ÉVACUATION STOMACALE COMPARÉE DU LAIT
ET DU YOGHOURT CHEZ LE RAT
R. ROZEN
W. LOISEL Laboratoi
y
e d’Études des
Qualités biologiques
des Aliments de l’Homme,Centre national de Recherches
zootechniques,
78 -Jouy-en-Josas
SOMMAIRE
Des rats adultes
reçoivent,
par intubationgastrique
ou paringestion,
l’un ou l’autre des pro- duits suivants :- lait à 130g de matière sèche et 10g de matière grasse par litre,
- yogourt, obtenu à
partir
du laitprécédent
par action de fermentslactiques
sélectionnés.Les animaux sont sacrifiés à divers intervalles de temps, et on détermine les
quantités
de ma-tière sèche
présentes
dans le contenu de l’estomac.1
0 Le lait
quitte
l’estomac avec unerapidité remarquable, quel
que soit le mode d’administra- tion : environ 25 p. 100de laquantité
donnée sont évacués au cours despremières
minutes, 5o p. 100 dans lapremière demi-heure,
75 p. 100dans la Ire heure.Après ingestion,
la relationqui
lie laquantité
de matière sècheprésente
dans le contenu de l’es-tomac
(y,
enmg)
au temps écoulédepuis l’ingestion
(t, enminutes)
est, durant les 3premières
heures,une fonction
semi-loganthmique :
2
0 Le yogourt est évacué de l’estomac un peu
plus
lentement que le lait,lorsqu’ils
sont donnéspar intubation.
Dans le cas de
l’ingestion,
l’évacuation du yogourt ne se fait pas suivant une loisimple.
Elleest d’abord
plus
lente que celle du lait : i heureaprès l’ingestion,
il reste dans l’estomac g6 p. 100de laquantité
de matière sèche initiale du yogourt(au
lieu de zç p. 100pour lelait).
Puis elle se faitau même
rythme
que celle du lait. Enfin, elle s’accélère et l’évacuationgastrique
du yogourt se termineplus
tôt que celle du lait.INTRODUCTION .
Les connaissances sur le transit des différents
types
de lait dans le tubedigestif
sont peu avancées et peu
précises.
Les
cliniciens
et lesphysiologistes
se sont attachés surtout à comparer les moda- lités de ladigestion
du lait de vache et du lait maternel chez lejeune
enfant : on saitque le
premier
donne dans l’estomac uncoagulum
ferme etcompact,
moins facile-ment
attaqué
par le sucgastrique
que lecoagulum
diflluent formé par le lait defemme. Ce
phénomène, joint
aupouvoir
neutralisant trèsmarqué
du lait devache, explique
pour unelarge part
que l’évacuationpylorique
de ce lait soitplus
lente que celle du lait maternel. Différents traitements ont étéproposés
pour obvier à cesinconvénients,
enparticulier
les traitementsthermiques
-qui
abaissent la « tension » ducoagulum
-,l’homogénéisation,
le passage surpermutite
en vue d’abaisser le taux du calcium paréchange d’ions,
etc.Quelques
auteurs ont tenté récemment depréciser
cesnotions,
en étudiantl’évacuation
gastrique
de diverstypes
de laits. Leursobservations, résumées
dansle tableau i, sont malheureusement peu nombreuses.
Ainsi,
dans la discussion du travail où ils montrent que l’évacuationgastrique
du
yogourt
estplus
lente que celle du lait. BALZOLA et al.(ig6i)
écrivent : « Nous n’avons découvert dans l’immense littérature concernant leyoghourt
aucune donnéeprécise quant
à larapidité
de l’évacuationgastrique
- et SOMOGYI(ig6o)
confirmecette absence -
depuis
les travaux de TOBLER datant de190 6.
En «marquant
» leyoghourt
par de labaryte,
ou en effectuant desprélèvements fractionnés,
cet auteurtrouve que les laits
fermentés quittent plus
tôtl’estomac,
etaprès
Von NOORDEN( 1 )
tout le monde
répète
cette affirmation. »Il nous a donc paru intéressant d’effectuer une étude
comparée
de l’évacuationgastrique
du lait et duyoghourt,
en utilisant le Rat. Il est évident que, dans un teldomaine, l’expérimentation
sur l’animal nepeut
se substituercomplètement
auxobservations sur l’Homme : mais elle
permet
de recourir à des méthodesplus pré-
cises et
peut
donc fournir des indicationsprécieuses
pour l’orientation de nouvelles recherches sur l’Homme.MISE AU POINT
D’UNE MÉTHODE D’ÉTUDE
Un essai
préliminaire
a étéréalisé
en vue dedéterminer :
- les
possibilités
d’étude du transitdigestif
du lait parprélèvement, Post-
mortem, du contenu de l’estomac et de l’intestin duRat ;
- les modalités
d’application
de la méthode.1
.
Technique
L’essai porte sur
3 6
rats Wistar mâles pesant de 220à z5o g, soumisdepuis
le sevrage à unmême
régime
alimentaire(biscuits
« Extralabo »).Après
unjeûne
de 24 heures, 6 d’entre eux sont sacrifiés pardécapitation.
Les 30autres ratsreçoivent,
par intubationgastrique ( 2 ),
6 ml de lait reconstitué àpartir
d’unepoudre
à 26 p. 100de matière grasse(soit
748 mg de matièresèche)
etporté
à latempérature
de 20°C ; ils sontpartagés
en6 groupes de 5
sujets qu’on
sacrifierespectivement
3minutes, Iheure,
2heures,
4heures et 8 heuresaprès
l’intubation.) VON NOORDEN et SALOMON
(I920!.
_ _ _ (2
) Les stress provoqués par la
décapitation
et par l’intubation risquent évidemment d’influer sur la vi-dange de l’estomac. Il en est de même de toute méthode de sacrifice ; la décapitation a été choisie parce qu’elle provoque une mort rapide. Quant à l’intubation, elle permet de relever avec précision le moment de l’admi-
nistration (instant zéro) ; ses effets seront comparés plus loin à ceux de l’ingestion.
Une minute
après
ladécapitation
dechaque
animal, on pose despinces
de Kosher au niveaudu cardia, du
pylore,
de lajonction duodéno-jejunale (visible
très facilement chez leRat)
et avantle cxcum. On
dégage
le tubedigestif,
on le lave extérieurement à l’eau distillée et on recueille dans des boîtes tarées le contenu de l’estomac(incisé
lelong
de lagrande courbure),
du duodénum et du reste dugrêle,
enrinçant
abondamment(mais
avecprécaution)
à l’eau distillée.Les contenus
digestifs (auxquels
onjoint
les eaux delavage)
sontdéshydratés
à gs! dans une étuve ventilée,jusqu’à poids
constant.2
. Résultats et conclusions
Les résultats de l’essai sont réunis dans la
figure
i.On voit que, chez les rats
qui
ontjeûné
24heures,
l’estomac ne contientplus qu’une
faiblequantité
de matière sèche. Enrevanche,
cettequantité
est encore élevée dans legrêle,
duodénumcompris (compte
tenu de la faiblecapacité
de cedernier) (1) .
Chez les rats
qui
ont reçu dulait,
l’évolution du taux de matière sèche au coursde la
digestion
est très différente au niveau des troissegments
étudiés.L’évacuation
del’estomac,
trèsrapide
audébut,
devient deplus
enplus
lente avec letemps ;
8 heuresaprès l’intubation,
le taux de matière sèche est àpeine supérieur
au taux debase. Dans le
duodénum,
3 minutesaprès l’intubation,
le taux de la matière sèche( 1
) Dans la suite du travail, le taux de matière sèche dosé dans le tube digestif du Rat à jeun depuis
24heures sera appelé taux de base ». Il est dû pour une part à la présence de substances endogènes, mais il s’explique aussi par la présence de résidus provenant de repas antérieurs, surtout dans l’intestin.
est deux fois et demie
plus
élevé que le taux debase ;
mais il s’abaissevite
et ne variepratiquement plus pendant
la fin de l’étude. Dans le reste dugrêle,
le taux dematière
sèche est élevé dès lapremière détermination,
mais il varie peu au coursdes
4 pre-mières heures ; après
8heures,
ilcorrespond
au taux debase.
D’autre part,
il estintéressant
desouligner
que lavariabilité individuelle
des résultats estbeaucoup plus importante
auniveau
du duodénum et dugrèle qu’au
niveau de l’estomac.
Il a paru
possible
de tirer de ces résultatsquelques
conclusions utiles pour la mise aupoint
duprotocole
de l’étudeexpérimentale proprement
dite.1
0 L’étude
post mortem
de lacinétique de
lavidange
stomacale du laitparaît plus
facile àinterpréter
que celle de son transit dansl’intestin.
Il a donc été décidé de n’étudier
comparativement
le transitdigestif
du lait etcelui du
yogourt qu’au
niveau de l’estomac.2
0 On
peut
sedemander
si larapidité
aveclaquelle
le lait passedans
leduodé-
num est
normale,
ou si elle est due aux conditionsd’expériences (dose élevée,
moded’administration).
Quelques
déterminationscomplémentaires
réalisées sur des rats recevant par intubation 3ml de laitsuggèrent
effectivement que l’évacuationpylorique pendant
les
premières
minutes est accéléréelorsque
la dose de lait administrée est élevée(tabl. 2 ).
Il a donc été décidé de n’administrer que 3 ml de lait ou de
yogourt
aux ani-maux dans l’étude
expérimentale.
Quant
au moded’administration,
il a paru intéressant de réaliser deuxexpé-
riences :
-
l’une, comportant
l’intubation desproduits étudiés,
en raisonde l’avantage
que
présente
l’évaluationprécise
de l’ « instant zéro o ; ;-
l’autre, comportant l’ingestion spontanée
desmêmes produits,
les animauxétant entraînés à consommer
leur ration
dans un délaiaussi
bref quepossible.
3
0
Dans la dernièreexpérience
- laplus intéressante
-, le nombred’animaux
à sacrifier a été fixé à 9par
point expérimental (au
lieu de 5 dans l’étudepréliminaire)
ÉTUDE
DEL’ÉVACUATION
DEL’ESTOMAC APRÈS
ADMINISTRATION DE LAIT OU DE YOGHOURT PAR INTUBATION
I
. Protocole
expérimental
a) Caractéristiques
desproduits
étudiés.Le yogourt est
généralement préparé
en France àpartir
d’un laitprivé
d’unegrande partie
de ses matières grasses et renforcé en matière sèche par addition de lait écrémé en
poudre.
Pour entenir compte, les deux
produits
administrés aux animaux ont étépréparés
dans les conditions sui- vantes :- Le lait est obtenu en
mélangeant
enproportions
convenables deuxpoudres
« instantanées »préparées
elles-mêmes àpartir
de lait exemptd’antibiotiques :
l’une à 26 p. 100de matière grasse, l’autre à o,5p. 100de matière grasse( 1 ).
Lemélange
est dilué avec laquantité
d’eau nécessaire pour que le lait reconstitué contienne 130 g de matière sèche de 10g de matière grasse par litre. Ce lait est ensuite chauffé à 850Cpendant
19minutes( 2 ).
SonpH
est en moyenne de 6,60(6, 52
à6,66).
Une
partie
de ce lait est refroidierapidement
à 200C et administrée au 1erlot d’animaux.Yoghourt.
- L’autrepartie
du laitprécédent
sert à lapréparation
duyoghourt,
selon le modeopératoire
décrit par VASSAL. Le lait, maintenu à45 °C, reçoit
un inoculum d’une culture deSt y ep-
tococcus
thermophilus TJ (i
p.100 )
et d’une culture de Lactobacillusbulgaricus
LY3(i
p.100 ).
Cescultures ont subi en deux
jours
quatrerepiquages
successifs àpartir
de cultures-stocks conservées à - 20°C.L’incubation se
poursuit
durant 4heures dans un bain-marie à45 °C.
LepH
duproduit
obtenuatteint en moyenne 4,95
( 4 , 90
à5, 10 ).
Ceproduit
est conservé à 4°Cjusqu’à
son utilisation, le lende- main ou le surlendemain de lapréparation.
b)
Animaux.L’expérience
porte sur 59rats Wistar mâles pesant environ 25o g, recevantdepuis
le sevrage la même alimentation(biscuits
«Extralabo»).
c)
Déroulement del’expérience.
Les animaux sont
préparés
par unetechnique s’inspirant
de celle de PERAINOet al.( 1959 )
pour que ledegré
de vacuité du tubedigestif
soit sensiblement le même chez tous les rats, on les entraîne à consommerchaque jour
leur rationcomplète
en 4heures(de
8 h 30à 12h30 ) ; pendant
le reste dela
journée,
ils nereçoivent
que de l’eau. L’entraînement ne demande que 8jours lorsque
les animaux sontplacés
à l’obscuritépendant
lapériode
d’alimentation et à la lumière de 12 h 30à 8 h 30 le len- demain. Pendant les 3premiers jours, ils
se sous-alimentent etperdent
dupoids ;
mais dès le huitièmejour.
ils sontparfaitement
accoutumés aurythme
d’alimentationimposé
et ont retrouvé leurpoids
initial.
Les rats sont alors soumis à un dernier
jeûne,
l’eau de boisson leur étant retirée à 18 heures Le lendemain, à 8 h 30, huit d’entre eux sont sacrifiés pardécapitation,
tandis que les autresreçoivent
par intubation 3 ml de lait ou de yogourt
(soit
420 mg de matièresèche) portés
à 200C. Les ratssont
répartis
en groupes de 4 ou 5sujets qu’on
sacrifie 3 minutes, 30minutes, 1 heure,2 heures,4heures et 8 heures
après
intubation.Le
prélèvement
du contenu stomacal et la détermination du taux de la matière sèche sont réa- lisés de la même manière que dansl’expérience préliminaire.
( 1
) L’étude sur animaux ayant été
répartie
sur plusieurs semainses, l’utilisation des mêmespoudres
pour préparer tous les échantillons de lait (etde yoghourt) a paru préférable à l’utilisation de lait frais.
( 2
) Traitement thermique appliqué dans l’industrie du lait destiné à la préparation du yoghourt. Son but
est de détruire en forte proportion la flore bactérienne banale avant l’ensemencement.
2
. Résultats
D’après
le tableau 3, lesquantités
de matière sèche trouvées dansl’estomac
àtous les stades de la
digestion
sontlégèrement plus
élevées chez lessujets qui
ontreçu du
yogourt
que chez ceuxqui
ont reçu du lait.Mais, compte
tenu dupetit nombre de
valeursindividuelles correspondant
àchaque point
de lacourbe,
les diffé-rences observées ne sont pas
significatives (comparaison
parle test du t de Student).
Il est
difficile
de dire sila quantité
dematière sèche présente
dansl’estomac
diminue
exponentiellement
au cours dutemps.
ÉTUDE
DEL’ÉVACUATION
DEL’ESTOMAC APRÈS
INGESTION DE LAIT OU DE YOGHOURTI
. Protocole
expérimental
a) Caractéristiques
desproduits
étudiés.Le lait et le yogourt sont obtenus de la même manière que dans
l’expérience précédente.
Le
pH
du lait au moment de l’administration est en moyenne de 6,60(6, 55
à6,6 5 )
et celui du yogourt de 4,95(4,90
à5, 00 ).
b)
Animaux.L’expérience
porte sur 124rats Wistar mâles pesant environ 270 g, recevantdepuis
le sevrage des biscuits a Extralabo »:c)
Déroulement del’expérience.
Les animaux sont soumis à un entrainement
qui
vise à leur faire consommerchaque jour,
dansun délai de 4heures
(8
h 30à 12h30 ) :
- d’abord 3 ml de lait ou de yoghourt ;
-
puis, lorsque
ces 3 ml sont entièrement consommés, lecomplément
de leur ration sous forme de biscuits(ad libitum).
Pour
que
le lait et le yoghourt soientingérés
en peu de temps, l’accès à l’eau de boisson est sup-primé pendant
les 14heuresqui précèdent
la distribution des deuxproduits (de
18 h 3o au lende-main 8 h 30 ).
L’entraînement
exige
unequinzaine
dejours.
Pendant les 3premiers,
les rats se sous-alimententet
perdent
dupoids.
Ensuite, ils prennentprogressivement
l’habitude de consommer le lait et leyoghourt en
quelques
minutes, s’accoutument aurythme
d’alimentationimposé
et retrouvent leurpoids
initial.Le
jour
dusacrifice,
certainssujets
sontdécapités après
un dernierjeûne,
tandis que les autresreçoivent
leur ration habituelle de lait ou de yogourt(soit
environ q.zo mg de matièresèche)
et sontsactifiés
après 5 minutes,
30minutes, i heure, 2heures, 3heures, 4heures(délais
calculés en consi-dérant le moment de la distribution du lait ou du
yoghourt
comme « instant zéro»).
2
. Résultats
D’après
le tableau 4,l’évacuation
dulait
estd’abord plus rapide
que celle duyogourt :
si bien que, durant i h et demieenviron,
c’est dans l’estomac dessujets ayant
consommé duyogourt qu’on
trouve laplus grande quantité
de matièresèche.
Ensuite,
lephénomène
s’inverse(prélèvement après
2heures),
mais les deuxcourbes se
rejoignent
finalement(prélèvement après
3heures).
Les différences entre les deux groupesd’animaux comparées
parle
test dut de Student,
sont :- non
significatives
pour la Ire détermination( 5 minutes)
et pour les deux dernières( 3
het 4 h) ;
-
hautement significatives
pour toutes les déterminations faites entre 30 mi- nutes et 2heures(au
seuil de P = o,oiaprès
30minutes,
de P = 0,02après
i heureet
après
2heures).
Ces différences sont
plus
faciles àinterpréter lorsque
l’évolution duphénomène
est
représentée
en coordonnéessemi-logarithmiques (fig. 2 ).
Pendant les 3 pre- mières heures de ladigestion,
il existepour
le lait unecorrélation négative
très élevéeentre la
quantité
de matière sècheprésente
dansl’estomac
et lelogarithme
dutemps
écoulé
depuis l’ingestion. L’équation
derégression est : y
=44 8, 3
- 177,4log
t oùy
représente
laquantité
de matière sèche en mg, autemps
t en mn, avec r = -o, 99 8 (significatif
au seuil de P =o,oi).
L’ordonnée àl’origine
de cette droite(soit 44 8) correspond
sensiblement à laquantité
de matière sècheprésente
dans l’estomacaussitôt
après l’ingestion ( 20
mg de matière sèche résiduelleaprès
20 heures dejeûne -!-
422 mg reçus sous forme de lait ou deyoghourt) ( 1 ).
Quant
à l’évacuation stomacale duyoghourt,
elle nes’exprime
pas par une loisimple.
DISCUSSION
1
0 Le lait introduit dans l’estomac par intubation ou par
ingestion spontanée
en est évacué avec une
rapidité remarquable.
Il ne semble pas que ce
phènomène - déjà
observé par BECCARI( 1957 )
chezle
Cobaye ―
résulte d’unepoussée
excessive du contenu stomacal sur lepylore,
dueelle-même à l’état de
réplétion
de l’estomac : ce dernierpeut
contenir unequantité
de
liquide
biensupérieure
à laquantité
de laitadministrée,
sans être anormalement distendu. Il estplus probable
que le lait secomporte
à la manière de l’eau.qui
fran-chit le
pylore
presque instantanément.2
° Pendant les deux
premières heures,
lesquantités
de matière sèche retrouvées dans l’estomac sont un peuplus
élevées chez les animaucqui
ont reçu du lait par intubation que chez ceuxqui
l’ontingéré
normalement.Toutefois,
les différencesne sont pas
significatives,
en raison de la fortedispersion
des valeurs obtenues dans le cas del’intubation,
et dupetit
nombre desujets
intubés.( 1
) Le raisonnement n’est cependant pas tout à fait justifié, puisque l’ingestion du lait et du yogourt n’est pas instantanée.
De toute
manière,
nous ne retrouvons pas les résultats de VOROBIEW et Kous-IŒ
NKO
( 1935 ) :
chez le Chienporteur
d’une fistulegastrique,
ces derniers observaient que l’évacuationpylorique
du lait administré par intubation estplus rapide
que celledu lait
ingéré
Ils attribuaient cette différence au fait que, dans le cas del’intubation,
l’absence des réflexes dus au
lapage
et à la succion entraîne une diminution de laquantité
de sucgastrique
sécrétée.3
0
Nos observations sont en désaccord avec l’affirmationclassique
selonlaquelle
les laits fermentés
quitteraient
l’estomacplus rapidement
que le lait( 1 ).
Mais elless’accordent avec celles de BALZOLA et al.
(ig6i) qui,
parradiographie,
observentchez l’Homme une évacuation
plus
lente duyoghourt pendant
les deuxpremières
heures.
Il n’est pas facile
d’interpréter
les différencesobservées,
dans leprésent travail,
entre l’évacuation stomacale du
yoghourt
et du lait chez les animauxqui
ontingéré
ces
produits ( 2 ).
Bien
qu’il
ne soit pas aussi fluide que lelait,
leyoghourt
distribué aux animauxpeut
encore être considéré comme unliquide :
il franchit lepylore
aussi vite que le laitpendant
lespremières
minutes.Ensuite,
le transit des deuxproduits
se différencie : dans unepremière phase,
le
yoghourt
est évacuéplus
lentement que lelait ; puis
les deuxproduits quittent
l’estomac sensiblement à la même vitesse. Dans une dernière
phase,
lephénomène
s’inverse et le
yoghourt
est évacuéplus rapidement
que le lait.Finalement,
à consi- dérer lephénomène
dans sonensemble,
ilapparaîtrait
que leyoghourt quitte
l’es-tomac
plus rapidement
que lelait,
alorsqu’en
réalité les courbes d’évacuation sont très dissemblables.La connaissance de l’évolution du
pH
du contenu stomacal au cours de ladiges-
tion des deux
produits
aideraitpeut-être
àinterpréter
ces résultats. Eneffet,
selon lesconceptions
anciennes de CANNON l’ouverture dusphincter pylorique
serait com-mandée par l’acidité du
chyme,
et sa fermeture par le contact même duchyme
acideavec la muqueuse duodénale : toutefois ces
conceptions
sontaujourd’hui
très com-battues. D’autre
part,
onpeut
se demander si lepH
n’influe pas sur laqualité
ducoagulum, qui
doitjouer
elle-même dans l’évacuation de ce dernier.Dans une nouvelle série
d’expériences,
nous avons donc l’intention de suivre l’évolution dupH
du contenu stomacal au cours de ladigestion
du lait et duyoghourt.
4
° L’étude
de l’évacuation stomacale de la matière sèche des aliments ne donnequ’une
information d’ensemble sur leur transit dansl’estomac, puisque
les diffé- rents constituants de la matière sèche ne sont pastoujours
évacués simultanément.Dans le cas
présent,
onpeut
se demander si la matière sèche évacuée dès lespremières
minutes ne serait pas constituée enmajeure partie
par les constituants en solution dans lelait,
- comme le lactose et leslactoprotéines
-, la caséine et les matières grassesenglobées
dans lecoagulum quittant
l’estomacplus
tardivement.Il serait intéressant en
particulier
de déterminer la valeur durapport azote/ma-
tière sèche du contenu stomacal aux divers stades de la
digestion
du lait et du yo-ghourt.
( 1
) Voir à ce sujet l’introduction.
( e
) Il ne sera question ici que de la comparaison lait-yoghourt après ingestion. Dans le cas de l’intubation,
on a vu que les différences observées entre le transit des deux produits sont peu marqués et non significatives.
5
°
Dans l’état actuel desconnaissances,
nous ne saurions dire dansquelle
mesurela
rapidité
aveclaquelle
le lait introduit dans un estomac en état de vacuité en estévacué,
constitue pourl’organisme
unavantage,
et dansquelle
mesure elle entraîne pour lui des inconvénients. Nous ne saurions dire nonplus
si lesparticularités
propresau transit du lait et à celui du
yogourt peuvent
êtreinvoquées
en faveur de l’unou l’autre des deux
produits.
Chez
l’Homme,
la brièveté duséjour
des aliments dans l’estomacpourrait
favo-riser en
particulier
l’activité dans lapériode qui
suit les repas( 1 ) :
cette considérationpratique
n’est pas sansintérêt,
à uneépoque
où la« journée
continue n -n’impliquant qu’une
brèveinterruption
dans lajournée
de travail - tend à sedévelopper.
Mais,
d’autrepart,
il ne faut pas sous-estimerl’importance
del’étape gastrique
dans les processus
digestifs.
Dans le casprésent,
si la matière sèche évacuée dès lespremières
minutes dans le duodénum est forméeprincipalement
de lactose et d’acidelactique,
ladigestion
du lait et duyoghourt
nepeut
en être affectée défavorable- ment.En revanche,
si ellecomprend
aussi une forteproportion
deprotéines,
il devientnécessaire de se demander si ces dernières ont été suffisamment
préparées
auxétapes
ultérieures de leur
digestion.
Sur ce
point
encore, la détermination de l’évacuation durapport azote/matière
sèche du contenu stomacal au cours du
temps
fournirait d’utiles informations.Reçu
pourpublication
enjanvier 19 6 7 .
REMERCIEMENTS
Nous adressons nos vifs remerciements à M. VASSAL,
Ingénieur
à l’I. N..R. A. dont les conseilsnous ont
permis
de mettre aupoint
les conditions dechauffage
et de fermentation du lait.Nous remercions
également
les Établissements France-Lait,qui
nous ontprocuré
les échantillons de lait enpoudre
utilisés dans ce travail.SUMMARY
COMPARED STOMACH-EMPTYING OF MILK AND YOGURT IN THE RAT
Adult rats were
ingested
or stomach-intubated either milkcontaining
I3o g ofdry
matter and10g of fat per liter or yogurt obtained
by
selected lactic ferments from the same milk. The animalswere
slaughtered
at various intervals afterfeeding
and the amounts ofdry
matter in the stomachswere estimated.
I
. - Gastric
emptying
of milk is veryfast,
whatever wary it isgiven :
ag p. Ioo of thegiven
amount had
emptied
from the stomach within Io minutes, 5o p. 100within half anhour, 7 6
p. 100wit- hin I hour.The amount of
dry
matterremaining
in the stomach(y mg)
is for the first 3hours asemi-loga-
rithmic function of the time
elapsed
sincefeeding (t minutes) :
( 1
) Voir CAUSERET(1957).
2
. - Gastric
emptying
of intubated yogurt is slower, but theemptying
ofingested
yogurt isnot a
simple
function of the timeelapsed
sinceingestion.
At first, it was slower than milkemptying : 3
6
p. 100of thegiven
amount of yogurtdry
matter remained in the stomach one hour afteringes-
tion versus 24p. 100for milk. Then, the rate of
emptying
increased so that yogurt hadtotally emptied
from the stomach eallier than milk.RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
BALZOLA F., KINCSÈs A., DEMOLE M., ig6i L’influence d’un coagulant du lait sur l’évacuation gastrique,
et son utilisation dans le traitement de l’obésité. Nutr. Dieta, 3, 65-74.
BECCARI E., 1957. La velocità di svuotamento dello stomaco nelle cavia. Bol. Soc. ital. Biol. sper., 33, 5
2 3-5 2 4- CAUSERE
T J., 1957 . Nutrition et capacités physiques. Bull. Soc. sci. Hyg. aliment., 45, Icr57.
CORNWELL G. G., KILLENBERG P. G., I965. The effect of a low fat, low calorie synthetic nutrient (Metrecal)
on gastric secretion and emptying in man. Amer. J. digest. Dis., 10, 22-30- E
BEL D., Ig53. Die
Magennenteerungszeit
von normaler und homogenisierter Kuhmilch im Sauglings undKindesalter. Z. Kinderheilk, 72, 342-346.
FETTE
R D., SCHLUTZ F. W., Ig35. Digestion of milk and of a modified milk in vivo. Amer. J. Dis. Child.
50, II07-III2.
Güx2LAFF W., JOCHIMS J., 1954. Über Magenverweildaner und Labfàhigkeit von Sterilmilch. Z. Kin-
derlzeilk., 74, 547-552.
NOORDEN (C. Von), SALOMON Il., 1920. Handbuch der Ernâhrungslebre. Allgemeine Didielik, vol. I,
p. 2yo et 280, Springer, Berlin.
PERAINO C., ROGERS Q. R., YOSHIDA M., CHEN L. M., HARPER A. E., I959. Observations on protein digestion in vivo. Canad. J. Biochem. Physiol., 37, I475-I49I.
SO M O
GYI J. C., 1060. Ernahrungsphysiologische Aspekte der Somermilchprodukte. Nzily. Dieta, 2, 39-46.
ToBLER L., Igo6. Über Magenverdanung der Milch. Dtsche Med. Vschr., 32, 1645.
VASSAL L., Ig64. Étude sur le lait destiné à la fabrication du yoghourt. (communication personnelle).
VOROB
IEW A. M., KOUSHENKO S. T., I935. Activité sécrétrice et évacuatrice de l’estomac de jeunes chiens
dans les différents régimes alimentaires (en russe, résumé français). Med. Exp. Llkr., nOI2, 73-83.