Tom Williams, Notice ‘Wehrmacht et prostitution’, in Jean-François Muracciole,
Guillaume Piketty (dir.), Encyclopédie de la Seconde Guerre mondiale, Paris, Robert Laffont, collection « Bouquins », à paraitre 2015.
Wehrmacht et prostitution
Alors que le régime national-socialiste condamne moralement la prostitution au sein du Reich, il est jugé nécessaire, conformément à l’idéal de virilité guerrière, de fournir aux soldats un exutoire sûr à leurs supposés besoins sexuels, afin, notamment, de prévenir des comportements jugés déviants tels que l’homosexualité. Les autorités militaires contrôlent donc la prostitution dans le cadre de maisons closes réservées aux soldats et officiers et criminalisent la prostitution clandestine. Cette politique duelle, prévue par un décret du ministère de l’Intérieur du Reich du 9 septembre 1939, vise à limiter les contacts avec les civiles pour des raisons de sécurité militaire, d’ « hygiène raciale » et pour prévenir la diffusion de maladies vénériennes.
Un système de bordels militaires est instauré en France occupée (dès juillet 1940), ainsi qu’en Belgique, Norvège, Pologne, Roumanie, Grèce, Union Soviétique, et en Italie. Les modalités de recrutement des femmes et le degré de contrainte imposée varient selon les contextes locaux. Si la prostitution clandestine est interdite et ses dangers constamment rappelés, les soldats contrevenant ne sont pas sévèrement punis. Les prostituées clandestines, à l’inverse, risquent d’être enfermées ou expulsées. Les relations sexuelles entre civiles et soldats en échange d’argent ou de nourriture constituent cependant une réalité quotidienne, en particulier dans les régions comme l’Ukraine où de nombreuses femmes, démunies, y voient leur seul moyen de survivre.
Car la diffusion de maladies vénériennes est perçue comme une menace pour la santé du peuple allemand et surtout pour l’efficacité militaire, les prostituées enregistrées sont régulièrement inspectées par des médecins officiers sanitaires. L’usage de préservatifs et la désinfection dans les « Sanierstuben » après tout contact sexuel sont obligatoires, mais les soldats s’en abstiennent couramment. Tenus d’identifier la « source de contagion », les malades accusent souvent à tort les prostituées des bordels militaires pour couvrir le recours illicite à une prostituée clandestine. Les femmes suspectées d’infection sont contraintes à un examen médical, voire hospitalisées de force.
• Insa Meinen, Wehrmacht et prostitution sous l’Occupation (1940-1945), Payot, 2006, traduit de l’allemand par Beate Husser
• Regina Mühlhäuser, Eroberungen: Sexuelle Gewalttaten und intime Beziehungen deutscher Soldaten in der Sowjetunion, Hamburg, Hamburger Edition, 2010