REVUE BIBLIOGRAPHIQUE
LA DÉTERMINATION DU SEXE CHROMOSOMIQUE
DANS L’ÉTUDE DE L’INTERSEXUALITÉ ASSOCIÉE A L’ABSENCE DE CORNES CHEZ LA CHÈVRE D’ORIGINE ALPINE
Françoise HULOT Parvathi-K. BASRUR
Station centrale deGénétique animale,
Centre national de Recherches
zootechniques, 7 8- J ouy-en-J osas
Institut national de la Recherche
agronomique
*
Department of
biomedical SciencesUnivevsity of Guelf,
Ontavio - CanadaRÉSUMÉ
Dans les
troupeaux
de chèvresmottes,
les résultats lesplus
récentsacquis
par examen direct decaryotypes
sur culture cellulaire vérifient les conclusionsauxquelles
aboutissaient les étudesgénétiques :
les intersexués et les mâles stériles parhypoplasie
des testicules(ou pseudo- mâles)
sont des femellesgénétiques,
les mâles stériles parblocage
del’épididyme,
avecparfois quelques caractéristiques intersexuées,
sont de vrais mâles.I. -
INTRODUCTION
Dans les races
caprines originaires
desAlpes,
les anomalies telles que l’intersexualité et la stérilité des mâles sontfréquentes
et associées au caractère « absence de cornes !>. L’étude de la transmission héréditaire des différents défauts du tractusgénital
a conduit lesgénéticiens
à
prédire
le sexe des anormaux(L A uVERGNE, 1969).
Afin de vérifier l’exactitude despronostics,
la connaissance de la formule sexuelle s’avérait
indispensable.
Deuxtypes
de travaux ont alors étéentrepris :
recherche sous forme virtuelle du chromosome X dans les noyauxquiescents (tests cytologiques),
identification des hétérosomes dans la cellule en division(test caryologique).
Ils sont décrits dans une
première partie
destinée à rassembler toutes les donnéescytologiques acquises
au cours destemps, puis
discutés dans une secondepartie qui
tend à unesynthèse
des connaissances du sexe
génétique
des anormaux.II. -
RÉSULTATS
A. - Recherches
cytologiques
Les tests
cytologiques
dont les résultatsétaient,
entre 1956 et1964,
utilisés comme cri- tères de définition du sexe de lachèvre,
nereprésentent plus
maintenantqu’un complément.
aux
techniques caryologiques.
L’ensemble des travaux estrapporté
dans les tableaux 1 et 2.I
. La chromatine sexuelle
(ou corpuscule
deB ARR ).
Cette masse de
chromatine, représentant
un des chromosomes X dans les noyauxfemelles,
est
apparente
enparticulier
dans les tissus nerveux avec unefréquence
de 70 à 90% (B ARR
et
B ERTRAM , 1949).
NAKAHARA(1956)
et ONUMA et NISHIKAWA(1963)
ont établi sur 7 et 9 intersexuésrespectivement
desfréquences
voisines de celles caractérisant les femelles normales.Par
contre,
BIELANSKA-OSUCHOWSKA(1960)
détectait 2 mâlesgénétiques
sur 11 intersexués examinés.D’autres
types
cellulaires ont, par lasuite,
étéutilisés,
mais les résultats obtenus sont moins nets. L’observationd’épithélium jugal
par De GROUCHY et al.(1964)
et l’examen deslymphocytes,
de cellules deLeydig,
de Sertoli etépithéliales
par BASRUR et COUBROUGH(1964)
ont
permis
de confirmer le sexe femelle de nombreux intersexués. Parcontre,
les tests de SHORT et al.(1968),
HAMERTON et al.(1969)
sur celluleshépatiques, surrénaliennes,
nerveuses et de SOLLER
et al.
(1969)
sur des frottisd’épithéliums
buccal et vésical sonttrop
peu clairs pourpermettre
uneinterprétation
valable.2
. La détcvmination sexuelle
hématologique.
D AVIDSON
et SMITH
(1954)
ont défini descaractéristiques morphologiques
des noyaux despolynucléaires neutrophiles.
Trois groupesprincipaux
d’excroissances nucléaires sont identifiés : desappendices pédiculés
- A -(drumsticks), caractéristiques
de lafemelle,
desappendices
sessiles - B -
(sessile nodules) plus fréquents
chez les femelles que chez lesmâles,
despetits
clubs — C —
(small clubs)
dominants chez le mâle. Certains auteurs déterminent le sexe d’un individu en évaluant lerapport c
BRANnscH et ERn:uAN(1960)
se sont intéressésplus
C
particulièrement
auxappendices
A et, testant la méthode sur 30caprins
normaux des deuxsexes, ont considéré comme satisfaisante l’identification de 4 de ces éléments chez un individu pour le
juger
«génétiquement
femelle ». LuERs et STRUCK(1960)
par cesprocédés
ont attribué le sexe femelle à 3 intersexués et BRANDSCH(1964)
aréparti
24 intersexués en 18 femelles et 6 mâles.Analysant également
5 mâlesstériles,
ce dernier auteur note les résultats suivants : 2 femelles(hypoplasie testiculaire),
3 mâles(1 : hypoplasie testiculaire,
2 :épididyme anormal).
Pour HAMERTON et al.
(1969),
SHORT et al.(1968)
et SoLI,ER et al.(1969),
les résultats obtenus par cette méthode corroboraient leurs recherchescaryologiques.
B. - Recherches
cavyologiques
Le
caryotype
de la chèvrecomprend
29paires
d’autosomesacrocentriques.
Le chromosomeY, métacentrique
trèspetit,
estparfaitement
décelabledepuis
les travaux de BASRUR et STOLZ(1967).
Le chromosome X doit être identifiable à l’un des
plus longs acrocentriques (1 er,
2e ou3e?)
et
posséderait,
selon EVANS(1964),
un bras très courtqu’il
est encore difficile de mettre enévidence dans toutes les
préparations.
La
plupart
des travaux decaryologie
sur l’intersexualitécaprine
sont récents(à partir
de
1964)
et utilisent latechnique
moderne de culturecellulaire,
enparticulier
celle desleucocytes sanguins.
L’examen des chromosomes sexuels ainsi obtenus apermis
undiagnostic
trèsrigoureux
du sexe des intersexués
(XX
et X Y dansquelques cas)
et des « mâles stériles» (XX
etX Y).
Par
ailleurs,
il a rendupossible
la détection de chimèresXX/XY
que les testscytologiques
n’avaient pas mis en relief. Le détail de ces résultats estcolligé
dans les tableaux 1 et 2.III. -
DISCUSSION
A. - Le sexe
génétique
des intersexués- L’examen des données de
ségrégation qui
accusaient un fort déficit en femelles dans lespopulations
sans cornes avait conduit lesgénéticiens
àfaire l’hypothèse
que les intersexués étaient des femellesgénétiques homozygotes
pour legène
motte. Les résultats de la détermi- nation du sexe par les testscytologiques
etcaryologiques
en vérifient le bien-fondé. Eneffet,
sur un effectif
global
de 151individus,
133 sont effectivement des femellesgénétiques.
-
Cependant,
laprésence inexplicable
dequelques
individus 4 mâles doit être discutée.L’examen, déjà ancien,
de MAKINO(1950), s’appuie
sur l’observation depréparations
sommairesqui
rendent contestable l’identification des hétérosomes. Les résultatsdivergents
deB RANDSCH ,
établis sur la
présence
desdrumsticks,
ne sont pas d’unerigueur
absolue. L’auteur lui-même pense que cettetechnique
n’est pas sûre et ne croit pasg impossible
que tous les intersexuésappartiennent
au sexe femelle selon leur statutchromosomique
».B ASRUR
et
K ANAGAWA ,
dans leur communicationpréliminaire
de1968, rapportent
l’exis-tence de 3 chèvres « intersexuées XY sur 11 examinées. Cette
assertion,
fondée sur des donnéescaryologiques,
concourt à la confusiongénérale
desinterprétations cytogénétiques
de l’inter- sexualité. Lesdescriptions anatomiques
données en 1969 sur ces mêmesanimaux,
soulèvent leproblème
de leur exacteterminologie.
Eneffet,
par certainsaspects,
ces 3 «intersexués » méritent d’être inclus dans lacatégorie
des « mâles stériles t avec défautsépididymaires
décritspar SOLLER et al.
(1969). Cependant,
ces mêmes animaux exhibentquelques signes
certains d’intersexualité tels que l’absence depénis
et laprésence
d’un utérus.- Par
ailleurs,
les individusXX/XY
sontégalement
des femellesgénétiques
mais leur intersexualité estindépendante
du caractère motte et attribuable aufreemartinisme, phéno-
mène connu dans d’autres
espèces.
Seul l’animal de PADEH et al.(1965),
néunique, provien-
drait de la fécondation
dispermique
d’un ovuledigynique.
Selon différentsauteurs,
la propor- tion de ces individus chimères nereprésente qu’un
faiblepourcentage parmi
les intersexués.Le
gène
motte P reste laprincipale
source de trouble dudéveloppement
sexuel des femelleshomozygotes.
B. - Le sexe
génétique
des mâles stérilesDes travaux
déjà
anciens d’auteurs allemands avaient conduit à la distinctionanatomique
de deux
types
de mâlesstériles,
les uns caractérisés par unehypoplasie
destesticules,
les autresapparemment
normaux mais atteints d’unblocage
du transitépididymaire.
L’étude de la trans- mission de cetteanomalie, également
associée augène
motteP,
a abouti à l’élaboration de 2hypothèses :
lespremiers
seraient des femellesgénétiques
PP à masculinisationpoussée,
lesseconds des mâles
génétiques
PP.Les résultats de BnwrrnscH
(1964)
ne vérifient quepartiellement
cettehypothèse
maisla relative validité de la
technique
utilisée adéjà
étéexposée.
Toutes les étudescaryologiques portant
sur un total de 4 mâles àhypoplasie
testiculaire et 19 mâles à atteintesépididymaires
corroborent
parfaitement
lespronostics génétiques.
Les
problèmes
determinologie
des a mâles stériles» rejoignent
ceuxévoqués
à propos des intersexués. Ainsi les individus XY de BASRUR etKwrtwGwww,
discutésprécédemment,
semblentdevoir être classés dans ce
chapitre.
Parailleurs,
certains « intersexués » XX de HAMERTON et al.(1969)
seraientsusceptibles
d’êtrequalifiés
par d’autres auteurs de «mâles stériles ».IV. -
CONCLUSION
Les examens
cytologiques
etcaryologiques
confirment dans l’ensemble leshypothèses génétiques.
Desimprécisions
subsistent encore en cequi
concerne l’anatomie des diverses caté-gories d’anormaux,
les définitions entre l’intersexualité et les différentes formes de stérilité mâle devant être totalement révisées. Il seraitsouhaitable,
sur lesproduits
de croisements mottes contrôlésgénétiquement,
de réaliser simultanément des études d’anatomie ethistologie génitales rigoureuses,
de biochimie hormonale sexuelle et decaryologie.
Reçu
pourpublieation
en novembre 1969.SUMMARY
GEN$TICAI, SEX DETERMINATION IN THE STUDY OF INTERSEXUAI,ITY LINKED WITH AORNI,ESSNESS IN THE GOAT OF ALPINE ORIGIN
The
object
of thisreport
is togather together
and to discuss thecytogenetic knowledge
amassed so far on sex anomalies associated with the
polled
trait ingoats.
Studies on
intersexuality
and malesterility
have led anatomists andgeneticists
to makeseveral
predictions
on thegenetic
sex of the abnormal animals. In order toverify
these pre-dictions,
the exact nature of the sexanomaly
in the affectedgoats
and theircytogenetic
sex haveto be ascertained.
Earlier, cytogenetic
tests reliedentirely
on suchparameters
as the sex chromatin of theinterphase
nuclei and the drumstick of thepolymorphonuclear neutrophils.
Since
1964,
a more reliableapproach
to thediagnosis
ofgenetic
sex has been followedthrough
the use of cell culture and more
frequently
blood culture method for the deleniation of sexchromosomes in
metaphase spreads.
The results of all these
studies,
summarized in thetables, support
thepredictions
of gene- ticists ongoats
with sex anomalies. Amajority
of the intersexes(133
out of 151 casesexamined)
were
genetic
females on the basis of theircytological
sexdetermining
mechanism. Some intersexgoats
were « freemartins » as confirmedby
chimerism for XX and XY cells in thehemopoietic
tissues and a few were
genetic
males with XYtype
sexcomplements.
« Male» goats
with sex anomalies include at least 2 distinctcategories :
the XX individuals with testicularhypoplasia (pseudo-males)
and XY individuals withepididymal
defectsand /or varying degrees
of inter-sexual modifications such as the absence of a
penis
and the presence of a uterus.Some
degree
of confusion still existsregarding
the identification andgrouping
of theabnormal animals in these
categories
on the basis of anatomic criteria. Theambiguity
in theliterature
regarding
thecytogenetic
and anatomic sex of the affectedgoats
may be attributable to the lack of common anatomic criteria fordistinguishing
« intersexes » from« pseudo-males
»and « sterile males ».
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