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LA MISE EN PLACE DE LA RÉFORME HABY

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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À L'UNIVERSITÉ

PASCAL ARRIGHI

LA MISE EN PLACE

DE LA RÉFORME HABY

a loi du 11 juillet 1975 « relative à l'éducation », couram- ment appelée « réforme Haby », est entrée en application à la rentrée. Mais seuls les enseignements du cours préparatoire et de la classe de sixième, ainsi que la vie administrative des éta- blissements, sont modifiés. Progressivement, la réforme s'appli- quera à tout le système scolaire, jusqu'au baccalauréat. Peu pré- cise, la loi a été complétée par six décrets relatifs au fonctionne- ment du nouveau système (organisation de la formation dans les écoles, collèges et lycées, comité des parents dans les écoles, organisation administrative et financière des établissements se- condaires, procédures disciplinaires). U n septième décret fixe les conditions dans lesquelles la réforme s'applique aussi à l'enseignement privé.

I l y a peu de changements pour les écoles maternelles et élémentaires. A la maternelle, tout enfant âgé de cinq ans doit pouvoir être accueilli si la famille le demande. A l'école élémen- taire, la formation continue d'être répartie sur cinq niveaux successifs qui recouvrent cinq années : une année de cycle pré- paratoire, deux années de cycle élémentaire, deux années de cycle moyen. Les changements les plus importants concernent les collèges où, à l'issue de l'école primaire, tous les enfants reçoivent une formation secondaire répartie sur quatre années : les classes de sixième et de cinquième forment le cycle d'obser- vation, celles de quatrième et de troisième, le cycle d'orientation.

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A L ' U N I V E R S I T É 407 Les « filières * sont supprimées dès la classe de sixième et « les collèges dispensent un enseignement commun » à tous les élèves.

Les deux dernières années du collège, des options s'ajoutent à l'enseignement commun ; certaines peuvent avoir un caractère professionnel et même comporter des stages. D'autre part, toute la scolarité de ces deux années (à l'issue de la classe de cinquième) peut être accomplie dans des classes préparatoires rattachées à un établissement de formation professionnelle. Après la classe de troisième, et en fonction des décisions d'orientation, les élèves peuvent entrer soit dans un lycée d'enseignement professionnel (qui se substitue au collège d'enseignement technique) pour y pré- parer en deux ans un certificat d'aptitude professionnelle ou un brevet d'études professionnelles, soit dans un lycée pour préparer en trois ans un brevet de technicien ou un baccalauréat. Les structures du second cycle, et notamment de la classe termi- nale, ne sont pas encore précises. O n sait seulement que l'on reviendra au baccalauréat en deux parties. Pour entrer en termi- nale, i l faudra de nouveau avoir réussi la première partie.

a réforme Haby, c'est le titre et la caractéristique de la dernière rentrée scolaire. Depuis le 12 février 1975, où M . Haby présentait les cent quarante-sept pages de ses « Propo- sitions pour une modernisation du système éducatif », qui devaient modifier l'ensemble de notre enseignement, de l a maternelle au baccalauréat, une partie de ce projet ayant été pratiqument abandonnée (celle sur l'enseignement élémentaire) et une autre ajournée (celle sur le second cycle et le baccalauréat), que reste-t-il, pour le moment, de la réforme ? Essentiellement, une réorgani- sation complète de la sixième.

L a réforme aboutit à « décrocher » de plus en plus le premier cycle de l'enseignement secondaire pour en faire la suite normale de l'école primaire. C'est la conséquence logique de la prolongation de la scolarité obligatoire jusqu'à seize ans.

Bien sûr, on le fait sans le dire, et sans paraître donner raison au Syndicat des instituteurs qui est, même s'il s'en défend, l'inspi- rateur et le gagnant de la réforme par les avantages donnés aux

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professeurs de collège issus du cadre des instituteurs et adhé- rents à leur syndicat. Ce syndicat réclame depuis longtemps l'école unique jusqu'à seize ans. I l faut tenir compte de la résis- tance des professeurs du secondaire, de l'attachement de la bour- geoisie française au lycée traditionnel. Mais on y va par petites touches. Les programmes sont allégés. Les manuels de sixième ressemblent de plus en plus à ceux de l'école primaire. Les pro- fesseurs certifiés demeurent dans le premier cycle, mais on peut gager qu'ils seront de plus en plus poussés dans le second, comme le sont déjà les agrégés.

Une des originalités de la réforme consiste dans l'enseigne- ment de soutien. Les élèves de sixième normale qui ont des difficultés à suivre l'enseignement de français, de mathémati- ques ou de langue peuvent bénéficier d'un soutien dans ces disciplines à raison d'une heure par semaine pour chacune.

E n principe, cela ne doit pas durer toute l'année : ceux qui doi- vent recevoir ce soutien sont désignés chaque semaine par leur professeur, qui doit en informer le chef d'établissement et les parents. Les instructions demandent que ces actions de soutien ne soient pas ressenties comme une sanction mais comme une aide, et que les professeurs mettent en œuvre une action psy- chologique et des méthodes pédagogiques adaptées aux difficultés de chacun. Pendant les heures de soutien, les autres élèves de la classe peuvent se consacrer, au collège ou chez eux, à des activités d'approfondissement proposées par le professeur, mais n'anticipant pas sur les programmes de la classe. Ces mêmes instructions préconisent une pédagogie active consistant, pour le maître, à guider les élèves dans leur découverte des connais- sances plutôt qu'à faire une leçon magistrale. Quand on mesure la dégradation de l'enseignement secondaire," les résultats qu'il donne actuellement pour des lycéens qui arrivent dans l'ensei- gnement supérieur sans connaître les règles élémentaires de la grammaire ou de l'orthographe, sans savoir rédiger ou exposer clairement des idées, on peut demeurer sceptique sur les méri- tes de cette « pédagogie active ».

L e ministre a fait le pari que le collège unique peut délivrer un enseignement secondaire de masse, tout en restant de qualité.

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A L'UNIVERSITÉ 409 Il a demandé que les programmes ne soient plus conçus en fonc- tion des seuls « forts en thème ». L e ministre croit pouvoir suppri- mer les redoublements par la réforme en sixième, le collège uni- que, la suppression des filières, le tronc commun, les nouveaux contenus, les procédures d'aide aux élèves en difficulté.

Sans doute, l'unification de l'enseignement jusqu'à seize ans est une évolution irréversible et ses contraintes sont inévitables.

Mais quels que soient les efforts faits pour améliorer le niveau de l'école primaire, l'hétérogénéité du niveau des élèves de douze à seize ans demeurera longtemps très forte, car elle est le résultat cumulé des différences individuelles et des inégalités sociales.

L a réforme Haby prévoit certaines dispositions pour les réduire.

Mais ce ne sont pas quelques heures de soutien prises sur les horaires actuels qui suffiront.

Les syndicats, qui menaçaient de boycotter cette réforme et de recourir à des grèves tournantes, ont obtenu satisfaction sur l'essentiel des problèmes de personnel, et la rentrée a été éton- namment calme. I l n'empêche que le Syndicat national des insti- tuteurs, pour garder la face et ses militants, au mépris de toute honnêteté intellectuelle, a soutenu que l a réforme recréait la sélection sans le dire. Les autres syndicats déclaraient vouloir

« obliger le ministre à des choix clairs », dénonçaient l'appauvris- sement considérable des formations, voire le régime des petits chefs. Toutes affirmations qui sont à la fois les signes d'une politisation à outrance et l'expression d'une opposition sans mesure.

« Comment peut-on être enseignant sans être de gauche ? » Ce fut certainement la phrase la plus frappante de la bataille sco- laire qui s'est développée autour des réformes et, plus encore, à propos de l'enseignement privé. Les formations syndicales qui combattent les décisions du gouvernement sont puissantes.

E n revanche, les organisations modérées ont des moyens d'action limités. L e climat de l'éducation ira en se politisant : les asso- ciations qui occupent les meilleures positions sur le terrain veu- lent la mort du régime ; elles considèrent l'enseignement comme une arme politique. L a rentrée 1977 est déjà pleine des bruits et des éclats de mars 1978. L e parti socialiste affirme que, si la gauche l'emporte, la réforme Haby sera aussitôt suspendue.

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Mais à mesure que les partenaires-concurrents de la gauche étalent leurs ambitions, ils laissent paraître leurs divergences.

E n somme, i l en va pour l'éducation comme pour les autres questions sociales : engagée dans la stratégie de la rupture, la gauche propose des changements si profonds que l'accord sur les solutions de rechange soulève d'immenses écueils. L a sup- pression de la sélection : l'opposition tout entière est pour.

Verbalement du moins. Chacun donne l'illusion de le savoir.

Au-delà des discours, rien ne se dessine concrètement. Ainsi, les polémiques au sein de l'enseignement non seulement nous pla- cent dans une atmosphère électorale, mais encore nous mettent sous les yeux le risque que comporterait une victoire de la gauche : le règne des contradictions.

T 'affaire du dossier scolaire a révélé, une fois de plus, cette marne systématique de s'opposer à tout, y compris aux réfor- mes que l'on a préconisées. Faudra-t-il toujours, dans ce pays, que les membres de l'opposition, dont l'ambition est d'avoir des responsabilités gouvernementales, s'acharnent à faire preuve d'irresponsabilité ? L a polémique autour du dossier scolaire a quelque chose de symptomatique qui illustre le style français de la poUtique : lorsqu'on appartient à l'autre camp, celui des adversaires du gouvernement, l'important est de dénigrer l'action des ministres, à n'importe quel prix. Sans se soucier des contra- dictions, des incohérences et des non-sens. L e climat de rivalité qui enveloppe les formations de gauche pousse à des initiatives militantes. Militantisme au nom duquel tous les moyens sont bons.

Jusqu'à dénoncer aujourd'hui ce qu'on revendiquait hier. René Haby décide-t-il d'instituer un dossier regroupant les informa- tions relatives à la situation scolaire et familiale de chaque élève, aussitôt i l se voit accusé de vouloir organiser une sorte d'inquisition dirigée contre les jeunes. Bientôt l'on dira que

« l'école capitaliste » remplit une fonction spéciale d'information au profit des patrons, l'existence du dossier scolaire devenant l'instrument d'une sélection policière.

Il y a dix ans, souvenons-nous, les mêmes qui comparent enseignants, psychologues scolaires et parents à une armée

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A L ' U N I V E R S I T É 411 d'espions, reprochaient à « l'école capitaliste» de ne pas se préoccuper de la personnalité des élèves, d'ignorer leurs diffi- cultés sociales. L a cible alors, c'était l'examen trimestriel ou annuel : manière horriblement impersonnelle de juger et de hié- rarchiser les enfants. Lors des événements de 1968, les contes- tataires défendirent une nouvelle morale scolaire. I l faut, disaient- ils, que l'école ne soit plus ce lieu anonyme ; enseigner, c'est d'abord comprendre l'adolescent, son passé, connaître ses condi- tions d'existence. E n un mot, s'intéresser à son individualité.

O r qu'est le dossier scolaire sinon, justement, une technique d'ouverture qui devrait conduire les maîtres et les professeurs vers une conception mieux étoffée, moins abstraite, de leurs élèves ? Quand le vacarme électoral aura pris fin, i l sera alors temps d'établir un bilan et de dissiper cette impression de confu- sion qui résulte d'un ensemble de prises de position rarement constructives. I l ne suffira pas d'avoir lancé une réforme. I l faudra la suivre dans son application. Comme on l'avait dit de la paix pour les peuples, l'Education, c'est une création continue.

P A S C A L A R R I G H I

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