse.

Lors de ma longue station à l'Orangerie, je notai d'ailleurs que le commun des mortels avait bien la mine de ressentir ce que je ressentais ; que la plupart de ces toiles le fascinaient sans doute moins comme chefs-d'œuvre picturaux que comme motifs d'évasion spirituelle (motifs si nécessaires et si rares par le temps présent !) ; en somme qu'il admirait peut-être moins qu'il ne rêvait devant cet univers de reflets et de souffles ; qu'il était peut-être moins extasié qu'attiré...

*

**

Même, par parenthèse, un peu trop attiré, à mon gré. Quand donc tant de visiteurs de musées sauront-ils qu'ils ne doivent pas s'approcher des tableaux au point d'en défendre pendant un grand moment la vue à autrui? Quand donc comprendront-ils qu'ils sont horripilants avec leur sans-gêne ; que, de plus, ils se montrent ridicules, cependant que, derrière eux, l'on piétine et que l'on a tout loisir de les observer, avec leurs attitudes affichées de grands connaisseurs, captant d'une main en conque au-dessus d'un sourcil contracté tel ou tel détail de l'œuvre fameuse, signalant à la foule (dont ils ont l'air, d'autre part, de faire fi), par de certains coups de pouce empruntés aux milieux de peintres, qu'ils goûtent particulièrement cette « tache », cet

« empâtement », ce « réveillon », bref, appelant les traits d'un La Bruyère ou les fusinages d'un Daumier ?

Ce sont les mêmes, je pense, auxquels il ne faut jamais prêter un livre qu'ils ne sauraient lire sans le corner et le

(4)

démanteler de sa reliure ; les mêmes qui, au concert, battent de leur tête la mesure ou pianotent sourdement le bras de leur fauteuil, en fin de compte infligent à leurs voisins un lent petit supplice chinois. C'étaient les mêmes, j'en suis certain, qui, l'autre soir, au Théâtre-Français de la rue de Richelieu, cou- paient odieusement de leurs bravos les scènes à'Andromaque, interrompaient sans vergogne, à chaque vers célèbre ou à cha- que éclat de voix, le jeu des remarquables interprètes, ne se doutant pas, les malheureux, les criminels, que pas plus qu'on ne fait le brouhaha au milieu d'un « mouvement » de sonate, on ne le doit faire au milieu de l'enchaînement musical qu'est aussi un acte de Racine.

Et, cela dit, revenons une minute à Turner. s

La première fois qu'en ma jeunesse j'entendis parler de lui avec la ferveur convenable, ce fut précisément par un poète.

Il m'en souvenait, au sortir du petit musée au bord de l'eau, bruissant encore à mon oreille, ce me semblait, comme une cri-, que sous la caresse du reflux, tandis que je me dirigeais vers le Marché aux fleurs du Pont-au-Change, désireux que Vêtais de revoir ce coin dont le peintre aérien, en passage un jour sur la terre, fit une ravissante « gouache » contemplée quelques ins- tants auparavant-

Comme Turner, Jean de L a Ville de Mirmont, qui fut tué à l'autre guerre pour le très grand dommage des Lettres, l'au- teur de L'Horizon chimérique auquel Fauré demanda ses suprê- mes inspirations, était une sorte de terrien forcé : « ...Car j'ai de grands départs inassouvis en moi ! » Ce vers si beau de l'un de ses poèmes traduisait une profonde et douloureuse vérité.

Lui aussi, i l n'aimait que la mer et son ciel. Le plus souvent i l ne parlait que de bateaux, de vie à bord, de courses lointaines.

Son vrai domaine était celui de la nue^et de la houle. Rivé par le destin à de mornes travaux administratifs, i l apaisait son tourment, charmait sa nostalgie, comme i l pouvait, parfois en de ces jeux puérils auxquels le saint et le poète redemandent les joies de la pureté première.Tout près de ce Marché aux fleurs où j'allais dernièrement chercher encore un peu de l'âme de Turner, je revois le petit restaurant qu'il avait adopté unique-

(5)

ment pour l'enseigne : Au rendez-vous des mariniers; je revois la maison de l'île Saint-Louis dans laquelle i l avait choisi de gîter, parce que de sa fenêtre i l ne voyait que de l'eau, des nua- ges, les mouvants et liquides joyaux jetés par le soleil au flanc .mouillé des remorqueurs et des chalands, et parce que son appartement, composé de trois pièces dont celle du devant était la plus grande et celle du fond la plus petite,.affectait, avait-il soin de faire remarquer, la forme d'une lunette marine. Son cabinet de travail (le gros bout de la lunette), ij"l'avait à peu près exclusivement orné de mappemondes, de vieilles cartes géo- graphiques dont les mare ignotum et terra ignota hélaient ses songeries, de photographies de toiles célèbres, représentent pay- sages ou gens de mer.

Parmi ces dernières se trouvait, en bonne place, une « repro- duction » du Fighting Téméraire, remorqué jusqu'à son der- nier mouillage pour y être démoli. Cette œuvre fameuse, et entre toutes celles de Turner la plus chère à l'Angleterre pour des raisons autant artistiques que patriotiques, j'en ai enfin vu l'original prêté par la National Gallery à l'Orangerie ! Tant de fois, i l y a si longtemps, Jean de La Ville de Mirmont en avait exalté devant'moi le luxe et la beauté entrevus sur la pauvre

« reproduction » fichée au mur par quatre •« punaises » ! 0 le soleil couchant, à gauche du tableau, saignant comme le cœur même de la mer demain abandonnée ! 0 surtout le navire glo- rieux et condamné, sa forme superbe apparentée par mon ami disparu à la forme des palais que Claude Lorrain dresse au bord de rades revêtues d'hyacinthe et d'or, et que, de ses deux mains brunes, à travers la fumée de sa cigarette, le jeune poète rebâ- tissait Ô!ans l'air, en un geste pieux que je n'oublierai jamais !

*

**

L'art et le souvenir m'ayant ainsi amené, par une printa- nière journée d'hiver, jusqu'au centre du vieux Paris, comment n'aurais-je pas prolongé quelque peu ma promenade, et aurais-je négligé de me rendre au proche Carnavalet ?

D'abord, tous les chemins du voisinage qui y conduisent offrent à celui que Léon-Paul Fargue appelait « le piéton de Paris » tant d'évocations d'un passé magnifique ou charmant ! De l'île Saint-Louis à la rue de Sévigné, presque en droiture,

(6)

rien que sur. une longueur de cinq cents mètres, je puis notam- ment revoir l'Hôtel de Sens, l'Hôtel de Luxembourg, vingt échantillons de prestigieuse architecture que d'heureux travaux d'urbanisme ont entrepris de remettre en lumière.

Enfin, voué à l'histoire de la capitale, Carnavalet est l'un, de ses musées, non seulement le plus suggestif, je dirais même le plus amusant, mais le plus vivant. Sans cesse il se développe, il croît en intérêt. Sous la direction de son actif et savant con- servateur, M . François Boucher, dernièrement, encore il s'est enrichi de nombreuses pièces dont la moindre est fertile en enseignements ou rêveries pour le visiteur.

Les plus importantes, au point de vue artistique comme au point de vue historique, en sont assurément quatre dessins et esquisses peintes (deux de J.-F. Detroy et J - B . Deshayes, deux de Noël Coypel) exécutés en vue. de plusieurs de ces tableaux qu'à partir de 1673 la municipalité parisienne prit l'habitude de commander à des artistes réputés pour commémorer lés grands événements auxquels avaient pris part les ëchevins.

Toutes ces toiles ont'disparu, sauf une, je crois, de Halle, qui est au Musée de Versailles. La plupart furent victimes des pilla- ges révolutionnaires et des incendies soufferts par l'Hôtel de Ville. Quant aux autres, elles avaient été données vers la fin de l'ancien régime aux descendants de la famille de chaque prévôt des marchands en fonction au moment de l'événement commé- moré. Grâce à cette générosité qui masquait un simple besoin de désencombrer l'Hôtel de Ville, on peut toujours espérer que l'avenir en retrouvera une, de temps en temps, peut-être à Paris même, plus vraisemblablement, j'imagine, en provinc|, soit dans quelqu'un de ces nobles hôtels qui doucement se délitent au fond d'une ruelle de petite ville, soit dans quelqu'un de ces mélancoliques'châteaux de Belle-au-Bois-Dormant où gît l'an- cienne France.

La nouvelle France, celle qui n'a guère aujourd'hui que cent soixante ans, est la mieux évoquée en tous ses aspects par lés récentes acquisitions du Carnavalet. Bien entendu, je ne puis décrire tant d'objets si divers, ni même en dresser une liste. Je ne puis qu'indiquer, sans ordre, quelques-uns de ceux qui pour telle ou telle raison, littéraire, historique, voire pure- ment sentimentale, ont de préférence attiré ma curiosité... Pen- chez-vous sur cette vitrine, regardez cette minutieuse vue de

(7)

Paris prise du côté de Gentilly. Elle est d'un paysagiste de la Restauration et de la Monarchie de Juillet, Langlacé. Dans La Femme de trente ans vous retrouverez dépeints les mêmes hori- zons. Pas une ligne de la très belle description (p. 127, Edition Conard) dont vous ne puissiez contrôler l'exactitude sur le tableautin de Langlacé. Balzac était le maître du vrai, en toutes choses. Le musée Carnavalet nous en offre ici une nouvelle preuve... Arrêtez-vous devant cette table. Certes, le style n'en est point beau. Mais elle est telle enfin qu'en elle-même l'Eter- nité la change. C'est la table de travail d'Alphonse Daudet. Ne suffit-elle pas pour faire lever en votre esprit la vision des vingt- cinq meilleures années littéraires de la seconde moitié du xix' siècle ? Toute une phalange d'écrivains, grands ou curieux, de Flaubert à Jules Renard, s'est attardée au coin de cette table en des causeries avec l'un des artistes les plus sensibles, les plus clairs et les plus humains qui furent jamais... Maintenant contemplez ces portraits. Epoque de la Révolution : ceux, fort séduisants, picturalement, de Lepeletier de Saint-Fargeau et de l'horrible. Chalier. Bacchanale du Directoire : celui de Mme Hamelin, exécuté par Appiani, probablement à Milan où la Merveilleuse avait accompagné Mme Bonaparte. Elle a la mine d'un ange, mais on sait qu'il y a des anges de toutes nuancés et de toutes ailes. Temps du Romantisme : Liszt, peint par Lehmann, le Liszt adoré des femmes et le leur rendant bien, beau en sa redingote, avec sa flottante chevelure, comme Apollon. Règne de Napoléon III : le portrait, également par Lehmann, de Mme Emile Ollivier.

Et puis voici des bustes.

J'ai presque poussé un cri en apercevant.celui de l'acteur Brasseur, des Variétés, par Cappiello. Ainsi que disent les bon- nes gens, i l est parlant. Un gros sourcil en arche de pont, l'œil émerillonné, la bouche tordue, haussant de biais un visage comme giflé par le rire de toute une salle, l'interprète de tant d'aimables comédies lance, de cette célèbre voix enrouée et cui- vrée que l'on croit réentendre, un « mot » d'Alfred Capus ou de Robert de Fiers... En plus de sa valeur de document sur des années où l'on connut aussi la douceur de vivre, quelle est la valeur d'art de cet ouvrage, le seul buste, me dit-on, qu'ait ébau- ché le charmant dessinateur des affiches dont longtemps se fleu- rirent les murs de Paris et de toutes les villes françaises ? Je ne

(8)

saurais me prononcer. Moins vite encore que la peinture, la sculpture livre au profane ses secrets... Et cependant, de ces deux autres bustes exposés dans les nouvelles collections de Carnavalet, dus à Carrier-Belleuse, je me sens à peu près sûr que l'un est un chef-d'œuvre. D'un modelé et d'une vénusté dignes de Pajou, propre à faire penser que son auteur reste, aux yeux de la postérité, trop effacé dans la grande ombre de Carpeaux, i l représente Marguerite Bellangé. On le sait, cette dame de petite vertu fut une des bonnes amies de Napoléon III.

Autant que la comtesse de Castiglione, elle était en détestation à l'impératrice Eugénie. Un soir, la souveraine avait fait mettre la première à la porte des Tuileries. Sans barguigner, un matin, escortée de Mocquard par ordre, elle se rendit chez la seconde.

Elle sonne, elle entre : « Mademoiselle, vous tuez l'empereur ! » Et de sortir en tempête comme elle est arrivée, tandis que la favorite, le souffle coupé, pâme aux bras de ses chambrières...

J'ai toujours fort goûté cette petite histoire. Elle me montre bien certain côté « opérette » du Second Empire ; et, en même temps, l'espagnolisme d'une femme dont les intentions toujours excellentes se traduisirent souvent à l'étourdie, en attendant qu'une longue survie errante la transformât, dans le silence et la douleur, en un personnage shakespearien.

**

Mais, justes dieux, est-il possible que cette Marguerite Bel- langé ait été si jolie avec de pareils ajustements !

A peine entré dans la salle du musée, où ont été groupés les vestiges, récemment recueillis, des élégances féminines au xix8 siècle, je suis, en effet, confondu par le mauvais goût des toilettes du Second Empire. Quoi ! voilà donc le genre de robes qui faisaient trépigner d'impatience, puis d'aise, la princesse Pauline de Metternich, les jours où Worth, en habit noir, venait à l'ambassade d'Autriche lui soumettre respectueusement ses derniers modèles ! A h ! je les aurais crues tout autres, pour avoir tant de fois regardé les photographies de Nadar et de Carjat où mes grand-mères et mes grand-tantes, assises dans un énorme chou de taffetas, s'accoudent à une petite table ovale ou un tronçon de balustrade !... En réalité, ces vêtures étaient laides, de formes, de couleurs, d'ornements.

(9)

Au reste, en parcourant la salle, i l faut se rendre à cette évidence qu'au long de cent années les choses allèrent de moins en moins bien, puis de mal en pis, dans la mode féminine. Elle était belle sous l'Empire. Le fourreau de tulle brodé d'or sur un dessous rose, que nous voyons ici, devait, complété par la chérusque et le diadème, faire une jeune déesse de la marquise de Laborde qui le porta au baptême du roi de Rome. Sous les derniers Bourbons, ladite mode, d'abord assez austère au gré de la duchesse d'Angoulême, égayée vers la fin par la pétulante duchesse de Berry, gardait de l'allure. Embourgeoisée au temps du Roi-Citoyen, elle pouvait être encore fort gracieuse. Nous en apportent la preuve ce petit corsage à manches ballonnées et cette bouffante petite jupe à ras des chevilles, en satin blanc broché, sans aucune garniture, dont notre imagination a vite fait de revêtir Cécile d'il ne ne faut jurer de rien, quand, échap- pée du bal, elle court innocemment, dans la mousse, au rendez- vous de Valentin. Puis, ce qui était, aux lendemains du coup d'Etat, devenu surchargé, compliqué, et, somme toute laid, comme je l'ai dit, devint proprement hideux sous le septennat, pour ne s'améliorer un peu qu'aux approches de 1900... Non, vraiment, pour ma part, je me refuse à croire que les belles pécheresses de Maupassant et de Bourget se soient parées de ces indécentes tournures, de ces fausses hanches monstrueuses, de ces « drapés » de tribunes officielles et' de ciels de lit, de ces passementeries et de ces pompons de fauteuils.

Certes, la beauté des femmes est trop éclatante pour s'amor- tir jamais sous les affronts de la mode ; et d'ailleurs c'est pour- quoi elles la suivent toujours avec tant de piété, quelquefois même de courage. Mais on me dit que présentement les coutu- riers, saisis eux aussi au milieu de leurs tourments de « créa- teurs » par la nostalgie du passé, songeraient à « réveiller », comme ils disent, nombre de ces affligeants colifichets et affu- tiaux en faveur i l y a soixante ans et voire moins. Avec toute la discrétion requise en pareille conjoncture, je me permettrai de donner un conseil à leurs clientes. Qu'elles enjoignent à ces messieurs, avant de leur laisser la bride sur le cou, de se rendre au musée Carnavalet et d'y faire oraison.

MARTIAL-PIECHAUD.

Références

Documents relatifs

L’écopoétique consisterait peut- être bien après tout à penser en même temps, d’un même trait, la vie et la mort (que Gunzig partisan comme d’un autre temps – moins

Les appareils électriques comportant deux bornes sont appelés dipôles. On représente chaque dipôle par un symbole normalisé. et les fils de connexion par des traits horizontaux

On pourra penser à simuler cette expérience sur tableur et pour cela utiliser la commande :. =SI( Test_logique ; Valeur_si_Vraie ;

Christian Poslaniec : On dirait que tu as abandonné Pierrot et Colombine, ainsi que l'encre, en même temps que fermait l'atelier du vieux Mans.. On commence par

quitte, lorsqu'ils ont réussi dans leurs entreprises, à leur faire des funérailles à Westminster, dans le coin des Poètes.. Tout le cœur du Continent africain

« pédagogie montante »), en s’inspirant d’abord des besoins des citoyens (n° 1), en s’interrogeant sur la capa- cité du système de santé à y répondre (n° 2) et en se

Ainsi, la réflexion proposée dans l’ouvrage de Michel Agier ne porte pas seulement sur la ville, mais également sur l’enquête urbaine puisque les connaissances de

• On peut imaginer que le projet permette à Sofiane de s’approprier les notions en lien avec sa question de grand oral :. o Critères de choix